Réflexion sur le renforcement des stabilisateurs latéraux

ç' Masson, Paris, 1978 Mise au point
Réflexion
sur le renforcement
des stabilisateurs latéraux
de la hanche après intervention
chirurgicale
Ann. Kinésithér., 1978,5, 179-198
B. JOLY *
Si l'on avait déjà depuis suffisamment longtemps abordé la question
du renforcement des stabilisateurs de hanche avec autant de sérieux, il est
probable que la kinés{thérapieaurait aujourd'hui une meilleure (f image de
marque )).Si nombre de chirurgiens aujourd'hui ne prescrivent plus di!
rééducation après une prothèse totale, c'est parce qu'ils sont dépités de
voir que les patients sont souvent soumis au même programme de
renforcement quel que soit leur âge, leur état de santé et le type d'inter-
vention. Il était simple de demander de longues séries de (f moyen fessier à
la poulie y), mais celà s'est avéré contre-productif pour nombre de
confrères. Chacun des patients qui nous sont adressés mérite l'analyse
intelligente de son cas précis; cette contribution permettra une réflexion
étayée sur desfaits précis.
INTRODUCTION
Le renforcement musculaire envisagé est un aspect de la musculation
thérapeutique (12). Lors du choix de latechnique àutiliser on peut s'inter-
roger sur les possibilités d'augmentation de la force musculaire. En effet, la
force développée par le muscle dépend:
- de facteurs physico-chimiques, notamment de l'apport d'Oxygène
et de la vascularisation du muscle;
- de facteurs biomécaniques: longueur initiale des fibres muscu-
laires, longueur du bras de levier;
- de facteurs neuro-physiologiques .
M.C.M.K., Kinésithérapeute-chef, Centre Médical «Le Muesberg »Aubure, F 68150 Ribeauvillé.
Enseignant àrécole de Masso-Kinésithéràpie, Hôpital Civil de Strasbourg.
179
Tous ces paramètres sont importants àconnaître, car ils peuvent expli-
quer d'une certaine manière, les échecs des tentatives de renforcement
musculaire des stabilisateurs latéraux après intervention chirurgicale.
Notre but est de nous intéresser aux différents paramètres qui in-
fluencent la force musculaire et de rechercher la manière d'adapter les
méthodes par association de certains agents physiques,
CONDITIONS HISTO-CHIMIQUES
1. Nombre de fibres musculaires et phénomènes trophiques
Comme les cellules nerveuses, les cellules musculaires ne se reprodui-
sent pas. Dès la naissance le nombre de myofibrilles est àpeu près égal à
celui de l'adulte. Mais ce capital diminue au fil des années et dès 60 ans la
fonte musculaire, en rapport avec une diminution du volume du sarcoplasme
et une dégénérescence myofibrillaire, s'accentue rapidement et aboutit à
l'aspect de muscle mou et flasque assez particulier au vieillard. Cette atro-
phie musculaire est plus nette au niveau des membres inférieurs qu'au niveau
du tronc et des membres supérieurs (29). Cependant, avant 60 ans on peut
observer des atrophies musculaires sans dégénérescence, ni perte de fibres
musculaires. Il s'agit d'atrophie appelée:
- d'hypoactivité (Baumann, Rosemeyer, (2), (27).)
- d'inactivité (Tonnis (33).)
- d'immobilisation ou réflexe (auteurs français).
Cette atrophie se manifeste par une diminution du volume sans
modification de la structure. Elle peut être la conséquence d'un alitement,
de traumatisme ou d'inflammation articulaire, d'intervention corrective,
d'arthrodèse, de détente musculaire.
A l'inverse des fibres musculaires, les fuseaux neuro-musculaires ne
semblent pas touchés par l'âge et leur nombre demeure inchangé (30).
2. Phénomènes chimiques
L'apport d'Oxygène et sa consommation influencent le travail
musculaire. Chez le sujet âgé il y a diminution de la consommation
maximum d'Oxygène lors d'un effort maximum. Ainsi, à60 ans la
consommation maximum représente environ 2,100 I/mn alors que chez
l'adulte jeune (25 ans) elle se situe à3,500 I/mn (1). Il existe une relation
entre la puissance maximale aérobie d'un sujet et son aptitude àfournir un
travail. Lorsque l'exécution d'une tache donnée nécessite la
consommation de 2 I/mn le sujet dont la consommation maximale n'est
que de 2,500 I/mn se trouve proche de son régime de travail maximal. Il
serait intéressant de savoir si les exercices de renforcement musculaire ne
dépassent pas la capacité physiologique du sujet! D'autant qu'après 60
ans le retour aux conditions normales se fait plus lentement,
l'augmentation de la consommation d'Oxygène persiste plus longtemps
180
(dette d'Oxygène), l'élimination de C02 est plus lente, le rythme
respiratoire plus longtemps accéléré (30)..
Enfin, l'effort musculaire entraîne un accroissement du débit circula-
toire local, proportionnel à l'intensité de l'effort, c'est-à-dire àla consom-
mation d'Oxygène.
3. Incidences des phénomènes histo-chimiques
sur le renforcement musculaire
Plus le sujet avance en âge et plus les conditions histo-chimiques sont
défavorables.
- la fonte musculaire se manifeste davantage au niveau des membres
inférieurs;
- l'atrophie d'hypo ou d'inactivité, ou d'alitement confirmerait les
étudesexpérimentalesd'Hettingeret Muller( 17) qui ont montré qu'un muscle,
qui développe une tension inférieure à 20 %de sa tension maximale,
s'atrophie;
- l'atrophie des stabilisateurs de hanche et surtout du Moyen Fessier
est pratiquement impossible à mettre en évidence par mensurations à
cause de la morphologie de la région et de la présence de tissu adipeux et
cellulitique;
- suite àla diminution de la consommation maximum d'Oxygène, il
serait préférable, àpartir de 60 ans, de faire appel à un travail négatif qui
se révèle moins coûteux en Oxygène. Le coût du travail positif étant 6 fois
plus élevé (1).
CONDITIONS BIOMÉCANIQUES D'ÉFFICACITÉ MUSCULAIRE
1. Notions de bras de levier
Sujet en appui unipodal, la contraction des stabilisateurs 1atéraux et
surtout du Moyen Fessier est destinée à s'opposer à la bascule du bassin
du côté opposé.
La force du M. F. dépend (11, 18) de la longueur du col fémoral. Plus
les points d'insertions musculaires sont écartés de l'axe antéro-postérieur
d'abduction-adduction, plus le moment (force musculaire x bras de levier)
du M. F.est élevé.
Mais l'angle d'antéversion du col fémoral modifie également le bras
de levier (9) (fig. 1). Ceci se remarque surtout chez l'enfant. L. Crane cité
par Suchet (9) a constaté que les enfants marchant en rotation interne ont
un angle d'antéversion plus grand que normalement et les enfants
marchant en rotation externe un angle d'antéversion proportionnellement
diminué. Le but ou la conséquence de la rotation interne est d'allonger le
bras de levier en plaçant le col fémoral dans le plan frontal et ainsi
d'éloigner les points d'insertion donnant alors au M. F. une plus grande
efficacité.
181
a
iF'
c
1
1
1F'
b
FIG. 1. - Plan frontal: F-F'. Axe du cotyle: C-C', Angle d'antéversion du col fémoral: cc.
a) angle d'antéversion normal;
b) angle d'antéversion de 40° environ. Le G.T. est postérieur par rapport àla tête fémorale, les
points d'insertions du M. F.sont rapprochés. Le bras de levier est de ce fait diminué.
Chez l'adulte avec un angle d'antéversion de 15° environ (chiffre
normal) le col fémoral n'est pas vraiment placé dans un plan frontal et de
ce fait sa longueur efficace est diminuée d'autant.
2. Modifications pathologiques ou chirurgicales du bras de levier
Les conséquences des fractures du col du fémur et/ou des
interventions vont modifier l'angle d'inclinaison et donc la longueur du col
fémoral mais parfois aussi l'angle d'antéversion. Ainsi le traitement
chirurgical par clou (fig. 2), vis-plaque, clou-plaque peut entraîner un
raccourcissement du col fémoral soit par j'engrènement relatif ou réel de la
fracture elle-même soit par l'impaction des fragments assu rée par
l'ostéosynthèse avec parfois tendance àla valgisation (clou de Sarmiento).
Les mesures effectuées sur des clichés radiographiques sont criti-
quables pour des raisons d'incidence et àcause de ce fameux angle d'anté-
version qui n'a pu être calculé (pour des raisons techniques notamment
la limitation d'amplitude articulaire). Cependant elles constituent une
approche de l'appréciation des modifications du bras de levier par suite du
raccourcissement de la longueur du col fémoral.
Dans les prothèses totales selon le col ou dans les prothèses céphali-
ques type Moore, Thompson, Judet, on constate également un raccourcis-
sement de la distance centre de la tête - Grand Trochanter (fig, 3).
Dans les interventions correctives ou ostéotomies on constate cer-
taines modifications:
- Ostéotomie de varisation ou Pauwels 1.
182
FIG.2. - Fracture du col fémoral trait6e par clou de Boehler. On constate un raccourcissement:
- de 0,5 cm de la distance Centre de la Tête •.• Grand Trochanter (6 cm àG/6,5 àD);
- de 2 cm de la distance G.T.•.• E./.A./. (6 cm àG/S cm àD.). Cette différence est retrouvée
lors de la'mensuration de 10ngÜeur des deux Membres inférieurs.
En conclusion:
- varisation (diminution de l'angle d'inclinaison);
- légèr raccourcissement du bras de levier;
- net raccourcissement musculaire.
FIG. 3. - Fracture du col f6moral trait6e par prothèse c6pha/ique type Judet. On constate un
raccourcissement:
- de 2,5 cm de la distance C.T.•.• G.T. (7,5 àD/5 àG);
- de 2,5 cm de la distance G.T.•.• crête iliaque (13 àD/10,5 àG).
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