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désir et la sexualité (les rencontres insolites, amoureuses, les plaisirs liés aux secousses, les
excitations liées aux sensations du mouvement ou encore la prostitution qui s’établit à
proximité des gares parisiennes), le crime et la mort (craintes de l’accident, des collisions, du
déraillement, du bagage abandonné, de l’accident voyageur). Avec la démocratisation et la
vitesse du train, c’est enfin le voyage d’agrément et de plaisir qui se développe.
Ces imaginaires qui associent le voyage au train rencontrent aujourd’hui l’imaginaire
voyageur de l’individu contemporain : désirs manifestes de rêverie, d’itinérance, d’ailleurs, de
lointain, de découverte, de dépaysement, etc. Ces désirs abondamment étudiés par la
littérature sociologique correspondent bien à l’époque, à l’ère du temps, dans des sociétés qui
sont à l’évidence de plus en plus capitalistes, individualistes et hypermodernes. Ces désirs ne
sont pas pour autant contradictoires avec des besoins concrets, quotidiens, de mobilité, de
rapidité, d’utilité des déplacements et de nouvelles offres de transport en commun. Le voyage
en ville, le voyage urbain, métropolitain, répond en général à une demande plus pratique,
fonctionnelle (temps, coûts, fluidité des trajets, etc.). Ceci nous oblige à repenser aujourd’hui
les expériences de voyage et les éléments constitutifs aux mobilités, aux déplacements, dans
les « espaces urbains », les « espaces de transit », les « espaces de connectivité », etc.
Face à ces nouveaux impératifs, le projet du « Grand Paris Express » offre une expérience
complétement nouvelle du transport et du déplacement urbain. Le projet de réaménager toute
la métropole francilienne, en passant par la construction de ce métro automatique (circulant en
rocade à 60 km/h), pour porter le développement de la région capitale, soulève par ailleurs de
nombreuses questions. L’enjeu est en effet de transformer dans les décennies à venir la région
en grande métropole mondiale : le métro, avec notamment ses 200 km de lignes nouvelles, ses
4 nouvelles lignes et ses 72 gares, reliera les principaux pôles urbains de la région et sera
connecté au réseau ferroviaire à grande vitesse et aux aéroports d’Orly, du Bourget et de
Roissy-Charles de Gaulle. Le texte fondateur qui définit le Grand Paris comme « un projet
urbain, social et économique d’intérêt national » qui vise à promouvoir « le développement
économique durable, solidaire et créateur d’emplois de la région capitale » pour en faire un
territoire exemplaire (loi du 3 juin 2010) repose ainsi très clairement sur la construction du
métro express. L’Acte motivé et le Schéma d’ensemble (approuvés par le conseil de
surveillance de la société du Grand Paris le 26 mai 2011 et par décret le 26 août 2011) ont
déjà fixé les prévisions de tracé et les gares du futur métro. Le projet du Grand Paris Express
est donc inscrit au cœur du Grand Paris : les mouvements (les voyages, les déplacements) font
aujourd’hui la ville, et le métro automatique fera demain le « Grand Paris » et après-demain la
grande « métropole mondiale ». Il y a bien là toute une construction imaginaire à réinterroger.