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réfléchir et de nous interroger sur ce qui vraiment mérite d’être poursuivi dans l’existence pour
atteindre la vie bonne, il n’est ni trop tôt, ni trop tard pour se livrer à un tel exercice[3]. En cela
Épicure rejoint, dans une certaine mesure, le conseil que donne Marc Aurèle dans ses Pensées de
vivre chaque jour comme si c’était le dernier. Ce qui peut s’interpréter comme l’expression de la
nécessite de toujours vivre chaque instant comme un accomplissement plein et entier de notre
existence et qui pourrait peut-être se rapprocher du carpe diem préconisé par un épicurisme
postérieur à Épicure lui-même.
C’est d’ailleurs pour vaincre la peur de la mort qu’il faut répondre à l’urgence de philosopher et
pouvoir ainsi mettre en œuvre le tetrapharmakon - le quadruple remède – dont la doctrine se
trouve résumée dans les quatre énoncés suivants : 1) Les dieux ne sont pas à craindre, 2) la mort
n’est pas à craindre, 3) Le bonheur est accessible, 4) On peut vaincre la douleur.
Le problème, c’est que ce tetrapharmakon est peut-être aussi un quadruple poison – le terme
pharmakon désignant en grec le remède et le poison – il faut donc user avec discernement, sinon
on risque fort de transformer une doctrine du plaisir en un ascétisme négateur de la vie elle-même.
L’épicurisme n’est pas en effet une invitation à une jouissance sans limite, cette interprétation
relève plus d’une caricature forgée par ceux qui ont cherché à le dénigrer. L’épicurien recherche
d’abord le plaisir en repos afin d’atteindre l’ataraxie – l’absence de trouble de l’âme – c’est
pourquoi il suffit pour Épicure d’apaiser la faim et la soif et de vivre entouré d’amis pour être
heureux. Ainsi un peu de pain et de fromage accompagné d’une cruche d’eau peuvent suffire au
bonheur du sage. Cela dit, s’ils peuvent suffire, à aucun moment Épicure n’interdit de profiter de
mets plus délicats si l’on peut en disposer, en revanche il enseigne à ne pas se plaindre lorsqu’il
manque. C’est pourquoi le tetrapharmakon peut aussi être un quadruple poison, car mal interprété,
il pourrait être compris comme un ascétisme.
Épicure rejoint ici Spinoza qui dans le scolie de la proposition XLV d’Éthique IV condamne les
contempteurs du plaisir qu’il qualifie d’envieux pour nous inviter à jouir avec mesure des plaisirs
de l’existence, c’est-à-dire sans aller jusqu’au dégoût, autrement dit en évitant de transformer le
plaisir en souffrance :
Il est, dis-je, d’un homme sage de se refaire et recréer en mangeant et buvant de bonnes choses
modérément, ainsi qu’en usant des odeurs de l’agrément des plantes vertes, de la parure, de la
musique, des jeux qui exercent le corps, des théâtres, et des autres choses de ce genre dont
chacun peut user sans aucun dommage pour autrui.
Faut-il voir dans ces activités que recommande ici Spinoza une invitation au divertissement dont
Pascal nous dit qu’il n’est qu’un palliatif à la misère de notre existence ? Ce serait mal
comprendre la pensée de Spinoza qui, loin d’être une dénégation de notre condition d’être mortel,
est avant tout un expression de la puissance même de la vie, puissance, certes limitée, puisque
nous succomberons tous aux causes externes qui nous agressent et nous conduiront à la mort[4].
C’est d’ailleurs en ce sens que Spinoza ne nie pas la dimension tragique de l’existence
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