Théorie constructive élémentaire des modules projectifs de type fini Henri Lombardi (1), Claude Quitté (2) (Brouillon. 2002) Résumé Nous étudions par des méthodes élémentaires et constructives la structure des modules projectifs de type fini. ... Déterminants ... Théorème de caractérisation locale ... idéaux de Fitting ... Groupe de Picard ... Quillen Suslin ... MSC 2000 : 13C10, 13B10 Mots clés : Modules projectifs de type fini, Matrices de projection, Idéaux de Fitting, Mathématiques constructives. Table des matières Introduction 3 1 Motivation 4 1.1 Les pgcds idéaux en théorie des nombres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 1.2 Le module des champs de vecteurs sur une variété compacte . . . . . . . . . . . . . . . 4 1.3 Le module des formes différentielles à coefficients polynomiaux sur une variété affine lisse 7 2 Préliminaires 2.1 Modules de présentation finie . 2.2 Anneaux locaux . . . . . . . . . 2.3 Modules projectifs de type fini 2.4 Modules plats . . . . . . . . . . 2.5 Généralités sur la localisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 Décomposition canonique d’un module projectif de type fini 3.1 Systèmes fondamentaux d’idempotents orthogonaux . . . . . . . . . 3.2 Déterminant d’un endomorphisme d’un module projectif de type fini 3.3 Le dual et l’annulateur d’un module projectif de type fini . . . . . . 3.4 Modules de rang constant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.5 Décomposition d’un module projectif de type fini . . . . . . . . . . . 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 11 15 17 19 22 . . . . . 24 24 24 28 29 30 Équipe de Mathématiques, UMR CNRS 6623, UFR des Sciences et Techniques, Université de Franche-Comté, 25030 BESANCON cedex, FRANCE, email: [email protected] 2 Laboratoire de Mathématiques, SP2MI, Boulevard 3, Teleport 2, BP 179, 86960 FUTUROSCOPE Cedex, FRANCE, email: [email protected] 1 2 4 Les 4.1 4.2 4.3 4.4 TABLE DES MATIÈRES modules projectifs de type fini sont localement libres Compléments sur les puissances extérieures d’un module projectif Cas des modules de rang constant . . . . . . . . . . . . . . . . . Cas général . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Cas générique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32 32 33 34 35 . . . . . 37 37 43 46 47 48 6 Idéaux de Fitting 6.1 Les idéaux déterminantiels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.2 Les idéaux de Fitting d’un module de présentation finie . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.3 Les idéaux de Fitting d’un module projectif de type fini . . . . . . . . . . . . . . . . . 52 52 53 54 7 Quelques constructions de modules 7.1 Somme directe . . . . . . . . . . . 7.2 Produit tensoriel . . . . . . . . . . 7.3 Le dual et le foncteur Hom . . . . 7.4 Puissances symétriques . . . . . . . . . . . 57 57 57 58 58 de type fini . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 Le principe local global 5.1 Quelques principes local-global concrets . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.2 Quelques principes local-global abstraits . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.3 Théorème de Cayley-Hamilton et endomorphisme cotransposé . . . . . . . . . . . 5.4 La trace d’un endomorphisme et une nouvelle écriture du polynome fondamental 5.5 Les anneaux génériques Bn et Bn,k . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . projectifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 Modules projectifs de rang 1 8.1 Homomorphismes surjectifs et isomorphismes . 8.2 Modules projectifs de rang 1, groupe de Picard 8.3 Quelques précisions sur le déterminant . . . . . 8.4 Le foncteur déterminant . . . . . . . . . . . . . 8.5 Généralisation des idéaux déterminantiels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59 59 59 60 62 63 9 Nombre des générateurs d’un module projectif de type fini 9.1 Caractérisations radicales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9.2 Bezout, Bezout strict et Smith . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9.3 Quillen-Suslin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9.4 Heitmann . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65 65 66 67 67 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Introduction 3 Introduction (à écrire à la fin) Dans cet article, tous les anneaux considérés sont commutatifs, sauf mention expresse du contraire. Des éléments s1 , . . . , s` d’un anneau A sont dit comaximaux si s1 A + · · · + s` A = A. Par ailleurs As désigne le localisé de A où on autorise le dénominateur s Notre premier but est de comprendre en termes concrets les théorèmes suivants. Théorème 1 (caractérisation locale des modules projectifs de type fini) Un module M sur un anneau A est projectif de type fini si et seulement si il est localement libre au sens suivant. Il existe des éléments comaximaux s1 , . . . , s` dans A tels que les Msi obtenus à partir de M en étendant les scalaires aux Asi sont libres. Théorème 2 (décomposition d’un module projectif de type fini en somme directe de modules de rang constant) Si M est un module projectif de type fini sur un anneau A engendré par n éléments, il existe un système fondamental d’idempotents orthogonaux r0 , r1 , . . . , rn (certains éventuellement nuls) tel que chaque composante rk M du module soit un module projectif de rang k sur l’anneau correspondant gA /h1 − rk i . Le module M est la somme directe des rk M et r0 A est l’annulateur de M . Théorème 3 (caractérisation des modules projectifs de type fini par leurs idéaux de Fitting) Soit M un module de présentation finie sur un anneau A, il est projectif si et seulement si ses idéaux de Fitting sont (des idéaux principaux engendrés par des) idempotents. La partie la plus mystérieuse du théorème ?? est l’affirmation directe, c.-à-d. que la condition est nécessaire. En pratique, le module M peut être vu comme l’image dans An d’une matrice de projection F (i.e., F 2 = F ) à coefficients dans A. On veut récupérer les sk à partir des coefficients fi,j de F . De même dans le théorème 2 on veut récupérer les rk à partir des coefficients fi,j de F . Enfin dans le théorème 3 on veut récupérer la structure de module projectif de manière explicite à partir de la présentation du module. Ceci est réalisé dans les théorèmes 8 et 9 section 4.3, 6 section 3.5 et 11 section 6.3. Nous donnons un traitement détaillé de ces questions en nous appuyant sur une théorie des déterminants développée directement (( à la main )), dans les sections 3 à 6. Dans la section 1 nous développons une motivation pour l’étude des modules projectifs, notamment en expliquant la relation avec les fibrés vectoriels sur les variétés compactes lisses. Dans la section 5 nous faisons une présentation sous forme concrète de quelques unes des variantes les plus importantes de ce qu’il est convenu d’appeler le principe local-global en algèbre commutative. Dans les sections suivantes . . .. . .. . . Les références générales pour ce travail sont les suivantes. Dans [10] on trouve une approche constructive des bases de l’algèbre. Les théorèmes cités ci- dessus, pour lesquels nous demandons une explicitation précise, ainsi que tous ceux que nous établissons sont plus ou moins dans les traités classiques d’algèbre commutative (cf. par exemple [5], [1], [6], [11].) Plus précisément on peut trouver le théorème 1 comme (partie du) théorème 1 dans [1] chap. II §5, ou comme (partie du) théorème 3.3.7 de [5], on peut trouver le théorème ?? comme exercice 3 dans [1] chap. II §5, et on peut trouver le théorème 3 comme corollaire du théorème 18 p. 122 dans [11] (apparemment les idéaux de Fitting sont totalement absents de [1], y compris les exercices) . . .. . .. . .. . . Cependant, nous n’avons pas trouvé dans la littérature concernant la structure des modules projectifs de type fini des théorèmes aussi explicites que les théorèmes 6, 7, 8, 9 et 11. Il nous semble également que pour certains autres résultats de nature concrète contenus dans cet article, il n’existait pas pour le moment de preuve entièrement constructive (par exemple pour la partie réciproque du théorème 1 c.-à-d. le principe de recollement des modules projectifs de type fini que nous donnons dans le principe local-global concret 2 section 5.1.) . . .. . .. . . Remerciements : . . .. . .. . .. . . 4 1 1 MOTIVATION Motivation Un A-module M est projectif de type fini s’il existe un entier k et un A-module N tels que M ⊕ N ' Ak , c’est-à-dire encore si M est isomorphe à l’image d’une matrice de projection (une matrice P telle que P 2 = P ). Lorsque M ⊕ A` ' Ak , le module projectif de type fini M est dit stablement libre. Dans cette section nous essayons d’expliquer pourquoi ces notions sont importantes, en donnant des exemples caractéristiques. 1.1 Les pgcds idéaux en théorie des nombres La notion d’idéal a été inventée en théorie des nombres pour pallier au défaut √ d’existence de√vrai pgcd pour des nombres entiers algébriques. Par exemple si on considère α = 1+2 −5 et β = 1−2 −5 on a α×β =7×3 (1) mais cette égalité est mal expliquée dans l’anneau Z[α] engendré par α, β, 7 et 3. Par la relation de Bezout, 7 est étranger à 3 et on devrait donc avoir α = pgcd(α, 7) × pgcd(α, 3) à un inversible près. D’où l’idée d’introduire des pgcds idéaux hα, 7i, hα, 3i, hβ, 7i, hβ, 3i et d’écrire hαi = hα, 7i × hα, 3i , hβi = hβ, 7i × hβ, 3i (2) h7i = hα, 7i × hβ, 7i , h3i = hα, 3i × hβ, 3i (3) et ce qui explique (1). Evidemment, pour que ceci soit plus qu’un jeu formel, il faut montrer qu’on peut développer un calcul cohérent sur la base de ces idées. Une manière efficace de développer ce calcul, et de donner la preuve qu’il fonctionne bien, est la suivante. En présence d’entiers algébriques (αi )1≤i≤k le bon anneau à considérer est l’anneau Z, cloture intégrale de Z[(αi )1≤i≤k ] dans son corps de fractions. √ Dans l’exemple ci-dessus, Z = Z[ −5] = Z[(1 − α)/2]. On peut alors interpréter le pgcd idéal d’éléments de Z comme l’idéal de Z (au sens moderne) engendré par ces éléments. Le fait que tous les calculs (pgcd, ppcm, produits) fonctionnent bien (c’està-dire se comportent comme les calculs analogues dans Z) est directement relié au fait suivant : tout idéal de type fini de Z est localement libre (au sens fort donné dans le théorème 1), c’est-à-dire encore est un module projectif de type fini. Pour un anneau intègre, cela revient à dire que les idéaux de type fini sont localement principaux. Puisque dans un anneau commutatif l’algèbre linéaire est essentiellement une affaire locale, on est ramené à la situation des entiers usuels : Z se comporte localement comme Z. 1.2 Le module des champs de vecteurs sur une variété compacte Ici, on donne quelques motivations pour les modules projectifs de type fini et la localisation en expliquant l’exemple des champs de vecteurs C ∞ sur une variété lisse compacte. Nous allons voir que le fait que le module (projectif de type fini) des champs de vecteurs de la sphère n’est pas libre signifie que la sphère ne peut pas être peignée. On considère une variété différentiable réelle lisse X et on note AX l’algèbre réelle des fonctions lisses globales sur la variété. Un germe de fonction lisse en un point p de la variété X est donné par un couple (U, f ) où U est un ouvert contenant p et f est une fonction lisse U → R. Les couples (U1 , f1 ) et (U2 , f2 ) définissent le 1.2 Le module des champs de vecteurs sur une variété compacte 5 même germe s’il existe1 U ⊂ U1 ∩ U2 contenant p tel que f1 |U = f2 |U . Les germes de fonctions lisses au point p forment une R-algèbre qu’on note AX,p . On a alors le petit (( miracle algébrique )) suivant : l’algèbre AX,p est naturellement isomorphe au localisé (AX )Sp où Sp est la partie multiplicative des fonctions non nulles au point p. En effet, si (U, f ) définit le germe g considérons une fonction h ∈ AX qui est égale à 1 sur un ouvert W tel que p ∈ W ⊂ U et qui est nulle en dehors de U . Alors chacun des trois couples (U, f ), (W, f |W ) et (X, f h) définit le germe g, et f h peut être vu comme un élément de (AX )Sp . Il reste à voir que la correspondance g ↔ f h établit bien un isomorphisme de l’algèbre AX,p sur l’algèbre (AX )Sp , ce qui n’offre pas de difficulté. Bref nous venons d’algébriser la notion de germe de fonction lisse ! Sauf que le monoı̈de Sp est défini à partir de la variété X, pas seulement à partir de l’algèbre AX . Mais si X est compacte, les monoı̈des Sp sont exactement les complémentaires des idéaux maximaux de AX . En effet, d’une part, que X soit ou non compacte, l’ensemble des f ∈ AX nulles en p constitue toujours un idéal maximal Mp de corps résiduel égal à R. D’autre part, si M est un idéal maximal de AX l’intersection des Z(f ) = {x ∈ X | f (x) = 0} pour les f ∈ M est un compact non vide (notez que Z(f ) ∩ Z(g) = Z(f 2 + g 2 )). Comme l’idéal est maximal, ce compact est nécessairement réduit à un point p et on a facilement M = Mp . Rappelons maintenant la notion de fibré vectoriel au dessus de X. Un fibré vectoriel est donné par une variété lisse Y , une application surjective lisse π : Y → X, et une structure d’espace vectoriel sur chaque fibre π −1 (p). En outre, localement, tout ceci doit être isomorphe à la situation simple suivante, dite triviale : π1 : (U × Rm ) → U, (p, v) 7→ p Cela signifie que la structure d’espace vectoriel (de dimension finie) sur la fibre au dessus de p doit dépendre convenablement de p. Un exemple décisif de fibré vectoriel est le fibré tangent, dont les éléments sont les couples (p, v) où p ∈ X et v est un vecteur tangent au point p. Lorsque la variété X est une variété plongée dans un espace Rn , un vecteur tangent v au point p peut être identifié à la dérivation au point p dans la direction de v. Lorsque la variété X n’est pas une variété plongée dans un espace Rn , un vecteur tangent v peut être défini comme une dérivation au point p, c’est-à-dire comme une forme R-linéaire v : AX → R qui vérifie la règle de Leibniz v(f g) = f (p)v(g) + g(p)v(f ). On vérifie par quelques calculs routiniers et fastidieux que les vecteurs tangents à X forment bien un fibré vectoriel TX au dessus de X. À un fibré vectoriel π : Y → X, on associe le AX -module ΓY formé par les sections lisses du fibré : une section est une fonction σ : X → Y qui associe, à chaque point p de X un vecteur dans la fibre π −1 (p). On dit encore que σ est un champ de vecteurs (du fibré Y ). Dans le cas du fibré tangent, ΓTX n’est rien d’autre que le AX -module des champs de vecteurs lisses. On constate alors le nouveau petit miracle algébrique suivant : se donner un fibré vectoriel Y équivaut à se donner le AX -module ΓY , et la contrainte à imposer sur un AX -module M pour qu’il soit (isomorphe à) un ΓY est d’être localement libre au sens suivant : pour tout point p de X, MSp doit être un (AX )Sp -module libre (de dimension finie). Cela est dû au fait que dans la situation triviale où X = U ⊂ Rn , et Y = U × Rm se donner une section du fibré, c’est se donner un champ de vecteurs de Rm , c’est-à-dire encore se donner les m coordonnées de ces vecteurs, qui sont m éléments de AU , bref c’est se donner un élément de AU m . 1 Nous utilisons le symbole ⊂ pour l’inclusion au sens large. 6 1 MOTIVATION On n’a cependant pas fourni là une version complètement algébrisée des fibrés vectoriels. Car ce que nous venons de demander pour le module M signifie : la localisation en certains idéaux maximaux est libre. Mais si la variété est compacte, la notion est complètement algébrisée, puisqu’on réclame dans ce cas que la localisation en tous les idéaux maximaux soit libre. En outre, la localisation libre en p implique une localisation libre en un élément fp ∈ Sp ⊂ AX , c.-à-d. qu’au dessus de l’ouvert fp 6= 0, le fibré est trivial. Comme la variété est compacte, on prend un recouvrement ouvert fini par de tels ouverts. On considère une partition de l’unité lisse, subordonnée à ce recouvrement. On voit alors que les fp qu’on a sélectionnés en nombre fini engendrent AX comme idéal : ils sont comaximaux. Le module est donc localement libre au sens fort (donné dans le théorème 1) : il devient libre après localisation en des éléments comaximaux. Bref, dans le cas d’une variété compacte, les fibrés vectoriels (la catégorie des ...) sont la même chose que les (est équivalente à la catégorie des ...) AX -modules localement libres au sens fort. HUM la fin reste à améliorer Dans le cas d’une variété algébrique compacte lisse X, et d’un fibré vectoriel π : Y → X algébrique (notion à préciser) de dimension n, l’affirmation concernant le cas lisse (le AX - module des sections lisses de Y est libre) équivaut à l’affirmation correspondante de même nature pour le cas algébrique (le R[X]-module des sections polynomiales est libre) : très vite dit, le théorème d’approximation de Weierstrass permet d’approcher une section lisse par une section polynomiale et un champ de bases lisse (n sections lisses du fibré qui en tout point donnent une base), par un champ de bases polynomial. Un autre petit miracle d’algébrisation : (( le module des champs de vecteurs lisses )) peut lui-même être défini en termes purement algébriques. De même qu’un vecteur tangent au point p est identifée à une dérivation au point p, qui peut être définie en termes purement algébriques, de même un champ (lisse) de vecteurs tangents peut être défini comme un élément du AX -module des dérivations de la R-algèbre AX . Une dérivation d’une R-algèbre A est une application R-linéaire v : A → A qui vérifie la règle de Leibniz v(f g) = f v(g) + gv(f ). Le fibré dual du fibré tangent, appelé fibré cotangent, admet pour sections les formes différentielles sur la variété X. Le AX -module correspondant, appelé module des différentielles, peut être défini par générateurs et relations de la manière suivante. De manière générale, si (fi )i∈I est une famille d’éléments qui engendre une R-algèbre A, le A-module des différentielles (de Khäler) de A est engendré par les dfi (purement formels) soumis aux relations (( dérivées )) des relations qui lient les fi : si P ∈ R[z1 , . . . , zn ] et si P (fi1 , . . . , fin ) = 0, la relation dérivée est n X ∂P (fi , . . . , fin )dfik = 0. ∂zk 1 k=1 Examinons maintenant le cas des surfaces lisses. Pour une telle surface, si elle est orientable, avoir un champ de vecteurs tangents partout non nul équivaut à avoir un champ de bases des espaces tangents (un bon couple de champs de vecteurs), ce qui équivaut pour le fibré tangent à être globalement trivial, ou, pour le module projectif de rang 2 correspondant, à être libre. Finalement (( être libre )) (pour le (( module des sections du fibré tangent )), ou pour le module dual), ou (( être orientable et avoir un champ de vecteurs non nuls )) (pour la variété), ou encore (( avoir un champ de bases )) (pour la variété) sont une seule et même chose. Enfin (( avoir un champ de vecteurs tangents partout non nul )) signifie aussi (( pouvoir être peigné )) ou (( posséder une belle famille de courbes )). D’où la possibilité d’une preuve (( algébrique )) du fait que la sphère ne peut pas être peignée. 1.3 Le module des formes différentielles à coefficients polynomiaux sur une variété affine lisse 1.3 7 Le module des formes différentielles à coefficients polynomiaux sur une variété affine lisse Le module des formes différentielles à coefficients polynomiaux sur la sphère Soit S = (α, β, γ) ∈ R3 | α2 + β 2 + γ 2 = 1 . L’anneau des fonctions polynomes sur S est la Ralgèbre A = R[X, Y, Z]/ X 2 + Y 2 + Z 2 − 1 = R[x, y, z]. Le A-module des formes différentielles à coefficients polynomiaux sur S est ΩA/R = (A dx ⊕ A dy ⊕ A dz)/ hxdx + ydy + zdzi ' A3 /Av. où v est le vecteur colonne t(x, y, z). Ce vecteur est unimodulaire (cela signifie que ses coordonnées sont des éléments comaximaux de A) puisque (x, y, z) · v = 1. Alors la matrice 2 x xy xz P = v · (x, y, z) = xy y 2 yz xz yz z 2 vérifie P 2 = P , P · v = v, Im(P ) = Av de sorte qu’en posant Q = I3 − P on obtient Im(Q) ' A/Im(P ) ' ΩA/R , et ΩA/R ⊕ Im(P ) ' ΩA/R ⊕ A ' A3 . Ceci met en évidence que ΩA/R est un A-module projectif de rang 2, stablement libre. Les considérations précédentes auraient fonctionné en remplaçant R par un corps de caractéristique 6= 2 ou même par un anneau commutatif R où 2 est inversible. Un problème intéressant qui se pose est de savoir pour quels anneaux R exactement le A-module ΩA/R est libre. Le module des formes différentielles à coefficients polynomiaux sur une hypersurface lisse Soit R un anneau commutatif, et f (X1 , . . . , Xn ) ∈ R[X1 , . . . , Xn ]. On considère la R-algèbre A = R[X1 , . . . , Xn ]/ hf i = R[x1 , . . . , xn ] = R[x]. On dira que l’hypersurface S définie par f = 0 est lisse si, pour tout corps K extension de R et pour tout point α = (α1 , . . . , αn ) ∈ Kn vérifiant f (α) = 0 on a une des coordonnées (∂f /∂Xi )(α) qui est non nulle. Par le Nullstellensatz formel, cela équivaut à l’existence de polynomes G, B1 , . . . , Bn ∈ R[X1 , . . . , Xn ] vérifiant ∂f ∂f Gf + B1 + · · · + Bn = 1. ∂X1 ∂Xn Notons bi = Bi (x) l’image de Bi dans A et ∂i f = (∂f /∂Xi )(x). On a donc dans A b1 ∂1 f + · · · + bn ∂n f = 1. Le A-module des formes différentielles à coefficients polynomiaux sur S est ΩA/R = (A dx1 ⊕ · · · ⊕ A dxn )/ hdf i ' An /Av. où v est le vecteur colonne t(∂1 f, . . . , ∂n f ). Ce vecteur est unimodulaire puisque (b1 , . . . , bn ) · v = 1. Alors la matrice b1 ∂1 f . . . b1 ∂n f . .. P = v · (b1 , . . . , bn ) = .. . bn ∂1 f . . . bn ∂n f vérifie P 2 = P , P · v = v, Im(P ) = Av de sorte qu’en posant Q = In − P on obtient Im(Q) ' A/Im(P ) ' ΩA/R et ΩA/R ⊕ Im(P ) ' ΩA/R ⊕ A ' An . Ceci met en évidence que ΩA/R est un A-module projectif de rang n − 1, stablement libre. 8 1 MOTIVATION Le module des formes différentielles à coefficients polynomiaux sur une variété affine lisse dans le cas intersection complète Nous traitons le cas de deux équations qui définissent une intersection complète lisse. La généralisation avec un nombre quelconque d’équations est immédiate. Soit R un anneau commutatif, et f (X1 , . . . , Xn ), g(X1 , . . . , Xn ) ∈ R[X1 , . . . , Xn ]. On considère la R-algèbre A = R[X1 , . . . , Xn ]/ hf, gi = R[x1 , . . . , xn ] = R[x]. La matrice jacobienne du système (f, g) est J(X) = ∂f ∂X1 (X) ∂g ∂X1 (X) ··· ··· ∂f ∂Xn (X) , ∂g ∂Xn (X) On dira que la variété algébrique S définie par f = g = 0 est lisse de codimension 2 si, pour tout corps K extension de R et pour tout point α = (α1 , . . . , αn ) ∈ Kn vérifiant f (α) = g(α) = 0, on a un des mineurs 2 × 2 de la matrice jacobienne, Jk,` (α), où ∂f (X) k Jk,` (X) = ∂X ∂g (X) ∂Xk ∂f ∂X` (X) ∂g , ∂X` (X) qui est non nul. Par le Nullstellensatz formel, cela équivaut à l’existence de polynomes G et (Bk,` )1≤k<`≤n dans R[X1 , . . . , Xn ] qui vérifient X Gf + Bk,` (X)Jk,` (X) = 1. 1≤k<`≤n Notons bk,` = Bk,` (x) l’image de Bk,` dans A et jk,` = Jk,` (x). On a donc dans A X bk,` jk,` = 1. 1≤k<`≤n Le A-module des formes différentielles à coefficients polynomiaux sur S est ΩA/R = (A dx1 ⊕ · · · ⊕ A dxn )/ hdf, dgi ' An /Im tJ. ∂1 f ∂ 1 g . .. . La où tJ est la transposée de la matrice jacobienne (vue dans A) : tJ = tJ(x) = .. . ∂n f ∂n g P matrice jacobienne J(x) est surjective puisque 1≤k<`≤n bk,` jk,` = 1. Plus précisément, si on pose 0 Tk,l (x) = 0 et T = P 1≤k<`≤n bk,` Tk,l , ... ... ∂` g −∂` f . . . −∂k g . . . ∂k f ... ... alors T · tJ = I2 et la matrice P := tJ · T vérifie P 2 = P, P · tJ = tJ, Im P = Im tJ de sorte qu’en posant Q = In − P on obtient Im Q ' A/Im P ' ΩA/R et ΩA/R ⊕ Im P ' ΩA/R ⊕ A2 ' An . Ceci met en évidence que ΩA/R est un A-module projectif de rang n − 2, stablement libre. 1.3 Le module des formes différentielles à coefficients polynomiaux sur une variété affine lisse 9 Le module des formes différentielles à coefficients polynomiaux sur une variété affine lisse dans le cas général Nous traitons le cas de m équations qui définissent une variété lisse de codimension r. Soit R un anneau commutatif, et fi (X1 , . . . , Xn ) ∈ R[X1 , . . . , Xn ], i = 1, . . . , m. On considère la R-algèbre A = R[X1 , . . . , Xn ]/ hf1 , . . . , fm i = R[x1 , . . . , xn ] = R[x]. La matrice jacobienne du système (f1 , . . . , fm ) est ∂f1 ∂X1 (X) · · · .. J(X) = . ∂fm ∂X1 (X) · · · ∂f1 ∂Xn (X) .. , . ∂fm ∂Xn (X) On dira que la variété algébrique S définie par f1 = · · · = fm = 0 est lisse de codimension r si la matrice jacobienne vue dans A est formellement de rang r, c’est-à-dire tous les mineurs (r +1)×(r +1) sont nuls, et les mineurs r × r sont comaximaux. Ceci implique que pour tout corps K extension de R et en tout point α = (α1 , . . . , αn ) ∈ Kn de la variété des zéros des fi dans Kn , l’espace tangent est de codimension r. Si l’anneau A est réduit, cette condition (( géométrique )) est d’ailleurs suffisante. r Notons Jki11,...,i ,...,kr (X) le mineur r × r extrait sur les lignes i1 , . . . , ir et sur les colonnes k1 , . . . , kr de i1 ,...,ir r J(X). Ce mineur vu dans A est noté jki11,...,i ,...,kr = Jk1 ,...,kr (x). r La condition sur les mineurs r × r signifie l’existence d’éléments bik11,...,i ,...,kr de A tels que i1 ,...,ir r bik11,...,i ,...,kr jk1 ,...,kr = 1. X 1≤k1 <···<kr ≤n,1≤i1 <···<ir ≤m Le A-module des formes différentielles à coefficients polynomiaux sur S est ΩA/R = (A dx1 ⊕ · · · ⊕ A dxn )/ hdf1 , . . . , dfm i ' An /Im tJ. où tJ = tJ(x) est la transposée de la matrice jacobienne (vue dans A). Nous allons voir que Im tJ est l’image d’une matrice de projection de rang n − r. Ceci mettra en évidence que ΩA/R est un A-module projectif de rang n − r, (mais a priori il n’est pas stablement libre). Pour cela il suffit de calculer une matrice H de Am×n telle que tJ H tJ = tJ car alors la matrice P = tJ H est la matrice de projection recherchée. On est donc ramené à résoudre un système linéaire dont les inconnues sont les entrées de la matrice H. Or la solution d’un système linéaire est essentiellement une affaire locale, et si on localise en rendant un mineur r × r inversible, la solution n’est pas trop difficile à trouver, en sachant que tous les mineurs (r + 1) × (r + 1) sont nuls. r Voici comment cela fonctionne. Notons δu l’un des mineurs jki11,...,i ,...,kr (l’indice u représente les deux suites i1 , . . . , ir et k1 , . . . , kr ). En utilisant la comatrice de la matrice extraite qui correspond à ce mineur dans tJ on peut calculer deux matrices Lu ∈ An×n et Cu ∈ Am×m qui vérifient les propriétés suivantes : – det(Lu ) et det(Cu ) sont des puissances de δu , et Ir 0r,m−r – Lu tJ Cu = δu3 Ir,n,m = δu3 0n−r,r 0n−r,m−r On en déduit t Ir 0r,n−r t t 6 Lu J Cu C u J Lu = δu 0n−r,r 0n−r,n−r et Lu tJ Cu t C u J tLu Lu tJ Cu = δu6 Lu tJ Cu (4) 10 1 MOTIVATION Posons Hu = Cu tC u J tLu Lu . Si on multiplie l’équation (4) à gauche par la comatrice de Lu et à droite par la comatrice de tC u on obtient avec un certain exposant s (qui ne dépend pas de u) δus tJ Hu tJ = δus+6 tJ Maintenant, en élevant l’égalité d’où P t u bu δu J = 1 à une puissance suffisante, on obtient ! X s 0 δu bu Hu tJ = tJ u ce qui nous donne la matrice H. (5) 0 s+6 u bu δu P = 1, (6) 11 2 Préliminaires Nous partons des premières définitions, de manière à faciliter la lecture au lecteur ou à la lectrice non averti(e), et à bien mettre en évidence le caractère constructif des résultats obtenus. Le lecteur ou la lectrice2 qui connaı̂t bien ces sujets et qui n’est pas intéressé(e) par les preuves constructives pourra donc sauter directement à la section 3 sur les déterminants d’endomorphismes de modules projectifs de type fini. 2.1 Modules de présentation finie Un module de présentation finie est un A-module M donné par un nombre fini de générateurs et de relations. De manière équivalente, c’est un module M isomorphe au conoyau d’un homomorphisme γ : Am −→ Aq La matrice G ∈ Aq×m de γ a pour colonnes les relations entre les générateurs g1 , . . . , gq (les gi sont les images de la base canonique de Aq par la surjection canonique π : Aq → M ). Une telle matrice s’appelle une matrice de présentation du module M . Cela se traduit par : – (g1 , . . . , gq )G = 0, et – toute relation entre les gi est une combinaison linéaire des colonnes de G, c’est-à-dire encore : si (g1 , . . . , gq )C = 0 avec C ∈ Aq×1 il existe C 0 ∈ Am×1 tel que C = GC 0 . Changement de système générateur Lorsqu’on change de système générateur pour M les relations entre les nouveaux générateurs forment de nouveau un module de type fini. Ce phénomène est extrêmement général. Il s’applique à toutes formes de structures algébriques qui peuvent être définies par générateurs et relations. Par exemple pour les structures dont tous les axiomes sont des égalités universelles. Voici comment cela fonctionne (il suffit de vérifier dans chaque cas que le raisonnement s’applique bien). Supposons qu’on a des generateurs g1 , . . . , gn avec des relations R1 (g1 , . . . , gn ), . . . , Rs (g1 , . . . , gn ) qui présentent une structure M . Si on a d’autres generateurs h1 , . . . , hm on les exprime en fonction des gj sous forme hi = Hi (g). Notons Si (hi , g1 , . . . , gn ) la relation correspondante. On exprime les gj en fonction des hi : gj = Gj (h). Notons Tj (gj , h1 , . . . , hm ) la relation correspondante. La structure ne change pas si on remplace la présentation (g1 , . . . , gn ; R1 , . . . , Rs ) par (g1 , . . . , gn , h1 , . . . , hm ; R1 , . . . , Rs , S1 , . . . , Sm ). Comme les relations Tj sont vraies elles sont conséquences de R1 , . . . , Rs , S1 , . . . , Sm donc la structure est toujours la même avec la présentation suivante (g1 , . . . , gn , h1 , . . . , hm ; R1 , . . . , Rs , S1 , . . . , Sm , T1 , . . . , Tn ) Maintenant, dans chacune des relations Rk et Sj , on peut remplacer chaque gj par son expression en fonction des hi (qui est donnée dans Tj ) et cela ne change toujours pas la structure presentée. On obtient 0 (g1 , . . . , gn , h1 , . . . , hm ; R10 , . . . , Rs0 , S10 , . . . , Sm , T1 , . . . , Tn ) Maintenant si on enlève un à un les couples (gj ; Tj ) il est clair que la structure ne change pas non plus, donc on a la présentation finie 0 (h1 , . . . , hm ; R10 , . . . , Rs0 , S10 , . . . , Sm ) 2 Désormais, la personne humaine qui intervient au cours de cet article subira la règle inexorable de l’alternance des sexes. Espérons que les lecteurs n’en seront pas plus affectés que les lectrices. En tout cas, cela nous éconmisera bien des (( ou )) et bien des (( (e) )). 12 2 PRÉLIMINAIRES On peut reprendre ce raisonnement sous une forme matricielle dans le cas des modules de présentation finie. Voici ce que cela donne. Tout d’abord on constate qu’on ne change pas la structure de M lorsqu’on fait subir à la matrice de présentation G une des transformations suivantes : – ajout d’une colonne nulle, (ceci ne change pas le module des relations entre des générateurs fixés) – suppression d’une colonne nulle, sauf à aboutir à une matrice vide, – remplacement de G, de type q × m, par G0 de type (q + 1) × (m + 1) obtenue à partir de G en rajoutant une ligne nulle en dessous puis une colonne à droite avec 1 en position (q + 1, m + 1), (ceci revient à rajouter un vecteur parmi les générateurs, en indiquant sa dépendance par rapport aux générateurs précédents) : G C G 7→ G0 = 01,m 1 – opération inverse de la précédente, sauf à aboutir à une matrice vide, – ajout à une colonne d’une combinaison linéaire des autres colonnes, (ceci ne change pas le module des relations entre des générateurs fixés) – ajout à une ligne d’une combinaison linéaire des autres lignes, (ceci revient à changer le système générateur en remplaçant par exemple le générateur aq par un élément de la forme aq − Σi=1,...,q−1 λi ai sans changer les autres générateurs) – permutation de colonnes ou de lignes, – multiplication d’une colonne ou d’une ligne par un élément inversible (facultatif). On voit ensuite que si G et H sont deux matrices de présentation d’un même module M , on peut passer de l’une à l’autre au moyen des transformations décrites ci-dessus. Un peu mieux : on voit que pour tout système générateur fini de M , on peut construire à partir de G, en utilisant ces transformations, une matrice de présentation de M correspondant au nouveau système générateur. Notez aussi qu’un changement de base de Aq ou Am correspond à la multiplication de G (à gauche ou à droite) par une matrice inversible, et peut être réalisé par les opérations décrites précédemment. Précisément, on a : Lemme 2.1.1 Soient deux matrices G ∈ Aq×m et H ∈ Ar×n . Alors les propriétés suivantes sont équivalentes : – G et H présentent le même module (c’est-à-dire leurs conoyaux sont isomorphes) – les deux matrices suivantes (figure 1) sont élémentairement équivalentes : on passe de l’une à l’autre par des manipulations de lignes (ou colonnes) du type ajout à une ligne d’une combinaison linéaire des autres lignes. – les deux matrices suivantes (figure 1) sont équivalentes Cas des modules libres Un module libre de rang k est présenté par une matrice colonne formée de k zéros3 . Il existe un cas facile où une matrice présente un module libre. Rappelons que deux matrices de même type q × m sont dites équivalentes lorsqu’on passe de la première à la seconde en multipliant la première, à droite et à gauche, par deux matrices inversibles. Lemme de la liberté Soit M un module de présentation finie, (isomorphe au) conoyau d’une matrice G de type q × m (i.e. le module est donné par q générateurs soumis à m relations). Si la matrice G contient un mineur d’ordre k inversible et si tous les mineurs d’ordre (k + 1) sont nuls, 3 Si on considère qu’une matrice est donnée par deux entiers q, m ≥ 0 et une famille d’éléments de l’anneau indexée par les couples (i, j) avec 1 ≤ i ≤ q, 1 ≤ j ≤ m , on peut accepter une matrice vide de type k × 0, qui serait la matrice canonique pour présenter un module libre de dimension k. 2.1 Modules de présentation finie 13 m r q n q G 0 0 0 r 0 Ir 0 0 m r q n q 0 0 Iq 0 r 0 0 0 H Fig. 1 – Les deux matrices. alors elle est équivalente à la matrice canonique Ik Ik,q,m = 0q−k,k 0k,m−k 0q−k,m−k En particulier, le module M est libre de rang q −k. En fait, dans ce cas, l’image, le noyau et le conoyau de G sont libres, respectivement de rangs k, m − k et q − k. En outre l’image et le noyau possèdent des supplémentaires libres. Preuve. En permutant éventuellement les lignes et les colonnes on ramène le mineur inversible en haut à gauche. Puis en multipliant à droite (ou à gauche) par une matrice inversible on se ramène à la forme Ik A G1 = B C puis par des manipulations élémentaires de lignes et de colonnes, on obtient Ik 0k,m−k G2 = 0q−k,k G3 et G3 est nulle parce que tous les mineurs d’ordre (k + 1) de G2 sont nuls. 2 Catégorie des modules de présentation finie La catégorie des modules de présentation finie peut être construite à partir de la catégorie des modules libres de rang fini par un procédé purement catégorique. Un module de présentation finie M est décrit par une application linéaire entre modules libres AM : KM → GM . On a M ' Coker AM et πM : GM → M est l’application linéaire surjective de noyau Im AM . La matrice de AM est une matrice de présentation de M . 14 2 PRÉLIMINAIRES Une application linéaire ϕ du module M (décrit par (KM , GM , AM )) vers le module N (décrit par (KN , GN , AN )) est décrite par deux applications linéaires Kϕ : KM → KN et Gϕ : GM → GN soumises à la relation de commutation Gϕ ◦ AM = AN ◦ Kϕ . La somme de deux applications linéaires ϕ et ψ de M vers N représentées par (Kϕ , Gϕ ) et (Kψ , Gψ ) est représentée par (Kϕ + Kψ , Gϕ + Gψ ). Pour représenter la composée de deux applications linéaires, on compose leurs représentations. Enfin une application linéaire ϕ de M vers N représentée par (Kϕ , Gϕ ) est nulle si et seulement si il existe Zϕ : GM → KN vérifiant AN ◦ Zϕ = Gϕ . Ceci montre que les problèmes concernant les modules de présentation finie se ramènent en général à des problèmes de résolution de systèmes linéaires sur A. Par exemple si on donne M , N et ϕ et si on cherche une application linéaire σ : N → M vérifiant ϕ ◦ σ = IN , on doit trouver Kσ : KN → KM , Gσ : GN → GM et Z : GN → KN qui doivent vérifier Gσ ◦ AN = AM ◦ Kσ et AN ◦ Z = Gϕ ◦ Gσ − IGN Classification des modules de présentation finie Concernant la classification des modules de type fini signalons les deux résultats d’unicité importants suivants. Proposition 2.1.2 ([10] chap. V, th. 2.4) Soit A un anneau commutatif, m ≤ n des entiers, I1 ⊂ I2 ⊂ · · · ⊂ In et J1 ⊂ J2 ⊂ · · · ⊂ Jm des idéaux4 de A. Si les A-modules A/I1 ⊕ · · · ⊕ A/In et A/J1 ⊕ · · · ⊕ A/Jm sont isomorphes, alors – 1) pour m ≥ k > n on a Jk = A – 2) pour n ≥ k ≥ 1 on a Jk = Ik Proposition 2.1.3 ([10] chap. III, exo. 9 p. 80) Soit M un module de type fini sur un anneau commutatif A et ϕ : M → M un homomorphisme surjectif. Alors ϕ est un isomorphisme. En particulier, tout élément inversible à droite dans EndA (M ) est inversible. Preuve. Soit (x1 , . . . , xn ) un système générateur de M . Soit B = A[ϕ] ⊂ EndA (M ) et I = (ϕ) l’idéal principal de B engendré par ϕ. L’anneau B est commutatif et on peut considérer M comme un B-module. Puisque ϕ est surjective, il existe une matrice P ∈ I n×n vérifiant P t (x1 , . . . , xn ) = t (x1 , . . . , xn ) , c.-à-d. (In − P ) t (x1 , . . . , xn ) = t (0, . . . , 0) (où In = (In )B est la matrice identité de Bn×n ), donc t t det(In − P ) t (x1 , . . . , xn ) = (I^ n − P ) (In − P ) (x1 , . . . , xn ) = (0, . . . , 0). Donc det(In − P ) = 0B , or det(In − P ) = 1B − ϕψ = 0M avec ψ ∈ B (puisque P est à coefficients dans I = ϕB). Ainsi ϕψ = 1B = IdM , donc ϕ est inversible dans B. 2 Changement d’anneau de base Proposition 2.1.4 Si M est un A-module de présentation finie et si ρ : A → B est un homomorphisme d’anneaux, alors le B-module ρ∗ (M ) obtenu par extension des scalaires à B est de présentation finie. Si M est isomorphe au conoyau d’une matrice F = (fi,j ), ρ∗ (M ) est isomorphe au conoyau de la même matrice vue dans B, c’est-à-dire la matrice F ρ = (ρ(fi,j )). Preuve. On vérifie immédiatement que l’application linéaire Coker(F ) → Coker(F ρ ) vérifie la propriété universelle voulue. 2 4 Nous utilisons le symbole ⊂ pour l’inclusion au sens large. 2.2 Anneaux locaux 15 La proposition précédente fonctionne aussi avec n’importe quel module, en considérant une présentation non nécessairement finie. En particulier si M est de type fini, il en va de même pour ρ∗ (M ). Anneaux cohérents Un anneau A est dit cohérent si toute équation linéaire LX = 0 (L ∈ A1×n , X ∈ An×1 ) admet pour solutions les éléments d’un sous-A-module de type fini de An×1 . Autrement dit ∀L ∈ A1×n ∃m ∈ N ∃G ∈ Am×n (LX = 0 ⇔ ∃Y ∈ Am×1 X = GY ) On peut exprimer cette propriété de manière un peu plus abstraite en disant qu’un anneau est cohérent si tout idéal de type fini est de présentation finie (en tant que A-module). De même, un A-module est dit cohérent si tout sous-module de type fini est de présentation finie. Dans un anneau cohérent, tout système linéaire (( sans second membre )) BX = 0 (B ∈ Ak×n , X ∈ An×1 ) admet pour solutions les éléments d’un sous-A-module de type fini de An×1 : par exemple si k = 2 et B est constitué des lignes L et L0 on a une matrice G telle que LX = 0 ⇔ ∃Y ∈ Am×1 X = GY , et il reste à résoudre L0 GY = 0 qui équivaut à ∃Z Y = G0 Z pour une matrice G0 convenable. Donc BX = 0 si et seulement si X peut s’écrire sous forme GG0 Z. En particulier, sur un anneau cohérent tout sous-module de type fini d’un module de présentation finie est de présentation finie. 2.2 Anneaux locaux Définition 2.2.1 Un anneau local est un anneau où est vérifié l’axiome suivant : ∀x ∈ A x ou 1 − x est inversible Il revient au même de dire ∀x, y ∈ A (x + y inversible ⇒ (x ou y inversible)) Notez que selon cette définition l’anneau trivial est local. Un corps discret (en un seul mot) est un anneau où est vérifié l’axiome suivant : ∀x ∈ A x = 0 ou x est inversible Un corps discret est un anneau local, l’anneau trivial est un corps discret. Un élément x d’un anneau A est dit noninversible (en un seul mot) s’il vérifie(5 ) (x inversible) ⇒ 1 =A 0 Dans l’anneau trivial 0 est à la fois inversible et noninversible. L’ensemble des éléments a de A qui vérifient (( ∀x ∈ A (1 − ax) est inversible )) est appelé le radical de Jacobson de A. Il sera noté Rad(A). Dans un anneau local le radical de Jacobson est égal à l’ensemble des éléments noninversibles (le lecteur est invité à en écrire la preuve constructive). Un corps de Heyting, ou simplement un corps, est par définition un anneau local dont le radical de Jacobson est réduit à 0. 5 Nous utilisons ici comme pour la définition des (( corps discrets en un seul mot )) une version légèrement affaiblie de la négation. Pour une propriété P portant sur des éléments de l’anneau A nous considérons la propriété P 0 := (P ⇒ 0 =A 1). C’est la négation de P lorsque l’anneau n’est pas trivial. Il arrive pourtant souvent qu’un anneau construit dans une preuve puisse être trivial sans qu’on le sache. Pour faire un traitement entièrement constructif de la preuve classique usuelle dans une telle situation (la preuve classique exclut le cas de l’anneau trivial par un argument ad hoc) notre version affaiblie de la négation s’avère alors très utile. Sur le bon usage de l’anneau trivial, voir [12]. 16 2 PRÉLIMINAIRES En particulier un corps discret, donc aussi l’anneau trivial, est un corps. Les nombres réels forment un corps qui n’est pas un corps discret(6 ). Dans un anneau local, les éléments noninversibles forment un idéal. Le quotient de l’anneau par cet idéal est un corps, appelé corps résiduel de l’anneau local A. Un anneau local résiduellement discret est par définition un anneau local dont le corps résiduel est un corps discret. Il peut être caractérisé par l’axiome suivant ∀x ∈ A x ∈ A× ou (1 + xA) ⊂ A× (la lectrice est invitée à en écrire la preuve constructive). Par exemple l’anneau des entiers p-adiques, quoique non discret, est résiduellement discret. Un ensemble A muni d’une relation d’égalité est appelé discret lorsque l’axiome suivant est vérifié ∀x, y ∈ A x = y ou ¬(x = y) Classiquement, tous les ensembles sont discrets, car le (( ou )) présent dans la définition est compris de manière (( abstraite )). Constructivement, le (( ou )) présent dans la définition est compris selon la signification du langage usuel : une des deux alternatives au moins doit avoir lieu de manière certaine. Il s’agit donc d’un (( ou )) de nature algorithmique. Un ensemble est discret si on a un test pour l’égalité de deux éléments arbitraires de cet ensemble. Si un corps est un ensemble discret c’est un corps discret. Plus précisément, un corps discret K est un ensemble discret si et seulement si le test (( 1 =K 0 ? )) est explicite. Une partie P d’un ensemble M est dite détachable lorsque la propriété suivante est vérifiée ∀x ∈ M x ∈ P ou ¬(x ∈ P ) La partie réciproque du théorème 1 affirme que les modules projectifs de type fini sont localement libres au sens fort qui est donné à cette expression dans le théorème 1. Les modules projectifs de type fini sont également localement libres en un sens plus faible : ils deviennent libres lorsqu’on localise en un idéal premier. Prouver cela revient essentiellement à montrer le lemme de la liberté locale qui affirme qu’un module projectif de type fini sur un anneau local est libre. Nous prenons ici module projectif de type fini au sens de (( module isomorphe à l’image d’une matrice de projection )). Lemme de la liberté locale Soit A un anneau local. Tout module projectif de type fini sur A est libre de dimension finie. De manière équivalente : toute matrice de projection F de type n × n est semblable à une matrice de projection standard, c.-à-d. de la forme : Ik 0k,n−n Ik,n,n = 0n−k,k 0n−k Première preuve. (preuve classique usuelle) Cette preuve suppose l’anneau local résiduellement discret. On suppose en outre qu’on sait si l’anneau est trivial ou non. Si l’anneau est trivial, c’est clair. Si l’anneau est non trivial et si le corps résiduel est discret cela va aussi, en suivant la preuve classique usuelle. ... 2 Deuxième preuve. (preuve par Azumaya) Cette preuve ne suppose pas l’anneau local résiduellement discret. Elle est extraite de la preuve du théorème d’Azumaya III.6.2 dans [10], pour le cas qui nous occupe ici. Autrement dit, nous donnons le contenu (( matriciel )) de la preuve du lemme de la liberté locale dans [10]. Nous allons diagonaliser la matrice F . La preuve fonctionne avec un anneau local non nécessairement commutatif. Appelons f1 le vecteur colonne F1..n,1 de la matrice F , et e1 , . . . , en la base canonique de An . 6 Nous utilisons la négation en italique pour indiquer que l’affirmation correspondante n’est pas prouvable en mathématiques constructives. 2.3 Modules projectifs de type fini 17 – Premier cas, f1,1 est inversible. Alors f1 , e2 , . . . , en est une base de An . Par rapport à cette base ϕ a une matrice : 1 li G= 0n−1,1 F1 En écrivant G2 = G on obtient F12 = F1 et F1 li = 0. On a alors : 1 1 −li 1 li 1 li −1 = LGL = 0n−1,1 0n−1,1 In−1 0n−1,1 F1 0n−1,1 In−1 01,n−1 F1 – Deuxième cas, 1 − f1,1 est inversible. Alors e1 − f1 , e2 , . . . , en est une base de An . Par rapport à cette base, Idn − ϕ a une matrice : 1 li G := 0n−1,1 F1 avec G2 = G. Avec le même calcul que dans le cas précédent, In − F est donc semblable à une matrice : 1 01,n−1 0n−1,1 F1 avec F12 = F1 , ce qui signifie que F est semblable à une matrice : 0 01,n−1 0n−1,1 H1 avec H12 = H1 . On termine la preuve par induction sur n. 2 HUM 1) pourrait-on remplacer cette preuve matricielle par une preuve plus visuelle ? 2) peut être aussi on peut donner une preuve par la platitude en utilisant le lemme 2.4.4 et le théorème 4. Commentaire 2.2.2 Du point de vue classique, tous les ensembles sont discrets, et l’hypothèse correspondante est superflue dans la première preuve. La deuxième preuve doit être considérée comme supérieure à la première car son contenu algorithmique est plus universel que celui de la première (qui ne peut être explicitée que lorsque l’anneau local est résiduellement discret). 2.3 Modules projectifs de type fini Les modules projectifs de type fini sont caractérisés de la manière suivante. Proposition et définition 2.3.1 (modules projectifs de type fini) Les propriétés suivantes pour un A-module M sont équivalentes. (a) M est isomorphe à un facteur direct dans un A-module An , i.e. il existe un entier n, un A-module N et un isomorphisme M ⊕ N → An . (b) Il existe un entier n, des générateurs (gi )i=1,...,n de M et des formes linéaires (αi )i=1,...,n sur M telles que : ∀x ∈ M x = Σ αi (x)gi . (b0 ) M est de type fini et pour tout système fini de générateurs (hi )i=1,...,m de M il existe des formes linéaires (βi )i=1,...,m sur M telles que : ∀x ∈ M x = Σ βi (x)hi . (b00 ) L’image de M ? ⊗A M dans HomA (M, M ) par l’homomorphisme canonique θM contient IdM (M ? désigne le dual de M et θM est défini par θM (α ⊗ a) = (x 7→ α(x)a). (c) Il existe un entier n et deux applications linéaires ϕ : M → An et ψ : An → M telles que ψ ◦ ϕ = IdM . On a alors An = Im(ϕ) ⊕ Ker(ψ) et M ' Im(ϕ). 18 2 PRÉLIMINAIRES (c0 ) M est de type fini et pour toute application linéaire surjective ψ : Am → M il existe une application linéaire ϕ : M → Am telle que ψ ◦ ϕ = IdM . On a alors Am = Im(ϕ) ⊕ Ker(ψ) et M ' Im(ϕ). Lorsque ces conditions sont réalisées on dit que le module M est projectif de type fini. Preuve. Le (b) (resp (b0 )) n’est qu’une reformulation de (c) (resp. (c0 )). Le (b00 ) n’est qu’une reformulation de (b). (a) ⇒ (c) : considérer les applications canoniques M → M ⊕ N et M ⊕ N → M . (c) ⇒ (a) : considérer θ = ϕ ◦ ψ. On a θ2 = θ. Cela fournit la projection de An sur M parallèlement à N . (b) ⇒ (b0 ) : en exprimant les gi comme combinaisons linéaires des hj on obtient les βj à partir des αi . 2 Une matrice de projection est une matrice carrée F vérifiant F 2 = F . En pratique, conformément au (a) ci-dessus, nous considèrerons un module projectif de type fini comme (copie par isomorphisme de l’) image d’une matrice de projection F . Lorsqu’on voit un module projectif de type fini selon la définition (c), la matrice de projection est celle de l’application linéaire ϕ ◦ ψ. De même, si on utilise la définition (b) la matrice de projection est celle ayant pour entrées les αi (gj ) en position (i, j). Le système ((g1 , . . . , gn ), (α1 , . . . , αn )) donné en (b) est appelé un système de coordonnées pour le module projectif de type fini M . Proposition 2.3.2 Soit ψ : Am → Aq une présentation d’un A-module M . Alors M est projectif de type fini si et seulement si il existe une application A-linéaire ϕ : Aq → Am vérifiant ψ◦ϕ◦ψ =ψ Preuve. Si ψ ◦ ϕ ◦ ψ = ψ, alors (ϕ ◦ ψ)2 = ϕ ◦ ψ. La projection ϕ ◦ ψ de Aq dans lui-même a la même image que ψ, donc définit le même conoyau, qui est donc bien un modules projectifs de type fini . Si le conoyau M de ψ est projectif, on applique à la projection π : Aq → M la propriété (c’) ci-dessus. On obtient θ : M → Aq avec θ ◦ π = IdM , de sorte que Aq = Im(θ) ⊕ Im(ψ). Donc Im(ψ) est projectif de type fini et on peut appliquer à ψ : Am → Im(ψ) la propriété (c’), ce qui nous donne ϕ sur la composante Im(ψ) (et on prend par exemple 0 sur Im(θ). 2 Idéaux principaux projectifs On obtient la description suivante des idéaux principaux projectifs. Lemme 2.3.3 Pour un idéal principal aA = hai les propriétés suivantes sont équivalentes : (1) hai est un A-module projectif de type fini. (2) Ann(a) = hsi avec s idempotent. (3) hai ' hri avec r idempotent. Preuve. Si r est un idempotent et s = 1 − r on a A ' hri ⊕ hsi. Donc hri est un A-module projectif. En particulier (3) ⇒ (1). On a (2) ⇒ (3) avec r = 1 − s puisque hai ' A/Ann(a). Voyons que (1) ⇒ (2). On a l’application linéaire surjective ψ : A → aA, x 7→ ax donc (proposition 2.3.1 (c’)) il existe ϕ : aA → A telle que ax = aϕ(ax) pour tout x. Posons θ(x) = ϕ(ax) de sorte que θ est une application linéaire de A dans A et donc θ(x) = bx. On a en particulier a = ab, et 2.4 Modules plats 19 ax = 0 ⇒ bx = ϕ(ax) = 0. De là on déduit que Ann(a) = (1 − b)A. On pose c = 1 − b. Le A-module aA est donc isomorphe au conoyau de l’application linéaire µc : A → A, x 7→ cx et la proposition 2.3.2 donne un élément d ∈ A tel que cdc = c. Donc s = cd est idempotent et hsi = hci. 2 Définition 2.3.4 Un anneau est dit intègre s’il est discret et si tout élément non nul a son annulateur réduit 0. Un anneau A est dit quasi intègre lorsque tout idéal principal est projectif. Un anneau intègre est donc un anneau quasi intègre dont les seuls idempotents sont 0 et 1, avec 0 = 1 ∨ 0 6= 1. Dans la littérature, un anneau quasi intègre est parfois appelé un anneau (( faiblement Baer )) ou encore, en anglais, un pp- ring (principal ideals are projective). Changement d’anneau de base Proposition 2.3.5 Si M est un A-module projectif de type fini et si ρ : A → B est un homomorphisme d’anneaux, alors le B-module ρ∗ (M ) obtenu par extension des scalaires à B est projectif de type fini. Si M est isomorphe à l’image d’une matrice de projection F = (fi,j ), ρ∗ (M ) est isomorphe à l’image de la même matrice vue dans B, c’est-à-dire la matrice de projection F ρ = (ρ(fi,j )). Preuve. L’extension de scalaires conserve les sommes directes et les projections. 2.4 2 Modules plats Définition 2.4.1 Un A-module M est appelé un module plat si, pour toute relation de dépendance linéaire LX = 0 (où L ∈ A1×n et X ∈ M n×1 ), on peut trouver un entier m, un élément Y ∈ M m×1 et une matrice G ∈ An×m qui vérifient : GY = X et LG = 0 (en langage intuitif, si il y a une relation de dépendance linéaire entre éléments de M ce n’est pas la faute au module.) L’explication qui est donnée pour la relation de dépendance linéaire LX = 0 dans la définition d’un module plat s’étend à un nombre fini de relation de dépendance linéaires. Proposition 2.4.2 Soit M un A-module plat et une famille de k relations de dépendance linéaires écrites sous la forme LX = 0 où L ∈ Ak×n et X ∈ M n×1 . Alors on peut trouver un entier m, un élément Y ∈ M m×1 et une matrice G ∈ An×m qui vérifient : GY = X et LG = 0 Preuve. Notons L1 , . . . , Lk les lignes de L. La relation de dépendance linéaire L1 X = 0 est expliquée par deux matrices G1 et Y1 et par deux égalités X = G1 Y1 et L1 G1 = 0. La relation de dépendance linéaire L2 X = 0 se réécrit L2 G1 Y1 = 0 c’est-à-dire L02 Y1 = 0. Cette relation de dépendance linéaire s’explique sous la forme Y1 = G2 Y2 et L02 G2 = 0. Donc X = G1 Y1 = G1 G2 Y2 . Avec L1 G1 G2 = 0 et L2 G1 G2 = L02 G2 = 0. Le vecteur colonne Y2 et la matrice H2 = G1 G2 expliquent donc les deux relations de dépendance linéaires L1 X = 0 et L2 X = 0. Il ne reste qu’à itérer le processus. 2 Le lemme suivant est immédiat. Lemme 2.4.3 Le A-module M ⊕ N est plats si et seulement si M et N sont plats. 20 2 PRÉLIMINAIRES Modules plats de type fini Dans le cas où le module est de type fini, la platitude devient une propriété plus élémentaire. Lemme 2.4.4 On considère un A-module M de type fini, et X ∈ M n×1 un vecteur colonne ayant pour entrées un système générateur x1 , . . . , xn . (1) Le module M est plat si et seulement si pour toute relation de dépendance linéaire LX = 0 (où L ∈ A1×n ), on peut trouver deux matrices G, H ∈ An×n qui vérifient : H + G = In , LG = 0 et HX = 0 (2) Si A est un anneau local et M est plat, on obtient l’alternative : L = 0 ou l’un des xi dépend linéairement des autres (il peut donc être supprimé sans changer M .) Preuve. (1) On ramène une relation de dépendance linéaire arbitraire L0 X 0 = 0 à une relation de dépendance linéaire LX = 0 en exprimant X 0 en fonction de X. A priori on devrait écrire X sous forme G1 Y avec LG1 = 0. Comme Y = G2 X on prend G = G1 G2 , H = In − G. P (2) C’est un (( determinant trick )). On dit que det(G) = det(In − H) s’écrit 1 + i,j bi,j hi,j . Donc det(G) ou l’un des hi,j est inversible. Dans le premier cas Y = 0, dans le deuxième, un des vecteurs xi s’exprime en fonction des autres : puisque HX = 0 chaque ligne de H est une relation de dépendance linéaire entre les xi . 2 Notez qu’en mathématiques classiques le point (2) du lemme précédent implique qu’un module plat de type fini sur un anneau local est libre. Du point de vue constructif il faudrait rajouter une hypothèse du style suivant : on sait décider, pour chaque partie du système générateur, si elle est linéairement indépendante. Nous pouvons donner une généralisation du lemme précédent exactement dans le style de la proposition 2.4.2. Proposition 2.4.5 On considère un A-module M plat de type fini, et X ∈ M n×1 un vecteur colonne ayant pour entrées un système générateur x1 , . . . , xn . Soit une famille de k relations de dépendance linéaires écrites sous la forme LX = 0 où L ∈ Ak×n et X ∈ M n×1 . Alors on peut trouver une matrice G ∈ An×n qui vérifie : GX = X et LG = 0 Preuve. Identique à la preuve de la proposition 2.4.2. 2 Théorème 4 Soit M un A-module. M est de présentation finie et plat si et seulement si M est projectif de type fini. Preuve. La condition est clairement suffisante. Montrons qu’elle est nécessaire (ceci est la forme matricielle de la preuve proposée en exercice dans [10] (III.5 exercice 4 p.96).) Supposons que le A-module M , engendré par x1 , . . . , xq , soit isomorphe au conoyau d’une matrice tL ∈ Aq×m . Notons X ∈ M m×1 le vecteur colonne ayant pour entrées les xi . On a LX = 0 et toute relation de dépendance linéaire entre les xi est une combinaison linéaire des lignes de L. En appliquant la proposition 2.4.5 on obtient une matrice G avec X = GX et LG = 0. Cela donne (In − G)X = 0. Donc chaque ligne de In − G est une combinaison linéaire des lignes de L : In − G = G1 L. Et L(In − G1 L) = LG = 0, c’est-à-dire L = LG1 L. On conclut par la proposition 2.3.2. 2 2.4 Modules plats 21 Idéaux principaux plats Nous disons qu’un élément a de A est non diviseur de zéro (en un seul mot) si la suite a. 0 −→ A −→ A est exacte. Autrement dit, on a : ∀b ∈ A (ba = 0 ⇒ b = 0) C’est seulement dans l’anneau trival que 0 est non diviseur de zéro. Un anneau A est dit sans diviseur de zéro si on a : ∀a, b ∈ A (ba = 0 ⇒ (a = 0 ou b = 0)) Un anneau intègre est donc un anneau sans diviseur de zéro et discret. Notez que le corps des réels n’est pas sans diviseur de zéro : on ne sait pas réaliser explicitement l’implication ci-dessus avec R. En appliquant la proposition 2.4.5 on obtient le point (1) du lemme suivant. Le calcul pour le point (2) est immédiat. Lemme 2.4.6 (1) Un idéal principal hai est un module plat si et seulement si pour tout x ∈ Ann(a) il existe z tel que az = 0 et zx = x. (2) Pour un anneau local A on a l’équivalence : tout idéal principal est plat ⇐⇒ l’anneau est sans diviseur de zéro La propriété pour un anneau d’être sans diviseur de zéro se comporte mal par recollement et celle pour un module d’être plat se comporte bien par localisation et recollement. Cela justifie la définition suivante : Proposition et définition 2.4.7 Un anneau A est dit localement sans diviseur de zéro lorsqu’il vérifie les propriétés équivalentes suivantes. (1) Tout idéal principal de A est plat. (2) ∀x, y ∈ A (yx = 0 ⇒ ∃z ∈ A (yz = 0 ∧ zx = x)) Notez qu’un anneau localement sans diviseur de zéro est réduit. Dans la littérature de lanque anglaise, on trouve parfois l’appellation pf - ring (principal ideals are flat) pour un anneau localement sans diviseur de zéro. En mathématiques classiques un anneau est localement sans diviseur de zéro si et seulement si il devient sans diviseur de zéro après localisation en n’importe quel idéal premier. Lemme 2.4.8 Soit A un anneau localement sans diviseur de zéro. Soit M un A-module plat, a ∈ A, y ∈ M tels que ay = 0. Alors il existe s ∈ A tel que as = 0 et sy = y. Autrement dit, tout sous-module monogène Ay de M est plat. Preuve. P On a des éléments xi de M et une égalité y = i bi xi dans M avec abi = 0. Puisque abi = 0, il existe ui tel que aui = a et ui bi = 0. On pose t = u1 · · · un et s = 1 − t. Puisque ta = a, on a as = 0. Puisque tbi = 0, on a aussi ty = 0 et sy = y. 2 D’après le théorème 4 on a : Fait 2.4.9 Un anneau cohérent est localement sans diviseur de zéro si et seulement si il est quasi intègre. 22 2 PRÉLIMINAIRES Changement d’anneau de base Proposition et définition 2.4.10 Si ρ : A → B est un homomorphisme d’anneau, on dit que B est plat sur A s’il est plat en tant que A-module. Les propriétés suivantes sont équivalentes : (1) B est plat sur A (2) Toute relation de dépendance B-linéaire entre éléments de A s’explique comme combinaison B-linéaire de relations de dépendance A-linéaire entre ces mêmes éléments. (3) Pour tout A-module plat M le B-module ρ∗ (M ) obtenu par extension des scalaires est plat. HUM Peut être donner ici également l’analogue du fait 2.5.4 2.5 Généralités sur la localisation Dans la suite, lorsqu’on parle d’un monoı̈de d’un anneau, on entend toujours une partie contenant 1 et stable pour la multiplication. Nous gardons la possibilité de localiser en un monoı̈de (multiplicatif) pouvant contenir 0. Le résultat est alors l’anneau trivial (et le module trivial). Un monoı̈de S d’un anneau A est dit saturé lorsqu’on a l’implication ∀s, t ∈ A (st ∈ S ⇒ s ∈ S) On note AS le localisé S −1 A de A en S. Si S est engendré par s ∈ A, on note As ou A[1/s] le localisé, qui est isomorphe à A[T ]/(sT − 1). Si on sature un monoı̈de, on ne change pas la localisation. Deux monoı̈des sont dits équivalents s’ils ont même saturé. Si M est un A-module le AS -module MS est obtenu par extension des scalaires de A à AS . En particulier si M est de type fini, de présentation finie ou projectif de type fini, il en va de même pour MS . La relation étroite qui existe entre les localisés locaux d’un anneau A et ses idéaux premiers est précisée dans le fait suivant. Fait 2.5.1 Soit S un monoı̈de multiplicatif saturé détachable7 d’un anneau non trivial A, ne contenant pas 0 : alors AS est un anneau local si et seulement si S = A\P où P est un idéal premier détachable, ne contenant pas 1. Par ailleurs, tout homomorhisme A → B de A vers un anneau local B résiduellement discret se factorise de manière unique par AP où P est l’image réciproque du radical R(B) (P est un idéal premier détachable de A). Rappelons que deux matrices carrées m × m sont dites semblables lorsqu’elles représentent le même endomorphisme de Am sur deux bases distinctes (ou non). Nous donnons maintenant deux preuves différentes du lemme de la liberté locale. Fait 2.5.2 Si S ⊂ S 0 sont deux monoı̈des de A et M un A-module on a des identifications canoniques (AS )S 0 ' AS 0 et (MS )S 0 ' MS 0 . Fait 2.5.3 AS est plat sur A : si M est un A-module plat alors MS est un AS -module plat. Fait 2.5.4 (1) Si M est un sous module de N , on a l’identification canonique de MS avec un sous module de NS et de (N/M )S avec NS /MS . 7 Dans le cadre général où on ne suppose pas la détachabilité, la notion la plus pertinente semble être en fait celle de coidéal. Un coidéal d’un anneau A est une partie S vérifiant xy ∈ S ⇒ x ∈ S, 1 ∈ S et (x + y ∈ S ⇒ x ∈ S ou y ∈ S). De sorte que P = {x ∈ A ; x ∈ S ⇒ 1 =A 0} est un idéal. Mais S n’est pas toujours égal à S 0 = {x ∈ A ; x ∈ P ⇒ 1 =A 0}. On obtient alors l’équivalence pour un monoı̈de S entre : être un coidéal et donner par localisation un anneau local. 2.5 Généralités sur la localisation 23 (2) Si f : M → N est une application A-linéaire, alors – Im(fS ) s’identifie canoniquement à (Im(f ))S , – Ker(fS ) s’identifie canoniquement à (Ker(f ))S , – Coker(fS ) s’identifie canoniquement à (Coker(f ))S . (3) Si f g M −→ N −→ P est une suite exacte de A-modules et S ⊂ A un monoı̈de, alors f g S S MS −→ NS −→ PS est une suite exacte de AS -modules. Fait 2.5.5 Si ϕ : M → M est un endomorphisme d’un A-module libre de rang fini et S un monoı̈de de A, alors det(ϕ)S = det(ϕS ) (ou si on préfère det(ϕ)/1 =AS det(ϕS )). Fait 2.5.6 Soient M et N deux A-modules et S un monoı̈de de A. Alors l’homomorphisme canonique de (M ⊗A N )S dans MS ⊗AS NS est un isomorphisme de AS -modules. Fait 2.5.7 Soit M un A-module, k un entier naturel et S un monoı̈de de A. Alors l’homomorphisme canonique de (∧kA M )S dans ∧kAS (MS ) est un isomorphisme de AS -modules. Pour le foncteur Hom les choses ne se passent pas toujours aussi bien. Des résultats importants pour la suite sont les suivants : Fait 2.5.8 Soit f : M → N , g : M → N deux applications linéaires entre A-modules, avec M de type fini. Soit S un monoı̈de de A. Alors fS = gS si et seulement si il existe s ∈ S tel que sf = sg. En d’autres termes, l’application canonique (HomA (M, N ))S → HomAS (MS , NS ) est injective. Fait 2.5.9 Soit M et N deux A-modules, S un monoı̈de de A et ϕ : MS → NS une application AS -linéaire. Supposons que M est de de présentation finie ou que A est intègre et M de type fini. Alors il existe une application A-linéaire φ : M → N et s ∈ S tels que ∀x ∈ M ϕ x 1 = φ(x) s En d’autres termes, l’application canonique (HomA (M, N ))S → HomAS (MS , NS ) est bijective. Preuve. Le deuxième cas est facile. Nous rappelons comment on peut traiter le premier cas (Cf. [11] exercice 9 p. 50 ou [6] chap. IV proposition 1.10). Pour suivre la preuve, on peut regarder la figure 2. Supposons que M est le conoyau de l’application linéaire g : Am → Aq avec une matrice G = (gi,j ) par rapport aux bases canoniques, q alors d’après le fait 2.5.4 le module MS est le conoyau de l’application linéaire gS : Am S → AS avec la q q matrice GS = (gi,j /1) par rapport aux bases canoniques. On note jm : Am → Am S , jq : A → AS , jM : q q M → MS , jN : N → NS , π : A → M , πS : AS → MS les applications canoniques. Soit ψ := ϕ ◦ πS , de sorte que ψ ◦ gS = 0. Donc ψ ◦ gS ◦ jm = 0 = ψ ◦ jq ◦ g. Il existe un dénominateur commun s ∈ S pour les images par ψ des vecteurs de la base canonique, donc il existe une application linéaire Ψ : Aq → N avec (sψ) ◦ jq = jN ◦ Ψ. D’où jN ◦ Ψ ◦ g = s(jm ◦ gS ◦ ψ) = 0. D’après le fait 2.5.8 appliqué à Ψ ◦ g, l’égalité jN ◦(Ψ◦g) = 0 dans NS implique qu’il existe s0 ∈ S tel que s0 (Ψ◦g) = 0. Donc s0 Ψ se factorise sous forme φ ◦ π. On obtient alors (ss0 ϕ) ◦ jM ◦ π = ss0 (ϕ ◦ πS ◦ jq ) = ss0 ψ ◦ jq = s0 jN ◦ Ψ = jN ◦ φ ◦ π, et puisque π est surjective ss0 ϕ ◦ jM = jN ◦ φ. C.-à-d., pour tout x ∈ M ϕ(x/1) = φ(x)/ss0 . 2 24 3 DÉCOMPOSITION CANONIQUE D’UN MODULE PROJECTIF DE TYPE FINI jm Am / Am S g jq Aq1 11 Π 111 11Ψ M B 111 BB 1 BB 11 B 1 φ BB! 1 jM N gS / Aq S2 22 22 ΠS 22 / MS 22ψ DD 22 DD 2 D 2 ϕ DDD2! 2 jN / NS Fig. 2 – Localisation des homomorphismes 3 Décomposition canonique d’un module projectif de type fini Nous donnons dans cette section un traitement entièrement élémentaire et constructif de la décomposition d’un module projectif de type fini en (( composantes )) de différents rangs, ce qui donne le théorème 2 sous une forme particulièrement précise. 3.1 Systèmes fondamentaux d’idempotents orthogonaux Rappelons que si r est un idempotent dans un anneau A, alors on a l’isomorphisme canonique A ' A /h1 − ri × A /hri et A /h1 − ri est une A-algèbre canoniquement isomorphe à rA : l’isomorphisme est donné par classe de x 7→ rx (r est élément neutre pour la multiplication à l’intérieur de rA). Si M est un A-module, M/(1 − r)M est un A /h1 − ri - module canoniquement isomorphe à rM : l’isomorphisme est donné par classe de x 7→ rx Rappelons aussi que dans un anneau A un système fondamental d’idempotents orthogonaux (sfio) est une liste (r1 , . . . , rn ) d’éléments de A qui vérifie : ri rj = 0 si i 6= j, et Σ ri = 1 (nous ne réclamons pas qu’ils soient tous non nuls). Ceci implique que rh = rh2 pour chaque h. On obtient alors pour tout A-module M : Fait 3.1.1 Si (r1 , . . . , rn ) est un sfio d’un anneau A, et si M est un A-module, on a : A ' A /h1 − r1 i × · · · × A /h1 − rn i M = r1 M ⊕ · · · ⊕ rn M Notez que r1 M est un A-module et un A /h1 − r1 i - module, mais que ce n’est pas (sauf exception) un A /h1 − r2 i -module : r1 M ⊗A A /h1 − r2 i = {0}. 3.2 Déterminant, polynome caractéristique et polynome fondamental d’un endomorphisme d’un module projectif de type fini Lorsque A est un anneau intègre, si M est un module projectif de type fini, on obtient par passage au corps des fractions un espace vectoriel M 0 de dimension finie k. On en déduit que le polynome caractéristique8 de la matrice F est égal à (X −1)k X n−k . De manière plus simple encore la multiplication 8 Nous choisissons de prendre pour polynome caractéristique d’une matrice F ∈ An×n le polynome det(XIn − F ), qui a l’avantage d’être unitaire. 3.2 Déterminant d’un endomorphisme d’un module projectif de type fini 25 par X dans M 0 a pour déterminant X k , ce qui équivaut à : det((In − F ) + XF ) = X k Lorsque A n’est pas intègre nous allons voir qu’on peut définir l’analogue du polynome X k cidessus. Tout d’abord nous introduisons le déterminant d’un endomorphisme d’un module projectif de type fini. Proposition et définition 3.2.1 (1) Soit ϕ : M → M un endomorphisme d’un module projectif de type fini. Supposons que M ⊕ N soit isomorphe à un module libre et prolongeons ϕ à M ⊕ N par l’identité sur N . Notons ϕ0 = ϕ ⊕ IdN cet endomorphisme de M ⊕ N . Alors – Le déterminant ϕ0 ne dépend que de ϕ. Le déterminant ainsi défini est appelé le déterminant de l’endomorphisme ϕ. On le note det(ϕ) ou det ϕ. – De même le déterminant de la multiplication par XIdM −ϕ dans le module M [X] sur l’anneau A[X] est appelé le polynome caractéristique de l’endomorphisme ϕ. On le note Cϕ (X). – Considérons l’endomorphisme cotransposé ϕe0 de ϕ0 . Il opère sur M et l’endomorphisme de M ainsi défini ne dépend que de ϕ. L’endomorphisme de M ainsi défini est appelé l’endomorphisme cotransposé de ϕ. On le note ϕ. e (2) Si ψ : M → M est un autre endomorphisme de M , on a : det(ϕ ◦ ψ) = det(ϕ)det(ψ). (3) Si ϕ0 : M 0 → M 0 est un endomorphisme d’un autre module projectif de type fini M 0 , on a : det(ϕ ⊕ ϕ0 ) = det(ϕ)det(ϕ0 ) ϕ^ ⊕ ϕ0 = det(ϕ0 )ϕ e ⊕ det(ϕ)ϕe0 (4) Si ψ : M → M et ψ 0 : M 0 → M 0 sont des endomorphismes de modules projectifs et si il existe un isomorphisme ϕ : M → M 0 vérifiant ϕ ◦ ψ = ψ 0 ◦ ϕ alors det(ψ) = det(ψ 0 ). (5) ϕ est un isomorphisme si et seulement si det(ϕ) est inversible. (6) L’endomorphisme cotransposé ϕ e est égal à un polynome P (ϕ) avec P ∈ A[X], et on a ϕ e◦ϕ = ϕ◦ϕ e = det(ϕ)IdM Preuve. Pour prouver le premier point de l’affirmation (1), on écrit Am ' M ⊕ N1 et An ' M ⊕ N2 de sorte que An+m ' M ⊕ N2 ⊕ M ⊕ N1 . On considère l’endomorphisme ψ de An+m qui est égal à ϕ sur une composante M et à l’identité sur les trois autres composantes. Selon la manière dont on regroupe les termes de la somme directe on trouve comme déterminant de ψ l’un ou l’autre des deux déterminants dont nous voulons démontrer l’égalité. Pour prouver le troisième point de l’affirmation (1), on procède de la même manière. Tout d’abord on rappelle que la cotransposition des endomorphismes vérifie le point (3) dans le cas des modules libres. On pose ensuite précisément (ce qui était implicite jusqu’ici) ϕ1 = ϕ ⊕ IdN1 , ϕ2 = ϕ ⊕ IdN2 donc ψ ' ϕ1 ⊕ IdAn ' ϕ2 ⊕ IdAm . On sait que ϕ f1 = P1 (ϕ1 ) où P1 est un polynome qu’on déduit du polynome caractéristique de ϕ1 (précisément on a XP1 (X) − det(ϕ1 ) = (−1)m+1 Cϕ1 (X)). Donc ϕ f1 opère sur M et sur N1 et sa restriction à M est égale à P1 (ϕ). En outre si ψe = Q(ψ) avec le polynome Q qui se déduit du polynome caractéristique de ψ on a : ψe restreint à M ⊕ N1 est égal d’une part à ϕ f1 (appliquer le point (3) dans le cas libre avec ϕ1 et IdAn ) et d’autre part à Q(ϕ1 ). Donc, en restriction à M , ϕ f1 est égal à la fois à P1 (ϕ) et à Q(ϕ). Comme on a les mêmes résultats avec ϕ2 on déduit que ϕ f1 et ϕ f2 opèrent tous deux sur M de la même manière. On remarque que les définitions données dans le point (1) redonnent bien les objets usuels de même nom dans le cas où le module est libre, puiqu’il suffit de prendre N = 0. Les affirmations (2), (3), (4), (5) résultent facilement de la définition, sachant que les résultats sont vrais dans le cas libre. 26 3 DÉCOMPOSITION CANONIQUE D’UN MODULE PROJECTIF DE TYPE FINI Pour le point (6) on a déjà vu que ϕ e = P1 (ϕ) et est égal à la restriction de ϕ f1 P1 (ϕ1 ) à M . Et puisque ϕ1 est un endomorphisme d’un libre on a ϕ f1 ◦ ϕ1 = det(ϕ1 )IdM ⊕N1 2 ce qui donne par restriction à M l’égalité voulue. Notez qu’on n’a pas indiqué dans (6) de moyen intrinsèque pour obtenir un polynome P vérifiant P (ϕ) = ϕ. e Nous remplirons cette obligation morale plus loin. Par ailleurs le théorème de Cayley-Hamilton ne semble pas résulter de considérations analogues à celles développées précédemment. HUM On devrait pouvoir le déduire du corollaire suivant. Corollaire 3.2.2 Soit ϕ : M → M un endomorphisme d’un module projectif de type fini, et x ∈ M vérifiant ϕ(x) = 0 alors det(ϕ)x = 0. Preuve. Résulte de ϕ e ◦ ϕ = det(ϕ)IdM . 2 Remarque 3.2.3 Le déterminant de l’application identique de tout module projectif de type fini, y compris le module réduit à {0}, est égal à 1 (en suivant la définition ci-dessus). Nous sommes intéressés par le polynome caractéristique de l’identité sur un module projectif de type fini. Il est cependant plus simple d’introduire un autre polynome qui lui est directement relié et qui est l’analogue du polynome X k dont nous parlions au début de cette section. Notation 3.2.4 Soit M un module projectif de type fini sur un anneau A et ϕ un endomorphisme de M . On considère le A[X]-module M [X] et on définit les polynomes Pϕ (X) et RM (X) par les égalités suivantes Pϕ (X) = det(IdM + Xϕ) et RM (X) = det(XIdM ) (donc RM (1 + X) = PIdM (X)). Le polynome Pϕ (X) est appelé le polynome fondamental de l’endomorphisme ϕ. Le polynome RM (X) est appelé le polynome multiplicatif du module M (9 ). ϕ. On notera que Pϕ (0) = 1 = RM (1), Cϕ (0) = det(−ϕ), Paϕ (X) = Pϕ (aX) mais Cϕ (X) n’est pas toujours unitaire (cf. exemple 3.2.7). On notera également que pour tout a ∈ A on obtient : det(aϕ) = det(aIdM )det(ϕ) = RM (a)det(ϕ) et donc RM (0) = det(0End(M ) ) en particulier C−ϕ (−X) = det(ϕ − XIdM ) = det(−(XIdM − ϕ)) = RM (−1)Cϕ (X) et det(ϕ) = RM (−1)Cϕ (0) qui remplace l’égalité det(ϕ) = (−1)k C ϕ (0) dans le cas des modules libres de dimension k. HUM Alors cette termnologie ? polynome multiplicatif , polynome caractéristique et polynome fondamental ? Le fait suivant est immédiat. 9 Cette terminologie est justifiée par le théorème 5. 3.2 Déterminant d’un endomorphisme d’un module projectif de type fini 27 Fait 3.2.5 Si ϕ : M → M est un endomorphisme d’un A-module projectif de type fini et S un monoı̈de de A, alors det(ϕ)S = det(ϕS ) (ou si on préfère det(ϕ)/1 =AS det(ϕS )). La même chose vaut pour l’endomorphisme cotransposé, le polynome fondamental, le polynome caractéristique et le polynome multiplicatif. Le polynome fondamental est plus facile à utiliser que le polynome caractéristique. Cela tient à ce que le polynome fondamental est invariant lorsqu’on rajoute (( en somme directe )) un endomorphisme nul à ϕ. Ceci permet de ramener systématiquement et facilement le calcul d’un polynome fondamental au cas où le module projectif est libre. De manière précise, on pourra calculer les polynomes précédemment définis en suivant le lemme ci-après. Lemme 3.2.6 (calcul explicite du déterminant, du polynome fondamental et du polynome caractéristique) . On suppose que le A-module M est (isomorphe à) l’image d’une matrice de projection F ∈ Matn (A) = An×n . Un endomorphisme ϕ de M est caractérisé par la matrice H de l’application linéaire ϕ1 : An → An obtenue en prolongeant ϕ par l’application nulle sur le noyau de F . Une telle matrice H est soumise à l’unique restriction F · H · F = H. Notons N le A-module Ker(F ) de sorte que M ⊕ N ' An et In − F est la matrice de projection sur N . (1) Calcul du déterminant : on pose G = In − F + H, det(ϕ) = det(IdN ⊕ ϕ) = det(G) (2) Donc aussi det(XIdM + Y ϕ) = det(IdN ⊕ (XIdM + Y ϕ)) = det(In + (X − 1)F + Y H) (3) Calcul du polynome multiplicatif de M RM (1 + X) = det((1 + X)IdM ) = det(In + XF ) en particulier RM (0) = det(In − F ) Donc RM (1 + X) = 1 + u1 X + · · · + un X n , où uh est la somme des mineurs diagonaux d’ordre h de la matrice F . (4) Calcul du polynome fondamental de ϕ X Pϕ (Y ) = det(IdM + Y ϕ) = det(In + Y H) = 1 + vk Y k k=1,...,n où vk est la somme des mineurs diagonaux d’ordre k de la matrice H. (5) Calcul du polynome caractéristique de ϕ Cϕ (X) = det(XIdM − ϕ) = det(In − H + (X − 1)F ) (6) Calcul de l’endomorphisme cotransposé ϕ e de ϕ. Il est défini par la matrice e·F =G e − det(ϕ)(In − F ) G En particulier le polynome caractéristique de IdM est égal à RM (X − 1). Exemple 3.2.7 Soit e un idempotent de A et f = 1 − e. Le module A est somme directe des sousmodules eA et f A qui sont donc projectifs de type fini. La matrice 1×1 ayant pour unique coefficient e est une matrice F dont l’image est M = eA. Si a ∈ A notons µa la multiplication par a dans M = eA. La matrice H a pour unique coefficient ea. On a alors en appliquant les formules précédentes : det(0eA ) = f, ReA (X) = f + eX, CIdeA (X) = f − e + eX, det(µa ) = f + ea, Pµa (X) = 1 + eaX, Cµa (X) = 1 − ea + e(X − 1) = f − ea + eX On constate que le polynome caractéristique de µa n’est pas unitaire si e 6= 1. On a bien le théorème de Cayley-Hamilton : Cµa (µa ) = (f − ea)IdeA + eµa = (f − ea + ea)IdeA = f IdeA = 0eA . 28 3.3 3 DÉCOMPOSITION CANONIQUE D’UN MODULE PROJECTIF DE TYPE FINI Le dual et l’annulateur d’un module projectif de type fini Lemme 3.3.1 Soit M un A-module projectif de type fini et ((xi )1≤i≤n , (αi )1≤i≤n ) un système de coordonnées sur M . Notons xi l’image canonique de xi dans le bidual (M ? )? . Alors M ? est un module projectif de type fini et ((αi )1≤i≤n , (xi )1≤i≤n ) un système de coordonnées sur M ? . Preuve. D’après la proposition 2.3.1 (b) il suffit de montrer que les αi engendrent M ? . Or les αi proviennent des formes coordonnées du module libre An = M ⊕ N . 2 Proposition 3.3.2 Soit M un A-module projectif de type fini. Soit r0 = det(0End(M ) ) = RM (0) et P JM = α∈M ? α(M ) = h{α(x); α ∈ M ? , x ∈ M }i l’image de l’homomorphisme canonique θ : M ? ⊗A M → A. Alors on a (1) r0 est un idempotent et hr0 i est l’annulateur du module M et de l’idéal JM . (2) s0 = 1 − r0 est un idempotent et hs0 i = JM . Preuve. P Le fait que Im(θ) = α∈M ? α(M ) découle des définitions. On a aussi clairement Ann(M ) ⊂ Ann(JM ). L’élément r0 est un idempotent parce que 0End(M ) est un idempotent. On a r0 M = 0 parce que 0End(M ) = 0 (corollaire 3.2.2). Donc hr0 i ⊂ Ann(M ). On en déduit aussi r0 JM = 0 et donc JM ⊂ Ann(r0 ). Soit ((xi )1≤i≤n , (αi )1≤i≤n ) un système de coordonnées sur M . Il est clair que JM = h{α(x); α ∈ M ? , x ∈ M }i = h(αj (xi ))1≤i,j≤n i Par ailleurs la matrice F = (αj (xi ))1≤i,j≤n a une image isomorphe à M et r0 = det(In − F ). On a In − F ≡ In modulo JM donc en prenant les déterminants r0 ≡ 1 modulo JM , c’est-à-dire hs0 i ⊂ JM . Donc Ann(JM ) ⊂ Ann(s0 ). On peut donc conclure : hr0 i ⊂ Ann(M ) ⊂ Ann(JM ) ⊂ Ann(s0 ) = hr0 i et hs0 i ⊂ JM ⊂ Ann(r0 ) = hs0 i 2 En fait on a aussi montré que JM = hs0 i = h(αj (xi ))i. Corollaire 3.3.3 L’égalité RM (X) = 1 caractérise, parmi les modules projectifs de type fini, le module M = {0}. Elle équivaut aussi à r0 = RM (0) = 1 Preuve. Puisque hr0 i est l’annulateur de M , il est clair que M =0 ⇐⇒ r0 = 1 On a RM (1) = det(IdM ) = 1 pour tout module projectif de type fini. Dire que RM (X) = 1 équivaut donc à dire que RM (X) est une constante, et cela implique que r0 = RM (0) = 1. Réciproquement, si M = 0 alors XIdM = 0End(M [X]) = IdM [X] donc son déterminant est égal à 1. 2 3.4 Modules de rang constant 3.4 29 Modules de rang constant L’affirmation suivante est un simple calcul. Lemme 3.4.1 Soit M un A-module libre de rang k. Alors RM (X) = X k . Si en outre ϕ est un endomorphisme diagonalisable de valeurs propres λ1 , . . . , λk , on a Pϕ (X) = (1 + λ1 X) · · · (1 + λk X) Remarque 3.4.2 Notez qu’une généralisation du théorème : dim(M ⊕ N ) = dim(M ) + dim(N ) concernant les modules libres est donnée pour les modules projectifs de type fini par : RM ⊕N (X) = RM (X)RN (X) Définition 3.4.3 Un module projectif de type fini M est dit de rang égal à h si RM (X) = X h . Si on ne précise pas la valeur du rang, on dit simplement que le module est de rang constant. La convention suivante permet une formulation plus uniforme des théorèmes et des preuves dans la suite. Remarque 3.4.4 Lorsque l’anneau A est réduit à {0} tous les A-modules sont triviaux. Néanmoins, conformément à la définition ci-dessus, ce module est un module de rang constant égal à k, pour n’importe quelle valeur de l’entier k ≥ 0. Par ailleurs il est immédiat que si un module projectif de type fini a deux rangs constants distincts, alors l’anneau est réduit à {0} : on a RM (X) = 1A X h = 1A X k avec h 6= k donc le coefficient de X h est égal à la fois à 1A et à 0A . Le lemme suivant donne un point de ressemblance entre un module projectif de rang constant et un module libre. C’est une conséquence immédiate de la proposition 3.3.2. Lemme 3.4.5 L’annulateur d’un module projectif de rang k > 0 est réduit à 0. Nous faisons maintenant le lien entre notre définition et la définition usuelle d’un module projectif de rang k. La preuve de cette équivalence n’est cependant pas constructive (et ne peut pas l’être). Proposition 3.4.6 Soit k un entier naturel et M un module projectif de type fini sur un anneau A non trivial. Notons N le nilradical de A. Supposons que F soit une matrice de projection de type n × n ayant pour image (un module isomorphe à) M . Alors les propriétés suivantes sont équivalentes : (a) M est de rang k, i.e., RM (X) = X k (b) Pour tout idéal premier P de A, l’espace vectoriel obtenu à partir de M en étendant les scalaires au corps des fractions de A/P est de dimension k. (c) À des nilpotents près, on a : det(In + XF ) = (1 + X)k . C.-à-d. encore : RM (X) ≡ X k modulo N [X]. Preuve. D’un point de vue classique, la preuve de l’équivalence de (b) et (c) est immédiate ; il suffit de se rappeler que l’intersection des idéaux premiers est le nilradical de A, i.e. l’ensemble des nilpotents. Notez que d’un point de vue cofz, la condition (b) est a priori trop faible, par manque d’idéaux premiers. Par ailleurs (a) implique trivialement (c). Réciproquement, si RM (X) = X k à des nilpotents près, ces nilpotents sont idempotents en raison du théorème 5 (page 30), donc ils sont nuls. 2 Notez que la preuve de (a) ⇔ (c) est constructive. Nous pouvons en outre donner une interprétation constructive de l’équivalence entre (a) et (b), en donnant une version constructive du (b) : 30 3 DÉCOMPOSITION CANONIQUE D’UN MODULE PROJECTIF DE TYPE FINI Proposition 3.4.7 Soit k un entier naturel et M un module projectif de type fini sur un anneau A. Supposons que F soit une matrice de projection de type n × n ayant pour image (un module isomorphe à) M . Alors les propriétés suivantes sont équivalentes : (a) M est de rang k, i.e., RM (X) = X k . (b) Lorsqu’on évalue dynamiquement l’anneau A comme un corps, le module M devient libre de dimension k. Nous renvoyons à [8] pour une explicitation précise de cette proposition (voir aussi [7] et [2]). 3.5 Décomposition d’un module projectif de type fini Si M est un module projectif de type fini, il lui correspond un système fondamental d’idempotents orthogonaux de manière canonique : Théorème 5 Soit M un module projectif de type fini sur un anneau A. On a alors RM (X)RM (Y ) = RM (XY ) et RM (1) = 1 Autrement dit, les coefficients de RM (X) forment un système fondamental d’idempotents orthogonaux. Preuve. Si µa désigne la multiplication par a dans M [X, Y ] on a clairement µX µY = µXY , donc RM (X)RM (Y ) = RM (XY ) (proposition 3.2.1 (2)). Puisque RM (1) = det(IdM ) = 1, on en déduit que les coefficients de RM (X) forment un sfio. 2 Proposition et définition 3.5.1 Soit M un A-module projectif de type fini et h un entier naturel. Si RM (X) = r0 + r1 X + · · · + rn X n , on note eh (M ) := rh . Il est appelé l’idempotent associé à l’entier h et au module M (si h > n on pose eh (M ) := 0). On note M [h] le module rh M ({0} si h > n). (1) Le module M [h] est un A /h1 − rh i -module projectif de rang h. Il est appelé la composante du module M en rang h. (2) L’idéal r0 A est l’annulateur du A-module M . (3) Pour h > 0 si rh M = {0} alors rh = 0. HUM peut être que la terminologie composante en rang h est mauvaise. Preuve. Considérons M comme image d’une matrice de projection F . 1) Lorsqu’on passe au quotient par (1 − rh )M , le module M devient un A /h1 − rh i -module canoniquement isomorphe à M [h] = rh M . Identifions A /h1 − rh i avec rh A. Alors dans l’anneau rh A on a rh = 1 donc RM [h] (1 + X) = det(In + rh F ) = det(rh In + rh F ) = det(rh (In + F )) = rh det(In + F ) = rh RM (1 + X) et donc RM [h] (X) = rh RM (X) = rh X h = X h dans A /h1 − rh i . 2) Déjà vu (proposition 3.3.2). 3) C’est une conséquence immédiate du point (2). 2 Commentaire 3.5.2 La preuve légèrement trop compliquée du point (1) a en fait une signification d’une simplicité redoutable. Elle cache un argument de localisation assez foudroyant. En effet le déterminant et donc le polynome RM se comportent bien par localisation. Lorsqu’on localise en rh , on rend rh inversible donc égal à 1 (c’est un idempotent), l’anneau A devient l’anneau rh A (où rh est le neutre), le module M image de F devient le module rh M = M [h] image de rh F et le polynome RM 3.5 Décomposition d’un module projectif de type fini 31 devient son localisé en rh , c.-à-d. (( lui-même )) regardé comme à coefficents dans rh A. Mais justement dans l’anneau rh A on a RM (X) =rh A rh RM (X) =rh A rh X h =rh A X h . Nous aurions donc pu écrire la preuve suivante : en localisant en rh on obtient RM [h] (X) =rh A RM (X)/1 =rh A X h . Notez que, sauf si rh = 1 ou h = 0, le module rh M n’est pas de rang constant en tant que A-module. Le théorème suivant résume certains résultats précédents. Nous obtenons ainsi le théorème 2 en précisant ce que sont les idempotents. Théorème 6 Soit M un A-module projectif de type fini. Le déterminant de la multiplication par P X dans M [X], c’est-à-dire le polynome multiplicatif RM (X), s’écrit h rh X h et les rh forment un système fondamental d’idempotents orthogonaux de A. Le module M est en tant que A-module somme directe des rh M . Chaque module rh M est un module projectif de rang constant égal à h sur l’anneau A /h1 − rh i . Enfin r0 A est l’annulateur de M . Remarque 3.5.3 Si M est (isomorphe à) l’image d’une matrice de projection F les idempotents ei (M ) attachés au module M peuvent être reliés au polynome caractéristique de la matrice F comme suit : det(XIn − F ) =: r0 X n + r1 X n−1 (X − 1) + · · · + ri X n−i (X − 1)i + · · · + rn (X − 1)n (les X n−i (X − 1)i forment une base du module des polynomes de degré ≤ n, triangulaire par rapport à la base usuelle) 32 4 4 LES MODULES PROJECTIFS DE TYPE FINI SONT LOCALEMENT LIBRES Les modules projectifs de type fini sont localement libres Dans cette section, nous établissons la partie directe du théorème 1. 4.1 Compléments sur les puissances extérieures d’un module projectif de type fini Nous établissons maintenant un résultat important pour la suite. Proposition 4.1.1 (1) Si M est un module projectif de type fini, alors la puissance extérieure k-ème de M , notée ∧k M est aussi un module projectif de type fini. (2) Si M est un module projectif de type fini, et ϕ un endomorphisme de M le polynome P∧k ϕ (X) ne dépend que de k et du polynome Pϕ (X). (3) Si M est un module projectif de rang h ≥ k, le module ∧k M est projectif de rang hk . Dans ce cas, si ϕ est un endomorphisme vérifiant Pϕ = (1 + λ1 X) · · · (1 + λk X), on a P∧k ϕ (X) = Q k 1≤i1 <···<ik ≤h (1 + λi1 · · · λik X). Si M est un module projectif de rang h < k, le module ∧ M est nul. (4) Si F est une matrice de projection ayant pour image un module projectif de rang k, tous les mineurs d’ordre k + 1 de F sont nuls. Preuve. — 1) Supposons que M ⊕ N soit un module libre. On a par exemple, en considérant le problème universel que résoud la puissance extérieure k-ème ∧2 (M ⊕ N ) ' ∧2 M ⊕ (M ⊗ N ) ⊕ ∧2 N ∧3 (M ⊕ N ) ' ∧3 M ⊕ (∧2 M ⊗ N ) ⊕ (M ⊗ ∧2 N ) ⊕ ∧3 N ∧4 (M ⊕ N ) ' ∧4 M ⊕ (∧3 M ⊗ N ) ⊕ (∧2 M ⊗ ∧2 N ) ⊕ (M ⊗ ∧3 N ) ⊕ ∧4 N et on généralise sans difficulté. — 2) Supposons M ⊕ N ' An , avec M = Im(F ) (où F est une matrice de projection n × n). On peut supposer sans perte de généralité que n ≥ k. L’endomorphisme ϕ se prolonge en ϕ1 : An → An , nul sur N , de matrice H avec F HF = H, et on a Pϕ (X) = Pϕ1 (X) = det(In + XH). Alors on voit que ∧k ϕ1 est un prolongement de ∧k ϕ, nul sur les termes distincts de ∧k M dans la somme directe explicitée en (1). La matrice de ∧k ϕ1 n’est autre que ∧k H. On veut donc montrer que det(I(n) + X(∧k H)) ne k dépend que de k et de det(In + XH). Nous nous sommes donc ramenés au cas d’un module libre. Considérons donc le cas d’un endomorphisme d’un module libre, ayant pour matrice H. Nous voyons qu’il s’agit alors de démontrer des identités algébriques, puisqu’on peut remplacer H par la matrice compagnon de son polynome caractéristique pour savoir à quoi doit être égal det(I(n) + X(∧k H)). k Puisqu’il s’agit de démontrer des identités algébriques, on peut se restreindre au cas où A est le corps des complexes et se limiter à un ouvert de l’espace des matrices n × n. On peut donc supposer que la matrice H est diagonalisable avec des valeurs propres distinctes λ1 , . . . , λn . On a alors det(In + XH) = (1 + λ1 X) · · · (1 + λn X) La matrice ∧k H est également diagonalisable avec pour valeurs propres les produits de k distincts λi . Il est donc clair que Y det(I(n) + X(∧k H)) = (1 + λi1 · · · λik X) k 1≤i1 <···<ik ≤n et que ses coefficients sont des polynomes symétriques en les λi qui s’expriment en fonction de k et des fonctions symétriques élémentaires des λi , i.e., les coefficients de det(In + XH). 4.2 Cas des modules de rang constant 33 — 3) Ce point résulte du précédent, puisque le (( cas projectif de rang k )) peut se déduire du cas (( libre de dimension k )). — 4) Cela équivaut au fait que ∧k+1 M est nul. On peut si on veut redire la preuve, en la donnant sous forme matricielle. D’après le (2), on sait que det(I + X ∧k+1 F ) = 1, donc la matrice ∧k+1 F a n pour polynome caractéristique X (k+1) . Cette matrice est donc nilpotente et idempotente, donc nulle. 2 Remarques 4.1.2 1) Plus généralement pour k > 0 on voit que R∧k M (X) s’exprime à partir de k et de RM (X) de la manière suivante k+r k R∧k M (X) = r0 + · · · + rk−1 + rk X + rk+1 X k+1 + · · · + rk+r X ( ) + · · · + r X (nk) n (où on a posé rh := eh (M )). On a aussi par convention ∧0 M = A et donc aussi R∧0 M (X) = X. 2) Si on note ∧M l’algèbre extérieure de M , on montrera par un calcul analogue que k n R∧M (X) = r0 X + r1 X 2 + · · · + rk X 2 + · · · + rn X 2 3) On peut calculer P∧k (ϕ) à partir de Pϕ de la manière suivante. Puisque Pϕ (0) = 1 et deg(Pϕ ) ≤ n, si Ψ est l’endomorphisme de An ayant pour matrice la matrice compagnon C de X n Pϕ (−1/X), on obtient Pϕ = Pψ . Donc P∧k (ϕ) = P∧k (ψ) = det(Inchoosek + X ∧k C). On peut déduire des remarques précédentes la proposition suivante. Proposition 4.1.3 Soit M un module projectif de type fini, et h ≤ k deux entiers. Alors on a l’équivalence de a) M est de rang constant h. b) ∧M est de rang constant 2h . c) ∧k M est de rang constant hk . 4.2 Cas des modules de rang constant Le théorème suivant précise le théorème 2 dans [1] chap. II §5. Théorème 7 Soit M un A-module projectif de rang constant h avec n générateurs, (isomorphe à l’) image d’une matrice de projection F ∈ Matn (A). Alors les nh mineurs diagonaux (si ) d’ordre h de F vérifient : – Σi si = 1 et – chaque Asi -module Msi est libre de rang h, la matrice F vue comme matrice à coefficients dans Asi est semblable à la matrice de projection standard Ih,n,n . Preuve. Si M est l’image d’une matrice de projection F , alors la somme des mineurs diagonaux si d’ordre h est égale à 1 puisque det(In + XF ) = (1 + X)h . Par ailleurs puisque tout mineur d’ordre h + 1 est nul (proposition 4.1.1), on peut appliquer le lemme de la liberté (page 12) à chacun des localisés Msi , qui est isomorphe à l’image de la matrice F vue comme matrice à coefficients dans Msi (d’après le fait 2.5.4). 2 Remarque 4.2.1 Dans le théorème précédent, il se peut que si soit nilpotent pour certaines valeurs de i, donc que Asi soit trivial. Le fait de ne pas exclure ces localisations nulles est inévitable lorsqu’on ne dispose pas d’un test pour savoir si un élément de A est ou n’est pas nilpotent. Ceci justifie la convention naturelle 3.4.4. 34 4.3 4 LES MODULES PROJECTIFS DE TYPE FINI SONT LOCALEMENT LIBRES Cas général Nous allons être amenés à considérer l’anneau localisé Ar où r est un idempotent, ainsi que le localisé Mr pour un A-module M . Il est bon de remarquer que Ar s’identifie canoniquement à l’anneau quotient A /h1 − ri , c.-à-d. encore à l’idéal rA muni de la structure d’anneau où r est l’élément neutre de la multiplication. L’application canonique de A vers Ar identifié à rA est donnée par x 7→ rx. Quant à Mr , il s’identifie naturellement à rM (avec l’application canonique M → rM, x 7→ rx). Si M est image d’une application linéaire f : An → An de matrice F , le module Mr s’identifie aussi naturellement à l’image de l’application linéaire fr : Anr → Anr ayant pour matrice la matrice rF (lorsqu’on identifie Ar avec rA). Ceci résulte du fait 2.5.4 modulo les identifications canoniques. Après toutes ces considérations préliminaires, le théorème suivant, qui est une version précise de la partie directe du théorème 1, est immédiat. Théorème 8 Soit M un A-module projectif de type fini avec n générateurs. Alors pour chaque idempotent eh (M ) il existe une suite finie de nh éléments (sh,i ) de A (ce qui fait 2n éléments en tout) avec les propriétés suivantes : – Σi sh,i = eh (M ), – Σh,i sh,i = 1, – chaque Asi -module Msh,i est libre de rang h. En particulier, pour tout module projectif de type fini à n générateurs, 2n éléments si suffisent pour le théorème 1. Preuve. On localise d’abord en eh (M ) pour se ramener au théorème 7. On localise ensuite encore un peu plus conformément à ce dernier théorème. 2 Une forme pratique du théorème précédent est sa forme matricielle. En réalité, les théorèmes 6, 7 et 8 n’ont pas de signification calculatoire supérieure à celle du théorème matriciel suivant, qui est même légèrement plus précis. Théorème 9 (forme matricielle explicite des théorèmes 6, 7 et 8, qui donne le théorème 1 pour la partie directe) Soit A un anneau, F ∈ Matn (A) avec F 2 = F et M le module projectif de type fini image de F dans An . On définit les éléments rh de A pour h = 0, . . . , n par les égalités : RM (1 + X) := det(In + XF ), RM (X) =: r0 + r1 X + · · · + rn X n Alors : (a) La famille (rh )h=0,...,n est un système fondamental d’idempotents orthogonaux de A. (b) Pour h = 0, . . . , n − 1, si u est un mineur d’ordre h + 1 de F , on a rh u = 0 dans A. (c) Si les th,i sont les mineurs diagonaux d’ordre h de F , et si on pose sh,i = rh th,i on obtient : – la somme (pour h fixé) des sh,i est égale à rh , – chaque Ash,i -module Msh,i est libre de rang h, – la matrice F est semblable sur Ash,i à la matrice Ih,n,n , – la famille de tous les sh,i a pour somme 1 et convient pour le théorème 1. Remarque 4.3.1 Si on s’en tient au strict point de vue calculatoire, le théorème 9 résume les théorèmes 6, 7 et 8 qui l’ont précédé. Il n’est donc pas inintéressant d’en donner une preuve purement matricielle qui concentre toutes les preuves précédentes, et qui est particulièrement élémentaire : Preuve matricielle du théorème matriciel. (a) La famille (rh )h=0,...,n est un système fondamental d’idempotents orthogonaux. Cela résulte de RM (1) = 1 (évident) et de RM (XY ) = RM (X)RM (Y ) qui se voit comme suit : 4.4 Cas générique 35 RM (1 + X)RM (1 + Y ) = det(In + XF )det(In + Y F ) = det((In + XF )(In + Y F )) = det(In + (X + Y )F + XY F 2 ) = det(In + (X + Y + XY )F ) = RM (1 + X)(1 + Y )) (b) La matrice rh F a pour polynome fondamental det(In + rh XF ) qui, dans l’anneau rh A, est égal à rh det(In + rh XF ) = rh det(In + XF ) = rh RM (X) = rh (1 + X)h . En se plaçant dans l’anneau rh A on est donc ramené à démontrer le (b) pour le cas où rh = 1 et det(In + XF ) = (1 + X)h , ce que nous supposons désormais. Nous devons montrer que les mineurs d’ordre h + 1 de F sont tous nuls. Les mineurs d’ordre h + 1 sont les entrées de la matrice ∧h+1 F = G. Puisque F 2 = F on a aussi G2 = G. Par ailleurs, pour n’importe quelle matrice H, le polynome fondamental de ∧k H ne dépend que de k et du polynome fondamental de H (il s’agit de vérifier des identités algébriques en les coefficients de H et ces identités sont vraies dans le cas des matrices diagonalisables, cf. fin de la preuve du point (2) de la proposition 4.1.1). Appliquant ceci pour calculer le polynome fondamental de G, nous pouvons remplacer F par la matrice F1 = Ik,n,n qui a même polynome fondamental que F . Comme ∧h+1 F1 est h+1 nulle, son polynome fondamental est égal à 1, donc son polynome caractéristique est X ( n ) , donc, par Cayley-Hamilton, la matrice G est nilpotente, et comme elle est idempotente, elle est nulle. 2 (c) Résulte de (a), (b) et du lemme de la liberté. Nous terminons cette section par deux propositions désormais faciles dont nous laissons la preuve au lecteur. Proposition 4.3.2 Pour un A-module M projectif de type fini, les propriétés suivantes sont équivalentes : a) M est de rang constant h. b) Pour tout élément s de A, si Ms est libre sur As , il est de dimension h. Proposition 4.3.3 (localisés libres et unicité du sfio) Soit M un A module projectif de type fini. Posons rh = eh (M ). Soit s un élément de A. – Pour que le localisé Ms soit projectif de rang h il faut et suffit que rh /1 = 1 dans As , c.-à-d. que rh sm = sm dans A pour un certain exposant m. – Si s est un idempotent, cela signifie que rh divise s ou encore que rh − s et s sont deux idempotents orthogonaux. – Enfin si s0 , . . . , sn est un sfio tel que chaque Msh soit de rang h sur Ash , alors rh = sh pour h = 0, . . . , n. 4.4 Cas générique Qu’est-ce que nous appelons le cas générique, concernant un module projectif à n générateurs ? Nous considérons l’anneau Bn = Z[(fi,j )1≤i,j≤n ]/Bn Z[F ]/Bn , où Bn est l’idéal défini par les n2 relations obtenues en écrivant F 2 = F . Dans cet anneau Bn , nous avons la matrice F = (fi,j ) dont l’image dans Bnn est ce qui mérite d’être appelé le module projectif générique à n générateurs. Reprenons les notations du théorème 9 dans ce cas particulier. Dire que rh rk = 0 dans Bn (pour 0 ≤ h 6= k ≤ n) signifie que, dans Z[F ] = Z[(fi,j )1≤i,j≤n ] rh (F )rk (F ) ∈ Bn (∗) Cela implique une identité algébrique qui permet d’exprimer cette appartenance. Cette identité algébrique est naturellement valable dans tous les anneaux commutatifs. Il est donc clair que si l’appartenance (∗) est vérifiée dans le cas générique, elle implique rh rk = 0 pour n’importe quelle matrice de projection pour n’importe quel anneau commutatif. La même chose vaut pour les égalités rh u = 0 lorsque u est un mineur d’ordre h + 1. 36 4 LES MODULES PROJECTIFS DE TYPE FINI SONT LOCALEMENT LIBRES En résumé : si le théorème 9 est vérifié dans le cas générique, il est vérifié dans tous les cas. Comme souvent, nous constatons donc que des théorèmes importants d’algèbre commutative ne font rien d’autre qu’affirmer l’existence de certains types particuliers d’identités algébriques. 37 5 Le principe local global Dans cette section, nous établissons tout d’abord quelques unes des instances les plus importantes de ce qu’il est convenu d’appeler le principe local-global, que nous développons sous forme de principes local-global concrets, et notamment la partie réciproque du théorème 1, que nous appelons (( principe local-global concret de recollement des modules projectifs de type fini )). Dans une deuxième sous section, nous établissons certains principes local-global abstraits correspondants, en utilisant ici, de manière inévitable, des preuves non constructives. Dans la dernière sous section, nous donnons quelques exemples d’utilisation de principes local-global concrets en lieu et place de principes local-global abstraits analogues. 5.1 Quelques principes local-global concrets Nous traiterons ici des versions concrètes de principes du type local-global. Pour ces versions concrètes, la localisation est réclamée en un nombre fini d’éléments de A qui engendrent A en tant qu’idéal : si la propriété considérée est vraie après localisation en un nombre fini d’éléments de A qui engendrent A en tant qu’idéal, alors elle est vraie. Nous utiliserons la notion un peu plus générale suivante. Définition 5.1.1 (1) Des monoı̈des S1 , . . . , Sn de l’anneau A sont dits comaximaux si un idéal de A qui coupe chacun des Si contient toujours 1, autrement dit si on a : ∀s1 ∈ S1 · · · ∀sn ∈ Sn ∃a1 , . . . , an ∈ A n X ai si = 1 i=1 (2) On dit que les monoı̈des S1 , . . . , Sn de l’anneau A recouvrent le monoı̈de S si S est contenu dans les Si et si un idéal de A qui coupe chacun des Si coupe toujours S, autrement dit si on a: n X ∀s1 ∈ S1 · · · ∀sn ∈ Sn ∃a1 , . . . , an ∈ A ai si ∈ S i=1 En algèbre classique (avec l’axiome de l’idéal premier) cela revient à dire dans le premier cas que les ouverts de Zariski USi recouvrent Spec(A) et dans le deuxième cas que les ouverts de Zariski USi recouvrent l’ouvert US . Du point de vue constructif, Spec(A) est un espace topologique connu via ses ouverts US mais dont les points sont souvent difficilement accessibles. Un recouvrement de recouvrements est un recouvrement (calculs immédiats) : Lemme 5.1.2 (1) (associativité) Si les monoı̈des S1 , . . . , Sn de l’anneau A recouvrent le monoı̈de S et si chaque S` est recouvert par des monoı̈des S`,1 , . . . , S`,m` , alors les S`,j recouvrent S. (2) (transitivité) Soit S un monoı̈de de l’anneau A et S1 , . . . , Sn des monoı̈des comaximaux de l’anneau AS . Pour ` = 1, . . . , n soit V` le monoı̈de de A formé par les numérateurs des éléments de V` . Alors les monoı̈des V1 , . . . , Vn recouvrent S. Plus généralement soient S0 , . . . , Sn des monoı̈des de l’anneau AS tels que S1 , . . . , Sn recouvre S0 dans AS . Pour ` = 0, . . . , n soit V` le monoı̈de de A formé par les numérateurs des éléments de S` . Alors les monoı̈des V1 , . . . , Vn recouvrent V0 . Définition et notation 5.1.3 Nous noterons M(U ) le monoı̈de engendré par l’élément ou la partie U de A, IA (I) ou I(I) ou hIi l’idéal de A engendré par I, et S(I; U ) le monoı̈de : S(I; U ) = {v ; ∃u ∈ M(U ) ∃a ∈ I(I) v = u + a } 38 5 LE PRINCIPE LOCAL GLOBAL et de la même manière : S(a1 , . . . , ak ; u1 , . . . , u` ) = {v ; ∃u ∈ M(u1 , . . . , u` ) ∃a ∈ I(a1 , . . . , ak ) v = u + a } . Nous disons qu’un tel monoı̈de admet une description finie. Il est clair que si u est égal au produit u1 · · · u` , les monoı̈des S(a1 , . . . , ak ; u1 , . . . , u` ) et S(a1 , . . . , ak ; u) sont équivalents. Notez que lorsqu’on localise en S1 = S(I; U ), les éléments de U deviennent inversibles et ceux de I se retrouvent dans le radical de AS1 . Lemme 5.1.4 Soient U et I des parties de l’anneau A et a ∈ A, alors les monoı̈des S(I; U, a) et S(I, a; U ) recouvrent le monoı̈de S(I; U ). En particulier les monoı̈des S = M(a) = S(0; a) et S 0 = S(a; 1) = 1 + aA sont comaximaux. Preuve. Pour x ∈ S(I; U, a) et y ∈ S(I, a; U ) on doit trouver une combinaison linéaire x1 x + y1 y ∈ S(I; U ) (x1 , y1 ∈ A). On écrit x = u1 ak + j1 , y = (u2 + j2 ) − (az) avec u1 , u2 ∈ M(U ), j1 , j2 ∈ I(I), z ∈ A. L’identité fondamentale ck − dk = (c − d) × · · · donne un y2 ∈ A tel que y2 y = (u2 + j2 )k − (az)k = (u3 + j3 ) − (az)k et on écrit z k x + u1 y2 y = u1 u3 + u1 j3 + j1 z k = u4 + j4 . 2 Les exemples suivants sont fréquents. Exemples 5.1.5 Soit A un anneau, U et I des parties de A, S = S(I; U ). (1) Soient s1 , . . . , sn ∈ A des éléments comaximaux (c’est-à-dire tels que hs1 , . . . , sn i = A). Les monoı̈des Si = M(si ) sont comaximaux. Plus généralement, si s1 , . . . , sn ∈ A sont des éléments comaximaux dans AS , les monoı̈des S(I; U, si ) recouvrent le monoı̈de S. (2) Soient s1 , . . . , sn ∈ A. Les monoı̈des S1 = S(0; s1 ), S2 = S(s1 ; s2 ), S3 = S(s1 , s2 ; s3 ), . . ., Sn = S(s1 , . . . , sn−1 ; sn ) et Sn+1 = S(s1 , . . . , sn ; 1) sont comaximaux. Plus généralement, les monoı̈des V1 = S(I; U, s1 ), V2 = S(I, s1 ; U, s2 ), V3 = S(I, s1 , s2 ; U, s3 ), . . ., Vn = S(I, s1 , . . . , sn−1 ; U, sn ) et Vn+1 = S(I, s1 , . . . , sn ; U ) recouvrent le monoı̈de S(I; U ). (3) Si S, S1 , . . . , Sn ⊆ A sont des monoı̈des comaximaux et si b = a/(u + i) ∈ AS alors S(I; U, a), S(I, a; U ), S1 , . . . , Sn ∈ A sont comaximaux. Preuve. Les points (2) et (3) résultent immédiatement des lemmes 5.1.2 et 5.1.4. Il reste à voir le (1). Premier cas : si s1 a1 + · · · + sn an = 1 et si t1 = sk11 , . . . , tn = sknn , on pose k = k1 + · · · + kn − n + 1 et on réécrit (s1 a1 +· · ·+sn an )k = 1 sous forme t1 b1 +· · ·+tn bn = 1 en regroupant convenablement les termes. Cas général : si s1 a1 + · · · + sn an = s ∈ S et si t1 = u1 sk11 + i1 , . . . , tn = un sknn + in (u` ∈ M(U ), i` ∈ I(I)), on pose k = k1 + · · · + kn − n + 1, u = u1 · · · + un et on réécrit u(s1 a1 + · · · + sn an )k = usk sous forme t1 b1 + · · · + tn bn + i = usk (usk ∈ M(U ), i ∈ I(I)) en regroupant convenablement les termes. 2 Principe local-global concret 1 Soient S1 , . . . , Sn des monoı̈des comaximaux de A et soit a, b ∈ A. Alors on a les équivalences suivantes : (1) Recollement concret des égalités : a = b dans A ⇐⇒ ∀i ∈ {1, . . . , n} a/1 = b/1 (2) Recollement concret des non diviseurs de zéro : dans a est non diviseur de zéro dans A ⇐⇒ ∀i ∈ {1, . . . , n} a/1 est non diviseur de zéro dans ASi ASi 5.1 Quelques principes local-global concrets 39 (3) Recollement concret des inversibles : a est inversible dans A ⇐⇒ ∀i ∈ {1, . . . , n} a/1 est inversible dans ASi (4) Recollement concret des solutions de systèmes linéaires : soit B une matrice ∈ Am×n et C un vecteur colonne ∈ Am×1 . Le système linéaire BX = C admet une solution dans An×1 ⇐⇒ ∀i ∈ {1, . . . , n} le système linéaire BX = C admet une solution dans ASn×1 i (5) Recollement concret des solutions de systèmes linéaires sous conditions homogènes : soit B une matrice et C un vecteur colonne dont les entrées sont des indéterminées, soit enfin (ϕ` ) une famille de polynomes homogènes (à coefficients dans A) en les entrées de B et C. Dans chacune des deux implications ci- dessous, les entrées de B et C sont spécialisées dans l’anneau A, et un ∀ est implicite devant l’implication. (∧` ϕ` (B, C) =A 0) ⇒ le système BX = C admet une solution dans An×1 ⇐⇒ ∀i ∈ {1, . . . , n} (∧` ϕ` (B, C) =ASi 0) ⇒ le système BX = C admet une solution dans An×1 Si (6) Recollement concret de facteurs directs : soit M un sous module de type fini d’un module de présentation finie N . M est facteur direct dans N ⇐⇒ ∀i ∈ {1, . . . , n} MSi est facteur direct dans NSi Preuve. Les conditions sont nécessaires en raison du fait 2.5.4. Une vérification directe est d’ailleurs immédiate. Nous prouvons que les conditions locales sont suffisantes. Le point (3) est un cas particulier de (4). (1) Supposons Pn que a/1 = 0 dans les ASi . Pour des si ∈ Si convenables on a donc si a = 0 dans A. Comme i=1 ai si = 1 on obtient a = 0 dans A. (2) Supposons que a/1 soit non diviseur de zéro dans les ASi . Soit b ∈ A avec ab = 0 dans A donc aussi ab/1 = 0 dans les ASi . On a donc b/1 = 0 les ASi , donc aussi dans A. (4) Supposons que le système d’équations BX = C admette une solution Xi dans chaque ASi . On m×1 peut écrire Si . On a donc s0i BYi = si s0i C dans A avec s0i ∈ Si . PnXi = Y0 i /si avec Yi ∈ A Pnet si ∈ 0 Comme i=1 bi si si = 1 on obtient B( i=1 bi si Yi ) = C dans A. (5) Le fait que la condition locale est suffisante est simplement un cas particulier de (4). Par contre l’homogénéité intervient pour montrer que la condition locale est nécessaire. Notez aussi que (1), (2), (3), (4) peuvent être vus comme des cas particuliers de (5). (6) Soit C = N/M et ρ : N → C la projection canonique. Le module C est également un module de présentation finie. Le module M est facteur direct dans N si et seulement si il existe une application linéaire ψ : C → N telle que ρψ = IdC . Si on considère les entrées des matrices qui représentent ψ comme des inconnues, cela donne un système linéaire dont les coefficients sont donnés en fonction des matrices qui représentent N et M (pour plus de précisions voir le paragraphe (( Catégorie des modules de présentation finie )) page 14). On peut donc appliquer le point (4). 2 Vu le fait 3.2.5 concernant la localisation des déterminants, vu le théorème 8 (section 4.3) et vu le principe précédent, on obtient la caractérisation suivante du déterminant d’un endomorphisme. Proposition 5.1.6 Étant donné un endomorphisme ϕ d’un module projectif de type fini M , l’élément det(ϕ) est caractérisé par la propriété suivante. Si s ∈ A est tel que Ms soit libre, alors det(ϕ)s = det(ϕs ) dans As . 40 5 LE PRINCIPE LOCAL GLOBAL Principe local-global concret 2 (recollement concret de propriétés de finitude pour les modules) Soient S1 , . . . Sn des monoı̈des comaximaux de A et soit M un A-module. Alors on a les équivalences suivantes : (1) M est de type fini si et seulement si chacun des MSi est un ASi -module de type fini. (2) M est de présentation finie si et seulement si chacun des MSi est un ASi -module de présentation finie. (3) M est plat si et seulement si chacun des MSi est un ASi -module plat. (4) M est projectif de type fini si et seulement si chacun des MSi est un ASi -module projectif de type fini. (5) M est projectif de rang k si et seulement si chacun des MSi est un ASi -module projectif de rang k. (6) M est cohérent si et seulement si chacun des MSi est un ASi -module cohérent. (7) M est noethérien si et seulement si chacun des MSi est un ASi -module noethérien. Preuve. Nous prouvons que les conditions locales sont suffisan tes, et seulement pour les points (1), (2), (3) et (4). (1) Supposons que MSi soit un ASi -module de type fini pour chaque i. Montrons que M est de type fini. Soit gi,1 , . . . , gi,qi des éléments de M qui engendrent MSi . Soit x ∈ M arbitraire. Pour chaque i on a un si ∈ Si et des ai,j ∈ A convenables tels que : si x = ai,1 gi,1 + · · · + ai,qi gi,qi dans M P on écrit ni=1 bi si = 1. On voit que x est combinaison linéaire des gi,j . (2) Supposons que MSi soit un ASi -module de présentation finie pour chaque i. Montrons que M est de présentation finie. Soit g1 , . . . , gq un système générateur de M . Soit (ai,h,1 , . . . , ai,h,q ) ∈ AqSi des relations entre les gi /1 ∈ MSi (i.e., Σj ai,h,j gj = 0 dans MSi ) pour h = 1, . . . , ki , qui engendrent le ASi -module (contenu dans AqSi ) des relations entre les gj /1. On peut supposer sans perte de généralité que chaque ai,h,j est en fait un élément a0i,h,j /1 avec a0i,h,j ∈ A. Il existe alors un si ∈ Si convenable tel que les vecteurs si (a0i,h,1 , . . . , a0i,h,q ) = (a00i,h,1 , . . . , a00i,h,q ) ∈ Aq soient des A- relations entre les gj ∈ M . Montrons que les systèmes de relations ainsi construits entre les gj engendrent toutes les relations. Soit en effet une relation arbitraire (c1 , . . . , cq ) entre les gj . Considérons là comme une relation entre les gj /1 ∈ MSi et écrivons là en conséquence comme combinaison ASi -linéaire des vecteurs (a00i,h,1 , . . . , a00i,h,q ) ∈ AqSi . Après multiplication par un s0i ∈ Si convenable on obtient une égalité dans Aq : s0i (c1 , . . . , cq ) = ei,1 (a00i,1,1 , . . . , a00i,1,q ) + · · · + ei,ki (a00i,ki ,1 , . . . , a00i,ki ,q ) Pn on écrit i=1 ci s0i = 1. On voit que (c1 , . . . , cq ) est combinaison A-linéaire des (a00i,h,1 , . . . , a00i,h,q ). (3) Soit LX = 0 une relation de dépendance linéaire entre éléments de M (où L ∈ A1×n et X ∈ M n×1 ). On cherche m ∈ N, Y ∈ M m×1 et une matrice G ∈ An×m qui vérifient : X = GY et LG = 0 (∗) On a une solution (mi , Yi , Gi ) pour (∗) dans chaque localisé ASi . On peut écrire Yi = Zi /si , Gi = Hi /si avec Zi ∈ M mi ×1 , Gi ∈ An×mi et des si convenables ∈ SiP . On a alors s0i Zi Hi = s00i X dans M et r 0 0 00 00 si LHi = 0 dans A pour certains si et si ∈ Si . On écrit i=1 bi si = 1 dans A. On prend pour 0 G la matrice obtenue en juxtaposant en ligne les matrices Prbi si Hi00, et pour Y le vecteur obtenu en superposant en colonne les vecteurs Zi . On obtient GY = i=1 bi si X = X et LG = 0 dans M et A. (4) On peut utiliser le fait qu’un module de présentation finie est projectif si et seulement si il est plat. Donnons une preuve directe. Supposons que MSi soit un ASi -module projectif de type fini pour 5.1 Quelques principes local-global concrets 41 chaque i. Nous savons déjà que M est de présentation finie. Soit F une matrice qui présente M . Pour que M soit projectif de type fini, il faut et suffit que l’on puisse trouver une matrice G (de dimensions convenables) telle que F GF = F . Si les coefficients de G sont considérées comme des inconnues, on doit donc résoudre un système linéaire. Ce système linéaire admet une solution localement puisque chaque MSi est projectif de type fini. On conclut donc par le principe de recollement concret des solutions de systèmes linéaires. 2 Remarque 5.1.7 Les preuves sont toujours (( les mêmes )). Il existe un traitement un peu plus abstrait, s’appuyant sur la notion de module fidèlement plat qui permet de voir pourquoi. Voir par exemple [5] proposition 2.3.5 et lemme 3.2.3. L’exposé dans [5] du principe de recollement concret des modules projectifs de type fini manque de peu une preuve entièrement constructive. Dans [6] ce principe est l’objet de la règle 1.14 du chapitre IV, mais là aussi la preuve n’est pas constructive. Le principe local-global concret 2 établit la partie réciproque du théorème 1. De même nous pouvons maintenant donner une amélioration de la proposition 4.3.2 concernant les modules de rang constant, ainsi qu’une caractérisation locale des modules projectifs de type fini fidèles (i.e. dont l’annulateur est réduit à 0). Proposition 5.1.8 Pour un A-module M engendré par n éléments, les propriétés suivantes sont équivalentes : (a) M est projectif de rang constant h. (b) Il existe m ≤ nh éléments comaximaux si de A tels que chaque Msi est libre de dimension h sur Asi . (c) M est projectif de type fini et pour tout élément s de A, si Ms est libre sur As , il est de dimension h. Proposition 5.1.9 Pour un A-module M engendré par n éléments, les propriétés suivantes sont équivalentes : (a) M est projectif de type fini et e0 (M ) = 0, c.-à-d. aussi l’annulateur de M est réduit à 0. (b) Il existe m ≤ 2n − 1 éléments comaximaux si de A tels que chaque Msi est libre de dimension h ≥ 1 sur Asi . (c) M est projectif de type fini et pour tout élément s de A, si Ms est libre sur As , il est de dimension h ≥ 1. On donne maintenant, sans preuve, un principe de recollement concret des suites exactes (cf. par exemple le livre de Knight [5]). Les preuves sont analogues à celles du principe 1. Principe local-global concret 3 (recollement concret des suites exactes) Soit A un anneau commutatif, (Si )1≤i≤m des monoı̈des comaximaux de A, et soit f : M → N et g : N → P des applications A-linéaires entre A-modules. Alors la suite f g M −→ N −→ P est exacte si et seulement si les suites fS gS i i MSi −→ NSi −→ PSi sont exactes pour i ∈ {1, . . . , n}. En particulier : Un x ∈ M est dans Kerf si et seulement si x/1 est dans KerfSi pour i ∈ {1, . . . , n}. Un y ∈ N est dans Imf si et seulement si y/1 est dans ImfSi pour i ∈ {1, . . . , n}. On a f = g ∈ HomA (M, N ) si et seulement si f /1 = g/1 ∈ HomASi (MSi , NSi ) pour i ∈ {1, . . . , n}. HUM Les principes de recollement concrets suivants ... (faire un laius) 42 5 LE PRINCIPE LOCAL GLOBAL Principe local-global concret 4 (recollement concret d’éléments dans un module, ou d’homomorphismes entre modules) (1) Soit A un anneau commutatif, (Si )1≤i≤m des monoı̈des comaximaux de A et M un A-module. Notons Mi := MSi et Mi,j := MSi Sj (i < j). Soit un élément (xi )1≤i≤m du produit des Mi . Pour qu’il existe un x ∈ M vérifiant x/1 = xi dans chaque Mi il faut et suffit que pour chaque i < j on ait xi /1 = xj /1 dans Mi,j . En outre cet x est alors déterminé de manière unique. (2) Supposons maintenant que M est de présentation finie ou que A est intègre et M de type fini. Soit un autre module N , posons Ni := NSi . Soit enfin pour 1 ≤ i ≤ m un homomorphisme ψi : Mi → Ni . Pour qu’il existe un ψ : M → N vérifiant ψSi = ψi pour chaque i il faut et suffit que pour chaque i < j on ait (ψi )Sj = (ψj )Si comme homomorphisme de Mi,j vers Ni,j . En outre cet homomorphisme ψ est alors déterminé de manière unique. On notera que le principe s’applique en particulier pour le A-module A. Preuve. 1) La condition est clairement nécessaire. Voyons qu’elle est suffisante. Montrons l’existence de x. Il existe des si ∈ Si et des yi dans M tels qu’on ait xi = yi /si dans chaque Mi . Le fait que xi /1 = xj /1 dans Mi,j signifie quePpour certains s0i ∈ Si etPs0j ∈ Sj on a sj s0i s0j yi = si s0i s0j yj . Soient (ai ) des éléments de A tels que ai si s0i = 1. Posons x = ai s0i yi . Nous devons montrer que x/1 = xi dans Mi pour chaque i. Par exemple pour i = 1. On écrit les égalités suivantes dans M X X X X s1 s01 x = s1 s01 ai s0i yi = ai s1 s01 s0i yi = ai si s01 s0i y1 = ai si s0i s01 y1 = s01 y1 Donc s1 s01 x = s01 y1 dans M et x = y1 /s1 dans MS1 . Enfin, l’unicité de x résulte du principe de recollement concret des égalités. 2) Cela résulte du point (1), vu le fait 2.5.9. 2 Principe local-global concret 5 (recollement concret de modules) Soit A un anneau commutatif, (si )1≤i≤m des éléments comaximaux de A. Notons Ai := Asi et Ai,j := Asi sj (i < j). Pour chaque i soit un Ai -module Mi . Pour chaque i < j soit ϕi,j un isomorphisme de Ai,j -modules, de Mi,j := (Mi )sj sur Mj,i = (Mj )si . Notons Mi,j,k := (Mi )sj sk , de sorte que Mi,j,k = Mi,k,j . Les deux conditions suivantes sont équivalentes : (a) Les Mi peuvent être vus comme des Msi pour un certain M , qui est alors déterminé à isomorphisme unique près. Plus précisément, il existe un A-module M et des isomorphismes ϕi : Msi → Mi qui commutent avec les ϕi,j au sens convenable : pour tout x ∈ M et tous i 6= j on a ϕi,j (ϕi (x)) = ϕj (x) dans Mj,i . (b) Les conditions de compatibilité suivantes sont vérifiées – Pour i 6= j on la relation de commutation convenable liant ϕi,j et ϕj,i : pour tout x ∈ Mi on a (ϕj,i ◦ ϕi,j )(x) = x dans Mi,j , – Pour i 6= j 6= k 6= i on la relation de commutation convenable liant ϕi,j , ϕj,k et ϕi,k : pour tout x ∈ Mi on a (ϕj,k ◦ ϕi,j )(x) = ϕi,k (x) dans Mk,i,j . Preuve. Il faut montrer que (b) ⇒ (a). On peut voir chaque Mi comme un A−module et les ϕi,j comme des applications A-linéaires, Q de sorte qu’on a un module M (( limite projective du diagramme )) constitué des x = (x1 , . . . , xn ) ∈ i Mi qui vérifient ϕi,j (xi ) = xj dans Mj,i pour tous i 6= j. Puisque Mi ϕi est un Asi − module, l’application A-linéaire x 7→ xi de M vers Mi se factorise via Msi −→ Mi . Il reste à définir une application A-linéaire βi : Mi → Msi et à montrer qu’il s’agit d’un isomorphisme 5.2 Quelques principes local-global abstraits 43 réciproque de ϕi . On n’a guère le choix. Il faut poser βi (x) = (ϕi,j (x))j=1,...,n (avec ϕi,i (x) = x). Est-ce que cela marche ? Le vrai problème est de vérifier que (ϕi,j (x))j=1,...,n est bien un élément de M . Or on a fait exactement les hypothèses qu’il fallait pour cela. 2 HUM Le précédent a sans doute quelque chose à voir avec (( Faisceaux Algébriques Cohérents )) de Serre. Le suivant est moins fort. En recollant des anneaux on obtient en général non pas un anneau, mais seulement un schéma à la Grothendieck Principe local-global concret 6 (recollement concret d’anneaux) Soient (Ai )1≤i≤m des anneaux commutatifs. Pour chaque i 6= j soient ti,j ∈ Ai , tj,i ∈ Aj et ϕi,j un isomorphisme de Ai,j := (Ai )ti,j sur Aj,i := (Aj )tj,i . Supposons qu’il existe un anneau commutatif A, des éléments comaximaux si de A et des isomorphismes ϕi : Asi → Ai tels que, a1) pour tous 1 ≤ i 6= j ≤ m on a ϕi (sj ) = ti,j et a2) pour tous 1 ≤ i 6= j ≤ m et tout a ∈ A on a ϕi,j (ϕi (a/1)/1) = ϕj (a/1)/1. Alors l’anneau A, les éléments si de A et les isomorphismes ϕi : Asi → Ai sont bien déterminés, à isomorphisme unique près, par les conditions énoncées en (a). Remarque 5.1.10 Sous les hypothèses précédentes on a manifestement : b1) Pour 1 ≤ i, j, k ≤ m (i, j, k distincts) on a ϕi,j (ti,k /1) = tj,k /1 dans Aj,i . b2) Pour i, j distincts on a la relation de commutation convenable liant les isomorphismes ϕi,j et ϕj,i : de manière abrégée, pour tout a ∈ Ai , ϕj,i (ϕi,j (a/1)/1) = (a/1) dans Ai,j . b3) Pour i, j, k distincts on a la relation de commutation convenable liant les isomorphismes ϕi,j , ϕj,k et ϕi,k après localisation : de manière abrégée, pour tout a ∈ Ai , ϕj,k (ϕi,j (a/1)/1) = ϕi,k (a/1) dans (Ak )tk,i tk,j . Les conditions (b) ne sont malheureusement pas suffisantes pour assurer l’existence de l’anneau A dans (a). C’est ce qui nécessite la création de nouveaux objets, les schémas, généralisant les anneaux commutatifs. Un schéma est quelque chose qui se comporte localement comme un anneau commutatif, et qui peut être obtenu en recollant formellement des anneaux Ai lorsque les conditions (b) sont remplies. Considérons par exemple les anneaux A1 = K[X] et A2 = K[Z], qu’on localise en X et Z, ce qui donne les localisés A1,2 = K[X, 1/X] et A2,1 = K[Z, 1/Z]. L’isomorphisme ϕ1,2 envoie X en 1/Z. Il n’y a pas d’anneau A possible, mais le recollement de ces deux anneaux fournit le schéma de la droite projective sur K. 5.2 Quelques principes local-global abstraits Un outil essentiel en algèbre classique est la localisation en (le complémentaire d’) un idéal premier. Cet outil est a priori difficile à utiliser constructivement parce qu’on ne sait pas fabriquer les idéaux premiers qui interviennent dans les preuves classiques, et dont l’existence repose sur l’axiome du choix. Cependant, on peut remarquer que ces idéaux premiers sont en général utilisés à l’intérieur de preuves par l’absurde, et ceci donne une explication du fait que le recours à ces objets (( idéaux )) peut être contourné et même interprété constructivement (cf. [8]). Le principe local-global abstrait en algèbre commutative est un principe informel selon lequel certaines propriétés concernant les modules sur les anneaux commutatifs sont vraies si et seulemment si elles sont vraies après localisation en n’importe quel idéal premier. Nous rappelons maintenant quelques cas où le principe local-global abstrait s’applique en mathématiques classiques, en expliquant le lien avec les principes concrets correspondants. Notation 5.2.1 On note Spec(A) l’ensemble des idéaux premiers de A. Pour P ∈ Spec(A) et S = A \ P on note AP pour AS (l’ambiguité entre les deux notations contradictoires AP et AS est levée en pratique par le contexte). 44 5 LE PRINCIPE LOCAL GLOBAL Si x est un élément d’un A-module M , nous notons Ann(x) := {a ∈ A ; ax = 0} l’idéal annulateur de x. Une version abstraite puissante du principe local-global concret 1 est la suivante. Principe local-global abstrait 1 Soit a, b ∈ A. Alors on a les équivalences suivantes : (1) Recollement abstrait des égalités : a = b dans A ⇐⇒ ∀P ∈ Spec(A) a/1 = b/1 (2) Recollement abstrait des non diviseurs de zéro : dans AP a est non diviseur de zéro dans A ⇐⇒ ∀P ∈ Spec(A) a/1 est non diviseur de zéro dans AP (3) Recollement abstrait des inversibles : a est inversible dans A ⇐⇒ ∀P ∈ Spec(A) a/1 est inversible dans AP (4) Recollement abstrait des solutions de systèmes linéaires : soit B une matrice ∈ Am×n et C un vecteur colonne ∈ Am×1 . Le système linéaire BX = C admet une solution dans An×1 ⇐⇒ ∀P ∈ Spec(A) le système linéaire BX = C admet une solution dans AP n×1 (5) Recollement abstrait des solutions de systèmes linéaires sous conditions homogènes : soit B une matrice et C un vecteur colonne dont les entrées sont des indéterminées, soit enfin (ϕ` ) une famille de polynomes homogènes (à coefficients dans A) en les entrées de B et C. Dans chacune des deux implications ci- dessous, les entrées de B et C sont spécialisées dans l’anneau A, et un ∀ est implicite devant l’implication. (∧` ϕ` (B, C) =A 0) ⇒ le système BX = C admet une solution dans An×1 ⇐⇒ ∀P ∈ Spec(A) : ((∧` ϕ` (B, C) =AP 0) ⇒ le système BX = C admet une solution dans AP n×1 (6) Recollement abstrait de facteurs directs : soit M un sous module de type fini d’un module de présentation finie N . M est facteur direct dans N ⇐⇒ ∀P ∈ Spec(A) MP est facteur direct dans NP Preuve. (non constructive) Les conditions sont nécessaires en raison du fait 2.5.4. Une vérification directe est d’ailleurs immédiate. Pour les réciproques, nous supposons sans perte de généralité que l’anneau A est non trivial. Première preuve (pour les cas a = 0 et a inversible). Supposons d’abord a 6= 0 dans A, soit Ann(a) l’idéal annulateur de A, qui est un idéal strict, soit P un idéal premier contenant Ann(a) et S = A \ P. L’ensemble S ∩ Ann(a) est vide, donc a/1 6= 0 dans AS . Supposons maintenant a non inversible dans A. Soit P un idéal premier contenant aA et S = A\P. Alors a/1 est non inversible dans AS . Deuxième preuve Montrons qu’en mathématiques classiques le principe abstrait et le principe concret sont équivalents. Il suffit de traiter le point (4) et de montrer que la condition locale est suffisante. Supposons tout d’abord vrai le principe concret et montrons le principe abstrait. Pour chaque idéal premier P on peut trouver s ∈ / P tel que le système linéaire BX = C admet une solution 5.2 Quelques principes local-global abstraits 45 dans Ap×1 / P} recouvrent Spec(A), donc les s s . Les ouverts correspondants Us = {P ∈ Spec(A); s ∈ correspondants engendrent A comme idéal, donc un nombre fini d’entre eux, s1 , . . . , sm engendrent A comme idéal. On peut donc faire appel au principe local-global concret correspondant en considérant les monoı̈des comaximaux engendrés par les si . Supposons maintenant vrai le principe abstrait et montrons le principe concret. On a des monoı̈des comaximaux (Si )i=1,...,n et pour chaque i le système linéaire BX = C admet une solution dans ASp×1 . i Si P ∈ Spec(A) alors l’un des Si ne coupe pas P et donc le système linéaire BX = C admet une solution dans AP n×1 . On peut donc faire appel au principe local-global abstrait correspondant. 2 Commentaire 5.2.2 1) La deuxième preuve montre bien le lien entre le principe local-global abstrait et le principe localglobal concret. Cependant, il ne semble pas qu’elle puisse jamais être rendue constructive. La première preuve n’est pas non plus (( en général )) constructive, mais il existe des cas où elle l’est. Il suffit pour cela que les conditions suivantes soient vérifiées : Dans le cas du recollement des égalités — l’anneau A est discret — pour tout a 6= 0 dans A on sait construire un idéal premier P de A contenant Ann(a). Dans le cas du recollement des inversibles — l’ensemble des a ∈ A inversibles est une partie détachable de A. — pour tout a ∈ A non inversible, on sait construire un idéal premier P de A contenant aA. C’est par exemple le cas lorsque A est une algèbre de présentation finie sur Z ou sur un corps (( pleinement factoriel )) (voir [10]). 2) Ceci nous permet de donner une autre preuve constructive du théorème matriciel 9 : Comme nous l’avons remarqué dans la section 4.4 il nous suffit de traiter le cas générique et de montrer certaines égalités ri rj = 0 et rh u = 0. Comme l’anneau Bn est une algèbre de présentation finie sur Z, nous pouvons montrer ces égalités en appliquant le recollement abstrait des égalités. Nous sommes donc ramenés au cas d’un localisé local de Bn , et dans ce cas les égalités sont vraies puisque le module est libre par application du lemme de la liberté locale. 3) En pratique, on peut comprendre le principe local-global abstrait 1 sous la forme intuitive suivante : pour démontrer un théorème d’algèbre commutative dont la signification est qu’un certain système linéaire sur un anneau commutatif A admet une solution, il suffit de traiter le cas où l’anneau est local. C’est un principe du même genre que le principe de Lefschetz : pour démontrer un théorème d’algèbre commutative dont la signification est qu’une certaine identité algébrique a lieu, il suffit de traiter le cas où l’anneau est le corps des complexes (ou n’importe quel sous anneau qui nous arrange, d’ailleurs). Le principe de recollement concret des modules projectifs admet la version abstraite suivante, dans laquelle il est nécessaire de rajouter une hypothèse de nature globale. Principe local-global abstrait 2 (recollement abstrait de modules projectifs) Soit M un A-module. Supposons que M soit de présentation finie ou que M soit de type fini et A intègre. Alors M est projectif de type fini si et seulement si les localisés MP , pour tous les P ∈ Spec(A) sont libres. Le module M est projectif de rang k si et seulement si tout MP est un AP -module projectif de rang k. Preuve. (cf. [11] chap. 2, théorème 14 p.43 et exercice 10 p.51, [5] théorème 3.3.7). Nous donnons une preuve pour le cas d’un module de présentation finie, distincte de celles citées cidessus. Cette preuve (non constructive) fonctionne comme la deuxième preuve du principe local-global abstrait 1. 46 5 LE PRINCIPE LOCAL GLOBAL Il faut montrer que la condition est suffisante. Dire qu’une matrice G présente un module libre de rang k revient à dire qu’on peut passer de G à une matrice nulle de type k × 1 par une suite finie de transformations élémentaires décrites à la section 2.1. Soit maintenant P un idéal premier. Si ce que nous venons d’expliquer fonctionne pour le AP -module MP et un certain entier k, cela fonctionne aussi pour le As - module Ms pour un s ∈ A \ P convenable, ceci en vertu du nombre fini d’égalités dans AP mises en jeu lors de ces transformations élémentaires. Il reste à recouvrir Spec(A) par un nombre fini d’ouverts Usi et à faire appel au principe local-global concret de recollement des modules projectifs de type fini. Pour ce qui est des modules de rang k on peut terminer en faisant appel au principe local-global abstrait de recollement des égalités (cf. la preuve analogue dans le cas (( concret ))). 2 HUM Faut il simplement signaler qu’il y a une interprétation dynamique et constructive des principes abstraits, ou bien donner des énoncés précis. 5.3 Théorème de Cayley-Hamilton et endomorphisme cotransposé dans cette sous-section et les suivantes, nous allons voir sur quelques exemples comment le théorème 8 et les différents principes local-global concrets permettent de faire, concernant les modules projectifs de type fini, le même travail qu’en mathématiques classiques lorsqu’on utilise les principes local-global abstraits. Proposition 5.3.1 (Cayley-Hamilton) Soit ϕ un endomorphisme d’un module projectif de type fini M . Alors Cϕ (ϕ) = 0M Preuve. Avec les notations du lemme 3.2.6 il s’agit de démontrer que, dans un anneau commutatif, si on a deux matrices carrées F et H d’ordre n vérifiant F 2 = F et F HF = H alors, les égalités signifiant que le calcul de Cϕ (ϕ) donne 0 ont bien lieu. Les égalités à démontrer sont évidentes lorsque le module est libre. D’après le théorème 8 il y a (( suffisamment )) d’éléments s de A qui donnent par localisation un module libre. On peut alors conclure par le principe de recollement concret des égalités (cf. principe local-global concret 1 dans la section 5.1). On peut dire la même chose, un peu plus abstraitement, comme suit. Lorsqu’on localise en un monoı̈de S on a CϕS = (Cϕ )S (fait 2.5.5), donc CϕS (ϕS ) = (Cϕ (ϕ))S . Comme il y a suffisamment de localisés libres on peut conclure par le principe local-global concret 3. 2 Classiquement, on aurait prouvé la proposition précédente en localisant en n’importe quel idéal premier. Constructivement, on fait à peu près la même chose, mais en localisant en un nombre fini d’éléments de A qui l’engendrent en tant qu’idéal. On termine en utilisant le principe de recollement concret des égalités en lieu et place du principe de recollement abstrait des égalités. On obtient donc les mêmes résultats de manière entièrement constructive. Proposition 5.3.2 Soit ϕ un endomorphisme d’un module projectif de type fini M . On notera Γϕ (X) := −(C−ϕ (X) − C−ϕ (0))/X = (−RM (−1)Cϕ (−X) + det(ϕ))/X, de sorte que C−ϕ (−X) = −XΓϕ (X) + det(ϕ). Alors l’endomorphisme ϕ e cotransposé de ϕ est l’endomorphisme Γϕ (ϕ). Preuve. Comme la proposition précédente. 2 HUM Pour un module de rang constant k + 1 il doit y avoir une identification entre ϕ e et ∧k (t ϕ). 5.4 5.4 La trace d’un endomorphisme et une nouvelle écriture du polynome fondamental 47 La trace d’un endomorphisme et une nouvelle écriture du polynome fondamental Rappelons que si M et N sont deux A-modules, il existe un homomorphisme canonique θM,N de M ? ⊗A N dans HomA (M, N ) défini par θM,N (α ⊗ a) = (x 7→ α(x)a). On a alors : Lemme 5.4.1 Soit M un module projectif de – θM,N est un isomorphisme de M ? ⊗A N – θN,M est un isomorphisme de N ? ⊗A M – l’homomorphisme canonique M → M ?? – l’homomorphisme canonique ϕ 7→ t ϕ phisme. type fini, alors : dans HomA (M, N ). dans HomA (N, M ). est un isomorphisme. : HomA (N, M ) → HomA (M ? , N ? ) est un isomor- Preuve. Les résultats sont immédiats lorsque le module M est libre. On les déduit facilement dans le cas général en utilisant le principe local- global, ou alors en utilisant le fait les foncteurs HomA (•, •) et • ⊗A • commutent aux sommes directes. 2 Si M est un module projectif de type fini, on peut définir la trace de l’endomorphisme ϕ de M (notée Tr(ϕ)) à partir de l’homomorphisme canonique M ? ⊗A M → A : α ⊗ a 7→ α(a) et de l’isomorphisme canonique θM := θM,M de M ? ⊗A M dans HomA (M, M ) donné dans le lemme 5.4.1. La trace permet aussi de définir une dualité canonique entre HomA (M, N ) et HomA (N, M ) via (ϕ, ψ) 7→ Tr(ϕ ◦ ψ) = Tr(ψ ◦ ϕ) correspondant à l’isomorphisme canonique (M ? ⊗A N )? ' M ⊗A N ? Le lien avec le polynome fondamental de ϕ est donné dans la proposition suivante. Proposition 5.4.2 Soit ϕ un endomorphisme d’un module projectif de type fini M à n générateurs. (1) L’application TrM : HomA (M, M ) → A est un homomorphisme de A-modules. En outre si ϕ0 : M 0 → M 0 est un endomorphisme d’un autre module projectif de type fini M 0 , on a : Tr(ϕ ⊕ ϕ0 ) = Tr(ϕ) + Tr(ϕ0 ) (2) La trace de ϕ est égale au coefficient en X du polynome fondamental Pϕ (X) = det(IdM +Xϕ). Dans les conditions du lemme 3.2.6 la trace de ϕ est la trace de la matrice H. (3) Plus généralement on a Pϕ (X) = 1 + Σ1≤h≤n Tr(∧h ϕ)X h Preuve. Dans le cas d’un module libre, ce sont des identités classiques et faciles à établir. 2 Proposition 5.4.3 Si M est un module de rang constant k > 0, ou plus généralement si M est un module projectif de type fini avec e0 (M ) = 0, alors l’homomorphisme trace TrM : HomA (M, M ) → A est surjectif Preuve. Dans le cas d’un module libre de dimension > 0, c’est facile à établir. 2 Un petit lemme pour terminer : vues la proposition 2.3.1 (b00 ) et le lemme 5.4.1 on obtient une nouvelle caractérisation des modules projectifs de type fini : Lemme 5.4.4 Un A-module M est projectif de type fini si et seulement si l’homomorphisme canonique θM : M ? ⊗A M → HomA (M, M ) est un isomorphisme. 48 5 5.5 LE PRINCIPE LOCAL GLOBAL Les anneaux génériques Bn et Bn,k Nous avons défini l’anneau Bn = Bn (Z) = Z[(fij )1≤i,j≤n ]/Bn à la section 4.4. En fait la construction est fonctorielle et on peut définir Bn (A) pour tout anneau commutatif A : Bn (A) = A[F ]/Bn ' Bn ⊗Z A. Notons rk = ek (Im F ) où F est la matrice (fi,j ) dans Bn (A). Si nous imposons en outre que le rang soit égal à k nous introduisons l’idéal Bn,k = Bn + h1 − rk i et nous obtenons l’anneau Bn,k = Z[F ]/Bn,k ' Bn [1/rk ] ' Bn /h1 − rk i . Nous avons aussi la version Bn,k (A) = A[F ]/Bn,k ' Bn (A)[1/rk ] ' Bn,k ⊗Z A. L’anneau Bn (A) est isomorphe au produit direct des Bn,k (A). Dans toute la suite on pose h = n − k. Si K est un corps, l’anneau Bn,k (K) peut être considéré comme l’anneau des coordonnées de la variété affine Gn,k,h (K) dont les points sont les paires (E1 , E2 ) de sous espaces de Kn vérifiant : dim(E1 ) = k et Kn = E1 ⊕ E2 . En géométrie algébrique, il y a quelques arguments massue pour affirmer que l’anneau Bn,k (K) a toutes les bonnes propriétés qu’on puisse imaginer, ceci en relation avec le fait que la variété Gn,k,h (K) est un espace homogène pour une action du groupe linéaire. Nous allons retrouver ces résultats (( à la main )) et en nous affranchissant de l’hypothèse (( K est un corps )). En utilisant les localisations convenables en les mineurs diagonaux d’ordre k de la matrice F = (fij ) (la somme de ces mineurs est égale à 1 dans Bn,k (A)) nous allons établir quelques propriétés essentielles du foncteur Bn,k . Théorème 10 (Le foncteur Bn,k ) Soit K un corps, A et B des anneaux commutatifs. 1. L’homomorphisme naturel A → Bn,k (A) est injectif. 2. L’anneau Bn,k = Bn,k (Z) est intègre, intégralement clos, noethérien régulier, de dimension (de Krull) 2kh + 1. 3. L’anneau Bn,k (K) est intègre, intégralement clos, noethérien régulier, de dimension 2kh. 4. Si A est un anneau intègre (resp. réduit, resp. normal, resp. noethérien régulier) il en va de même pour Bn,k (A). 5. La dimension de Bn,k (A) est égale à celle de A[X1 , . . . , X2hk ]. 6. Si ϕ : A → B est un homomorphisme, le noyau de Bn,k (ϕ) est engendré par Ker ϕ. En particulier si ϕ est injectif, Bn,k (ϕ) également. Idée de la preuve. L’idée est que si on rend un mineur diagonal d’ordre k inversible, alors l’anneau Bn,k (A) devient isomorphe à un localisé d’un anneau de polynomes sur A, donc hérite de toutes les propriétés agréables de A. Pour l’intégrité il y a une subtilité en plus car ce n’est pas une propriété locale. 2 Pour le cas d’un corps nous obtenons d’abord : Lemme 5.5.1 Soit K un corps et (E1 , E2 ) une paire de sous-espaces supplémentaires de dimensions I L k et h dans Kn . Supposons que la matrice H = k a ses k premières colonnes qui engendrent C Ih E1 et ses h dernières colonnes qui engendrent E2 . Alors : 1. Les matrices L et C sont entièrement déterminées par la paire (E1 , E2 ). 2. La matrice Ik − LC est inversible (on note V son inverse). V 3. La matrice de la projection sur E1 parallèlement à E2 est égale à F = CV −V L . −C V L 5.5 Les anneaux génériques Bn et Bn,k Preuve. L’unicité est claire. Soit F = par V C0 L0 W 49 la matrice de la projection considérée. Elle est caractérisée FH=F Ik C L Ih I = k C 0 0 c’est-à-dire encore V + L0 C = Ik , V L + L0 = 0, C 0 + W C = C, C 0 L + W = 0 ce qui équivant à L0 = −V L, W = −C 0 L, C 0 (Ik − LC) = C, V (Ik − LC) = Ik , c’est-à-dire encore, Ik − LC inversible et V = (Ik − LC)−1 , C 0 = CV , L0 = −V L, et W = −CV L. 2 Ceci se généralise au cas d’une matrice de projection de rang k sur un anneau commutatif arbitraire de la manière suivante, qui est une variante commune du lemme de la liberté et du lemme de la liberté locale. Deuxième lemme de la liberté Soit A un anneau commutatif arbitraire et F une matrice de projection d’ordre n. On suppose que tous ses mineurs d’ordre k +1 sont nuls et qu’un mineur diagonal d’ordre k est inversible. Alors F est semblable à une matrice de projection standard Ik,n,n . 0 V L Plus précisément si F = avec V carrée inversible d’ordre k et W carrée d’ordre h, on a C0 W B −1 F B = Ik,n,n sous la forme suivante : où L = V −1 L0 , C= Ik C −C 0 V −1 , V L · C0 Ih V B= C0 L0 W I · k C −L0 Ih − W L Ih V = C0 −1 I = k 0 0 0 −L0 . W1 En outre on a alors W = C 0 V −1 L0 , V = (Ik − LC)−1 , det V = det W1 W1 = (Ih − CL)−1 . et Réciproquement, si L ∈ Ak×h et C ∈ Ah×k sont telles que la matrice Ik − LC est inversible et si V VL on note V son inverse, alors la matrice F = est une projection de rang k : sur −C V −C V L Ik L le sous-module libre E1 engendré par les k premières colonnes de H = parallèlement au C Ih sous-module libre E2 engendré par les h dernières colonnes de H. Preuve. On reprend à peu près la deuxième preuve du lemme de la liberté locale. Notons ϕ l’application linéaire qui a pour matrice F . Appelons fj le vecteur colonne F1..n,j de la matrice F , et e1 , . . . , en la base canonique de An . Posons V1 = Ik − V , W1 = Ih − W . Par hypothèse f1 , . . . , fk , ek+1 , . . . , en est une V 0 n base de A . La matrice de passage correspondante est B1 = . Puisque ϕ(fi ) = ϕ(ϕ(ei )) = 0 C Ih I X ϕ(ei ) = fi , par rapport à cette base ϕ a une matrice du type k . Le calcul donne : 0 Y B1−1 V −1 = C 0 , Ih G= B1−1 F I B1 = k 0 L 0 −1 −C V L0 + W où L = V −1 L0 , et C = −C 0 V −1 . Puisque les mineurs d’ordre k + 1 de G sont nuls on a G = Ik 0 L 0 donc W = C 0 V −1 L0 . On pose 50 5 Ik −L I −1 B2 = , on a B2 = k 0 Ih 0 Finalement L Ih LE PRINCIPE LOCAL GLOBAL et on obtient B2−1 G B2 = Ik,n,n . B −1 F B = Ik,n,n avec 0 I · k Ih 0 −1 L V · Ih C V B = B1 B2 = C0 et B −1 = B2−1 B1−1 I = k 0 −L0 W1 −L V = Ih C0 0 Ih V −1 + LC = C L Ih 0 0 −1 L’égalité F 2 = F donne en particulier V = V 2 + L0 C 0 donc Ik = V (Ik + L C V ) = V (Ik − LC) et I L finalement V −1 = Ik − LC. Donc comme annoncé B −1 = k . C Ih Avant de démontrer l’affirmation concernant W1 voyons la réciproque. La double égalité Ik L Ik − LC L Ik 0 Ik L Ik 0 = = C Ih 0 Ih C Ih 0 Ih C Ih − CL Ik L montre que Ik − LC est inversible si et seulement si Ih − CL est inversible si et seulement si C Ih Ik L = det(Ik − LC) = det(Ih − CL) . Le calcul donne alors est inversible. Cela donne aussi det C Ih d’où Ik C L Ih Ik C L Ih −1 I · k 0 −1 −V L Ih + CV L V = −CV 0 I · k 0 C L Ih V = −CV VL −CV L , ce qui établit la réciproque. Enfin l’égalité B −1 F B = Ik,n,n implique B −1 (In − F ) B = In − Ik,n,n , ce qui donne V1 −C 0 −L0 W1 I = k C L Ih −1 0 · 0 I 0 · k C Ih L Ih et on se retrouve dans la situation symétrique, donc W1−1 = Ih − CL et det V = det W1 . 2 Ce qu’on a gagné par rapport au premier lemme de la liberté est que F est semblable à Ik,n,n au lieu d’être simplement équivalente. En outre les précisions obtenues nous sont utiles. Le lemme précédent se reformule de la manière suivante, plus abstraite, mais essentiellement équivalente (quoique moins précise). Lemme 5.5.2 Soit µ le mineur principal dominant d’ordre k de la matrice générique F = (fi,j ) dans l’anneau Bn,k (A). Soit A[L, C] l’anneau des polynomes en 2kh indéterminées, vues comme des entrées de deux matrices L et C de types respectifs k×h et h×k. Soit δ = det(Ik − LC) ∈ A[L, C]. Alors il y a un isomorphisme naturel entre Bn,k (A)[1/µ] et A[L, C][1/δ]. Preuve du lemme. Le deuxième lemme de la liberté donne la réponse. V L0 Si F = est une matrice de projection avec V carrée d’ordre k inversible (i.e. µ inversible), C0 W 5.5 Les anneaux génériques Bn et Bn,k 51 on lui associe L = V −1 L0 et C = −C 0 V −1 avec δ = det(Ik − LC) inversible. En fait l’homomorphisme correspondant va dans le sens opposé : nous venons de définir un homomorphisme de A-algèbres de A[L, C][1/δ] vers Bn,k (A)[1/µ]. V VL (avec Dans l’autre sens : à L et C avec δ inversible on associe la matrice F = −C V −C V L V = (Ik − LC)−1 ). L’homomorphisme correspondant va de Bn,k (A)[1/µ] vers A[L, C][1/δ]. Et en composant ces homomorphismes on trouve l’identité dans les deux cas. 2 Preuve du théorème 10. Rappelons que la somme des mineurs diagonaux d’ordre k de F est égale à 1 dans Bn,k (A). Puisque la propriété d’être réduit, normal ou noethérien régulier est une propriété locale, il suffit de la vérifier pour l’anneau A[L, C][1/δ], or ces propriétés se conservent par localisation et par passage à un anneau de polynomes. Voyons le point 1. Considérons le A-homomorphisme ψ : A[(fi,j )] → A défini par ψ(fi,j ) = 1 si 1 ≤ i = j ≤ k et = 0 sinon. Il est clair que ψ(Bn,k (A)) = 0. Ceci prouve que A ∩ Bn,k (A) = 0 car si a est dans cette intersection, a = ψ(a) = 0. Voyons le point 6. Le noyau de ϕL,C : A[L, C] → B[L, C] (l’extension naturelle de ϕ) est engendré par le noyau de ϕ. La propriété reste vraie après localisation. Puis elle reste vraie en recollant des localisations en des monoı̈des comaximaux. Donc dans notre cas on recolle en disant que Ker Bn,k (ϕ) est engendré par Ker ϕ. Montrons maintenant que Bn,k (K) est intègre dans le cas d’un corps. Pour cela on se rappelle que SLn (K) opère transitivement sur Gn,k,h (K), ce qui se traduit par le fait que toute matrice de projection de rang k et d’ordre n peut s’écrire sous la forme S · Ik,n,n · S −1 avec S ∈ SLn (K). Introduisons l’anneau des coordonnées de la variété SLn (K) ⊂ Kn×n : SLn (K) = K[(Si,j )1≤i,j≤n ] /h1 − det Si (il est bien connu que SLn (K) est intègre). À l’application surjective θK : SLn (K) → Gn,k,h (K) : S 7→ S ·Ik,n,n ·S −1 correspond le K- homomorphisme θeK de Bn,k (K) dans SLn (K) qui envoie fi,j sur l’entrée i, j de la matrice S ·Ik,n,n ·S −1 . Comme θL est surjectif pour toute extension finie L de K, tout élément de Ker θeK est nilpotent (par le Nullstellensatz). Or Bn,k (K) est réduit, donc θeK est injectif. Enfin, puisque SLn (K) est intègre, Bn,k (K) également. Il ne reste à démontrer que les affirmations concernant les dimensions. Vu le caractère local de cette notion, il nous suffit de montrer que A[L, C] et A[L, C][1/δ] ont la même dimension. A priori la dimension peut diminuer dans une telle localisation. Dans le cas de Z ou d’un corps, cela ne va pas se produire, car on va fabriquer une suite régulière de longueur voulue sans difficulté. Dans le cas général ? HUM se limiter au cas A noethérien ? 2 HUM L’égalité det V = det W1 a été démontrée ci- dessus sous l’hypothèse que det V est inversible, mais il est probable qu’elle est vraie pour toute matrice de projection de rang k. 52 6 6 IDÉAUX DE FITTING Idéaux de Fitting Dans cette section nous rappelons ce que sont les idéaux de Fitting d’un module de présentation finie et nous donnons une preuve de la caractérisation des modules projectifs de type fini (parmi les modules de présentation finie) en termes de leurs idéaux de Fitting. Cette section est indépendante de la section 4. Les idéaux de Fitting constituent un outil à la fois élémentaire et puissant, qui nous donne directement des preuve constructives. En particulier nous obtenons une autre preuve constructive directe du théorème 9. 6.1 Les idéaux déterminantiels Définition 6.1.1 Si G est une matrice arbitraire de type q × m, les idéaux déterminantiels de la matrice G sont les idéaux Dn (G) := idéal engendré par les mineurs d0 ordre n de la matrice G où n est un entier arbitraire. Pour n ≤ 0 les mineurs sont par convention égaux à 1, pour n > min(m, q) ils sont par convention égaux à 0. Les idéaux déterminantiels d’une matrice ne changent pas lorsqu’on modifie une ligne (resp. une colonne) en lui rajoutant une combinaison linéaire des autres lignes (resp. colonnes), ou encore si on rajoute ou supprime une ligne (resp. une colonne) nulle. Des faits essentiels sont les suivants. Fait 6.1.2 Pour toute matrice G de type q × m on a les inclusions {0} = D1+min(m,q) (G) ⊂ · · · ⊂ D1 (G) ⊂ D0 (G) = A En outre les idéaux déterminantiels ne dépendent que de la classe d’équivalence de la matrice (i.e., ils sont invariants si on multiplie la matrice à droite ou à gauche par une matrice inversible) En effet, tout mineur d’ordre (h + 1) s’exprime comme combinaison linéaire de mineurs d’ordre h. Fait 6.1.3 Si G et H sont des matrices telles que GH est définie, alors, pour tout n ≥ 0 on a Dn (GH) ⊂ Dn (G)Dn (H) En effet : c’est clair pour n = 1, et pour n > 1 on se ramène au cas n = 1 en notant que les mineurs d’ordre k de G, H et GH représentent les entrées des matrices (( puissance extérieure k-ème de G, H et GH )) (en tenant compte de la fonctorialité de (( puissance extérieure k-ème ))). On voit donc que pour un homomorphisme ϕ entre modules libres, les idéaux Dn (G) ne dépendent pas de la matrice G qui représente ϕ, on les notera donc Dn (ϕ) et on les appellera les idéaux déterminantiels de ϕ. L’égalité suivante est immédiate : Dn (ϕ ⊕ ψ) = Dn (ϕ) + Dn−1 (ϕ)D1 (ψ) + · · · + Dn (ψ) Deux propositions célèbres sont contenues dans la suivante : Proposition 6.1.4 Soit ϕ : Am → Aq de matrice G. (1) ϕ est surjectif si et seulement si Dq (G) = A (on dit alors que G est unimodulaire) (2) ϕ est injectif si et seulement si Dm (G) ne divise pas zéro, c.-à-d. si aDm (G) = 0 ⇒ a = 0, c.-à-d. si l’annulateur de Dm (G) est réduit à {0}. Preuve. 1) Si ϕ est surjectif, il admet un inverse à droite ψ de matrice H : GH = Iq et le fait 6.1.3 donne A ⊂ Dq (G)Dq (H), donc Dq (G) = A. Supposons maintenant Dq (G) = A. Notons (u1 , . . . , um ) la première 6.2 Les idéaux de Fitting d’un module de présentation finie 53 ligne de G et C1 , . . . , Cm les colonnes de G. En écrivant la combinaison linéaire des mineurs d’ordre q égale à 1 et en développant chacun de ces mineurs selon la première ligne, on obtient une relation u1 v1 + · · · + um vm = 1. On rajoute à la matrice G une première colonne égale à u1 C1 + · · · + um Cm . On obtient une matrice G0 qui a la même image que G. Par manipulations élémentaires de colonnes, on ramène la première ligne de G0 à la forme (1, 0, . . . , 0). Par manipulations élémentaires de lignes, on ramène ensuite la première colonne de G0 à la forme t (1, 0, . . . , 0). La matrice G1 ∈ A(q−1)×m dans le coin inférieur droit vérifie Dq−1 (G1 ) = Dq (G0 ) = Dq (G) = A. On termine donc par récurrence sur q. 2) Supposons que Dm (G) ne divise pas zéro. Notons ei les vecteurs de la base canonique de Am . L’annulateur du vecteur (∧m ϕ)(eP 1 ∧ · · · ∧ em ) (dont les coordonnées sont les mineurs d’ordre m de G) est donc réduit à 0. Soit x = 1≤i≤m αi ei . Si ϕ(x) = 0 alors 0 = ϕ(x) ∧ ϕ(e2 ) ∧ · · · ∧ ϕ(em ) = α1 (∧m ϕ)(e1 ∧ · · · ∧ em ) donc α1 = 0 . Même raisonnement pour les autres αi . Supposons maintenant que ϕ est injectif. Montrons par récurrence sur k la propriété suivante : si k vecteurs colonnes x1 , . . . , xk engendrent un sous module de Aq isomorphe à Ak (i.e., l’homomorphisme canonique est un isomorphisme), alors l’annulateur du vecteur x1 ∧ · · · ∧ xk est réduit à 0 (il restera à appliquer ce résultat avec k = m aux vecteurs ϕ(ei )). Pour k = 1 c’est trivial. Pour passer de k à k + 1 nous raisonnons comme suit. Soit α un scalaire annulant x1 ∧ · · · ∧ xk+1 . Soit I un ensemble de k indices de lignes, nous notons dI (y1 , . . . , yk ) le mineur extrait sur les lignes indices de I pour les vecteurs colonnes y1 , . . . , yk de Aq . Puisque α(x1 ∧ · · · ∧ xk+1 ) = 0 et vues les formules de Cramer on a α(dI (x1 ∧ · · · ∧ xk )xk+1 − dI (x1 , . . . , xk−1 , xk+1 )xk + · · ·) = 0 donc αdI (x1 , . . . , xk ) = 0 . Comme ceci est vrai pour tout I, cela donne α(x1 ∧ · · · ∧ xk ) = 0 . Et par l’hypothèse de récurrence α = 0. 2 On déduit facilement du résultat précédent que, si ϕ est injective, les puissances extérieures de ϕ sont toutes injectives (en particulier m > q ⇒ 1 =A 0). 6.2 Les idéaux de Fitting d’un module de présentation finie Définition 6.2.1 Si G est une matrice de présentation d’un module M donné par q générateurs liés par m relations, les idéaux de Fitting du module M sont les idéaux Fn (M ) := Dq−n (G) où n est un entier arbitraire. Pour prouver que ces idéaux ne dépendent pas de la présentation choisie pour M , il faut essentiellement voir qu’ils ne changent pas – lorsqu’on rajoute une nouvelle relation, combinaison linéaire des relations déjà présentes, et – lorsqu’on rajoute un nouvel élément à un système générateur, avec une relation qui exprime ce nouvel élément en fonction des anciens générateurs. Les preuves sont faciles. Pour plus de détails, on pourra consulter [11]. On a immédiatement les faits suivants. Fait 6.2.2 Pour tout module de présentation finie avec q générateurs on a les inclusions {0} = F−1 (M ) ⊂ F0 (M ) ⊂ · · · ⊂ Fq (M ) = A Fait 6.2.3 Si M est un A-module libre de rang k on a F0 (M ) = . . . = Fk−1 (M ) = {0} ⊂ Fk (M ) = A 54 6 IDÉAUX DE FITTING Fait 6.2.4 Si M est un A-module de présentation finie et S un monoı̈de de A, pour tout entier n, on a : Fn (MS ) = (Fn (M ))S 6.3 Les idéaux de Fitting d’un module projectif de type fini Nous commençons par des lemmes utiles (le premier est trivial). Lemme 6.3.1 Si dans un anneau A un idempotent e divise un élément x, alors x = ex Lemme 6.3.2 Si I est un idéal de type fini idempotent (i.e., I = I 2 ) dans un anneau A, alors I = rA avec r2 = r entièrement déterminé par I. Preuve. Pour l’existence, (cf. [11] chap. 4 exercice 11, p. 129) on considère un système générateur (a1 , . . . aq ) de I et le vecteur a = (a1 , . . . aq )T . Puisque aj ∈ I 2 pour j = 1, . . . , q, il y a une matrice C de type q × q à coefficient dans I telle que a = Ca, donc (Iq − C)a = 0. Si d = det(Iq − C) on a da = 0 et d = 1 − δ avec δ ∈ I. Donc a = δa, I = δI et dδ = δ − δ 2 = 0. Ainsi I est engendré par l’idempotent δ. L’unicité est simple : si r et r0 sont deux idempotents tels que rA = r0 A, on a d’après le lemme 6.3.1 r = rr0 = r0 . 2 Lemme 6.3.3 Supposons qu’on ait une liste d’idempotents (f−1 = 0, f0 , . . . , fq−1 , fq = 1) avec fi divise fi−1 pour i = 0, . . . , q, alors les éléments ri := fi − fi−1 pour i = 0, . . . , q forment un système fondamental d’idempotents orthogonaux. Preuve. Il est clair que la somme des ri égale 1. D’après le lemme 6.3.1, pour 0 ≤ i < q, on a fi = fi fi+1 donc (fi+1 − fi )fi = 0, c.-à-d. (r0 + · · · + ri ) × ri+1 = 0 (∗) On prouve par récurrence sur i (0 ≤ i ≤ q) que — pour 0 ≤ h < k ≤ i on a rh rk = 0 et — pour 0 ≤ h ≤ i on a rh2 = rh Cela est vrai si i = 0. Supposons le vrai pour i. En multipliant (∗) par rj avec 0 ≤ j ≤ i on obtient 2 rj × ri+1 = 0. En écrivant que (r0 + · · · + ri+1 )2 = r0 + · · · + ri+1 on déduit alors que ri+1 = ri+1 . 2 Proposition 6.3.4 Chaque idéal de Fitting d’un module projectif de type fini est engendré par un idempotent. Preuve. D’aprés le lemme 6.3.2, il revient au même de dire que l’idéal est idempotent ou engendré par un idempotent. Par ailleurs, si M est isomorphe à l’image d’une matrice de projection F , il admet la matrice de présentation F1 = In − F , qui est idempotente. Les idéaux déterminantiels de la matrice F1 sont donc idempotents d’après le fait 6.1.3. 2 Proposition 6.3.5 Supposons qu’un A-module M de présentation finie ait ses idéaux de Fitting idempotents et que G soit une matrice de présentation de M , correspondant à un système de q générateurs. Soit fh le générateur idempotent de Fh (M ) et rh := fh − fh−1 . Alors : (1) (r0 , . . . , rq ) est un système fondamental d’idempotents orthogonaux. (2) Si th,j est un mineur d’ordre q − h de G et sh,j := th,j rh , le module Msh,j est libre de rang h. 6.3 Les idéaux de Fitting d’un module projectif de type fini 55 (3) Le module M peut alors être explicité comme module projectif de type fini par la procédure de recollement concret des modules projectifs de type fini, appliquée à tous les modules Msh,j (lorsqu’on fait varier h et j). (4) Le module rh M , qui s’identifie à Mrh , est projectif de rang h. (5) rh = eh (M ) pour tout h. Preuve. 1) Le fait que (r0 , . . . , rq ) est un système fondamental résulte du lemme 6.3.3 et de la proposition 6.3.4. 2) Soit u un mineur d’ordre (q − h + 1) de G. Comme fh−1 divise u, on a u = fh−1 u, donc rh u = rh fh−1 u = 0, donc dans la matrice rh G, et a fortiori dans la matrice Gsh,j , tous les mineurs d’ordre (q − h + 1) sont nuls. Donc, par le lemme de la libertè, Msh,j (isomorphe au conoyau de Gsh,j ) est libre de rang h. 3) Il nous reste à voir que les sh,j engendrent A comme idéal de A, pour pouvoir appliquer la procédure de recollement concret des modules projectifs de type fini (principe local-global concret 2). Or fh s’écrit sous forme Σ th,j vh,j où les th,j sont les mineurs d’ordre (q − h) de G. Donc Σ sh,j vh,j = Σ th,j vh,j rh = fh rh = rh . On conclut en remarquant que Σrh = 1. 4) D’après ce qui précède, et d’après le principe local-global concret de recollement des modules projectifs de rang h, on sait que Mrh est de rang h. 5) On obtient rh = eh (M ) en utilisant l’unicité prouvée à la proposition 4.3.3. 2 Remarque 6.3.6 Le point (3) de la proposition précédente donne une nouvelle preuve du théorème 1 avec ` égal à q m q m q m m=1+ + + ··· + 1 1 2 2 q q Le point (4) quant à lui donne une nouvelle preuve du théorème 2 (sauf le résultat précisant que r0 A est l’annulateur de M ). Nous obtenons, en résumant différents résultats précédemment établis, la caractérisation des modules projectifs de type fini en termes de leurs idéaux de Fitting. (cf. [11] théorème 18 p. 122 et exercice 7 p. 49. Notons cependant que la preuve de Northcott n’est pas entièrement constructive, puisqu’il fait appel au principe de recollement abstrait des modules projectifs de type fini) Théorème 11 Soit M un module de présentation finie sur un anneau A. Supposons précisément que M soit isomorphe au conoyau de ϕ : An → Aq . On a l’équivalence de : (a) M est projectif de type fini. (b) Mes idéaux de Fitting de M sont idempotents. (c) Les idéaux de Fitting de M sont des idéaux principaux engendrés par des idempotents. (d) Il existe une application linéaire ψ : Aq → An vérifiant ϕ = ϕ ◦ ψ ◦ ϕ Preuve. (d) ⇒ (b) d’après le fait 6.1.3. (b) ⇔ (c) d’après le lemme ??. (b) ⇒ (a) d’après le proposition précédente. (a) ⇒ (d) Cela a déjà été vu dans la proposition 2.3.2. 2 Remarque 6.3.7 On peut donc tester si un module de présentation finie est projectif ou non en testant si ses idéaux de Fitting sont idempotents ou non. Ceci est possible dans la mesure où on sait tester l’appartenance x ∈ a1 A + · · · + ah A pour tout système x, a1 , . . . , ah d’éléments de A, c.-à-d. selon la terminologie de [10], si les idéaux de A sont détachables. On pourra comparer à [10] chap. III exercice 4 p. 96. 56 6 IDÉAUX DE FITTING Remarque 6.3.8 On déduit de la proposition 6.3.4 une autre preuve constructive du lemme de la liberté locale, sans utiliser l’hypothèse l’anneau résiduellement discret (hypothèse nécessaire dans la première preuve que nous avons donnée) : Preuve Soit G une matrice de présentation du module M . Puisque les idéaux de Fitting sont engendrés par des idempotents fi qui se divisent les uns les autres, que tout idempotent est explicitement égal à 0 ou 1, que le premier est nul est le dernier égal à 1, il existe un entier k (0 ≤ k < q) tel que 0 = f−1 = · · · = fk et fk+1 = · · · = fq = 1. Donc en prenant h = q − k − 1 : • tous les mineurs d’ordre h + 1 de G sont nuls, • les mineurs d’ordre h de G engendrent A comme A-module. Puisque l’anneau est local, un de ces mineurs d’ordre h est inversible. Le lemme de la liberté montre alors que M est libre de rang h. 57 7 Quelques constructions de modules projectifs Dans cette section nous rappelons quelques constructions classiques qui conservent les modules projectifs de type fini. Nous regardons en particulier ce qu’il advient aux polynomes RM et Pϕ dans le cas de modules de rang constant d’une part, dans le cas général d’autre part. Nous donnons un traitement (( direct et global )) de ces questions. L’application du principe localglobal concret 5 aurait permis de tout traiter par recollement à partir du cas des modules libres. 7.1 Somme directe Le résultat suivant a déjà été signalé en partie, il découle immédiatement de la proposition 3.2.1. Proposition 7.1.1 La somme directe M ⊕ N de deux modules projectifs de type fini (resp. de rang constant) est un module projectif de type fini (resp. de rang constant). Si ϕ et ψ sont des endomorphismes de M et N , on a Pϕ⊕ψ (X) = Pϕ (X) Pψ (X) . En particulier les sfios associés à M , N et M ⊕ N sont reliés par RM ⊕N (X) = RM (X) RN (X) . Si θ : M → N est une application linéaire et si on considère l’application linéaire (( triangulaire )) λ : M ⊕ N → M ⊕ N : (x, y) 7→ (ϕ(x), ψ(y) + θ(x)), alors on a Pλ (X) = Pϕ (X) Pψ (X) . Remarquez que l’égalité RM ⊕N (X) = RM (X) RN (X) se réécrit P eh (M ⊕ N ) = 0≤j≤h ej (M ) eh−j (N ) Les preuves qui suivent sont toutes coulées dans le même moule, qui a déjà été utilisé pour l’étude des puissances extérieures à la section 4.1. 7.2 Produit tensoriel Proposition 7.2.1 On considère deux A-modules projectifs de type fini M et N , ϕ et ψ des endomorphismes de M et N . (1) Le module M ⊗A N est un module projectif de type fini. (2) Le polynome fondamental Pϕ⊗ψ (X) de ϕ ⊗A ψ ne dépend que des polynomes RM , RN , Pϕ , et Pψ . En particulier det ϕ ⊗ ψ = RN (det ϕ) RM (det ψ) . (3) Si M et N sont de rangs constants m et n, M ⊗A N est de rang constantQégal à mn. Si Pϕ = (1+λ1 X) · · · (1+λm X), et Pψ = (1+µ1 X) · · · (1+µn X) on a Pϕ⊗ψ (X) = i,j (1+λi µj X) (4) En particulier, les sfios associés à M , N et M ⊗ N sont reliés par RM ⊗A N (X) = RM (RN (X)) = RN (RM (X)) Remarquez que puisque (RN (X))k = RN (X k ), la dernière égalité se réécrit eh (M ⊗ N ) = Σjk=h ej (M )ek (N ) Preuve. — 1) Supposons M ⊕ M 0 = Ap et N ⊕ N 0 = Aq . Soit F (resp. G) la matrice de la projection sur M (resp N ) parallèlement à M 0 (resp N 0 ). Alors F ⊗ G est une projection de Ap ⊗ Aq sur M ⊗ N , parallèlement à un sous espace isomorphe à (M 0 ⊗ N ) ⊕ (M ⊗ N 0 ) ⊕ (M 0 ⊗ N 0 ). — 2) Soit ϕ1 = ϕ ⊕ 0M 0 et ψ1 = ϕ ⊕ 0N 0 , θ = ϕ ⊗ ψ, θ1 = θ ⊕ 0(M 0 ⊗N )⊕(M ⊗N 0 )⊕(M 0 ⊗N 0 ) . On voit que θ1 = ϕ1 ⊗ ψ1 . On est donc ramené au cas où les modules de départ sont libres. Dans ce cas, ce qu’on doit démontrer se résume à des identités algébriques concernant les entrées de deux matrices carrées. 58 7 QUELQUES CONSTRUCTIONS DE MODULES PROJECTIFS Puisqu’il s’agit d’identités algébriques, on peut supposer sans perte de généralité que les matrices sont diagonalisables. Dans ce dernier cas, on tombe sur la formule donnée en (3). Cette formule montre que les coefficients du polynome fondamental Pϕ⊗ψ (X) sont des fonctions symétriques en les λi d’une part, les µj d’autre part. Ainsi ces coefficients sont des polynomes bien déterminés en les coefficients de Pϕ (X) et Pψ (X). — 3) Clair d’après (2) — 4) Dans le cas où les modules sont de rang constant, cela résulte de (3). Dans le cas général, on écrit M et N comme sommes directes de leurs composantes en chaque rang. On fait le produit tensoriel et on conclut par la proposition sur les sommes directes, modulo un petit calcul. 2 7.3 Le dual et le foncteur Hom Le lemme 5.4.1 donnant l’isomorphisme canonique entre M ? ⊗A N et HomA (M, N ) éclaire la profonde annalogie entre les résultats des propositions 7.2.1 et 7.3.1. Proposition 7.3.1 On considère deux A-modules projectifs de type fini M et N , ϕ et ψ des endomorphismes de M et N . (1) Le module HomA (M, N ) est un module projectif de type fini. (2) Le polynome fondamental PHomA (ϕ,ψ) (X) de HomA (ϕ, ψ) ne dépend que des polynomes Pϕ (X) et Pψ (X). (3) Si en outre M et N sont de rangs constants m et n, HomA (M, N ) est de rang constant égal à mn. Q Si Pϕ = (1 + λ1 X) · · · (1 + λm X), et Pψ = (1 + µ1 X) · · · (1 + µn X) on a PHomA (ϕ,ψ) (X) = i,j (1 + λi µj X) (4) En particulier, les sfios associés à M , N et HomA (M, N ) sont reliés par RHomA (M,N ) (X) = RM (RN (X)) = RN (RM (X)) Preuve. On peut faire une preuve entièrement analogue à celle de la proposition 7.2.1. 2 Corollaire 7.3.2 On considère un endomorphisme ϕ d’un A-module projectif de type fini M . (1) Le module HomA (M, A) = M ? est un module projectif de type fini. (2) Le polynome fondamental du transposé ϕ? est égal à celui de ϕ. (3) Si M est de rang constant m, M ? est de rang constant égal à m. (4) De manière générale les sfios associés à M et M ? sont les mêmes : RM ? (X) = RM (X). (5) Le module projectif de type fini M est de rang constant k si et seulement si HomA (M, M ) est de rang constant k 2 . Preuve. P P 2 Pour le (5) on remarque que si RM (X) = h rh X h alors RHomA (M,M ) (X) = h rh X h 7.4 2 Puissances symétriques Cela fonctionne exactement comme les puissances extérieures, avec les légères variations qui s’imposent. 59 8 8.1 Modules projectifs de rang 1 Homomorphismes surjectifs et isomorphismes Proposition 8.1.1 Soit ϕ : M → N un homomorphisme surjectif avec N projectif de type fini. (1) ϕ possède une section σ : N → M (ϕ ◦ σ = IdN et M ' Ker(ϕ) ⊕ N ). Si en outre M est projectif de type fini, alors Ker(ϕ) aussi. (2) Si M et N sont projectifs de rangs constants m et n, alors Ker(ϕ) est projectif de rang constant m − n. (3) Si M et N sont projectifs de même rang constant m, alors ϕ est un isomorphisme. (4) Si M et N sont projectifs de type fini et si RM = RN , alors ϕ est un isomorphisme. Preuve. 1) Considérons des générateurs (gi )i=1,...,n de N et des formes linéaires (αi )i=1,...,n sur M telles que : ∀x ∈ N x = Σ αi (x)gi . Soient (hi )i=1,...,n dans M avec ϕ(hi ) = gi . On définit l’homomorphisme σ par σ(x) = Σ αi (x)hi 2) Posons P = Ker(ϕ). Puisque M ' P ⊕ N , on a RM (X) = RP (X)RN (X), c.-à-d. X m = RP (X)X n , et donc RP (X) = X m−n . 3) D’après le point précédent, RP (X) = 1 donc P = {0}. 4) Posons rh := eh (M ) = eh (N ). Chaque ϕ[h] : M [h] → N [h] est surjectif puisque leur somme directe est surjective. On conclut par le point (3) que chaque ϕ[h] est un isomorphisme de A /h1 − rh i -module. Donc ϕ est un isomorphisme. 2 Définition 8.1.2 Soient M et N des modules projectifs de type fini. On dit que le rang de M est inférieur ou égal au rang de N et on écrit RM ≤ RN lorsque RM divise RN . Cela signifie aussi : Pour tout s ∈ A, si Ms et Ns sont libres alors le rang de Ms est inférieur ou égal à celui de Ns . c.-à-d. encore ∀i > j ei (M ) · ej (N ) = 0, ou encore ∀k ek (M ) · X ei (N ) = ek (M ). i≥k Dans ce cas, en posant R= X ei (M ) · ej (N )X i−j i≤j on obtient R · RM = RN comme on peut s’en convaincre en localisant en tous les idempotents ei (M ) · ej (N ), qui forment un sfio. Proposition 8.1.3 Soit ϕ : M → N un homomorphisme injectif avec M et N projectifs de type fini. Alors RM ≤ RN . 8.2 Modules projectifs de rang 1, groupe de Picard Proposition 8.2.1 Soit M un A-module de rang constant égal à 1. Alors les homomorphismes canoniques A → HomA (M, M ), a 7→ µa (µa (x) = ax) et HomA (M, M ) → A, ϕ 7→ Tr(ϕ) sont deux isomorphismes réciproques. En outre, pour tout ϕ ∈ HomA (M, M ) on a det(ϕ) = Tr(ϕ). 60 8 MODULES PROJECTIFS DE RANG 1 Preuve. On vérifie facilement que det(µa ) = Tr(µa ) = a. En outre la trace est surjective puisque Tr(IdM ) = 1, donc est un isomorphisme d’après la proposition 8.1.1. 2 Théorème 12 Un A-module M est un module de rang constant égal à 1 si et seulement si l’homomorphisme canonique M ? ⊗A M → A est un isomorphisme. Preuve. On sait déjà que la condition est nécessaire. Montrons qu’elle est suffisante. P Notons Tr l’homorphisme P canonique. Soit u = 1≤i≤n αi ⊗ ai l’élément de M ? ⊗ M tel que Tr(u) = i αi (ai ) = 1. On a deux isomorphismes de M ? ⊗ M ⊗ M vers M , construits à partir de Tr. α ⊗ a ⊗ b 7→ α(a)b et α ⊗ a ⊗ b 7→ α(b)a Ceci donne un P isomorphismeP σ : M → M vérifiant P σ(α(a)b) = α(b)a pour tous α ∈ M ? , a, b ∈ M . D’où σ(x) = σ( i αi (ai )x = i αi (x)ai et donc x = i αi (x)σ −1 (ai ). Ceci montre que M est projectif de type fini. Comme M ? ⊗A M ' HomA (M, M ) est de rang 1 cela implique que M est de rang 1 (voir corollaire 7.3.2 (5)). On en déduit d’ailleurs que σ = IdM . 2 Les classes d’isomorphismes de modules projectifs de rang 1, avec la loi ⊗ forment un groupe (le groupe de Picard de A). Lorsque l’anneau est intègre, on peut voir aussi ce groupe comme un groupe de classes d’idéaux inversibles (classes modulo les principaux inversibles). HUM Il faudrait donner des contre exemples variés. Un module de rang constant 2 tel que HomA (M, M ) n’est pas libre. Un anneau A non intègre où le groupe de Picard ne peut pas être identifié au groupe des classes d’idéaux inversibles. Un anneau A où tous les modules de rang 1 sont libres, mais pas tous les modules de rang 2. 8.3 Quelques précisions sur le déterminant Cette section aurait pu être mise à la fin de la section 3. Elle vise à éclaircir les rapports entre déterminant, polynome fondamental , polynome caractéristique et polynome multiplicatif. Nous n’utilisons pas ces résultats par ailleurs. Bien que la preuve de la proposition 3.2.1 fût convaincante, il pouvait sembler un peu choquant que le déterminant d’un endomorphisme puisse être bien défini lorsque le rang du module lui-même n’est pas bien défini. En fait, cela se passe comme suit : lorsqu’on décompose le module selon ses composantes en chaque rang, l’endomorphisme conserve chaque composante du module (il l’envoie dans elle-même), et chaque composante de l’endomorphisme ainsi obtenue a un déterminant (ce qui est moins choquant puisque le rang est constant). Enfin les déterminants en chaque rang sont mis ensemble via les idempotents correspondant aux composantes pour former le déterminant global. Nous allons maintenant donner une preuve d’énoncés précis traduisant ce que nous venons de dire. Nous commençons par une proposition qui analyse certaines interférences entre déterminants et idempotents. Comme le rang n’est pas constant, certaines relations sont un peu subtiles. Proposition 8.3.1 Soient M un A-module projectif de type fini, r0 = e0 (M ), e un idempotent de A, f = 1 − e et ϕ en endomorphisme de M . Alors M = eM ⊕ f M , de sorte que eM et f M sont projectifs de type fini. On a aussi ϕ(eM ) ⊂ eM , et en notant ϕe : eM → eM l’endomorphisme ainsi défini, on a : det(ϕe ) = f + edet(ϕ) et det(eϕ) = r0 f + edet(ϕ) 8.3 Quelques précisions sur le déterminant 61 Peϕ (X) = Pϕ (eX) = Pϕe (X) = f + eP varphi (X) Cϕe (X) = f + eCϕ (X) ReM (X) = f + eRM (X) En outre e det(ϕ) est le déterminant de ϕe en tant qu’endomorphisme du (A /hf i )-module eM lorsqu’on identifie A /hf i et eA. Preuve. Reprenons les notations du lemme 3.2.6. Voyons les déterminants de eϕ et ϕe . On a det(ϕ) = det(In − F + H), det(eϕ) = det(In − F + eH) et det(ϕe ) = det(In − eF + eH). On en déduit edet(ϕe ) = det(eIn − eF + eH) = edet(ϕ) et f det(ϕe ) = det(f In − f eF + f eH) = det(f In ) = f . Donc det(ϕe ) = f det(ϕe ) + edet(ϕe ) = f + edet(ϕ). De même edet(eϕ) = det(eIn − eF + eH) = edet(ϕ) et f det(eϕ) = det(f In − f F + f eH) = f det(In − F ) = f RM (0) = f e0 (M ) En appliquant det(ϕe ) = f + edet(ϕ) aux endomorphismes Id + Xϕ, XId − ϕ et XId du A[X]-module M [X] on obtient Pϕe (X) = f + ePϕ (X), Cϕe (X) = f + eCϕ (X) et ReM (X) = f + eRM (X). Par ailleurs la matrice eH représente à la fois l’endomorphisme eϕ de M et l’endomorphisme ϕe de eM . On a donc Pϕe (X) = Peϕ (X) = det(In + eXH) = Pϕ (eX). En ce qui concerne la dernière affirmation : on doit regarder det(ϕe ) dans A /hf i , on obtient edet(ϕ) modulo f A, et cela correspond à l’élément edet(ϕ) de eA. 2 La proposition suivante précise ce que nous disions au début de la section. Proposition 8.3.2 Soit ϕ un endomorphisme d’un module projectif de type fini M ayant n générateurs, rh = eh (M ) (pour h = 1, . . . , n) et d = det(ϕ). Notons ϕ[h] l’endomorphisme de M [h] induit par ϕ. Notons dh = rh d et δh = det(ϕ[h] ) (le déterminant de ϕ[h] lorsqu’on le voit comme un endomorphisme d’un A-module). (1) Alors on a d0 = r0 , δ0 = 1 et δh = 1 − rh + dh et d = d0 + d1 + · · · + dn = δ1 × · · · × δn ϕ[h] (2) En outre dh est le déterminant de dans rh A (' A /h1 − rh i ) lorsqu’on voit ϕ[h] comme un endomorphisme de M [h] en tant que rh A-module. (3) De la même manière, on a : Pϕ[h] (X) = (1 − rh ) + rh Pϕ (X) et Cϕ[h] (X) = (1 − rh ) + rh Cϕ (X). Preuve. 1) On a ϕ[h] = ϕrh en appliquant la notation de la proposition 8.3.1. Donc δh = 1 − rh + dh . On a δ0 = 1 parce que M [0] = {0}, et puisque δ0 = 1 − r0 + d0 , cela donne d0 = r0 . L’égalité d = d0 + d1 + · · · + dn est triviale. L’égalité d = δ1 ×· · ·×δn résulte de la proposition 3.2.1 (3). On peut aussi démontrer d0 +d1 +· · ·+dn = δ1 × · · · × δn par un calcul direct. 2) Déjà vu dans la proposition 8.3.1. 3) Idem. 2 Nous donnons maintenant la relation entre le polynome fondamental , le polynome caractéristique et le déterminant dans le cas d’un module de rang constant puis dans le cas d’un module projectif de type fini arbitraire. 62 8 MODULES PROJECTIFS DE RANG 1 Proposition 8.3.3 Soit ϕ un endomorphisme d’un module M de rang cons tant h. Le polynome caractéristique de ϕ est unitaire de degré h, le polynome fondamental de ϕ est de degré ≤ h. Les homognénéisés en degré h de Cϕ (X) et Pϕ (X) sont égaux respectivement à det(XIdM − Y ϕ) et det(Y IdM + Xϕ). Autrement dit Cϕ (X) = X h Pϕ (−1/X) et Pϕ (X) = (−1)h X h Pϕ (−1/X) En outre det(ϕ) = (−1)h Cϕ (0) est égal au coefficient en X h de Pϕ (X). Preuve. Rappelons pour commencer que pour tout a ∈ A on a det(aϕ) = RM (a)det(ϕ) = ah det(ϕ). On se place alors sur l’anneau A[X, 1/X] et on considère le module M [X, 1/X], on obtient X h Pϕ (−1/X) = det(X(IdM − (1/X)ϕ)) = det(XIdM − ϕ) = Cϕ (X) En remplaçant X par −1/X dans Cϕ (X) = X h Pϕ (−1/X) on obtient l’autre égalité. Les deux polynomes sont donc de degrés ≤ h. Comme le coefficient constant de Pϕ est égal à 1, on obtient aussi que Cϕ est unitaire. Pour les homogénéisés, le même calcul fonctionne. Pour le déterminant on remarque que det(−ϕ) = Cϕ (0). 2 Proposition 8.3.4 Soit ϕ un endomorphisme d’un module projectif de type fini M . Posons Pϕ (X) = 1 + v1 X + · · · + vn X n et RM (X) = r0 + r1 X + · · · + rn X n . Alors pour 0 ≤ h < k ≤ n on a rh vk = 0, en outre : P Cϕ (X) = r0 + 1≤h≤n rh X h Pϕ (−1/X) P Pϕ (−X) = r0 + 1≤h≤n rh X h Cϕ (1/X) det(ϕ − XIdM ) = RM (−1) Cϕ (X) det(ϕ) = r0 + r1 v1 + · · · + rn vn = RM (−1) Cϕ (0) Preuve. On se place sur l’anneau rh A et on considère le module rh M et l’endomorphisme ϕ[h] . On obtient un module de rang constant h. On en déduit que rh Pϕ (X) et rh Cϕ (X) sont de degrés ≤ h et que rh (X h Pϕ (−1/X)) = rh Cϕ (X). Il reste à faire la somme des égalités ainsi obtenues pour 1 ≤ h ≤ n. Même calcul pour la deuxième égalité. Les deux dernières égalités étaient déjà connues, sauf pour det(ϕ) = r0 + r1 v1 + · · · + rn vn qui peut se démontrer comme la première. 2 8.4 Le foncteur déterminant On a défini le déterminant d’un endomorphisme d’un module projectif de type fini. Nous allons voir que plus généralement on peut définir le déterminant comme un foncteur de la catégorie des modules projectifs vers celle des modules projectifs de rang 1. Sans doute, la définition la plus simple du déterminant d’un module projectif de type fini est la suivante : Définition 8.4.1 (1) Si M est un A-module projectif de type fini engendré par n éléments, avec rh = eh (M ) (0 ≤ h ≤ n) et M [h] = rh M , on définit det(M ) par det(M ) := r0 A ⊕ M [1] ⊕ ∧2 M [2] ⊕ · · · ⊕ ∧n M [n] (2) Si ϕ : M → N est un homomorphisme de A-modules projectifs de type fini, avec sh = eh (N ), on définit det(ϕ) comme un homomorphisme de det(M ) dans det(N ) envoyant ∧h M [h] dans ∧h N [h] par x 7→ sh (∧h ϕ)(x). On notera que lorsque x ∈ ∧h M [h] on a x = rh x. 8.5 Généralisation des idéaux déterminantiels 63 Proposition 8.4.2 Avec les notations de la définition précédente, on a : (1) det(M ) est un module de rang constant 1, avec rh det(M ) = det(M )rh = ∧h M [h] . (2) La définition précédente fournit un foncteur qui commute avec la localisation et transforme les sommes directes en produits tensoriels. (3) Un homomorphisme entre modules projectifs de type fini est un isomorphisme si et seulement si son déterminant est un isomorphisme. (4) Pour un endomorphisme d’un module projectif de type fini, la nouvelle définition du déterminant coı̈ncide avec l’ancienne si on identifie HomA (L, L) avec A lorsque L est un module de rang constant 1. Vue la proposition de recollement concret des modules (principe local-global concret 5), et vu l’isomorphisme canonique (HomA (M, N ))S → HomAS (MS , NS ) dans le cas de modules projectifs de type fini (fait 2.5.9), on a des caratérisations locales pour le déterminant d’un module projectif de type fini et celui d’un homomorphisme entre modules projectifs de type fini. Proposition 8.4.3 Soit M un A-module projectif de type fini. (1) Le module det(M ) est caractérisé à isomorphisme unique près par la propriété suivante : si s ∈ A est tel que Ms est libre alors (det(M ))s ' det(Ms ), avec des isomorphismes cohérents avec une localisation plus poussée10 . (2) Si ϕ : M → N est un homomorphisme de A-modules projectifs de type fini, l’homomorphisme det(ϕ) est caractérisé par la propriété suivante : si s ∈ A est tel que Ms et Ns sont libres alors (det(ϕ))s = det(ϕs ) (modulo les isomorphismes canoniques). On doit aussi avoir un résultat du genre suivant : Proposition 8.4.4 À isomorphisme près le foncteur déterminant est le seul foncteur de la catégorie des A-modules projectifs de type fini dans elle-même qui transforme les sommes directes en produits tensoriels et qui transforme toute flèche ϕ : A → A en elle- même. Il semblerait que le résultat précédent ait quelques rapports avec le déterminant d’un complexe et les preuves télégraphiques des propriétés de ce déterminant données dans le (( Algèbre locale, multiplicités )) de J.-P. Serre. Notez que la caractérisation de det(ϕ) dans la proposition 8.4.3 fonctionne bien parce qu’il y a (( suffisamment )) d’éléments s ∈ A qui rendent libres à la fois M et N . En fait, la caractérisation locale précédente nous ramène au cas des modules libres, et vue le principe local-global concret 5, cela aurait suffi pour construire le foncteur det, puisque, dans le cas des modules libres de dimension finie, le déterminant (d’un module, ou d’un endomorphisme) se comporte bien par localisation. De manière générale, tout ce qui est fait de manière fonctorielle pour le cas des modules libres de dimension finie, pour peu que cela ait un bon comportement par localisation, s’étend sans problème au cas des modules projectifs de type fini. La section 7 pourrait d’ailleurs entièrement s’interpréter de cette manière, les preuves devenant triviales car réduites au cas des modules libres. Nous illustrons ce phénomène sur un nouvel exemple dans la section 8.5. 8.5 Généralisation des idéaux déterminantiels au cas d’homomorphismes entre modules projectifs de type fini Si ϕ : M → N est un homomorphisme entre modules projectifs de type fini et si P est un module projectif de type fini, on peut considérer l’idéal engendré par tous les det(θ ◦ ϕ ◦ ψ) où ψ : P → M et θ : N → P. Cela signife précisément : si s00 = ss0 alors l’isomorphisme (det(M ))s00 ' det(Ms00 ) est donné par la localisation de l’isomorphisme (det(M ))s ' det(Ms ). 10 64 8 MODULES PROJECTIFS DE RANG 1 Nous allons donner tout d’abord une définition (( à la main )) de cet idéal, et montrer ensuite qu’il jouit des bonnes propriétés. Proposition et définition 8.5.1 Soit ϕ : M → N un homomorphisme entre modules projectifs de type fini et P un troisième module projectif de type fini engendré par q éléments. Soit rh = eh (P ) pour 0 ≤ h ≤ q. — 1) Supposons que M ⊕ M 0 ' Am , N ⊕ N 0 ' An , et prolongeons ϕ en un homomorphisme de M ⊕ M 0 dans N ⊕ N 0 par l’application nulle sur M 0 . Soit G la matrice de cet homomorphisme. Alors, pour chaque entier h l’idéal déterminantiel Dh (G) ne dépend que de h et de ϕ, on le note Dh (ϕ). — 2) On appelle idéal déterminantiel de type P pour l’homomorphisme ϕ et on note DP (ϕ) l’idéal r0 A + r1 D1 (ϕ) + · · · + rq Dq (ϕ) HUM En fait seul le sfio associé à P intervient. Peut être faut il changer la notation ? Il faudrait avoir une référence. Fait 8.5.2 Reprenons les notations de la définition précédente. (1) Si ϕ0 : N → L est un autre homomorphisme entre modules projectifs de type fini , on a : DP (ϕ0 ϕ) ⊂ DP (ϕ0 )DP (ϕ) (2) Si S est un monoı̈de de A alors (DP (ϕ))S = DPS (ϕS ). (3) Si s ∈ A est tel que Ms , Ns et Ps sont libres, on a (DP (ϕ))s = Dks (ϕs ) où ks = dim(Ps ), et cette propriété caractérise l’idéal DP (ϕ). (4) Si on a des homomorphismes ψ : P → M et θ : N → P , alors det(θ ◦ ϕ ◦ ψ) ∈ DP (ϕ). En outre l’idéal DP (ϕ) est engendré par de tels det(θ ◦ ϕ ◦ ψ). Vue la caractérisation locale des homomorphismes surjectifs et injectifs, on généralise sans peine les résultats de la proposition 6.1.4. Proposition 8.5.3 Soit ϕ : M → N un homomorphisme entre modules projectifs de type fini. (1) ϕ est surjective si et seulement si DN (ϕ) = A (on dit alors que ϕ est unimodulaire) (2) ϕ est injective si et seulement si DM (ϕ) ne divise pas zéro, c.-à-d. si l’annulateur de DM (ϕ) est réduit à {0}. Ceci implique clairement le corollaire suivant. Corollaire 8.5.4 Pour savoir tester si un homomorphisme entre modules projectifs de type fini est surjectif (resp. injectif ) il suffit de savoir le faire dans le cas Am → A (resp. A → Am ). 65 9 Nombre des générateurs d’un module projectif de type fini Définition 9.0.5 Un anneau A sera dit bien bon s’il vérifie la propriété suivante : tout module projectif de rang constant est libre. Cela doit avoir un autre nom dans la littérature. Il est clair que tout anneau local et tout anneau principal est bien bon, et que tout produit fini d’anneaux bien bons est bien bon. Dans cette section nous rappelons des généralisations de ces résultats ainsi qu’une preuve constructive du théorème de Quillen-Suslin. 9.1 Caractérisations radicales Tout d’abord rappelons la définition constructive du radical de Jacobson d’un anneau A. Proposition et définition 9.1.1 (voir [10] III.1) Soit A un anneau non nécessairement commutatif. Pour un élément a de A les propriétés suivantes sont équivalentes : — a) ∀x ∈ A (1 − ax) est inversible à gauche — b) ∀x ∈ A (1 − ax) est inversible — c) ∀x ∈ A (1 − ax) est inversible à droite — d) ∀x ∈ A (1 − xa) est inversible à droite — e) ∀x ∈ A (1 − xa) est inversible — f ) ∀x ∈ A (1 − xa) est inversible à gauche — g) ∀x, y ∈ A (1 − xay) est inversible Les éléments de A vérifiant ces propriétés forment un idéal bilatère appelé le radical (de Jacobson) de A et noté Rad(A). Pour tout anneau A, l’anneau quotient A/Rad(A) a son radical de Jacobson réduit à {0}. HUM est-ce bien utile de faire allusion au cas non commutatif ? c’est sans doute un peu trop hors sujet ? Nous revenons aux anneaux commutatifs. Rappelons que sous l’axiome du choix, le radical de Jacobson est l’intersection des idéaux maximaux de A. Constructivement on a : Le radical de Jacobson de A contient le nilradical. Le radical de Jacobson d’un anneau local est formé des éléments noninversibles, c’est son idéal maximal. On a les propriétés de stabilité suivantes : Proposition 9.1.2 Soit A un anneau commutatif, si l’anneau quotient A/Rad(A) est bien bon, alors A est bien bon. Preuve. Notons R = Rad(A) et B = A/Rad(A). Soit F ∈ An×n une matrice de projection vérifiant det(In + XF ) = (1 + X)k . Modulo R la matrice F est semblable à une matrice de projection standard Ik,n,n , i.e., on a deux matrices P et Q avec P F Q = Iknn mod R et P Q = In mod R. On a P Q = In + R avec R ∈ Rn×n donc det(P )det(Q) = det(P Q) = det(In + R) = 1 + j avec j ∈ R de sorte que 1 + j ∈ A× et P et Q inversibles. Donc P F P −1 = P F Q(P Q)−1 = Ik,n,n mod R, i.e., P F P −1 = Ik,n,n + S avec S ∈ Rn×n . On peut alors diagonaliser cette matrice comme dans la preuve par Azumaya du lemme de la liberté locale. 2 66 9 NOMBRE DES GÉNÉRATEURS D’UN MODULE PROJECTIF DE TYPE FINI HUM La réciproque serait bienvenue. En fait il semble qu’on a (une des variantes du lemme de Nakayama) : si M est de type fini et x1 , . . . , xm ∈ M les xi engendrent M si et seulement si ils engendrent M modulo Rad(A)M . Donc la réciproque semble probable. En fait toute la section précédente devrait plutôt parler du nombre des générateurs d’un module projectif de type fini. La preuve précédente a donc l’air trop lourde. Proposition 9.1.3 Soit A un anneau commutatif et N son nilradical. L’anneau A est bien bon si et seulement si l’anneau quotient A/N est bien bon. Preuve. La condition est suffisante : preuve comme pour la proposition précédente. La condition est nécessaire. Si on a une matrice F dans Ap×p avec F 2 = F mod N et det(Ip + XF ) = (1 + X)k mod N . Cela implique que la matrice N = F 2 − F est nilpotente (en élevant N à une puissance suffisamment élevée, toute entrée de la matrice obtenue contient au moins une entrée de N à une puissance donnée a priori). On se place alors dans l’anneau commutatif engendré par A[F ] ⊂ End(Ap ). On voit que F est une solution appochée, à un nilpotent près, de l’équation Z 2 − Z = 0. La dérivée formelle de Z 2 − Z, qui est 2Z − 1 est égale au point F à 2F − 1 dont le carré, égal à 1 + 4N , est inversible. On peut donc affirmer qu’il y a une solution exacte du type F1 = F + N1 avec N1 nilpotent en appliquant la version nilpotente de Newton-Hensel. Comme F12 = F1 et det(Ip + XF1 ) = (1 + X)k mod N on en déduit det(Ip + XF1 ) = (1 + X)k , donc F1 est semblable à la matrice de projection standard Ik,p,p , donc, modulo N F est semblable à la matrice de projection standard Ik,p,p . 2 9.2 Bezout, Bezout strict et Smith Il s’agit de rendre compte de certains résultats de [4]. On se limite au cas commutatif, ce qui simplifie bien des choses. La terminologie (non standard) qui suit me plairait bien. • Pour deux matrices de même format : M ∼ N signifie M et N sont équivalentes. • Matrices quasiéquivalentes : matrices dont les conoyaux sont isomorphes, les manipulations de lignes et de colonnes autorisées sont celles décrites pour les matrices de présentation. • Anneau de Bezout : tout idéal de type fini est principal. Sur un anneau de Bezout toute matrice est quasiéquivalente à une matrice en forme de Hermite (échelonnée selon les colonnes). Plus précisément, après avoir rajouté un certain nombre de colonnes nulles, on peut postmultiplier la matrice par une carrée inversible et la réduire de cette manière à la forme de Hermite (th 4.1 de Kaplanski). La réduite est (( assez unique )) si le processus de réduction se limite à (( ajout de colonnes nulles )) et (( postmultiplication par une inversible )). Certains idéaux déterminantiels de matrices extraites jouent un role dans la description des pivots. Les anneaux de Bezout sont stables par produit fini, localisation, passage au quotient. Par quasiéquivalence, une matrice sur un anneau de Bezout se réduit à une forme triangulaire assez régulière. Les pivots sont sur la diagonale principale jusqu’à ce qu’ils deviennent nuls. On peut légitimement se demander si tout anneau de Bezout ne serait pas bien bon. On a droit à la quasiéquivalence et on travaille avec une matrice dont tous les idéaux déterminantiels sont égaux à (1) ou (0). • Domaine de Bezout : anneau de Bezout intègre. Proposition 9.2.1 Tout anneau de Bezout intègre est bien bon. Preuve. On considère une matrice de présentation du module, supposé de rang k. Par transformations de Bezout 9.3 Quillen-Suslin 67 T 0 on la ramène à une forme avec T carrée triangulaire, des éléments non nuls sur la diagonale. 0 0 On en déduit que les éléments sur la diagonale de T ont pour produit un élément qui engendre l’idéal déterminantiel correspondant, ce qui implique qu’ils sont inversibles. On termine facilement. 2 HUM Peut être que ce qui suit n’a pas beaucoup d’intérêt. • Anneau de Bezout strict : toute matrice (a, b) est équivalente à une matrice (g, 0). Tout domaine de Bezout est un anneau de Bezout strict. Sur un anneau de Bezout strict, on peut réduire toute matrice à la forme de Hermite par postmultiplication par une carrée inversible. Les anneaux de Bezout strict sont stables par produit fini, localisation, passage au quotient. • Anneau de Smith : toute matrice dans A2×2 est équivalente à une matrice diagonale. Il revient au même de dire que l’anneau est de Bezout strict et que toute matrice triangulaire est équivalente à une matrice diagonale. Ou encore (c’est à peu près le th 5.2 de Kaplanski) : A est un anneau de Bezout strict et : ∀ a, b, c, g ∈ A [ aA + bA + cA = gA =⇒ ∃ p, q, p0 , q 0 ∈ A ((p, q) ∼ (1, 0), (p0 , q 0 ) ∼ (1, 0) et g = pp0 a + qp0 c + qq 0 b) ] Les anneaux de Smith sont stables par produit fini, localisation, passage au quotient. Sur un anneau de Smith, toute matrice peut être réduite à la forme de Smith. La réduite est unique (à des facteurs inversibles près), comme cela résulte par exemple de la proposition 2.1.2. Ceci donne un joli théorème de structure pour les modules de présentation finie. Un anneau de Smith est bien bon. Il semble d’après Richman qu’on n’ait pas d’exemple de domaine de Bezout (d’anneau de Bezout ?) qui ne soit pas un anneau de Smith. Un anneau principal est par définition un domaine de Bezout noetherien (au sens constructif), c’est un anneau de Smith. 9.3 Quillen-Suslin Voir [9] HUM Lire Lam (LNM 635). Par ailleurs, pourrait on avoir qqch du genre A bien bon + ce qu’il faut implique A[X] bien bon ? 9.4 Heitmann Voir [3]. 68 RÉFÉRENCES Références [1] Bourbaki. Algèbre Commutative. Hermann, (1961). 3, 33 [2] Coste M., Lombardi H., Roy M.-F. Dynamical method in algebra : Effective Nullstellensätze. Annals of Pure and Applied Logic 111, (2001) 203–256 30 [3] Heitmann, R. Generating ideals in Prfer domains. Pacific J. Math. 62 (1976), no. 1, 67 [4] Kaplansky I. Elementary divisors and modules. Transactions of the AMS 66, (1949) 464–491. 66 [5] Knight J. Commutative Algebra. London Mathematical Society LNS no 5. Cambridge University Press, (1971). 3, 41, 45 [6] Kunz E. Introduction to Commutative Algebra and Algebraic Geometry. Birkhäuser, (1991). 3, 23, 41 [7] Lombardi H. Relecture constructive de la théorie d’Artin-Schreier. Annals of Pure and Applied Logic 91, (1998), 59–92. 30 [8] Lombardi H. Le contenu constructif d’un principe local-global avec une application à la structure d’un module projectif de type fini. Publications Mathématiques de Besançon. Théorie des nombres. Fascicule (1997), 94–95 & 95–96. 30, 43 [9] Lombardi H., Quitté C. Constructions cachées en algèbre abstraite (2) Le principe local global. dans : Commutative ring theory and applications. Eds : Fontana M., Kabbaj S.-E., Wiegand S. Lecture notes in pure and applied mathematics vol 131. M. Dekker. (2002) 461–476. 67 [10] Mines R., Richman F., Ruitenburg W. A Course in Constructive Algebra. Universitext. SpringerVerlag, (1988). 3, 14, 16, 20, 45, 55, 65 [11] Northcott D. Finite free resolutions. Cambridge tracts in mathematics no 71. Cambridge University Press, (1976). 3, 23, 45, 53, 54, 55 [12] Richman F. Non trivial uses of trivial rings. Proc. Amer. Math. Soc., 103 (1988), 1012–1014. 15 [13] Sturmfels, Logar Quillen-Suslin. . . .