poi t r a s L’appareil digestif Des sciences fondamentales à la clinique L L’appareil digestif Des sciences fondamentales à la clinique a somme des connaissances biomédicales est considérable et s’accroît de jour en jour. Il est difficile d’imaginer maîtriser, quantitativement ou quali­tativement, toutes les données de la génétique ou de la biologie cellulaire et moléculaire. Certaines découvertes auront un impact immédiat sur la pratique médicale, d’autres attendront quelque temps. Ce livre cherche à faire un lien entre connaissances qui ont des répercussions sur les soins. Pierre Poitras est professeur titulaire de médecine à l’Université de Montréal et rattaché au service de gastroentérologie du CHUM – Hôpital Saint-Luc. Ses 29 collaborateurs comptent parmi les meilleurs spécialistes québécois et français de la gastroentérologie et de l’hépatologie. Les collaborateurs : André Archambault Philippe Ducrotté Denis Marleau Denis Bernard André Dumont Pierre Paré Marc Bilodeau Daphna Fenyves Gilles Pomier-Layrargues Mickael Bouin Claire Fournier Geneviève Soucy Hélène Castel Jean-Paul Galmiche Franck Vandenbroucke-Menu Michel Dagenais Pascal Hammel Jean-Pierre Villeneuve Louise D’Aoust Pierre-Michel Huet Catherine Vincent Michel Dapoigny Raymond G. Lahaie Ramsès Wassef Renée Déry Christiane Malo Bernard Willems Serge Dubé Xavier Marchand 90 $ • 81 e L’appareil digestif les sciences fondamentales et les pratiques cliniques en mettant en lumière les Sous la direction du Dr P ier r e Po it r a s isbn 978-2-7606-3244-8 Photo : © minoandriani / iStock.com Disponible en version numérique www.pum.umontreal.ca PUM Les Presses de l’Université de Montréal Extrait de la publication L’appareil digestif-final.indd 1 13-12-11 10:36 L’APPAREIL DIGESTIF Des sciences fondamentales à la clinique Extrait de la publication L’APPAREIL DIGESTIF Des sciences fondamentales à la clinique Sous la direction du D R P I E RRE P O I T R A S Les Presses de l’Université de Montréal Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada Vedette principale au titre : L’appareil digestif : des sciences fondamentales à la clinique Comprend des références bibliographiques. isbn 978-2-7606-3244-8 1. Appareil digestif. 2. Appareil digestif – Maladies. I. Poitras, Pierre. rc801.a66 2014 616.3 c2014-941708-7 isbn (pdf) 978-2-7606-3245-5 isbn (epub) 978-2-7606-3246-2 Dépôt légal : 1er trimestre 2014 Bibliothèque et Archives nationales du Québec © Les Presses de l’Université de Montréal, 2014 Les Presses de l’Université de Montréal reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour leurs activités d’édition. Elles reconnaissent également le soutien du Conseil des arts du Canada et de la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC). imprimé au canada Avant-propos Chers collègues, Cet ouvrage a l’ambition de faciliter votre apprentissage de premier cycle, et de vous servir de guide plus tard dans votre pratique clinique comme médecin généraliste ou comme praticien non spécialisé en gastroentérologie. Nous avons délibérément choisi un style direct, non encombré de références, propre à vous donner le goût d’explorer de manière critique la littérature scientifique. À titre de directeur de publication, j’ai voulu proposer une version personnalisée de la médecine digestive, comme je l’ai découverte auprès de mentors exceptionnels tels que Robert Modigliani, Jean-Claude Rambaud, John H. Walsh, Charles Code, Morton Grossman et Serge Bonfi ls au cours de mes années de formation en gastroentérologie, et depuis plus de 30 ans de vie professionnelle auprès de mes collègues médecins et chirurgiens de l’Hôpital Saint-Luc de Montréal, des passionnés qui, comme moi, cherchent à faire connaitre – et aimer – l’appareil digestif. Notre approche consiste à présenter la maladie comme un dérèglement de l’état de santé. L’anatomie, l’histologie ou la physiologie sont autant de matières à maîtriser pour connaître le fonctionnement normal des organes. C’est par la physiopathologie qu’on comprend les processus de dérèglement, alors que la sémiologie permet d’établir un diagnostic différentiel en identifiant les symptômes des maladies. Enfin, on confirme le diagnostic par différentes mesures d’investigation et on fait appel à la pharmacologie pour appliquer le traitement adéquat. La somme des connaissances biomédicales est considérable et s’accroît de jour en jour. Il est difficile d’imaginer maîtriser, quantitativement ou qualitativement, toutes les données de la génétique ou de la biologie cellulaire et moléculaire. Certaines découvertes auront un impact immédiat sur la pratique médicale, d’autres attendront quelque temps. Ce livre cherche à faire un lien entre les sciences fondamentales et les pratiques cliniques. Les auteurs ont fait un effort particulier pour mettre en lumière les connaissances qui ont des répercussions sur les soins, mais il va sans dire que cela demande une réévaluation continuelle. À l’avance je vous remercie de me faire part de vos commentaires et de vos suggestions à l’adresse suivante : [email protected] Extrait de la publication 6 • L ’ A P PA R E I L D I G E S T I F Remerciements Ce manuel a pu être réalisé grâce à l’apport de nombreuses personnes que je tiens à remercier ici : Merci à mes professeurs et mentors, qui m’ont fait tout donner pour les soins de mes malades. Merci à mes collègues de l’Hôpital Saint-Luc de Montréal, gastroentérologues, hépatologues, chirurgiens, radiologistes, pathologistes, biochimistes, experts des maladies digestives qui ont su créer durant toutes ces années un milieu hospitalier propice au travail heureux et performant. Merci à l’Université de Montréal, qui m’a permis de faire une carrière aussi passionnante que fructueuse. Merci à tous les étudiants que j’ai côtoyés au fil de ma carrière et qui m’ont donné le goût de ce métier de médecin, d’enseignant. Merci à tous les collègues qui ont participé à l’écriture de cet ouvrage. Merci à la compagnie Astra Zeneca et tout particulièrement à son représentant Richard Brabant qui ont cru dès le début à ce projet. Merci à tous nos commanditaires actuels qui nous appuient dans la diffusion du savoir. Merci à l’équipe des Presses de l’Université de Montréal pour son expertise éditoriale et son soutien. Remerciements particuliers enfin à Monique, exceptionnelle compagne de vie, psychothérapeute et collaboratrice de tous les instants, qui m’a tant instruit sur la vie comme sur l’humanisme médical, et qui m’a permis de devenir ce que je suis, personnellement, socialement, professionnellement. C’est à elle que je dédie ce livre. Pierre Poitras , MD Extrait de la publication Les collaborateurs André Archambault, M.D. Département d’anesthésie CHUM – Hôpital Saint-Luc Université de Montréal Michel Dapoigny, M.D., Ph.D. Médecine Digestive, CHU Estaing CHU Clermont-Ferrand, Université d’Auvergne, INSERM UMR 1107 Denis Bernard, M.D. Service de chirurgie digestive CHUM – Hôpital Saint-Luc Professeur titulaire de clinique Département de chirurgie Université de Montréal Renée Déry, M.D. Département de radiologie CHUM – Hôpital Saint-Luc Professeur agrégé de clinique Département de radiologie Université de Montréal (responsable de la radiologie pour tout le manuel) Marc Bilodeau, M.D. Service d’hépatologie CHUM – Hôpital Saint-Luc Professeur agrégé de clinique Département de médecine Université de Montréal Serge Dubé, M.D. Département de chirurgie Hôpital Maisonneuve-Rosemont Professeur agrégé de clinique Département de chirurgie Université de Montréal Mickael Bouin, M.D., Ph.D. Service de gastroentérologie CHUM – Hôpital Saint-Luc Professeur agrégé de clinique Département de médecine Université de Montréal Philippe Ducrotté, M.D., Ph.D. Professeur de médecine Service de gastroentérologie Hôpital Charles Nicolle, Rouen André Dumont, M.D. Département d’anatomopathologie CHUM – Hôpital Saint-Luc Professeur titulaire (retraité) Département d’anatomopathologie Université de Montréal Hélène Castel, M.D. Service d’hépatologie CHUM – Hôpital Saint-Luc Professeur adjoint de clinique Département de médecine Université de Montréal Michel Dagenais, M.D. Service de chirurgie hépatobiliaire et pancréatique CHUM – Hôpital Saint-Luc Professeur agrégé de clinique Département de médecine Université de Montréal Louise D’Aoust, M.D. Service de gastroentérologie CHUM – Hôpital Saint-Luc Professeur agrégé de clinique Département de médecine Université de Montréal Daphna Fenyves, M.D. Service d’hépatologie CHUM – Hôpital Saint-Luc Professeur agrégé de clinique Département de médecine Université de Montréal Claire Fournier, M.D. Service d’hépatologie CHUM – Hôpital Saint-Luc Professeur adjoint de clinique Département de médecine Université de Montréal Extrait de la publication 8 • L ’ A P PA R E I L D I G E S T I F Jean-Paul Galmiche, M.D. Professeur de médecine Service de gastroentérologie CHU Nantes Pascal Hammel, M.D., Ph.D. Service de gastroentérologie-pancréatologie Hôpital Beaujon, Clichy Professeur de médecine Pierre-Michel Huet, M.D., Ph.D. Professeur titulaire (retraité) Département de médecine Université de Montréal Raymond G. Lahaie, M.D. Service de gastroentérologie CHUM – Hôpital Saint-Luc Professeur agrégé de clinique Département de médecine Université de Montréal Christiane Malo, Ph.D. Professeur titulaire Département de physiologie Faculté de médecine Université de Montréal Xavier Marchand Étudiant en médecine Université de Montréal (responsable de l’illustration anatomique pour tout le manuel) Denis Marleau, M.D. Service d’hépatologie CHUM – Hôpital Saint-Luc Professeur titulaire Département de médecine Université de Montréal Pierre Paré, M.D. Service de gastroentérologie Hôpital Saint-Sacrement de Québec Professeur de clinique Département de médecine Université Laval Pierre Poitras, M.D. Service de gastroentérologie CHUM – Hôpital Saint-Luc Professeur titulaire Département de médecine Université de Montréal Gilles Pomier-Layrargues, M.D. † Service d’hépatologie CHUM – Hôpital Saint-Luc Professeur titulaire Département de médecine Université de Montréal Geneviève Soucy, M.D. Département d’anatomopathologie CHUM – Hôpital Saint-Luc Professeur adjoint de clinique Département de pathologie Université de Montréal (responsable de l’histopathologie pour tout le manuel) Franck Vandenbroucke-Menu, M.D. Service de chirurgie hépatobiliaire et pancréas CHUM – Hôpital Saint-Luc Professeur agrégé de clinique Département de chirurgie Université de Montréal (responsable de l’embryologie pour tout le manuel) Jean-Pierre Villeneuve, M.D. Service d’hépatologie CHUM – Hôpital Saint-Luc Professeur titulaire (retraité) Département de médecine Université de Montréal Catherine Vincent, M.D. Service d’hépatologie CHUM – Hôpital Saint-Luc Professeur adjoint de clinique Département de médecine Université de Montréal Ramsès Wassef, M.D. Service de chirurgie digestive CHUM – Hôpital Saint-Luc Professeur titulaire de clinique Département de chirurgie Université de Montréal Bernard Willems, M.D. Service d’hépatologie CHUM – Hôpital Saint-Luc Professeur titulaire Département de médecine Université de Montréal † Gilles Pomier-Layrargues est décédé avant la parution de cet ouvrage. Son souvenir inspirera toujours notre enseignement. PREMIÈRE PARTIE LES ORGANES DIGESTIFS 1. L’œsophage 11 2. L’estomac 3. L’intestin grêle 67 4. Le côlon 5. Le pancréas 6. L’arbre biliaire 201 7. L’anorectum 219 8. Le foie 241 33 125 169 Extrait de la publication CHAPITRE 1 L’œsophage P. Poitras, A. Dumont, S. Dubé et J.-P. Galmiche ANATOMIE MACROSCOPIQUE 1. Tube digestif 2. Vascularisation 3. Innervation ANATOMIE MICROSCOPIQUE 1. Muqueuse œsophagienne 2. Musculature 3. Séreuse EMBRYOLOGIE/DÉVELOPPEMENT 1. Développement normal 2. Atrésies de l’œsophage 3. Sténoses œsophagiennes 4. Duplications et kystes 5. Anneaux et webs SÉCRÉTION/ABSORPTION MOTRICITÉ/SENSIBILITÉ 1. Motricité de transfert 2. Motricité de transport 3. Sphincters – supérieur et inférieur 4. Sensibilité 3. Diagnostic 4. Traitements PATHOLOGIES FONCTIONNELLES 1. Reflux gastro-œsophagien (RGO) 2. Dysmotricité de transfert – dysphagie haute 3. Dysmotricité de transport A. Hypomotricité B. Hypermotricité 4. Troubles sensitifs PATHOLOGIES INFLAMMATOIRES 1. Œsophagite peptique 2. Œsophagite infectieuse 3. Œsophagite éosinophilique 4. Œsophagite caustique 5. Œsophagite médicamenteuse DIVERS 1. Hernies hiatales 6. Œsophagite radique 2. Diverticules PATHOLOGIES TUMORALES 3. Rupture œsophagienne 1. Types de néoplasie 4. Saignement œsophagien 2. Clinique 5. Anneau de Schatzki ANATOMIE MACROSCOPIQUE 1. Tube digestif Le tube digestif commence, on l’oublie souvent, par la cavité buccale. Les dents seront utilisées pour broyer les aliments. La langue et les muscles striés du pharynx serviront à pousser les aliments vers l’œsophage. Œsophage. L’œsophage est un tube d’un diamètre approxi- matif de 2,5 cm, qui permet le passage des aliments de la cavité buccale vers l’estomac. L’œsophage débute à environ 15 cm des incisives, à la hauteur de la vertèbre C6, par le muscle cricopharyngien ou sphincter œsophagien supérieur, et se poursuit jusqu’à approximativement 40 cm des incisives vis-à-vis D11. On divise habituellement l’œsophage en trois segments relativement identiques : les tiers supérieur, moyen et inférieur (Fig. 1.1A). Au niveau cervical, l’œsophage se situe en avant de la colonne et derrière la trachée. De chaque côté, on retrouve les artères carotides et les nerfs récurrents laryngés, branches du nerf vague contrôlant la motricité de la région pharyngée et œsophagienne supérieure. L’œsophage thoracique passe ensuite dans le médiastin postérieur en avant de la colonne, derrière la trachée, la carène, le cœur, la crosse aortique, à droite de l’aorte, et est bordé par les plèvres pulmonaires (Fig. 1.1B). L’œsophage abdominal est constitué d’un court segment de 1 à 2 cm entre le diaphragme et l’estomac. Les deux branches du nerf vague descendent du système nerveux central en courant le long de l’œsophage ; au niveau de l’hiatus diaphragmatique, les branches gauche et droite du nerf vague se retrouvent respectivement en avant et en arrière de l’œsophage (du fait de la rotation de l’estomac Extrait de la publication 12 • L ’ A P PA R E I L D I G E S T I F FIGURE 1.1A Œsophage. Anatomie vue de face. FIGURE 1.1B Œsophage. Anatomie vue de profil. lors de son développement fœtal ; section embryologie du chapitre L’estomac). L’opération de vagotomie tronculaire, pratiquée jadis pour freiner la sécrétion d’acide gastrique et traiter l’ulcère peptique, consistait à sectionner ces deux branches vagales au niveau du bas œsophage. sance au diverticule de Zenker, surtout en présence d’une hyperpression du sphincter œsophagien supérieur faisant obstacle à la déglutition. Sphincters. Aux deux extrémités du tube œsophagien, on retrouve des sphincters, zones de haute pression qui font office de valves unidirectionnelles. Le sphincter œsophagien supérieur (SOS) ou muscle crico-pharyngé est constitué de fibres des muscles pharyngés qui prennent alors une orientation transversale et forment une zone de haute pression probablement destinée à protéger les voies aériennes de possibles régurgitations gastro-œsophagiennes. Entre les fibres musculaires obliques du pharynx et celles transversales du sphincter œsophagien supérieur, se retrouve le triangle de Killian, une zone de faiblesse potentielle qui pourra donner nais- Le sphincter œsophagien inférieur (SOI ou LES pour lower œsephageal sphincter)est une zone de haute pression longue d’environ 2 cm située à la jonction œsophagogastrique et destinée à prévenir les régurgitations du contenu gastrique vers l’œsophage. Elle est normalement localisée à la jonction thoraco-abdominale, au niveau du diaphragme, principalement sur son versant abdominal. Cette zone sphinctérienne est constituée de fibres musculaires du bas œsophage (sphincter « interne »), ainsi que de fibres musculaires issues tant du fundus gastrique que des piliers diaphragmatiques (sphincter « externe »). Son rôle dans le reflux gastro-œsophagien sera amplement discuté. Extrait de la publication L’œsophage • 13 Artère thyroïdienne inférieure Artère bronchique droite Veine thyroïdienne inférieure gauche Artère bronchique gauche Veine azygos Supérieure Inférieure Artères œsophagiennes aortiques Veines gastriques courtes Veine gastrique gauche Artère gastrique gauche Veine porte Veine splénique FIGURE 1.2A Artères de l’œsophage. FIGURE 1.2B Veines de l’œsophage. 2. Vascularisation du médiastin moyen ou inférieur, etc.) alors que le tiers inférieur de l’œsophage pourra drainer vers les ganglions abdominaux et périgastriques. Artères. L’œsophage est nourri tout au long par quatre ou six petites artères dérivées des artères thyroïdiennes au segment supérieur, issues des artères intercostales ou bronchiques au segment moyen, et des artères gastriques dans les parties plus distales (Fig. 1.2A). Les artères forment un réseau d’irrigation qui met l’œsophage à l’abri de pathologies ischémiques. Veines. Un réseau extensif de petites veines draine l’œsophage vers des veines thyroïdiennes à sa partie supérieure, et vers les veines azygos et intercostales à sa partie moyenne. À la portion inférieure, les veinules œsophagiennes peuvent drainer vers les veines gastriques courtes et donc vers la circulation portale ; on comprend ainsi la formation possible de dilatations veineuses du bas œsophage (appelées varices œsophagiennes) lors de l’hypertension portale de la cirrhose (Fig. 1.2B). Lymphatiques. Des canaux lymphatiques prennent naissance dans la muqueuse et la musculeuse de l’œsophage et drainent vers des ganglions lymphatiques paraœsophagiens distribués tout le long de l’organe. Lors de néoplasies, on constate que le flot lymphatique des 2/3 supérieurs de l’œsophage se dirige vers le haut (ganglions cervicaux, ganglions paratrachéaux du médiastin supérieur, ganglions paraœsophagiens Les sécrétions lymphatiques abdominales sont acheminées via le canal thoracique remontant le long de l’œsophage vers la veine sous-clavière gauche près de la jugulaire. Un traumatisme, chirurgical ou autre, de l’œsophage cervical pourra donc traumatiser cette structure et conduire à un chylothorax, voire des lymphangiectasies intestinales. 3. Innervation L’innervation intrinsèque de l’œsophage est assurée par le système nerveux entérique des plexus sous-muqueux de Meissner et des plexus myentériques d’Auerbach comme ailleurs dans le tube digestif. L’innervation extrinsèque dépend des systèmes sympathique et parasympathique. Les ganglions sympathiques cervicaux et thoraciques assurent une innervation motrice et sensitive à tout l’œsophage. Le nerf vague exerce une innervation motrice parasympathique dans la partie supérieure de l’œsophage ainsi qu’au pharynx. Les fibres afférentes du nerf vague sont aussi probablement importantes dans la transmission sensorielle œsophagienne. Extrait de la publication 14 • L ’ A P PA R E I L D I G E S T I F Au niveau buccopharyngé, les nerfs crâniens IX et XII sont les principaux responsables, respectivement, de l’innervation sensitive et motrice. Une atteinte de ces nerfs centraux, post-ACV du tronc cérébral par exemple, pourra être responsable de troubles de la déglutition. Estomac Œsophage ANATOMIE MICROSCOPIQUE Comme le restant du tube digestif, l’œsophage est constitué d’une couche muqueuse interne reposant sur une structure musculaire. Les particularités de l’œsophage sont les suivantes. 1. Muqueuse œsophagienne La muqueuse œsophagienne est de type pavimenteux stratifié (Fig. 1.3). Cette muqueuse malpighienne est aussi retrouvée à l’extrémité toute distale du tube digestif, soit au niveau de l’anus, alors que l’épithélium glandulaire constitue l’histologie normale de tout le tube digestif de l’estomac au rectum. À environ 40 cm des incisives, au niveau du cardia gastrique, on retrouve la ligne Z qui marque la délimitation bien visible macroscopiquement (par exemple en endoscopie ; Fig. 1.4) entre la muqueuse œsophagienne malpighienne d’apparence blanchâtre et la muqueuse cylindrique glandulaire de l’estomac qui apparaîtra plus rougeâtre. La ligne Z correspond à la portion inférieure du sphincter œsophagien inférieur. FIGURE 1.3 Œsophage. Histologie normale : muqueuses malpighienne de l’œsophage (à droite) et glandulaire de l’estomac (à gauche de la figure) telles que vues à la jonction gastro- œsophagienne. Photo de Textbook of Histology, Bloom and Faucett, Saunders, 1968. La structure épithéliale de l’œsophage explique l’absence de phénomènes d’absorption ou de sécrétion si communs au restant du tube digestif. Cette muqueuse malpighienne explique aussi la présence de néoplasies épidermoïdes à ce niveau du tube digestif. Dans l’endobrachyœsophage, aussi appelé œsophage de Barrett, la muqueuse malpighienne sera remplacée par une muqueuse glandulaire permettant alors le développement d’adénocarcinomes. 2. Musculature Le tube digestif est habituellement constitué d’une musculature lisse faite d’une couche interne circulaire et d’une couche externe longitudinale. L’œsophage est d’ailleurs ainsi constitué dans ses 2/3 inférieurs. La partie supérieure de l’œsophage renferme toutefois des muscles striés qui sont en fait le prolongement de la musculature pharyngée. Les maladies du muscle lisse atteindront donc plus facilement l’œsophage moyen/distal alors que les pathologies du muscle strié affecteront la région proximale de l’œsophage. FIGURE 1.4 En endoscopie, la rencontre au cardia des muqueuses gastrique (rougeâtre ; au centre de la photo) et œsophagienne (blanchâtre) est bien évidente. Comme ailleurs dans le tube digestif, le système nerveux entérique intrinsèque est constitué des plexus myentérique et sous-muqueux localisés respectivement entre les couches musculaires longitudinales et circulaires et entre la couche musculaire circulaire et la muqueuse. Extrait de la publication L’œsophage • 15 3. Séreuse La séreuse tapissant habituellement la couche musculaire externe des cavités digestives est absente au niveau de l’œsophage. Elle est remplacée par une adventice plus mince. EMBRYOLOGIE/DÉVELOPPEMENT 1. Développement normal L’oropharynx, la trachée, les poumons et l’œsophage se développent à partir d’un tube commun : l’endoderme. À la 4e semaine de vie fœtale, un bourgeon se forme à la partie ventrale du tube pour devenir le système respiratoire. La partie dorsale du tube se transformera en un œsophage et un foregut d’où naîtra aussi l’estomac. La séparation des deux tubes en organes respiratoires et digestifs est réalisée vers la 6e semaine. La lumière œsophagienne est formée vers la 10e semaine et sera épithélialisée de cellules malpighiennes à partir de la 16e semaine. Au cours de la vie in utero, l’œsophage et le tube digestif servent à déglutir du liquide amniotique ; l’impossibilité d’exercer cette fonction (ex. : atrésie œsophagienne) pourra conduire à une augmentation de ce liquide et du volume utérin. Nous allons maintenant voir différentes malformations qui peuvent survenir au cours du développement. 2. Atrésies de l’œsophage Les atrésies de l’œsophage sont le plus souvent accompagnées d’une fistule trachéo-œsophagienne (Fig. 1.5). Elles touchent 1/3000 ou 1/4500 naissances ; 50 % des enfants Sténose œsophagienne (ou atrésie frustre de l’œsophage) Atrésie sans fistule 8% Atrésie avec fistule haute 1% porteurs de ces manifestations ont aussi d’autres anomalies tels anus imperforé, malformations cardiaques, etc. L’atrésie de l’œsophage résulte de l’échec de la canalisation de la lumière œsophagienne alors que les fistules bronchoœsophagiennes résultent de l’échec de la séparation des 2 tubes. Ces malformations se présenteront chez le nouveau-né par la régurgitation de salive et évidemment des liquides pris lors du boire. Le passage dans les bronches entraînera toux et étouffement. Une correction chirurgicale s’imposera rapidement. 3. Sténoses œsophagiennes Il s’agit de malformations rares survenant chez 1/25 000 naissances. Les sténoses mesurent de 2 à 20 cm et sont de nature souvent imprécise. Elles sont souvent tolérées en très jeune âge lors de l’alimentation liquide, mais se révéleront plus tard par de la dysphagie lors de la prise d’aliments solides. 4. Duplications et kystes Duplications et kystes se retrouvent dans le cas de 1/8000 naissances. La présence d’un double œsophage tubulaire est rare ; la plupart du temps, il s’agira de structures « kystiques » situées en paraœsophagien et sans communication avec l’œsophage vrai. Les patients seront asymptomatiques (et il s’agira d’une découverte fortuite habituellement lors d’un examen radiologique) ou encore pourront souffrir de symptômes dus à la compression par ces structures additionnelles. Un trai- Atrésie avec fistule basse 84 % FIGURE 1.5 Atrésies congénitales de l’œsophage : différentes malformations sont possibles. Extrait de la publication Atrésie avec fistules haute et basse 3% Fistule œsophagotrachéale sans atrésie 4% 16 • L ’ A P PA R E I L D I G E S T I F tement chirurgical sera requis pour contrôler les symptômes. un rôle très important dans la capacité de l’œsophage à se débarrasser de l’acide gastrique qui pourrait y refluer. 5. Anneaux et webs MOTRICITÉ/SENSIBILITÉ L’anneau le plus fréquent est certainement l’anneau de Schatzki, anneau fibreux localisé au niveau de la jonction œsophagogastrique. Cet anneau fibreux peut réduire la lumière œsophagienne et engendrer la dysphagie. Cependant, la nature congénitale de l’anneau de Schatzki est mise en doute ; de plus en plus on croit que cet anneau est la conséquence d’un reflux gastro-œsophagien. Le rôle de l’œsophage est de permettre la déglutition des aliments de la bouche vers l’estomac. Cette déglutition impliquera un transfert du bolus alimentaire de la cavité buccale vers la cavité œsophagienne et ensuite un transport du bolus le long de l’organe œsophagien. La membrane, ou web, est un anneau non circonférentiel, retrouvé surtout dans l’œsophage supérieur ou moyen. Il peut être unique, quelquesfois associé à une anémie ferriprive et appelé alors syndrôme de Plummer Vinson, ou il peut être multiple. La dilatation œsophagienne par bougie s’avère le traitement habituel des anneaux et membranes. SÉCRÉTION/ABSORPTION Aucune fonction significative d’absorption ou de sécrétion n’est reconnue pour l’œsophage (quoiqu’une certaine sécrétion de bicarbonates soit connue par les glandes sousmuqueuses de l’œsophage). La déglutition bénéficie cependant de la sécrétion salivaire. Les glandes parotides, sous-maxillaires et sublinguales produisent quotidiennement 1-2 litres de liquide, souvent en réponse à la mastication, qui aideront à la déglutition en lubrifiant les aliments. La salive contient aussi des enzymes, telles l’amylase et la lipase, qui permettent d’amorcer le processus de digestion. La salive joue A Pharynx B 1. Motricité de transfert Les aliments subissent une première transformation dans notre assiette (déchiquetage par nos ustensiles) avant d’être de nouveau réduits de volume par la mastication dentaire. Ainsi se forme le bolus alimentaire. Le transfert de ce bolus vers la cavité œsophagienne impliquera les muscles striés de l’oropharynx sous contrôle principalement volontaire par le douzième nerf crânien, le nerf hypoglosse. Les étapes de la déglutition sont représentées à la figure 1.6. Toute atteinte des nerfs (atteinte du tronc cérébral postACV, sclérose latérale amyotrophique, etc.) ou des muscles striés (dystrophie oculopharyngée, myasthénie grave, etc.) de cette région perturbera la physiologie de déglutition et entraînera une dysphagie haute dite de transfert (avec de possibles fausses routes vers les voies aériennes supérieures ou inférieures). 2. Motricité de transport Une fois que la déglutition volontaire du bolus assurée par les muscles striés de l’oropharynx aura poussé le bolus alimentaire dans la cavité œsophagienne, les muscles lisses Palais mou Épiglotte Sphincter œsophagien supérieur Langue C NC IX (sensitif) N. vague (NC X) (sensitif et parasympathique) Muscles striés Œsophage Ganglion sympathique cervical NC XII (moteur) Trachée FIGURE 1.6 a) Le bolus alimentaire est poussé par la langue vers le pharynx. b) Le palais mou s’élève pour bloquer le nasopharynx (et éviter les régurgitations d’aliments par le nez). c) L’épiglotte bascule pour boucher le larynx et la trachée (évitant l’aspiration intra-bronchique d’aliments qui entraînerait une toux réflexe d’expulsion, sinon une pneumonie d’aspiration) ; le sphincter œsophagien supérieur, normalement sous tension, se relâche pour laisser passer le bolus alimentaire vers la cavité œsophagienne où la motricité de transport prendra le relais. Tout l’acte de déglutition est contrôlé par les nerfs crâniens IX, X, XII et le ganglion sympathique cervical. Extrait de la publication L’œsophage • 17 de l’œsophage assureront la progression du bolus le long de l’organe. Comme expliqué extensivement dans le chapitre sur le grêle, ce péristaltisme est principalement involontaire et fait appel au système nerveux entérique du plexus d’Auerbach. Les étapes suivantes sont présentes : • le bolus alimentaire intraluminal est perçu avec activation des fibres afférentes sensitives [habituellement à CGRP (calcitonin gene related peptide)] ; • l’information est transmise aux fibres efférentes qui vont assurer, via l’acétylcholine et des neurokinines, la contraction des muscles circulaires de l’œsophage en amont du bolus ; • en même temps, les fibres efférentes entraîneront la relaxation, via VIP (ou vasointestinal polypeptide) et NO (Nitric Oxyde), des muscles circulaires localisés en aval du bolus pour permettre une propulsion harmonieuse vers l’avant. La motricité de l’œsophage peut être facilement analysée en clinique ou en recherche par la manométrie à l’aide de capteurs de pression (installés sur un mince tube ou un fil introduit, habituellement par voie nasale, dans l’œsophage vers l’estomac) qui enregistrent les contractions œsophagiennes à différents points le long de l’organe. On distingue différentes ondes contractiles (Fig. 1.7). L’onde primaire est une contraction péristaltique normalement initiée en réponse à l’ingestion du bolus alimentaire. Elle migre, à la vitesse de 3-4 cm/seconde, tout le long de l’œsophage, du haut vers le bas, poussant le bolus devant Pharynx contracte Pharynx SOS Sphincter relaxe Corps de l’œsophage Onde primaire migrante le long de l’œsophage Sphincter relaxe SOI Estomac 10 sec FIGURE 1.7 Motricité normale de l’œsophage enregistrée à l’aide d’une sonde introduite par le nez dans l’œsophage jusque dans l’estomac et qui enregistre, à divers niveaux, les variations de la pression intraluminale secondaires aux contractions des parois de l’organe lors d’une déglutition. elle. L’onde primaire permet donc de s’alimenter en position couchée à la « romaine », voire à l’envers comme l’opossum. La disparition de cette onde contractile, habituellement par atteinte des muscles lisses de l’œsophage (ex. : sclérodermie), fait en sorte que la gravité deviendra le seul facteur permettant la descente des aliments de la bouche vers l’estomac (et forçant ainsi une position verticale lors de l’alimentation). L’onde secondaire est une onde péristaltique identique à l’onde primaire ci-haut décrite, mais qui n’est pas induite par la déglutition. Elle peut débuter à tout étage de l’œsophage et migrer vers le bas. Elle peut être déclenchée expérimentalement par la perfusion ou la distension locale d’un segment œsophagien. Elle s’appuie évidemment sur les fonctions sensitives et motrices du réflexe péristaltique normal décrit précédemment. En pratique, elle servira habituellement lors des épisodes de reflux à débarrasser l’œsophage du matériel gastrique reflué et qui pourrait irriter ou enflammer l’œsophage. Les contractions tertiaires sont des contractions non péristaltiques et simultanées. Elles sont indépendantes de la déglutition et n’ont pas de fonction motrice évidente. Elles sont plutôt rencontrées lors d’états pathologiques comme l’achalasie ou le spasme diffus. 3. Sphincters – supérieur et inférieur Les sphincters sont des zones de haute pression qui, comme une valve unidirectionnelle, protègent du reflux, mais devront se relâcher pour permettre le passage du bolus vers le bas. Sphincter œsophagien supérieur ou muscle cricopharyngé. Le sphincter supérieur (SOS) fait barrière entre les cavités œsophagienne et oropharyngée servant ainsi à protéger la trachée de reflux inopiné. Lors de l’arrivée du bolus, la relaxation du sphincter est essentielle pour laisser le bolus s’introduire dans la cavité œsophagienne. Les nerfs crâniens IX, X et XII jouent un rôle important dans cette coordination. Une hypertension ou une absence de relaxation du sphincter œsophagien supérieur entraînera une dysphagie haute de transfert et possiblement la création d’un diverticule de Zenker par la zone de faiblesse que constitue le triangle de Killian. Sphincter œsophagien inférieur. Le sphincter inférieur (SOI) est une zone de haute pression qui sépare l’estomac de l’œsophage pour empêcher le reflux du matériel gastrique vers l’œsophage. Une hypotension ou une insuffisance de ce sphincter entraînera un reflux gastro-œsophagien et possiblement une œsophagite secondaire. 18 • L ’ A P PA R E I L D I G E S T I F A B C FIGURE 1.8 Œsophagite peptique telle que vue à l’endoscopie : a) ulcération réépithélialisée à la jonction gastro-œsophagienne (la muqueuse rougeâtre dans le fond appartient à l’estomac ; la muqueuse blanchâtre est l’œsophage) ; b) œsophage de Barrett avec muqueuse gastrique remontant au-dessus de la jonction G-E dans l’œsophage ; c) jonction gastro-œsophagienne normale. Ce sphincter doit cependant s’ouvrir de façon coordonnée lors de l’arrivée du bolus œsophagien pour permettre son passage vers l’estomac. Cette relaxation repose surtout sur les fibres inhibitrices à NO et VIP du système nerveux entérique. Une hyperpression ou une insuffisance de relaxation compromettra le transit œsophagien et entraînera une dysphagie basse de transport (comme rencontrée dans l’achalasie). Des relaxations sphinctériennes transitoires dites inappropriées, puisque non déclenchées par la déglutition, permettent le passage d’air (éructations) ou de liquide gastrique (reflux gastro-œsophagien). 1. Œsophagite peptique L’œsophagite peptique est secondaire au reflux de liquide gastrique dans l’œsophage. C’est l’œsophagite la plus fréquemment rencontrée. 4. Sensibilité Symptômes. L’œsophagite se présente cliniquement par des sensations d’inconfort thoracique. Les régurgitations d’aliments ou de liquide acido-bilieux, les brûlures rétrosternales, le pyrosis (sensation de brûlure le long de l’œsophage remontant du bas vers le haut) témoignent du reflux ; l’odynophagie (douleur lors du passage du bolus alimentaire) ainsi que la dysphagie (sensation de blocage au passage des aliments) suggèrent une condition autre qu’un RGO banal (telle une œsophagite). La fonction sensitive est essentielle pour détecter la présence intraluminale du bolus alimentaire (ou du reflux gastrique) et induire la contraction péristaltique qui propulsera harmonieusement le contenu œsophagien vers le bas. Diagnostic. La visualisation de la muqueuse œsophagienne par endoscopie s’avère le meilleur moyen de diagnostiquer une œsophagite. L’aspect macroscopique vu à l’endoscopie (Fig. 1.8) et microscopique des biopsies obtenues lors de l’endoscopie permettra le diagnostic. En situation normale, l’œsophage est peu sensible au passage d’aliments ou autres sensations. Des sensations douloureuses peuvent être perçues lors de situations anormales, tels des contractions spastiques de forte amplitude ou un blocage alimentaire. La perception sensorielle ou douloureuse peut aussi être facilitée par une hypersensibilité viscérale telle que documentée dans certains troubles digestifs fonctionnels. Physiopathologie. Le reflux acido-peptique est la cause dominante de l’œsophagite peptique. Cependant, tous les reflueurs ne sont pas victimes d’œsophagite. Un équilibre entre les facteurs agresseurs et la défense de l’œsophage explique probablement cette situation. Agression de l’œsophage : PATHOLOGIES INFLAMMATOIRES • Quantité du reflux : La quantification du reflux gastroœsophagien à l’aide de l’enregistrement continu du pH œsophagien révèle une certaine relation entre l’importance du reflux et la sévérité de l’œsophagite. L’inflammation de l’œsophage peut prendre différentes formes en réponse aux différentes causes impliquées. • Qualité du reflux : La bile agit comme agent potentialisateur de l’acide pour induire une inflammation œso- Extrait de la publication L’œsophage • 19 phagienne lors de conditions expérimentales ; on peut suspecter qu’elle puisse jouer un rôle en clinique. L’hypersécrétion gastrique d’acide pourrait être, dans certaines conditions tel le gastrinome qui entraîne une hypersécrétion majeure d’acide gastrique, un facteur favorisant le dommage muqueux de l’œsophage. Défense de l’œsophage : • La résistance muqueuse de l’œsophage à une agression, par exemple en sécrétant du mucus, pourrait être une hypothèse qui cependant n’a jamais été mise en évidence. • Le péristaltisme œsophagien contribue à la défense de l’œsophage en favorisant la circulation du matériel gastrique reflué vers l’estomac (clairance de l’œsophage). La perte des contractions secondaires, normalement initiées lors d’un reflux, contribue probablement aux œsophagites notées chez les patients sclérodermiques ayant une atteinte des muscles de l’œsophage. • La salive, riche en bicarbonate et au pH neutre, voire alcalin, est un facteur favorisant la neutralisation de l’acide gastrique reflué dans l’œsophage. Cependant, aucune situation clinique (par exemple lors d’hyposalivation par maladie de Sjôgren) ne confirme son importance clinique. Complications. Le saignement aigu d’une lésion d’œsopha- gite est rare. Des lésions ulcérées ou l’utilisation d’anticoagulants pourraient être des facteurs favorisants. Le saignement chronique occulte en provenance d’une œsophagite, surtout si elle est ulcérée, peut expliquer certains cas d’anémie ferriprive. La sténose est un rétrécissement inflammatoire ou cicatriciel de l’œsophage. Sa présence sera soupçonnée en présence de dysphagie, habituellement plus aux aliments solides qu’aux liquides, et sera confirmée par l’endoscopie ou la radiologie. Le traitement de la sténose requiert la suppression de l’œsophagite et du reflux habituellement par des IPP. Dans certains cas, des dilatations mécaniques à l’aide de bougies ou ballons seront nécessaires (voir chapitre Les symptômes œsophagiens). L’œsophage de Barrett ou l’endobrachyœsophage : la muqueuse œsophagienne, dans cette condition, est remplacée par une muqueuse glandulaire de type gastrique ou intestinal. Le diagnostic est suspecté lors de l’endoscopie qui révèle une muqueuse rougeâtre, d’allure gastrique, au-dessus du cardia, en territoire œsophagien. L’œsophage apparaît alors court (d’où l’appellation endobrachyœsophage) puisque la jonction des muqueuses œsophagiennes et gastriques se situe plus haut que la ligne Z endoscopique habituellement retrouvée à 40 cm des dents incisives. Le diagnostic différentiel sera à faire avec une hernie hiatale qui élève le cardia (et donc la ligne Z) dans le thorax audessus de la localisation diaphragmatique habituelle. Les biopsies endoscopiques confirment la présence histologique de tissu glandulaire, avec habituellement métaplasie intestinale, dans un segment pourtant anatomiquement œsophagien. Cette condition est importante, car on la considère prénéoplasique, pouvant mener au développement de l’adénocarcinome. Le risque est estimé à 1/200 patients. Le traitement de l’œsophage de Barrett est décevant puisque la suppression du reflux par médicament ou chirurgie ne semble pas faire régresser la ré-épitalisation glandulaire de l’œsophage. Un suivi de cette condition (avec endoscopie et biopsies q 3-5 ans) est souvent recommandé pour espérer détecter le développement de lésions d’adénocarcinome et procéder ainsi à un traitement au stade précoce de la maladie cancéreuse. Le bénéfice de cette stratégie de suivi est toutefois controversé. Traitement. Le traitement de l’œsophagite peptique repose sur la diminution de l’exposition acide de l’œsophage. Ceci est habituellement obtenu de façon satisfaisante à l’aide d’un traitement par des inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) qui suppriment la sécrétion d’acide gastrique (voir chapitre L’estomac) et guérissent 80-90 % des cas d’œsophagite peptique en 4-8 semaines. En cas d’échec à la thérapie usuelle avec un IPP administré au petit déjeuner pour obtenir une bioefficacité optimale, diverses stratégies pharmacologiques seront possibles : a) doubler la dose d’IPP (en une seule dose le matin ou préférablement en doses fragmentées au déjeuner et au souper) ; b) l’adjonction d’un prokinétique (ex. : dompéridone 10-20 mg avant les repas et au coucher) pour faciliter la vidange gastrique et possiblement augmenter le tonus du sphincter œsophagien inférieur ; c) l’addition d’un bloqueur H2 (ex. : ranitidine 150300 mg au coucher) pour optimiser la suppression d’acide nocturne. L’échec médicamenteux est rarement une indication chirurgicale, car les résultats sont décevants, sauf dans les cas où on vise le contrôle de régurgitations incapacitantes. L’arrêt des IPP entraîne une récidive, clinique et/ou endoscopique chez 2/3 des gens, sauf si une condition prédisposante (ex. : obésité, médicaments diminuant le tonus sphinctérien, etc.) peut être corrigée. La poursuite indéfinie de la thérapie par IPP semble la solution optimale pour l’instant. On considère les IPP comme des médicaments sécuritaires lors d’un usage prolongé — voire des années. Toutefois, des inconvénients à long terme semblent Extrait de la publication Extrait de la publication poi t r a s L’appareil digestif Des sciences fondamentales à la clinique L L’appareil digestif Des sciences fondamentales à la clinique a somme des connaissances biomédicales est considérable et s’accroît de jour en jour. Il est difficile d’imaginer maîtriser, quantitativement ou quali­tativement, toutes les données de la génétique ou de la biologie cellulaire et moléculaire. Certaines découvertes auront un impact immédiat sur la pratique médicale, d’autres attendront quelque temps. Ce livre cherche à faire un lien entre connaissances qui ont des répercussions sur les soins. Pierre Poitras est professeur titulaire de médecine à l’Université de Montréal et rattaché au service de gastroentérologie du CHUM – Hôpital Saint-Luc. Ses 29 collaborateurs comptent parmi les meilleurs spécialistes québécois et français de la gastroentérologie et de l’hépatologie. Les collaborateurs : André Archambault Philippe Ducrotté Denis Marleau Denis Bernard André Dumont Pierre Paré Marc Bilodeau Daphna Fenyves Gilles Pomier-Layrargues Mickael Bouin Claire Fournier Geneviève Soucy Hélène Castel Jean-Paul Galmiche Franck Vandenbroucke-Menu Michel Dagenais Pascal Hammel Jean-Pierre Villeneuve Louise D’Aoust Pierre-Michel Huet Catherine Vincent Michel Dapoigny Raymond G. Lahaie Ramsès Wassef Renée Déry Christiane Malo Bernard Willems Serge Dubé Xavier Marchand L’appareil digestif les sciences fondamentales et les pratiques cliniques en mettant en lumière les Sous la direction du Dr P ier r e Po it r a s Photo : © minoandriani / iStock.com Disponible en version numérique PUM www.pum.umontreal.ca Les Presses de l’Université de Montréal Extrait de la publication L’appareil digestif-final.indd 1 13-12-11 10:36