LES ANEMIES INDUITES PAR LES MEDICAMENTS M. AROCK 2013 Définition d’une Anémie Diminution du taux d’hémoglobine H < 130 g/L F < 115 g/L F enceinte < 110 g/L Nouveau né < 135 g/L Enfant 1 an < 110 g/L Le taux de globules rouges et l’hématocrite ne permettent pas le diagnostic d’anémie Enfant 10 ans < 115 g/L VGM-CCMH-TCMH Valable Chez un sujet normohydraté Fausse anémie par hémodilution Ú volume plasmatiqueÙ dilution de l’hémoglobine ex : grossesse, insuffisance rénale et cardiaque, splénomégalie, hyperprotéinémie, cirrhose anémie masquée par une hémoconcentration ex : déshydratation Définition d’une Anémie Taux hémoglobine identique Nombre de Globules rouges élevé mais microcytaires Nombre de Globules rouges bas mais macrocytaires Symptomatologie 4 signes principaux Pâleur Asthénie Tachycardie Dyspnée d’effort adaptation Céphalées, vertiges, acouphènes, mouches volantes, coma, palpitations, œdème malléolaire Symptomatologie L’apparition et l’intensité des symptômes sont fonction de 3 facteurs Intensité de l’anémie Vitesse d’installation Terrain sur lequel elle survient : âge, état cardiovasculaire Hb: 5 g/dL ou 50 g/L : pâleur cutanéomuqueuse si installée en 1 an chez un sujet de 20 ans Hb : 9 g/dL : mal toléré si installée en quelques minutes chez une personne âgée en insuffisance coronarienne Symptomatologie Signes spécifiques à un type d’anémie Ictère cutanéomuqueux : Anémies hémolytiques Troubles neurologiques, glossite : Maladie de Biermer PICA Syndrome : grande carence martiale Causes d’anémie-Mécanismes 2 grandes causes Anomalie de production des GR dans la moelle Excès de Destruction des GR dans le sang circulant Origine centrale Origine périphérique Causes centrales 1. Défaut de production des GR par la moelle osseuse Moelle envahie : leucémies, métastases Développement excessif de tissus osseux ou fibreux Atteinte de la cellule souche hématopoïétique aplasie médullaire, hypoplasie, érythroblastopénie Production inefficace, dysplasique Syndrome myélodysplasique Causes centrales 2. Déficit en substances nécessaires à la synthèse de GR ou d’hémoglobine Déficit en fer Déficit en vitamines : B12, Folates, C, D, B2, B6 Déficit en facteurs hormonaux : érythropoïétine, hormones thyroïdiennes, testostérone Causes centrales 3. Destruction excessive des érythroblastes dans la moelle osseuse Dysérythropoïèse congénitale Trouble de la synthèse de l’hémoglobine: thalassémie Syndrome myélodysplasique Causes périphériques Hémorragies Hémolyses Hémolyse corpusculaire Congénitales (sauf HPN) Anomalie de l’hémoglobine Déficit en enzyme de la glycolyse Anomalie membranaire Hémolyse extracorpusculaire Acquises Immunologiques Non immunologiques : venins, parasites, valves cardiaques, médicaments DIFFERENTS TYPES D’ANEMIES MEDICAMENTEUSES I - ANEMIES HEMOLYTIQUES 1- Immuno-Allergiques 2- Liées à un déficit en G6-PD II- ANEMIES MACROCYTAIRES (NB: anémie par hémorragie liées à un surdosage en anticoagulant) I - ANEMIES HEMOLYTIQUES INDUITES PAR LES MEDICAMENTS INTRODUCTION Mécanisme des anémies hémolytiques induites par les médicaments (AHIM) : - Immunologique : .AHIM auto-immunes liées à des autoAc anti-GR (Alphaméthyldopa). .AHIM immuno-allergiques liées à des Ac dirigés contre le médicament et/ou ses métabolites (Pénicillines) •Les AHIM immunologiques représentent 10,3% à 18% des anémies hémolytiques acquises. - Non immunologique : .En cas d'anomalies congénitales des GR (déficit en G6PD ; Hb instable...) . Syndrome Hémolytique et Ur émique (SHU): immunosuppresseurs (ciclosporine, tacrolimus, OKT3 : muromonabum-CD3, quinidine), antiagrégants plaquettaires (ticlopidine et clopidogrel) et cytostatiques (mitomycine-C, cisplatine, bléomycine), dont la gemcitabine PHYSIOPATHOLOGIE DES AH IMMUNOALLERGIQUES Médicaments Réadministration formation d'Ac anti médicaments hémolyse. 1- Apparition de l'immunisation - Médicaments de PM < 1000 d = haptènes - Porteur : protéine de membrane cellulaire ou protéine plasmatique - L'immunogène : médicament et/ou ses métabolites - Interaction stable ou labile. 2- Production des Ac anti-médicaments (AAM) Immunogénicité Classe : IgG, IgM, IgA 3- Formation de complexes médicament - AAM Lors de la réadministration du médicament lui-même ou d'un produit de structure voisine (réaction croisée). En phase liquide ou sur le GR. 4- L'hémolyse : En réalité : mécanisme univoque à conséquences plurielles : 1ère étape : interaction in vivo médicament - GR (stable ou labile). 2ème étape : production d'Ac de 3 types - Ac dirigés contre le médicament - Ac dirigés contre des structures communes médicament / membrane du GR. - Ac indépendants du médicament et reconnaissant essentiellement ou uniquement les structures membranaires du GR. DIAGNOSTIC CLINIQUE • Tableau d'hémolyse aiguë ou subaiguë à prédominance IV. + signes secondaires extra-hématologiques + IRA, troubles de la coagulation • Tableau d'hémolyse modérée à prédominance IT • Rarement purpura thrombopénique, neutropénie, œdème cutané ou éruption déclenchés par un médicament. • Découverte systématique : hépatite, tubulonéphrite, médicament réputé immunogène. • Interrogatoire : médicaments, chronologie. • Évolution le plus souvent favorable à l'arrêt du médicament. • Parfois tableau sévère avec évolution fatale. • Diagnostic difficile si accident au décours d'une transfusion. • Tableau souvent plus grave lors de toute nouvelle introduction du médicament. DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE Le test de coombs direct (TCD) AGH (antiglobuline humaine) polyspécifique AGH monospécifique : anti-IgG, anti-Cpt anti-IgM, anti-IgA Le TCD peut être positif Il peut se négativer à distance de la prise médicamenteuse TECHNIQUES IMMUNO-HEMATOLOGIQUES TEST DE COOMBS Mise en évidence d’Ac fixé sur une hématie (coombs direct) ou libre dans le sérum (Coombs indirect) à l’aide d’un sérum-test antiglobuline humaine. Réactif reconnaissant spécifiquement des Ig et/ou des fractions du compl ément. Recherche des AAM Dans le sérum du patient et l'éluat de ses globules rouges Deux méthodes : • Recherche des AAM agissant par le mécanisme « immun complexe » Sérum du patient ou sérum AB frais (témoin négatif) + Solution de médicament ou ses métabolites + GR O compatibles x 1-2 h 37°C (traités ou non par enzyme) • Recherche des AAM agissant par le mécanisme "médicament absorbé" sérum ou éluat + x 1h à 37° C GR O traités par le médicament Détermination d'une éventuelle spécificité de l'AAM Laboratoires de recherche GR informatifs DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL • Clinique : Les autres anémies hémolytiques non immunoallergiques (corpusculaires ou extra corpusculaires). • Test de Coombs direct : AHAI Adsorption non spécifique. MEDICAMENTS INDUCTEURS D'AH IMMMUNOLOGIQUES TRAITEMENT Traitement de l'accident hémolytique • Arrêt du médicament en cause ++ • Transfusion de culots de GR dans les formes sévères • Corticoïdes transitoirement Prophylaxie • Interrogatoire ++ • Rejet absolu du médicament incriminé et de tout autre produit de structure chimique similaire. II - Déficit en G6PD et Médicaments • • Déficit en Glucose-6-Phosphate déshydrogénase Aussi appelé favisme/crise hémolytique aiguë • Très fréquente ( environ 400 000 000 atteints) – 2 à 12 % des noirs américains – 10 à 30% des noirs africains – Pourtour méditerranéen Déficit en G6PD • Enzymopathie érythrocytaire la plus fréquente • Crises hémolytiques aiguës faisant suite à l’ingestion de fèves ou de médicaments oxydants • Principalement des sujets mâles. • Noir avec des maladies moins sévères que les méditerranéens ou les asiatiques • Transmission liée au sexe: • Homme porteurs sont hémizygotes (XD Y) – Donc toujours cliniquement atteints • Femmes hétérozygotes (XDX) – L’expression est nulle ou discrète • Femmes homozygotes (rares) (XDXD) – Enzymopénie majeure Physiopathologie • Si déficience en G6PD, l’oxydation consomme rapidement tous les stocks de glutathion réduit (GSH), qui faute de NADPH ne peut être recyclé. • Substances oxydantes s’attaquent aux composants cellulaires: formation de radicaux libres => Destruction cellulaire Sévérité de l’anémie : classification des déficits G6PD selon les variants Clinique • 1-Hémolyse par agression oxydative – C’est habituellement la présentation classique – Généralement induite par l’ingestion de fèves ou par la prise de médicaments oxydants » Rôle moins clairs de l’infection ou du diabète …. • Signes de l’hémolyse aiguë » Faiblesse, nausées, céphalées, douleurs abdominales et hémoglobinurie » Noirs; médicaments oxydant, moins sévères » Blancs; plus sévère Clinique – 3 phases • Déglobulisation » anémie, splénomégalie, fièvre » Anémie modérée, maximale vers le 10ème jour • Réparation (Même si le médicament n’est pas arrêté) » Correction de l’anémie en 3-4 semaines et réticulocytose de 25 à 50% • Équilibre » Raccourcissement de la durée de vie des hématies sans anémie (persistance d’une légère hémolyse) – Les premiers GR hémolysés sont les plus vieux, ceux qui réapparaissent ou les plus jeunes contiennent habituellement plus de G6 -PD Clinique » Classe 1 Sévère ( Activité plus ou moins 0) » Classe 2 Grave ( Activité < 10 %) » Classe 3 Modérée ( Activité entre 10 à 60%) • Chute brutale de l’hémoglobine en 1-2 jours • Forte réticulocytose après quelques jours Clinique • 2- Anémie hémolytique chronique non sphérocytaire – Forme plus rare, touche toutes les populations. – Agressions oxydatives rencontrées par le globule dans la circulation normale sont suffisantes pour créer une hémolyse – L’anémie hémolytique y est modérée à sévère – Prise d’un agent oxydant exacerbe gravement l’hémolyse Diagnostic • Crise hémolytique aiguë chez patient d’origine méditerranéenne, africaine ou asiatique, faisant suite à l’ingestion de fèves ou à la prise de médicament oxydant. • Présence de corps de Heinz Corps de Heinz: Spontanément ou en présence d’un oxydant: Précipitation de dérivés oxydés de l’hémoglobine Diagnostic 1) méthode quantitative précise de dosage de la G6PD (spectrophotométrie). Consiste à quantifier la réduction du NADP en NADPH en présence de glucose6-phosphate et de l'hémolysat. Le dosage est perturbé (activité quasi normale) : – en pleine crise hémolytique – après transfusion Si réticulocytose élevée : Production accrue de G6PD peut fausser le résultat. Doser alors l’hexokinase. Si G6PD normale avec hexokinase élevée : penser à déficit en G6PD masqué par réticulocytose élevée. 2) méthodes semi-quantitatives de dépistage ou de screening de masse. Le test le plus utilis é consiste à faire incuber un hémolysat en présence de glucose-6phosphate (G6P) et de NADP, puis à en déposer une goutte sur un papier filtre et à l’examiner à lalumière ultra -violette (UV). La production de NADPH est attestée par l’apparition d’une tâche fluorescente. 3) PCR et techniques moléculaires : dépistage, et aussi identification des variants (épidémiologie moléculaire) Traitement • Pas de traitement spécifique • L’anémie se corrige par transfusion et suppléments d’acide folique. • L’arrêt de la prise de l’agent oxydant est primordiale. • Splénectomie inefficace Liste de médicament mis en cause dans les crises hémolytiques du déficient en G6PD. Anti-inflammatoires non stéroïdiens: Acétanilide, amidopyrine (aminopyrine), antipyrine, aspirine, phenacétine, probénicide, pyramidone. Antimalariques: Chloroquine, hydroxychloroquine, mépacrine (quinacrine), pamaquine, pentaquine, primaquine, quinine, quinocide. Antibactériens: Chloramphenicol, co-trimoxazole, dapsone, furazolidone, furméthonol, acide nalidixique, néoarsphénamine, nitrofurantoïne, nitrofurazone, acide para-aminosalicylique, sulfacetamide, sulfamethoxypyrimidine, sulfanilamide, sulfapyridine, sulfasalazine, sulfisoxazole. Antiarythmiques: Procainamide, quinidine. Divers : Alpha-méthyldopa, acide ascorbique, dimercaprol (BAL), hydralazine, mestranol, bleu de méthylène, acide nalidixique, naphthalène, niridazole, phénylhydrazine, bleu de toluidine, trinitrotoluène, vitamine K (hydrosoluble), pyridium. III - Anémies macrocytaires induites par les médicaments ANEMIE et VGM > 100 fl Macrocytaire Numération des réticulocytes Déterminer l’origine de l’anémie Bilan étiologique Adapter un traitement adéquat Principales causes d’anémies macrocytaires 2 origines à la macrocytose Anémies très régénératives Réticulocytes élevés Anémies des dysérythropoïèses : maturation anormale des érythroblastes dans la moelle Réticulocytes bas Mécanismes de la macrocytose des anémies non régénératives Altération de la synthèse de l’ADN noyau Ralentissement des mitoses Augmentation des mitoses qui avortent cytoplasme Synthèse de l’Hb est normale Le seuil de 32% est atteint dans les délais habituels provoquant un arrêt des mitoses Mécanismes de la macrocytose des anémies non régénératives Asynchronisme entre la maturation du noyau et du cytoplasme Il y a eu moins de 4 mitoses lorsque la concentration en Hb dans le cytoplasme atteint 32% Le volume de la cellule reste plus élevé MACROCYTOSE Anémies macrocytaires non régénératives quelles causes ? Carences en vitamine B12 ou Folates : anémies mégaloblastiques myélodysplasies Autres causes : alcoolisme, hypothyroïdie… 2-1. Anémies mégaloblastiques Macrocytaire : VGM > 100 Généralement VGM > 110 (130) Moelle : mégaloblastes (érythroblastes anormaux).Très grande taille, asynchronisme de maturation nucléocytoplasmique (trouble de la synthèse de l’ADN) Atteinte des autres lignées médullaires (altération des mitoses) : pancytopénie Lignée Granuleuse Globules blancs diminués dans le sang Anomalies morphologiques des précurseurs médullaires : métamyélocytes géants Anomalies morphologiques des leucocytes sanguins : PN hypersegmentés (> 6 lobes) Plaquettes Diminuées dans le sang Anomalies morphologiques des mégacaryocytes : hypersegmentés Myélogramme dans les anémies mégaloblastiques – Moëlle riche dite « bleue » è inefficace – Asynchronisme de maturation nucléo-cytoplasmique – Erythroblastose, mégaloblastes, chromatine anormale perlée – Défaut de maturation, hémolyse intra-médullaire – Métamyélocytes rubané s Etiologies 2 grandes causes d’anémies mégaloblastiques Carence en vitamine B12 Carence en folates Altération de la Synthèse d’ADN Carence en Acide folique • Inhibition de la deshydrofolate réductase : améthoptérine (méthotrexate), triamtérène (teriam), trimethoprim (bactrim) • Anticonvulsivants : hydantoïne (Dihydan) Carence en vitamine B12 • Plus rares • Anticonvulsivants (hydantoïne) • Colchicine, néomycine, antidiabétiques : perturbent l’absorption de vitamine B12 2-3. Autres causes médicamenteuses d’anémie macrocytaire Médicaments antimitotiques Anémie macrocytaire sans carence en vitamines Médicaments interférant avec la synthèse d’ADN (anticancéreux) Antipurines : 6mercaptopurine, azathioprine Antipyrimidines : 5-fluorouracile, hydroxyurée