4 Anneaux et Corps
1 Anneaux et idéaux
1.1 Rappel sur la définition
La définition des anneaux est bien connue. Commençons par une remarque : dans un anneau,
l’addition est toujours commutative (cela fait partie de la définition), mais il n’est pas imposé que
la multiplication soit commutative : les anneaux de matrices (carrées) en sont un exemple, ainsi
que les anneaux d’endomorphismes. Nous décidons de nous limiter aux anneaux commutatifs
(et aux corps commutatif), mais nous signalerons de temps à autre ce qui se passe pour des
anneaux non commutatifs. Par contre pour nous, et contrairement à d’autres auteurs, un anneau
contiendra toujours un neutre pour la multiplication.
1.2 Éléments particuliers d’un anneau commutatif
On notera 0Aet 1Ales deux neutres d’un anneau A.
Proposition 47. 0Aest absorbant : pour tout aA,0×a= 0.
1AÓ= 0Asauf si Aest réduit à 0(anneau nul).
Si on note al’opposé de a, on a :
a= (1)a, (a)b=a(b) = (ab)etc..
Définition 20. Un élément ad’un anneau est inversible s’il existe a1dans l’anneau tel que
aa1=a1a= 1. On dit également que c’est une unité 1.
Proposition 48. L’ensemble A×des éléments d’un anneau qui sont inversibles est un groupe
pour le produit.
Démonstration. L’essentiel résulte du calcul :
abb1a1= 1A
Une propriété utile pour les calculs :
Définition 21. aAest régulier si
(x, y)A2,(ax =ay)(x=y)
1. Dans un anneau non commutatif, un élément peut n’être inversible que à gauche ou que à droite.
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4 Anneaux et Corps
Cette propriété est moins forte que l’inversibilité car
Proposition 49. Si aAest inversible, alors aest régulier.
Démonstration.
(ax =ax)(a1(ax) = a1(ax)) x=x
La notion «contraire» est également utile.
Définition 22. Un élément ad’un anneau Aest un diviseur de zéro, s’il est non nul, et s’il
existe bnon nul tel que ab = 0.
Proposition 50. aAest non nul et non diviseur de zéro si et seulement si il est régulier.
Démonstration. Supposons anon nul et non diviseur de zéro
(b, b)A2, ab =aba(bb) = 0 b=b
et dans l’autre sens, si ab = 0, on a ab =a0, donc si aest régulier, b= 0 et an’est pas diviseur
de zéro.
L’ensemble des réguliers peut contenir strictement l’ensemble des inversibles, c’est par exemple
le cas dans Z. Parmi les anneaux connus :
1. Les inversibles de Zsont 1et 1. Les éléments réguliers sont tous les éléments non nuls.
2. Les inversibles et les réguliers de Z/nZsont les kkest premier à n.
Terminons ces généralités par deux définitions :
Définition 23. Un anneau commutatif non nul est intègre s’il n’a pas de diviseur de zéro.
Un anneau commutatif non nul est un corps commutatif si tous ses éléments non nuls sont
inversibles.
Comme un inversible n’est jamais diviseur de zéro, un corps est intègre.
Théorème 51. Si Aest un anneau fini, alors Aest intègre si et seulement si Aest un corps.
Démonstration. On a déjà dit qu’un corps est intègre. Supposons Afini, et considérons, pour
aAnon nul, l’application xÔ→ ax. C’est une application de Adans A. Puisque Aest intègre
elle est injective : ax =ay x=y. Puisque Aest fini elle est bijective : cela implique que 1A
admet un antécédent, aest inversible.
1.3 Sous-anneaux
Si Aest un anneau, un sous-ensemble non vide Best un sous-anneau de As’il est un sous-anneau
pour les mêmes opérations, et avec le même élément neutre 1A= 1B2. On vérifie facilement
que :
Proposition 52. Best un sous-anneau de Asi et seulement si
(x, y)B2, x +yB, xy B.
2. Si An’est pas l’anneau nul, {0A}n’est donc pas un sous-anneau de A.
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1 Anneaux et idéaux
xB, xB.
1AB.
L’intersection d’une famille non vide (Bi)iIde sous-anneaux de Aest un sous-anneau de A, ce
qui permet de donner la définition :
Définition 24. Si Aest un anneau et Xun sous-ensemble non vide de A, le sous-anneau de A
engendré par Xest l’intersection des sous-anneaux de Aqui le contiennent. C’est aussi le plus
petit anneau de Aqui contient X.
Par exemple, si Aest l’anneau des fonctions définies sur Rà valeurs dans R, le sous-anneau
des fonctions polynômes est le sous-anneau engendré par la fonction xÔ→ x, le sous-anneau des
polynômes trigonométriques est le sous-anneau engendré par les fonctions xÔ→ sin xet xÔ→ cos x.
De même, Dest un sous-anneaux de Q.
1.4 Morphismes
Comme on définit des applications linéaires, on peut définir des applications entre anneaux qui
préservent les opérations.
Définition 25. Soit Aet Bdeux anneaux. Un morphisme d’anneaux est une application
f:ABtelle que, pour tout (a, b)de A2:
f(a+b) = f(a) + f(b), f(ab) = f(a)f(b), f(1A) = 1B
On vérifie facilement qu’on a également : f(0A) = 0Ben calculant f(0A+ 0A). Un exemple de
morphisme de C[X]dans lui-même : P(X)Ô→ P(X+a). Par contre P(X)Ô→ P(X)2ne définit pas
un morphisme d’anneaux. Remarquons qu’on ne peut déduire f(1A) = 1Bde f(ab) = f(a)f(b).
Proposition 53. Soit fun morphisme d’anneaux de Adans B. Alors :
Si Cest un sous-anneau de A,f(C)est un sous-anneau de B.
Si Dest un sous-anneau non nul de B,f1(D)est un sous-anneau de A.
Deux cas particuliers, avec les mêmes notations :
Définition 26. Le noyau d’un morphisme est Ker(f) = f1(0) ; son image est Im(f) = f(A).
L’image est un sous-anneau mais pas le noyau en général (exception avec l’anneau nul). De
plus :
Proposition 54. Un morphisme d’anneaux fde Avers Best injectif si et seulement si Ker f
est réduit à {0}. Il est surjectif si et seulement si Im f=B.
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4 Anneaux et Corps
1.5 Idéaux
Il se trouve que la notion de sous-anneau n’est pas la plus riche ni la plus intéressante : en
particulier, elle ne permet pas de définir des quotients car la relation d’équivalence ab
abBn’est en général pas compatible avec le produit lorsque Best seulement un sous-anneau
de A. Pour définir des quotients, il faut utiliser des idéaux (dans le cas non commutatif, il faudra
des idéaux bilatères).
Définition 27. Si Aest un anneau commutatif, un sous-ensemble non vide Is’appelle un idéal
si :
xI, yI, x +yIet xI
aA, xI, ax I
Notons que {0A}et Alui-même sont des idéaux. On les appelle parfois idéaux triviaux, les
autres sont des idéaux propres. Un exemple particulièrement intéressant est donné par la défini-
tion :
Définition 28. Soit aA. On appelle idéal principal engendré par al’ensemble des multiples
de a. Il est noté aA, ou plus rapidement (a).
Pour que cette définition soit acceptable, il faut vérifier que c’est un idéal, ce qui est immédiat.
Nous connaissons les idéaux de Zet de K[X], ils sont tous principaux. Donnons un exemple dans
K[X, Y ]: l’ensemble des polynômes sans terme constant est un idéal propre de K[X, Y ].
Remarque 5.Un idéal est forcément un sous-groupe pour l’addition. En ce qui concerne la
multiplication, la contrainte est différente que pour un sous-anneau, mais on ne demande pas
que 1Asoit dans l’idéal.
Par contre :
Proposition 55. Si un idéal de Acontient une unite (=un inversible) alors cet idéal est Atout
entier.
Démonstration. Si Acontient uinversible d’inverse u1, il contient u1u= 1Apar la seconde
propriété, donc a=a1Aaest quelconque, toujours par la seconde propriété.
Pour prolonger la fin de la remarque :
Proposition 56. Un anneau AÓ={0}est un corps si et seulement si il ne contient aucun idéal
que les idéaux triviaux.
Démonstration. Si Aest un corps, tout idéal non nul contient un inversible, donc coïncide avec
A. Réciproquement, soit aun élément non nul de A. Alors Aa = (a)est un idéal non nul donc
coïncidant avec A. Comme Acontient 1A, il existe atel que aa= 1A,aadmet un inverse.
Les idéaux ont aussi des propriétés vis-à-vis des morphismes :
Théorème 57. Soit f:ABun morphisme d’anneaux commutatifs. Alors,
Si IAest un idéal de A, alors f(I)est un idéal de l’anneau f(A).
Si JBest un idéal de B, alors f1(J)est un idéal de A.
En particulier, le noyau d’un morphisme d’anneaux est toujours un idéal.
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1 Anneaux et idéaux
Démonstration. Attention à la différence entre les deux cas, image directe et image réciproque.
Regardons le premier cas : si jet jsont dans f(I),bdans f(A), alors il existe iet idans I et
adans Atels que :
j=f(i), j=f(i), b =f(a)
Comme fest un morphisme et Iun idéal, on a :
jj=f(ii)f(I), bj =f(ai)f(I)
Remarquer que l’image de In’est pas forcément un idéal de B. La suite de la démonstration est
immédiate. Enfin, le dernier point découle de ce que {0}est un idéal.
1.6 Anneaux quotients
Dans ce paragraphe, nous allons généraliser dans un anneau quelconque la construction faite
pour l’anneau Z/nZou dans les quotients de K[X]. À tout idéal on peut associer une relation
définie par :
xyxy∈ I
Proposition 58. est une relation d’équivalence, compatible avec les opérations.
Démonstration.
1. 0∈ I, d’où la réflexivité. Si on suppose xy, alors xy∈ I donc (xy)∈ I et yx,
la relation est symétrique. Enfin,
xy
yz<;xy∈ I
yz∈ I <(xy) + (yz)∈ I
et xz, la relation est transitive.
2. Si xxalors xy xyet si yyalors xyxy. Et donc
xxet yyxy xyxy
On vérifie de même que :
xxet yyx+yx+y
Il est alors possible de considérer l’ensemble des classes d’équivalence, c’est ce qu’on appelle
l’anneau quotient, noté A/I, et de le munir d’une structure d’anneau :
Théorème 59. Les classes d’équivalence sont de la forme a+I, abrégé en as’il n’y a pas
d’ambiguïté.
Si on pose a+b=a+bet a b =ab, ces opérations sont bien définies.
A/Iest alors un anneau d’éléments neutres 0et 1.
L’application π:AA/Idéfinie par aÔ→ aest appelée projection. C’est un morphisme
surjectif dont le noyau est I.
Démonstration.
Si baalors il existe i∈ I tel que ba=id’où ba+I, et réciproquement.
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