L`APPAREIL DIGESTIF Des sciences fondamentales à la clinique

publicité
poi t r a s
L’appareil digestif
Des sciences fondamentales à la clinique
L
L’appareil digestif
Des sciences fondamentales
à la clinique
a somme des connaissances biomédicales est considérable et s’accroît
de jour en jour. Il est difficile d’imaginer maîtriser, quantitativement ou
quali­tativement, toutes les données de la génétique ou de la biologie cellulaire
et moléculaire. Certaines découvertes auront un impact immédiat sur la pratique
médicale, d’autres attendront quelque temps. Ce livre cherche à faire un lien entre
connaissances qui ont des répercussions sur les soins.
Pierre Poitras est professeur titulaire de médecine à l’Université de Montréal
et rattaché au service de gastroentérologie du CHUM – Hôpital Saint-Luc.
Ses 29 collaborateurs comptent parmi les meilleurs spécialistes québécois et
français de la gastroentérologie et de l’hépatologie.
Les collaborateurs :
André Archambault
Philippe Ducrotté
Denis Marleau
Denis Bernard
André Dumont
Pierre Paré
Marc Bilodeau
Daphna Fenyves
Gilles Pomier-Layrargues
Mickael Bouin
Claire Fournier
Geneviève Soucy
Hélène Castel
Jean-Paul Galmiche
Franck Vandenbroucke-Menu
Michel Dagenais
Pascal Hammel
Jean-Pierre Villeneuve
Louise D’Aoust
Pierre-Michel Huet
Catherine Vincent
Michel Dapoigny
Raymond G. Lahaie
Ramsès Wassef
Renée Déry
Christiane Malo
Bernard Willems
Serge Dubé
Xavier Marchand
90 $ • 81 e
L’appareil digestif
les sciences fondamentales et les pratiques cliniques en mettant en lumière les
Sous la direction du
Dr P ier r e Po it r a s
isbn 978-2-7606-3244-8
Photo : © minoandriani / iStock.com
Disponible en version numérique
www.pum.umontreal.ca
PUM
Les Presses de l’Université de Montréal
Extrait de la publication
L’appareil digestif-final.indd 1
13-12-11 10:36
L’APPAREIL DIGESTIF
Des sciences fondamentales à la clinique
Extrait de la publication
L’APPAREIL DIGESTIF
Des sciences fondamentales à la clinique
Sous la direction du
D R P I E RRE P O I T R A S
Les Presses de l’Université de Montréal
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec
et Bibliothèque et Archives Canada
Vedette principale au titre :
L’appareil digestif : des sciences fondamentales à la clinique
Comprend des références bibliographiques.
isbn 978-2-7606-3244-8
1. Appareil digestif. 2. Appareil digestif – Maladies. I. Poitras, Pierre.
rc801.a66 2014 616.3 c2014-941708-7
isbn (pdf) 978-2-7606-3245-5
isbn (epub) 978-2-7606-3246-2
Dépôt légal : 1er trimestre 2014
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
© Les Presses de l’Université de Montréal, 2014
Les Presses de l’Université de Montréal reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada par
l’entremise du Fonds du livre du Canada pour leurs activités d’édition. Elles reconnaissent également le
soutien du Conseil des arts du Canada et de la Société de développement des entreprises culturelles du
Québec (SODEC).
imprimé au canada
Avant-propos
Chers collègues,
Cet ouvrage a l’ambition de faciliter votre apprentissage de premier cycle, et de
vous servir de guide plus tard dans votre pratique clinique comme médecin généraliste ou comme praticien non spécialisé en gastroentérologie. Nous avons délibérément choisi un style direct, non encombré de références, propre à vous donner le
goût d’explorer de manière critique la littérature scientifique.
À titre de directeur de publication, j’ai voulu proposer une version personnalisée
de la médecine digestive, comme je l’ai découverte auprès de mentors exceptionnels
tels que Robert Modigliani, Jean-Claude Rambaud, John H. Walsh, Charles Code,
Morton Grossman et Serge Bonfi ls au cours de mes années de formation en gastroentérologie, et depuis plus de 30 ans de vie professionnelle auprès de mes collègues médecins et chirurgiens de l’Hôpital Saint-Luc de Montréal, des passionnés
qui, comme moi, cherchent à faire connaitre – et aimer – l’appareil digestif.
Notre approche consiste à présenter la maladie comme un dérèglement de l’état
de santé. L’anatomie, l’histologie ou la physiologie sont autant de matières à maîtriser pour connaître le fonctionnement normal des organes. C’est par la physiopathologie qu’on comprend les processus de dérèglement, alors que la sémiologie
permet d’établir un diagnostic différentiel en identifiant les symptômes des maladies. Enfin, on confirme le diagnostic par différentes mesures d’investigation et on
fait appel à la pharmacologie pour appliquer le traitement adéquat.
La somme des connaissances biomédicales est considérable et s’accroît de jour
en jour. Il est difficile d’imaginer maîtriser, quantitativement ou qualitativement,
toutes les données de la génétique ou de la biologie cellulaire et moléculaire. Certaines découvertes auront un impact immédiat sur la pratique médicale, d’autres
attendront quelque temps. Ce livre cherche à faire un lien entre les sciences fondamentales et les pratiques cliniques. Les auteurs ont fait un effort particulier pour
mettre en lumière les connaissances qui ont des répercussions sur les soins, mais il
va sans dire que cela demande une réévaluation continuelle.
À l’avance je vous remercie de me faire part de vos commentaires et de vos suggestions à l’adresse suivante :
[email protected]
Extrait de la publication
6 •
L ’ A P PA R E I L D I G E S T I F
Remerciements
Ce manuel a pu être réalisé grâce à l’apport de nombreuses personnes que je tiens
à remercier ici :
Merci à mes professeurs et mentors, qui m’ont fait tout donner pour les soins de
mes malades.
Merci à mes collègues de l’Hôpital Saint-Luc de Montréal, gastroentérologues,
hépatologues, chirurgiens, radiologistes, pathologistes, biochimistes, experts des
maladies digestives qui ont su créer durant toutes ces années un milieu hospitalier
propice au travail heureux et performant.
Merci à l’Université de Montréal, qui m’a permis de faire une carrière aussi passionnante que fructueuse.
Merci à tous les étudiants que j’ai côtoyés au fil de ma carrière et qui m’ont donné
le goût de ce métier de médecin, d’enseignant.
Merci à tous les collègues qui ont participé à l’écriture de cet ouvrage.
Merci à la compagnie Astra Zeneca et tout particulièrement à son représentant
Richard Brabant qui ont cru dès le début à ce projet.
Merci à tous nos commanditaires actuels qui nous appuient dans la diffusion du
savoir.
Merci à l’équipe des Presses de l’Université de Montréal pour son expertise éditoriale et son soutien.
Remerciements particuliers enfin à Monique, exceptionnelle compagne de vie,
psychothérapeute et collaboratrice de tous les instants, qui m’a tant instruit sur la
vie comme sur l’humanisme médical, et qui m’a permis de devenir ce que je suis,
personnellement, socialement, professionnellement. C’est à elle que je dédie ce livre.
Pierre Poitras , MD
Extrait de la publication
Les collaborateurs
André Archambault, M.D.
Département d’anesthésie
CHUM – Hôpital Saint-Luc
Université de Montréal
Michel Dapoigny, M.D., Ph.D.
Médecine Digestive, CHU Estaing
CHU Clermont-Ferrand, Université d’Auvergne,
INSERM UMR 1107
Denis Bernard, M.D.
Service de chirurgie digestive
CHUM – Hôpital Saint-Luc
Professeur titulaire de clinique
Département de chirurgie
Université de Montréal
Renée Déry, M.D.
Département de radiologie
CHUM – Hôpital Saint-Luc
Professeur agrégé de clinique
Département de radiologie
Université de Montréal
(responsable de la radiologie pour tout le manuel)
Marc Bilodeau, M.D.
Service d’hépatologie
CHUM – Hôpital Saint-Luc
Professeur agrégé de clinique
Département de médecine
Université de Montréal
Serge Dubé, M.D.
Département de chirurgie
Hôpital Maisonneuve-Rosemont
Professeur agrégé de clinique
Département de chirurgie
Université de Montréal
Mickael Bouin, M.D., Ph.D.
Service de gastroentérologie
CHUM – Hôpital Saint-Luc
Professeur agrégé de clinique
Département de médecine
Université de Montréal
Philippe Ducrotté, M.D., Ph.D.
Professeur de médecine
Service de gastroentérologie
Hôpital Charles Nicolle, Rouen
André Dumont, M.D.
Département d’anatomopathologie
CHUM – Hôpital Saint-Luc
Professeur titulaire (retraité)
Département d’anatomopathologie
Université de Montréal
Hélène Castel, M.D.
Service d’hépatologie
CHUM – Hôpital Saint-Luc
Professeur adjoint de clinique
Département de médecine
Université de Montréal
Michel Dagenais, M.D.
Service de chirurgie hépatobiliaire et pancréatique
CHUM – Hôpital Saint-Luc
Professeur agrégé de clinique
Département de médecine
Université de Montréal
Louise D’Aoust, M.D.
Service de gastroentérologie
CHUM – Hôpital Saint-Luc
Professeur agrégé de clinique
Département de médecine
Université de Montréal
Daphna Fenyves, M.D.
Service d’hépatologie
CHUM – Hôpital Saint-Luc
Professeur agrégé de clinique
Département de médecine
Université de Montréal
Claire Fournier, M.D.
Service d’hépatologie
CHUM – Hôpital Saint-Luc
Professeur adjoint de clinique
Département de médecine
Université de Montréal
Extrait de la publication
8 •
L ’ A P PA R E I L D I G E S T I F
Jean-Paul Galmiche, M.D.
Professeur de médecine
Service de gastroentérologie
CHU Nantes
Pascal Hammel, M.D., Ph.D.
Service de gastroentérologie-pancréatologie
Hôpital Beaujon, Clichy
Professeur de médecine
Pierre-Michel Huet, M.D., Ph.D.
Professeur titulaire (retraité)
Département de médecine
Université de Montréal
Raymond G. Lahaie, M.D.
Service de gastroentérologie
CHUM – Hôpital Saint-Luc
Professeur agrégé de clinique
Département de médecine
Université de Montréal
Christiane Malo, Ph.D.
Professeur titulaire
Département de physiologie
Faculté de médecine
Université de Montréal
Xavier Marchand
Étudiant en médecine
Université de Montréal
(responsable de l’illustration anatomique pour tout le manuel)
Denis Marleau, M.D.
Service d’hépatologie
CHUM – Hôpital Saint-Luc
Professeur titulaire
Département de médecine
Université de Montréal
Pierre Paré, M.D.
Service de gastroentérologie
Hôpital Saint-Sacrement de Québec
Professeur de clinique
Département de médecine
Université Laval
Pierre Poitras, M.D.
Service de gastroentérologie
CHUM – Hôpital Saint-Luc
Professeur titulaire
Département de médecine
Université de Montréal
Gilles Pomier-Layrargues, M.D. †
Service d’hépatologie
CHUM – Hôpital Saint-Luc
Professeur titulaire
Département de médecine
Université de Montréal
Geneviève Soucy, M.D.
Département d’anatomopathologie
CHUM – Hôpital Saint-Luc
Professeur adjoint de clinique
Département de pathologie
Université de Montréal
(responsable de l’histopathologie pour tout le manuel)
Franck Vandenbroucke-Menu, M.D.
Service de chirurgie hépatobiliaire et pancréas
CHUM – Hôpital Saint-Luc
Professeur agrégé de clinique
Département de chirurgie
Université de Montréal
(responsable de l’embryologie pour tout le manuel)
Jean-Pierre Villeneuve, M.D.
Service d’hépatologie
CHUM – Hôpital Saint-Luc
Professeur titulaire (retraité)
Département de médecine
Université de Montréal
Catherine Vincent, M.D.
Service d’hépatologie
CHUM – Hôpital Saint-Luc
Professeur adjoint de clinique
Département de médecine
Université de Montréal
Ramsès Wassef, M.D.
Service de chirurgie digestive
CHUM – Hôpital Saint-Luc
Professeur titulaire de clinique
Département de chirurgie
Université de Montréal
Bernard Willems, M.D.
Service d’hépatologie
CHUM – Hôpital Saint-Luc
Professeur titulaire
Département de médecine
Université de Montréal
† Gilles Pomier-Layrargues est décédé avant la parution de cet ouvrage. Son souvenir inspirera toujours notre enseignement.
PREMIÈRE PARTIE
LES ORGANES DIGESTIFS
1.
L’œsophage
11
2.
L’estomac
3.
L’intestin grêle 67
4.
Le côlon
5.
Le pancréas
6.
L’arbre biliaire 201
7.
L’anorectum 219
8.
Le foie 241
33
125
169
Extrait de la publication
CHAPITRE 1
L’œsophage
P. Poitras, A. Dumont, S. Dubé et J.-P. Galmiche
ANATOMIE MACROSCOPIQUE
1. Tube digestif
2. Vascularisation
3. Innervation
ANATOMIE MICROSCOPIQUE
1. Muqueuse œsophagienne
2. Musculature
3. Séreuse
EMBRYOLOGIE/DÉVELOPPEMENT
1. Développement normal
2. Atrésies de l’œsophage
3. Sténoses œsophagiennes
4. Duplications et kystes
5. Anneaux et webs
SÉCRÉTION/ABSORPTION
MOTRICITÉ/SENSIBILITÉ
1. Motricité de transfert
2. Motricité de transport
3. Sphincters – supérieur et
inférieur
4. Sensibilité
3. Diagnostic
4. Traitements
PATHOLOGIES FONCTIONNELLES
1. Reflux gastro-œsophagien
(RGO)
2. Dysmotricité de transfert
– dysphagie haute
3. Dysmotricité de transport
A. Hypomotricité
B. Hypermotricité
4. Troubles sensitifs
PATHOLOGIES INFLAMMATOIRES
1. Œsophagite peptique
2. Œsophagite infectieuse
3. Œsophagite éosinophilique
4. Œsophagite caustique
5. Œsophagite médicamenteuse DIVERS
1. Hernies hiatales
6. Œsophagite radique
2. Diverticules
PATHOLOGIES TUMORALES
3. Rupture œsophagienne
1. Types de néoplasie
4. Saignement œsophagien
2. Clinique
5. Anneau de Schatzki
ANATOMIE MACROSCOPIQUE
1. Tube digestif
Le tube digestif commence, on l’oublie souvent, par la
cavité buccale. Les dents seront utilisées pour broyer les
aliments. La langue et les muscles striés du pharynx serviront à pousser les aliments vers l’œsophage.
Œsophage. L’œsophage est un tube d’un diamètre approxi-
matif de 2,5 cm, qui permet le passage des aliments de la
cavité buccale vers l’estomac. L’œsophage débute à environ
15 cm des incisives, à la hauteur de la vertèbre C6, par le
muscle cricopharyngien ou sphincter œsophagien supérieur, et se poursuit jusqu’à approximativement 40 cm des
incisives vis-à-vis D11. On divise habituellement l’œsophage en trois segments relativement identiques : les tiers
supérieur, moyen et inférieur (Fig. 1.1A).
Au niveau cervical, l’œsophage se situe en avant de la
colonne et derrière la trachée. De chaque côté, on retrouve
les artères carotides et les nerfs récurrents laryngés,
branches du nerf vague contrôlant la motricité de la région
pharyngée et œsophagienne supérieure.
L’œsophage thoracique passe ensuite dans le médiastin
postérieur en avant de la colonne, derrière la trachée, la
carène, le cœur, la crosse aortique, à droite de l’aorte, et
est bordé par les plèvres pulmonaires (Fig. 1.1B).
L’œsophage abdominal est constitué d’un court segment de 1 à 2 cm entre le diaphragme et l’estomac. Les
deux branches du nerf vague descendent du système nerveux central en courant le long de l’œsophage ; au niveau
de l’hiatus diaphragmatique, les branches gauche et droite
du nerf vague se retrouvent respectivement en avant et en
arrière de l’œsophage (du fait de la rotation de l’estomac
Extrait de la publication
12
• L ’ A P PA R E I L D I G E S T I F
FIGURE 1.1A Œsophage. Anatomie vue de face.
FIGURE 1.1B Œsophage. Anatomie vue de profil.
lors de son développement fœtal ; section embryologie du
chapitre L’estomac). L’opération de vagotomie tronculaire,
pratiquée jadis pour freiner la sécrétion d’acide gastrique
et traiter l’ulcère peptique, consistait à sectionner ces deux
branches vagales au niveau du bas œsophage.
sance au diverticule de Zenker, surtout en présence d’une
hyperpression du sphincter œsophagien supérieur faisant
obstacle à la déglutition.
Sphincters. Aux deux extrémités du tube œsophagien, on
retrouve des sphincters, zones de haute pression qui font
office de valves unidirectionnelles.
Le sphincter œsophagien supérieur (SOS) ou muscle
crico-pharyngé est constitué de fibres des muscles pharyngés qui prennent alors une orientation transversale et
forment une zone de haute pression probablement destinée à protéger les voies aériennes de possibles régurgitations gastro-œsophagiennes. Entre les fibres musculaires
obliques du pharynx et celles transversales du sphincter
œsophagien supérieur, se retrouve le triangle de Killian,
une zone de faiblesse potentielle qui pourra donner nais-
Le sphincter œsophagien inférieur (SOI ou LES pour
lower œsephageal sphincter)est une zone de haute pression longue d’environ 2 cm située à la jonction œsophagogastrique et destinée à prévenir les régurgitations du
contenu gastrique vers l’œsophage. Elle est normalement
localisée à la jonction thoraco-abdominale, au niveau du
diaphragme, principalement sur son versant abdominal.
Cette zone sphinctérienne est constituée de fibres musculaires du bas œsophage (sphincter « interne »), ainsi que
de fibres musculaires issues tant du fundus gastrique que
des piliers diaphragmatiques (sphincter « externe »). Son
rôle dans le reflux gastro-œsophagien sera amplement
discuté.
Extrait de la publication
L’œsophage • 13
Artère
thyroïdienne
inférieure
Artère
bronchique
droite
Veine thyroïdienne
inférieure gauche
Artère
bronchique
gauche
Veine
azygos
Supérieure
Inférieure
Artères
œsophagiennes
aortiques
Veines
gastriques
courtes
Veine
gastrique
gauche
Artère
gastrique
gauche
Veine porte
Veine
splénique
FIGURE 1.2A Artères de l’œsophage.
FIGURE 1.2B Veines de l’œsophage.
2. Vascularisation
du médiastin moyen ou inférieur, etc.) alors que le tiers
inférieur de l’œsophage pourra drainer vers les ganglions
abdominaux et périgastriques.
Artères. L’œsophage est nourri tout au long par quatre ou
six petites artères dérivées des artères thyroïdiennes au
segment supérieur, issues des artères intercostales ou
bronchiques au segment moyen, et des artères gastriques
dans les parties plus distales (Fig. 1.2A). Les artères forment un réseau d’irrigation qui met l’œsophage à l’abri
de pathologies ischémiques.
Veines. Un réseau extensif de petites veines draine l’œsophage vers des veines thyroïdiennes à sa partie supérieure,
et vers les veines azygos et intercostales à sa partie moyenne.
À la portion inférieure, les veinules œsophagiennes peuvent
drainer vers les veines gastriques courtes et donc vers la
circulation portale ; on comprend ainsi la formation possible de dilatations veineuses du bas œsophage (appelées
varices œsophagiennes) lors de l’hypertension portale de
la cirrhose (Fig. 1.2B).
Lymphatiques. Des canaux lymphatiques prennent naissance
dans la muqueuse et la musculeuse de l’œsophage et drainent
vers des ganglions lymphatiques paraœsophagiens distribués
tout le long de l’organe. Lors de néoplasies, on constate que
le flot lymphatique des 2/3 supérieurs de l’œsophage se
dirige vers le haut (ganglions cervicaux, ganglions paratrachéaux du médiastin supérieur, ganglions paraœsophagiens
Les sécrétions lymphatiques abdominales sont acheminées via le canal thoracique remontant le long de l’œsophage vers la veine sous-clavière gauche près de la jugulaire.
Un traumatisme, chirurgical ou autre, de l’œsophage cervical pourra donc traumatiser cette structure et conduire
à un chylothorax, voire des lymphangiectasies intestinales.
3. Innervation
L’innervation intrinsèque de l’œsophage est assurée par le
système nerveux entérique des plexus sous-muqueux de
Meissner et des plexus myentériques d’Auerbach comme
ailleurs dans le tube digestif.
L’innervation extrinsèque dépend des systèmes sympathique et parasympathique. Les ganglions sympathiques
cervicaux et thoraciques assurent une innervation motrice
et sensitive à tout l’œsophage. Le nerf vague exerce une
innervation motrice parasympathique dans la partie supérieure de l’œsophage ainsi qu’au pharynx. Les fibres afférentes du nerf vague sont aussi probablement importantes
dans la transmission sensorielle œsophagienne.
Extrait de la publication
14
• L ’ A P PA R E I L D I G E S T I F
Au niveau buccopharyngé, les nerfs crâniens IX et XII
sont les principaux responsables, respectivement, de l’innervation sensitive et motrice. Une atteinte de ces nerfs
centraux, post-ACV du tronc cérébral par exemple, pourra
être responsable de troubles de la déglutition.
Estomac
Œsophage
ANATOMIE MICROSCOPIQUE
Comme le restant du tube digestif, l’œsophage est constitué
d’une couche muqueuse interne reposant sur une structure
musculaire. Les particularités de l’œsophage sont les suivantes.
1. Muqueuse œsophagienne
La muqueuse œsophagienne est de type pavimenteux stratifié (Fig. 1.3). Cette muqueuse malpighienne est aussi
retrouvée à l’extrémité toute distale du tube digestif, soit
au niveau de l’anus, alors que l’épithélium glandulaire
constitue l’histologie normale de tout le tube digestif de
l’estomac au rectum. À environ 40 cm des incisives, au
niveau du cardia gastrique, on retrouve la ligne Z qui
marque la délimitation bien visible macroscopiquement
(par exemple en endoscopie ; Fig. 1.4) entre la muqueuse
œsophagienne malpighienne d’apparence blanchâtre et la
muqueuse cylindrique glandulaire de l’estomac qui apparaîtra plus rougeâtre. La ligne Z correspond à la portion
inférieure du sphincter œsophagien inférieur.
FIGURE 1.3 Œsophage. Histologie normale : muqueuses
malpighienne de l’œsophage (à droite) et glandulaire de
l’estomac (à gauche de la figure) telles que vues à la jonction
gastro- œsophagienne. Photo de Textbook of Histology, Bloom
and Faucett, Saunders, 1968.
La structure épithéliale de l’œsophage explique l’absence de phénomènes d’absorption ou de sécrétion si
communs au restant du tube digestif. Cette muqueuse
malpighienne explique aussi la présence de néoplasies
épidermoïdes à ce niveau du tube digestif. Dans l’endobrachyœsophage, aussi appelé œsophage de Barrett, la
muqueuse malpighienne sera remplacée par une muqueuse
glandulaire permettant alors le développement d’adénocarcinomes.
2. Musculature
Le tube digestif est habituellement constitué d’une musculature lisse faite d’une couche interne circulaire et
d’une couche externe longitudinale. L’œsophage est d’ailleurs ainsi constitué dans ses 2/3 inférieurs. La partie
supérieure de l’œsophage renferme toutefois des muscles
striés qui sont en fait le prolongement de la musculature
pharyngée. Les maladies du muscle lisse atteindront donc
plus facilement l’œsophage moyen/distal alors que les
pathologies du muscle strié affecteront la région proximale de l’œsophage.
FIGURE 1.4 En endoscopie, la rencontre au cardia des
muqueuses gastrique (rougeâtre ; au centre de la photo) et
œsophagienne (blanchâtre) est bien évidente.
Comme ailleurs dans le tube digestif, le système nerveux
entérique intrinsèque est constitué des plexus myentérique
et sous-muqueux localisés respectivement entre les couches
musculaires longitudinales et circulaires et entre la couche
musculaire circulaire et la muqueuse.
Extrait de la publication
L’œsophage • 15
3. Séreuse
La séreuse tapissant habituellement la couche musculaire
externe des cavités digestives est absente au niveau de
l’œsophage. Elle est remplacée par une adventice plus
mince.
EMBRYOLOGIE/DÉVELOPPEMENT
1. Développement normal
L’oropharynx, la trachée, les poumons et l’œsophage se
développent à partir d’un tube commun : l’endoderme. À
la 4e semaine de vie fœtale, un bourgeon se forme à la partie
ventrale du tube pour devenir le système respiratoire. La
partie dorsale du tube se transformera en un œsophage et
un foregut d’où naîtra aussi l’estomac. La séparation des
deux tubes en organes respiratoires et digestifs est réalisée
vers la 6e semaine. La lumière œsophagienne est formée
vers la 10e semaine et sera épithélialisée de cellules malpighiennes à partir de la 16e semaine. Au cours de la vie in
utero, l’œsophage et le tube digestif servent à déglutir du
liquide amniotique ; l’impossibilité d’exercer cette fonction
(ex. : atrésie œsophagienne) pourra conduire à une augmentation de ce liquide et du volume utérin.
Nous allons maintenant voir différentes malformations
qui peuvent survenir au cours du développement.
2. Atrésies de l’œsophage
Les atrésies de l’œsophage sont le plus souvent accompagnées d’une fistule trachéo-œsophagienne (Fig. 1.5). Elles
touchent 1/3000 ou 1/4500 naissances ; 50 % des enfants
Sténose
œsophagienne
(ou atrésie frustre
de l’œsophage)
Atrésie
sans fistule
8%
Atrésie avec
fistule haute
1%
porteurs de ces manifestations ont aussi d’autres anomalies
tels anus imperforé, malformations cardiaques, etc.
L’atrésie de l’œsophage résulte de l’échec de la canalisation de la lumière œsophagienne alors que les fistules
bronchoœsophagiennes résultent de l’échec de la séparation des 2 tubes.
Ces malformations se présenteront chez le nouveau-né
par la régurgitation de salive et évidemment des liquides
pris lors du boire. Le passage dans les bronches entraînera
toux et étouffement. Une correction chirurgicale s’imposera rapidement.
3. Sténoses œsophagiennes
Il s’agit de malformations rares survenant chez 1/25 000
naissances. Les sténoses mesurent de 2 à 20 cm et sont de
nature souvent imprécise. Elles sont souvent tolérées en
très jeune âge lors de l’alimentation liquide, mais se révéleront plus tard par de la dysphagie lors de la prise d’aliments solides.
4. Duplications et kystes
Duplications et kystes se retrouvent dans le cas de
1/8000 naissances. La présence d’un double œsophage
tubulaire est rare ; la plupart du temps, il s’agira de
structures « kystiques » situées en paraœsophagien et
sans communication avec l’œsophage vrai. Les patients
seront asymptomatiques (et il s’agira d’une découverte
fortuite habituellement lors d’un examen radiologique)
ou encore pourront souffrir de symptômes dus à la
compression par ces structures additionnelles. Un trai-
Atrésie avec
fistule basse
84 %
FIGURE 1.5 Atrésies congénitales de l’œsophage : différentes malformations sont possibles.
Extrait de la publication
Atrésie avec
fistules haute
et basse
3%
Fistule
œsophagotrachéale
sans atrésie
4%
16
• L ’ A P PA R E I L D I G E S T I F
tement chirurgical sera requis pour contrôler les symptômes.
un rôle très important dans la capacité de l’œsophage à se
débarrasser de l’acide gastrique qui pourrait y refluer.
5. Anneaux et webs
MOTRICITÉ/SENSIBILITÉ
L’anneau le plus fréquent est certainement l’anneau de
Schatzki, anneau fibreux localisé au niveau de la jonction
œsophagogastrique. Cet anneau fibreux peut réduire la
lumière œsophagienne et engendrer la dysphagie. Cependant, la nature congénitale de l’anneau de Schatzki est mise
en doute ; de plus en plus on croit que cet anneau est la
conséquence d’un reflux gastro-œsophagien.
Le rôle de l’œsophage est de permettre la déglutition des
aliments de la bouche vers l’estomac. Cette déglutition
impliquera un transfert du bolus alimentaire de la cavité
buccale vers la cavité œsophagienne et ensuite un transport
du bolus le long de l’organe œsophagien.
La membrane, ou web, est un anneau non circonférentiel, retrouvé surtout dans l’œsophage supérieur ou moyen.
Il peut être unique, quelquesfois associé à une anémie
ferriprive et appelé alors syndrôme de Plummer Vinson,
ou il peut être multiple. La dilatation œsophagienne par
bougie s’avère le traitement habituel des anneaux et membranes.
SÉCRÉTION/ABSORPTION
Aucune fonction significative d’absorption ou de sécrétion
n’est reconnue pour l’œsophage (quoiqu’une certaine
sécrétion de bicarbonates soit connue par les glandes sousmuqueuses de l’œsophage).
La déglutition bénéficie cependant de la sécrétion salivaire. Les glandes parotides, sous-maxillaires et sublinguales produisent quotidiennement 1-2 litres de liquide,
souvent en réponse à la mastication, qui aideront à la
déglutition en lubrifiant les aliments. La salive contient
aussi des enzymes, telles l’amylase et la lipase, qui permettent d’amorcer le processus de digestion. La salive joue
A
Pharynx
B
1. Motricité de transfert
Les aliments subissent une première transformation dans
notre assiette (déchiquetage par nos ustensiles) avant d’être
de nouveau réduits de volume par la mastication dentaire.
Ainsi se forme le bolus alimentaire. Le transfert de ce bolus
vers la cavité œsophagienne impliquera les muscles striés
de l’oropharynx sous contrôle principalement volontaire
par le douzième nerf crânien, le nerf hypoglosse. Les étapes
de la déglutition sont représentées à la figure 1.6.
Toute atteinte des nerfs (atteinte du tronc cérébral postACV, sclérose latérale amyotrophique, etc.) ou des muscles
striés (dystrophie oculopharyngée, myasthénie grave, etc.)
de cette région perturbera la physiologie de déglutition et
entraînera une dysphagie haute dite de transfert (avec de
possibles fausses routes vers les voies aériennes supérieures
ou inférieures).
2. Motricité de transport
Une fois que la déglutition volontaire du bolus assurée par
les muscles striés de l’oropharynx aura poussé le bolus
alimentaire dans la cavité œsophagienne, les muscles lisses
Palais mou
Épiglotte
Sphincter
œsophagien
supérieur
Langue
C
NC IX
(sensitif)
N. vague
(NC X)
(sensitif et parasympathique)
Muscles
striés
Œsophage
Ganglion sympathique
cervical
NC XII
(moteur)
Trachée
FIGURE 1.6 a) Le bolus alimentaire est poussé par la langue vers le pharynx. b) Le palais mou s’élève pour bloquer le nasopharynx (et éviter
les régurgitations d’aliments par le nez). c) L’épiglotte bascule pour boucher le larynx et la trachée (évitant l’aspiration intra-bronchique
d’aliments qui entraînerait une toux réflexe d’expulsion, sinon une pneumonie d’aspiration) ; le sphincter œsophagien supérieur,
normalement sous tension, se relâche pour laisser passer le bolus alimentaire vers la cavité œsophagienne où la motricité de transport
prendra le relais. Tout l’acte de déglutition est contrôlé par les nerfs crâniens IX, X, XII et le ganglion sympathique cervical.
Extrait de la publication
L’œsophage • 17
de l’œsophage assureront la progression du bolus le long
de l’organe. Comme expliqué extensivement dans le chapitre sur le grêle, ce péristaltisme est principalement involontaire et fait appel au système nerveux entérique du
plexus d’Auerbach. Les étapes suivantes sont présentes :
• le bolus alimentaire intraluminal est perçu avec activation des fibres afférentes sensitives [habituellement à
CGRP (calcitonin gene related peptide)] ;
• l’information est transmise aux fibres efférentes qui
vont assurer, via l’acétylcholine et des neurokinines, la
contraction des muscles circulaires de l’œsophage en
amont du bolus ;
• en même temps, les fibres efférentes entraîneront la
relaxation, via VIP (ou vasointestinal polypeptide) et
NO (Nitric Oxyde), des muscles circulaires localisés en
aval du bolus pour permettre une propulsion harmonieuse vers l’avant.
La motricité de l’œsophage peut être facilement analysée en clinique ou en recherche par la manométrie à l’aide
de capteurs de pression (installés sur un mince tube ou un
fil introduit, habituellement par voie nasale, dans l’œsophage vers l’estomac) qui enregistrent les contractions
œsophagiennes à différents points le long de l’organe. On
distingue différentes ondes contractiles (Fig. 1.7).
L’onde primaire est une contraction péristaltique normalement initiée en réponse à l’ingestion du bolus alimentaire. Elle migre, à la vitesse de 3-4 cm/seconde, tout le long
de l’œsophage, du haut vers le bas, poussant le bolus devant
Pharynx
contracte
Pharynx
SOS
Sphincter
relaxe
Corps de
l’œsophage
Onde primaire
migrante le long
de l’œsophage
Sphincter
relaxe
SOI
Estomac
10 sec
FIGURE 1.7 Motricité normale de l’œsophage enregistrée à
l’aide d’une sonde introduite par le nez dans l’œsophage jusque
dans l’estomac et qui enregistre, à divers niveaux, les variations de
la pression intraluminale secondaires aux contractions des parois
de l’organe lors d’une déglutition.
elle. L’onde primaire permet donc de s’alimenter en position couchée à la « romaine », voire à l’envers comme
l’opossum. La disparition de cette onde contractile, habituellement par atteinte des muscles lisses de l’œsophage
(ex. : sclérodermie), fait en sorte que la gravité deviendra
le seul facteur permettant la descente des aliments de la
bouche vers l’estomac (et forçant ainsi une position verticale lors de l’alimentation).
L’onde secondaire est une onde péristaltique identique
à l’onde primaire ci-haut décrite, mais qui n’est pas induite
par la déglutition. Elle peut débuter à tout étage de l’œsophage et migrer vers le bas. Elle peut être déclenchée expérimentalement par la perfusion ou la distension locale d’un
segment œsophagien. Elle s’appuie évidemment sur les
fonctions sensitives et motrices du réflexe péristaltique
normal décrit précédemment. En pratique, elle servira
habituellement lors des épisodes de reflux à débarrasser
l’œsophage du matériel gastrique reflué et qui pourrait
irriter ou enflammer l’œsophage.
Les contractions tertiaires sont des contractions non
péristaltiques et simultanées. Elles sont indépendantes de
la déglutition et n’ont pas de fonction motrice évidente.
Elles sont plutôt rencontrées lors d’états pathologiques
comme l’achalasie ou le spasme diffus.
3. Sphincters – supérieur et inférieur
Les sphincters sont des zones de haute pression qui, comme
une valve unidirectionnelle, protègent du reflux, mais
devront se relâcher pour permettre le passage du bolus vers
le bas.
Sphincter œsophagien supérieur ou muscle cricopharyngé.
Le sphincter supérieur (SOS) fait barrière entre les cavités
œsophagienne et oropharyngée servant ainsi à protéger la
trachée de reflux inopiné.
Lors de l’arrivée du bolus, la relaxation du sphincter est
essentielle pour laisser le bolus s’introduire dans la cavité
œsophagienne. Les nerfs crâniens IX, X et XII jouent un
rôle important dans cette coordination. Une hypertension
ou une absence de relaxation du sphincter œsophagien
supérieur entraînera une dysphagie haute de transfert et
possiblement la création d’un diverticule de Zenker par la
zone de faiblesse que constitue le triangle de Killian.
Sphincter œsophagien inférieur. Le sphincter inférieur
(SOI) est une zone de haute pression qui sépare l’estomac
de l’œsophage pour empêcher le reflux du matériel gastrique vers l’œsophage.
Une hypotension ou une insuffisance de ce sphincter
entraînera un reflux gastro-œsophagien et possiblement
une œsophagite secondaire.
18
• L ’ A P PA R E I L D I G E S T I F
A
B
C
FIGURE 1.8 Œsophagite peptique telle que vue à l’endoscopie : a) ulcération réépithélialisée à la jonction gastro-œsophagienne (la
muqueuse rougeâtre dans le fond appartient à l’estomac ; la muqueuse blanchâtre est l’œsophage) ; b) œsophage de Barrett avec muqueuse
gastrique remontant au-dessus de la jonction G-E dans l’œsophage ; c) jonction gastro-œsophagienne normale.
Ce sphincter doit cependant s’ouvrir de façon coordonnée lors de l’arrivée du bolus œsophagien pour permettre son passage vers l’estomac. Cette relaxation repose
surtout sur les fibres inhibitrices à NO et VIP du système
nerveux entérique. Une hyperpression ou une insuffisance
de relaxation compromettra le transit œsophagien et
entraînera une dysphagie basse de transport (comme rencontrée dans l’achalasie). Des relaxations sphinctériennes
transitoires dites inappropriées, puisque non déclenchées
par la déglutition, permettent le passage d’air (éructations)
ou de liquide gastrique (reflux gastro-œsophagien).
1. Œsophagite peptique
L’œsophagite peptique est secondaire au reflux de liquide
gastrique dans l’œsophage. C’est l’œsophagite la plus fréquemment rencontrée.
4. Sensibilité
Symptômes. L’œsophagite se présente cliniquement par
des sensations d’inconfort thoracique. Les régurgitations
d’aliments ou de liquide acido-bilieux, les brûlures rétrosternales, le pyrosis (sensation de brûlure le long de l’œsophage remontant du bas vers le haut) témoignent du
reflux ; l’odynophagie (douleur lors du passage du bolus
alimentaire) ainsi que la dysphagie (sensation de blocage
au passage des aliments) suggèrent une condition autre
qu’un RGO banal (telle une œsophagite).
La fonction sensitive est essentielle pour détecter la présence intraluminale du bolus alimentaire (ou du reflux
gastrique) et induire la contraction péristaltique qui
propulsera harmonieusement le contenu œsophagien vers
le bas.
Diagnostic. La visualisation de la muqueuse œsophagienne
par endoscopie s’avère le meilleur moyen de diagnostiquer
une œsophagite. L’aspect macroscopique vu à l’endoscopie
(Fig. 1.8) et microscopique des biopsies obtenues lors de
l’endoscopie permettra le diagnostic.
En situation normale, l’œsophage est peu sensible au
passage d’aliments ou autres sensations. Des sensations
douloureuses peuvent être perçues lors de situations
anormales, tels des contractions spastiques de forte
amplitude ou un blocage alimentaire. La perception sensorielle ou douloureuse peut aussi être facilitée par une
hypersensibilité viscérale telle que documentée dans certains troubles digestifs fonctionnels.
Physiopathologie. Le reflux acido-peptique est la cause
dominante de l’œsophagite peptique. Cependant, tous les
reflueurs ne sont pas victimes d’œsophagite. Un équilibre
entre les facteurs agresseurs et la défense de l’œsophage
explique probablement cette situation.
Agression de l’œsophage :
PATHOLOGIES INFLAMMATOIRES
• Quantité du reflux : La quantification du reflux gastroœsophagien à l’aide de l’enregistrement continu du pH
œsophagien révèle une certaine relation entre l’importance du reflux et la sévérité de l’œsophagite.
L’inflammation de l’œsophage peut prendre différentes
formes en réponse aux différentes causes impliquées.
• Qualité du reflux : La bile agit comme agent potentialisateur de l’acide pour induire une inflammation œso-
Extrait de la publication
L’œsophage • 19
phagienne lors de conditions expérimentales ; on peut
suspecter qu’elle puisse jouer un rôle en clinique. L’hypersécrétion gastrique d’acide pourrait être, dans certaines conditions tel le gastrinome qui entraîne une
hypersécrétion majeure d’acide gastrique, un facteur
favorisant le dommage muqueux de l’œsophage.
Défense de l’œsophage :
• La résistance muqueuse de l’œsophage à une agression,
par exemple en sécrétant du mucus, pourrait être une
hypothèse qui cependant n’a jamais été mise en évidence.
• Le péristaltisme œsophagien contribue à la défense de
l’œsophage en favorisant la circulation du matériel
gastrique reflué vers l’estomac (clairance de l’œsophage). La perte des contractions secondaires, normalement initiées lors d’un reflux, contribue probablement
aux œsophagites notées chez les patients sclérodermiques ayant une atteinte des muscles de l’œsophage.
• La salive, riche en bicarbonate et au pH neutre, voire
alcalin, est un facteur favorisant la neutralisation de
l’acide gastrique reflué dans l’œsophage. Cependant,
aucune situation clinique (par exemple lors d’hyposalivation par maladie de Sjôgren) ne confirme son
importance clinique.
Complications. Le saignement aigu d’une lésion d’œsopha-
gite est rare. Des lésions ulcérées ou l’utilisation d’anticoagulants pourraient être des facteurs favorisants. Le saignement chronique occulte en provenance d’une œsophagite,
surtout si elle est ulcérée, peut expliquer certains cas
d’anémie ferriprive.
La sténose est un rétrécissement inflammatoire ou cicatriciel de l’œsophage. Sa présence sera soupçonnée en
présence de dysphagie, habituellement plus aux aliments
solides qu’aux liquides, et sera confirmée par l’endoscopie
ou la radiologie. Le traitement de la sténose requiert la
suppression de l’œsophagite et du reflux habituellement
par des IPP. Dans certains cas, des dilatations mécaniques
à l’aide de bougies ou ballons seront nécessaires (voir chapitre Les symptômes œsophagiens).
L’œsophage de Barrett ou l’endobrachyœsophage : la
muqueuse œsophagienne, dans cette condition, est remplacée par une muqueuse glandulaire de type gastrique ou
intestinal.
Le diagnostic est suspecté lors de l’endoscopie qui révèle
une muqueuse rougeâtre, d’allure gastrique, au-dessus du
cardia, en territoire œsophagien. L’œsophage apparaît
alors court (d’où l’appellation endobrachyœsophage)
puisque la jonction des muqueuses œsophagiennes et gastriques se situe plus haut que la ligne Z endoscopique
habituellement retrouvée à 40 cm des dents incisives. Le
diagnostic différentiel sera à faire avec une hernie hiatale
qui élève le cardia (et donc la ligne Z) dans le thorax audessus de la localisation diaphragmatique habituelle. Les
biopsies endoscopiques confirment la présence histologique de tissu glandulaire, avec habituellement métaplasie
intestinale, dans un segment pourtant anatomiquement
œsophagien.
Cette condition est importante, car on la considère prénéoplasique, pouvant mener au développement de l’adénocarcinome. Le risque est estimé à 1/200 patients.
Le traitement de l’œsophage de Barrett est décevant
puisque la suppression du reflux par médicament ou
chirurgie ne semble pas faire régresser la ré-épitalisation
glandulaire de l’œsophage. Un suivi de cette condition
(avec endoscopie et biopsies q 3-5 ans) est souvent recommandé pour espérer détecter le développement de lésions
d’adénocarcinome et procéder ainsi à un traitement au
stade précoce de la maladie cancéreuse. Le bénéfice de cette
stratégie de suivi est toutefois controversé.
Traitement. Le traitement de l’œsophagite peptique
repose sur la diminution de l’exposition acide de l’œsophage. Ceci est habituellement obtenu de façon satisfaisante à l’aide d’un traitement par des inhibiteurs de la
pompe à protons (IPP) qui suppriment la sécrétion
d’acide gastrique (voir chapitre L’estomac) et guérissent
80-90 % des cas d’œsophagite peptique en 4-8 semaines.
En cas d’échec à la thérapie usuelle avec un IPP administré au petit déjeuner pour obtenir une bioefficacité
optimale, diverses stratégies pharmacologiques seront
possibles : a) doubler la dose d’IPP (en une seule dose le
matin ou préférablement en doses fragmentées au
déjeuner et au souper) ; b) l’adjonction d’un prokinétique
(ex. : dompéridone 10-20 mg avant les repas et au coucher) pour faciliter la vidange gastrique et possiblement
augmenter le tonus du sphincter œsophagien inférieur ;
c) l’addition d’un bloqueur H2 (ex. : ranitidine 150300 mg au coucher) pour optimiser la suppression d’acide
nocturne. L’échec médicamenteux est rarement une indication chirurgicale, car les résultats sont décevants, sauf
dans les cas où on vise le contrôle de régurgitations incapacitantes.
L’arrêt des IPP entraîne une récidive, clinique et/ou
endoscopique chez 2/3 des gens, sauf si une condition
prédisposante (ex. : obésité, médicaments diminuant le
tonus sphinctérien, etc.) peut être corrigée. La poursuite
indéfinie de la thérapie par IPP semble la solution optimale
pour l’instant. On considère les IPP comme des médicaments sécuritaires lors d’un usage prolongé — voire des
années. Toutefois, des inconvénients à long terme semblent
Extrait de la publication
Extrait de la publication
poi t r a s
L’appareil digestif
Des sciences fondamentales à la clinique
L
L’appareil digestif
Des sciences fondamentales
à la clinique
a somme des connaissances biomédicales est considérable et s’accroît
de jour en jour. Il est difficile d’imaginer maîtriser, quantitativement ou
quali­tativement, toutes les données de la génétique ou de la biologie cellulaire
et moléculaire. Certaines découvertes auront un impact immédiat sur la pratique
médicale, d’autres attendront quelque temps. Ce livre cherche à faire un lien entre
connaissances qui ont des répercussions sur les soins.
Pierre Poitras est professeur titulaire de médecine à l’Université de Montréal
et rattaché au service de gastroentérologie du CHUM – Hôpital Saint-Luc.
Ses 29 collaborateurs comptent parmi les meilleurs spécialistes québécois et
français de la gastroentérologie et de l’hépatologie.
Les collaborateurs :
André Archambault
Philippe Ducrotté
Denis Marleau
Denis Bernard
André Dumont
Pierre Paré
Marc Bilodeau
Daphna Fenyves
Gilles Pomier-Layrargues
Mickael Bouin
Claire Fournier
Geneviève Soucy
Hélène Castel
Jean-Paul Galmiche
Franck Vandenbroucke-Menu
Michel Dagenais
Pascal Hammel
Jean-Pierre Villeneuve
Louise D’Aoust
Pierre-Michel Huet
Catherine Vincent
Michel Dapoigny
Raymond G. Lahaie
Ramsès Wassef
Renée Déry
Christiane Malo
Bernard Willems
Serge Dubé
Xavier Marchand
L’appareil digestif
les sciences fondamentales et les pratiques cliniques en mettant en lumière les
Sous la direction du
Dr P ier r e Po it r a s
Photo : © minoandriani / iStock.com
Disponible en version numérique
PUM
www.pum.umontreal.ca
Les Presses de l’Université de Montréal
Extrait de la publication
L’appareil digestif-final.indd 1
13-12-11 10:36
Téléchargement