L’approche humaniste : une influence en soins infirmiers psychiatriques Margot Phaneuf, Inf., PhD. Septembre 2012 « La solution unique à nos souffrances psychologiques n'existe pas. Le plus souvent, nous arrivons à nous en sortir par de multiples petits efforts ajoutés les uns aux autres : comme les brins d'une corde qui nous sort du gouffre, chaque brin est trop fragile pour nous tirer, mais associés les uns aux autres, ça marche ». Christophe André Cette phrase de Christophe André est particulièrement adaptée au courant de pensée humaniste où convergent plusieurs approches différentes dont la compréhension et les différents outils proposés, peuvent venir se conjuguer pour aider la personne en souffrance à s’épanouir. L’approche humaniste a fortement influencé la profession infirmière, principalement à travers les enseignements de Carl Rogers qui nous a fait connaître la relation d’aide. Toutefois, les courants multiples, divers et dissemblables de cette approche en rendent parfois la compréhension un peu difficile. En effet, même si certains de ces courants présentent des traits communs, ils possèdent tous des attributs qui les distinguent.1 Précisons d’entrée de jeu que l’humanisme plonge ses racines très loin dans l’histoire et remonte jusqu’aux philosophes du monde grec et aux penseurs de la Renaissance. Ses origines lointaines, sa durée dans le temps et son spectaculaire développement au cours des 30 dernières années en « On peut toujours faire montrent toute la valeur. quelque chose de ce qu'on a fait de nous. » Le mouvement humaniste a fortement influencé les Jean-Paul Sartre. stratégies relationnelles actuellement valorisées dans les L'Existentialisme est un milieux psychiatriques. Cette école de pensée est née d'un humanisme. courant largement répandu en Europe et un peu partout dans le monde depuis le début du 20e siècle. Les philosophes d'allégeance phénoménologique et existentielle ont en effet tracé la voie de cette vision de l'homme que des psychologues américains ont ensuite reprise, adaptée au contexte des soins et développée en un faisceau de formations diverses qui, depuis les années 1950, ont donné naissance à diverses méthodes thérapeutiques maintenant bien connues.2 1 2 .Ces approches sont abordées dans d’autres articles . Les thérapies humanistes - Le mouvement du potentiel humain http://users.skynet.be/sky74231/th- 1 Une troisième voie Dès ses débuts, l’école de pensée humaniste tendait à s’écarter des méthodes déjà balisées par la psychanalyse avec son étude du comportement occulte et par les théories béhavioristes avec leur esprit mécaniste et le déterminisme du milieu. Ainsi, du côté de la psychanalyse, l'homme se voyait tiré vers le haut par les principes autoritaires et rigides de son surmoi ou vers le bas par les instincts tyranniques de son inconscient. Ce qui laissait aux yeux des humanistes bien peu de place à la capacité de l'homme d’assumer sa vie de manière libre et responsable. Par ailleurs, la théorie comportementale, autre pensée dominante de ce temps, tendait vers une forme différente, mais non moins entachée d'aliénation, celle du déterminisme du comportement de la personne par les autres, par l'éducation et par les circonstances de sa vie. Cette orientation de nature comportementale s’ouvrait aussi sur la manipulation et le conditionnement de l’humain par l'exposition à des stimuli appropriés, utilisant ainsi sa capacité de réponse réflexe et se situant alors, au-delà de la liberté et parfois même de la dignité humaine. Cette approche du conditionnement des individus et des groupes laissait peu de latitude pour la prise de décision libre et éclairée de l’individu. Psychologie Le courant de pensée avec sa nouvelle façon de liberté et sa capacité de créer une troisième force, approches qui ont stratégies relationnelles dans les milieux Soins infirmiers Psychiatrie Pharmacie Ergothérapie humaniste, quant à lui, voir l’homme dans sa développement aspirait à composée de diverses fortement influencé les actuellement valorisées psychiatriques. Image.3 Figure : Dans l’approche humaniste, l’humain est au cœur de nos préoccupations et de l’équipe soignante. Reconnaître la place centrale de l’humain dans les soins L’approche humaniste place la personne humaine au cœur de nos préoccupations soignantes. Ce souci nous est familier puisque depuis longtemps déjà, nos modèles de pratique font valoir cette prétention qui, comme un vœu pieux, catalyse notre attention, mais humaniste.html. 3 2 sans vraiment se réaliser complètement. Cependant, pour les écoles de pensée humaniste en santé mentale, il s’agit bien d’une réalité : le centre d’intérêt principal est le client et non pas sa maladie ou la forme de traitement à appliquer. De plus, dans cette conception humaniste, la personne est vue sous l’angle de l’autodétermination d’un être libre qui tend vers un développement personnel optimal et non pas comme quelqu’un d’uniquement prédéterminé par ses gènes ou par sa maladie, qui peuvent néanmoins avoir une influence certaine. Ainsi, dans cette approche humaniste, la conscience humaine, avec sa capacité d’autodétermination devient le lieu de l’influence, elle occupe la place centrale. Selon l’approche humaniste, seul le client peut nous révéler sa manière d'être au monde. La naissance et l'évolution de cette approche Les auteurs qui ont influencé cette approche étaient portés par des principes philosophiques de liberté et de dignité humaine. Ils soutenaient le postulat voulant que l’humain tende à se développer à l’intérieur d’une relation de respect et de confiance. Leurs interventions s’appuyaient sur les capacités et les ressources de la personne pour l’aider à déceler, à comprendre ses difficultés, à trouver des solutions à sa mesure et à évoluer. Le potentiel humain demeure l’élément central de cette approche. Quelques principes directeurs Des psychologues tels Maslow, Rogers, Berne et Perls appartiennent à ce courant de pensée. Ils voient l'homme comme un être unique de par son hérédité, son expérience de vie et sa personnalité. Pour eux, cet être humain est un sujet libre, conscient, responsable de ses actes et c'est dans ce « Pour soigner, pour guérir, la technique qu'il vit que l'on doit chercher l'origine ne suffit pas. Il faut quelque chose de de sa souffrance, de ses problèmes et plus, un désir, le désir de soigner. Sans lui rien n’est possible. Le plus souvent même de leurs solutions. inconscient, enfoui par la routine et le quotidien au plus profond du soignant, ce désir resurgit dès que surviennent les difficultés, dès qu’il faut « se battre » pour aider l’autre. » Édouard Zarifian L'approche humaniste cherche à connaître l'homme d'un point de vue subjectif. Il y est considéré comme l'expert de sa propre situation puisque lui seul peut nous révéler sa manière d'être au monde. La relation qui l'unit à la soignante est donc différente d’une relation d’autorité puisque fondée sur la confiance, l'ouverture et la simplicité. Elle devient une 3 rencontre au sens véritable du terme où l’aidante n'est pas seulement un réflecteur du vécu du client, mais un être humain qui prend le risque de partager cette relation avec lui.4 Une attention à l’expérience présente Le mot expérience est humaniste où le vécu verbale et non et de ses une grande autre celui central dans l'approche de la personne, l'expression verbale de ses sentiments émotions prennent importance. Un concept clé est de la Perls Bandler r Satir Rogers Maslow Frankl profonde de accueille la lui manifeste son compréhension n'est pas aussi affective et porte sur ce Cependant, des souvenirs du conscience du client et s'ils sont une signification dans la situation Bateson Reich Berne compréhension l’aidante qui souffrance du client et empathie. Cette seulement intellectuelle, mais qui se passe dans l'ici-maintenant. passé peuvent affleurer à la présents dans son esprit, c'est qu'ils ont actuelle. Figure 2 Les auteurs de l’approche humaniste Les souvenirs pourront donc être considérés, mais non pas au sens d'une analyse où on en recherche les tenants et les aboutissants, mais en tant qu’un des éléments du tableau. Il en est de même pour les préoccupations d'avenir, puisque cette approche est basée sur ce que vit la personne, sur ce qu'elle ressent dans le moment présent. Dans les diverses orientations que cette approche a fait naître, l’infirmière est une aide à l'évolution de la personne, à 4 . Ginger Clark "I don’t Really Consider Myself a Humanistic Therapist" http://ahpweb.org/index.php?option=com_k2&view=item&id=88:i-don’t-really-consider-myself-ahumanistic-therapist&Itemid=1 4 l’épanouissement de ses possibilités, processus lui-même déterminé par la « tendance actualisante » intrinsèque à l’humain que les auteurs humanistes nous ont appris à reconnaître. Cette tendance vers l’actualisation de soi, nourrie par la considération positive et la compréhension sans jugement de l’aidante, constitue un facteur important de l’évolution du client. Cette importance de la croissance de la personne et de l’actualisation de ce qu’elle peut devenir confère à ces approches humanistes le nom de « Mouvement de Potentiel Humain ». Parmi le foisonnement d’approches qui émergent du courant existentiel, certaines sont particulièrement bien connues en soins infirmiers soit : l’école de Palo Alto avec Gregory Bateson, la Gestalt de Fritz Perls, l'approche centrée sur la personne de Carl Rogers, les besoins d’Abraham Maslow, la logothérapie de Victor Frankl, Éric Berne avec l'analyse transactionnelle et Virginia Satir avec les thérapies familiales. Conclusion Le travail infirmier auprès des clients en psychiatrie pose divers problèmes selon le type de personnes rencontrées et selon les difficultés que présente leur état. Aussi, la diversité des approches humanistes se révèle-t-elle fort précieuse pour l’infirmière en lui offrant, selon son choix et selon les besoins identifiés, les moyens d’intervention les plus appropriés. Il est cependant très important que ses connaissances théoriques et pratiques des ces approches soient à point, sinon, elle ne pourra agir de manière compétente. 5