Anesthésie réanimation et pathologies neuromusculaires Dr G. Roux Octobre 2012 Introduction Pathologies rares Complications potentiellement graves Plusieurs types d’atteintes: Récepteur nicotinique de la plaque motrice Myasthénie Anomalie de libération du neurotransmetteur Syndrome de Lambert-Eaton Lésion musculaire isolée Myopathie Mixtes Polyneuropathies Myasthénie: Rappels Maladie auto-immune Incidence: 1/50000 Diminution du nombre des récepteurs nicotiniques post-synaptiques Autoanticorps Ig G dirigés contre sousunité α Anomalies thymiques dans 70% des cas Myasthénie: clinique Fatigabilité à l’effort Atteinte oculaire fréquente: diplopie, ptosis Association à autres pathologies autoimmunes Gravité: classification d’Osserman Classification d’ Osserman Stade I: Atteinte localisée (oculaire) Stade IIa: Faiblesse généralisée sans atteinte bulbaire Stade IIb: Faiblesse généralisée avec atteinte bulbaire Stade III: Début aigu et/ou troubles respiratoires Stade IV: Atteinte évoluée grave Traitements utilisés Anticholinestérasiques: pyridostigmine Immunosuppresseurs, corticothérapie Plasmaphérèse Thymectomie Complications de la myasthénie Crise myasthénique / crise cholinergique Troubles de la déglutition Pneumopathie d’inhalation Détresse respiratoire Médicaments contre-indiqués Aminosides Colymicine, cyclines Quinine Béta bloquants Benzodiazépines Magnésium IV Myasthénie et anesthésie Évaluation pré-opératoire Classification d’Osserman EFR + + Risque de ventilation post-opératoire difficile à prédire: durée de la maladie > 6 ans, pyridostigmine> 750 mg/J, CV < 2,9 l, association à autre maladie respiratoire Information du patient: USI…. Myasthénie et anesthésie ALR dès que possible (pas d’ester) Prémédication Poursuite du traitement habituel Anxiolyse: Hydroxyzine uniquement Majoration de la corticothérapie Anesthésie générale Si possible, éviter curares, halogénés CI association curares + halogénés Propofol +++, rémifentanyl Curarisation et myasthénie 20 patients, évaluation T4/T1 pré- curarisation Si T4/T1 de base < 90%, diminution DA95 Monitorage en continu Reprise de la pyridostigmine PO < 24h Ruth- Mann and al. Anesthesiology 2000: 93: 346-50 Curarisation et myasthénie Privilégier l’atracurium Diminuer la dose initiale (1/10°) Titration selon le monitorage de la curarisation nécessaire: intérêt du T4/T1 pré-curarisation Décurarisation souhaitable Succinylcholine: DA95, bloc de phase 2 Sugammadex et myasthénie Homme de 72 ans Prostatectomie radicale Pyrostigmine 10 mg/j TIVA et monitorage de la curarisation Rocuronium 0,3 mg/kg puis titration Sugammadex 2 mg/kg après T2 Récupération en 210 secondes Unterbutchner and al. Anaesthesia 2010: 65, 302-305 Sévoflurane et myasthénie 68 patients pour thymectomie trans-sternale Dépression modérée (T1 et T4/T1) comparée à l’état de base (10 à 15%) et au propofol (5 à 8%) Réversion et extubation rapide Pas de reventilation postextubation Della Rocca and al. Can J Anesth 2003: 50: 547-552 Sévoflurane et myasthénie 16 patients myasthéniques vs 12 non myasthéniques Dépression transmission neuromusculaire concentrationdépendante Majorée quand T4/T1 initial perturbé (<0,90) Nitahara and al. Br J Anaesth 2007; 98: 337-41 Conduite post-opératoire Surveillance en USI Risque de ventilation post-opératoire Pyridostigmine IV en titration Extubation classique (normothermie…) Reprise du traitement habituel dès que possible (SNG) Sd de Lambert-Eaton Bloc pré-synaptique avec diminution de l’excrétion d’Ach Anticorps anti-canaux calciques Syndromes paranéoplasiques: K pulmonaire à petites cellules En association avec des maladies autoimmunes: HLA B8-DRW3 Lambert-Eaton: clinique Fatigabilité proximale diminuant à l’effort Atteinte neurovégétative: sécheresse buccale, hyposudation, troubles orthostatiques Association autres syndromes paranéoplasiques Lambert-Eaton: traitement Aminopyridine, diaminopyrine, chlorhydrate Contre-indication aux inhibiteurs calciques Traitement étiologique Lambert-Eaton: anesthésie Poursuite du traitement habituel Réponse normale à la succinylcholine Augmentation de la sensibilité aux curares non dépolarisants Néostigmine inefficace Les myopathies Atteinte musculaire primitive d’origine génétique Dystrophie musculaire progressive Myopathie myotonique Myopathie congénitale Myopathie d’origine métabolique Mie de Duchenne de Boulogne La plus fréquente: 3/10000 naissances Transmission récessive liée à l’X Mutation du gène de la dystrophine Chez le garçon, fatigue musculaire dès l’âge de 2 ans, CPK anormalement élevée Clinique Atteinte respiratoire Fatigue musculaire Déformations thoraciques Diminution de la capacité pulmonaire Atteinte cardiaque Insuffisance cardiaque Troubles du rythme / conduction Évaluation pré-opératoire Clinique Fonction respiratoire Sévérité de la maladie: déformations, rétractions Troubles de la déglutition RP, GDS, EFR Fonction cardiaque ECG, échographie, holter Conduite anesthésique Éviction halogénés, succinylcholine, kétamine Titration + + + hypnotiques et curares Risques Complications cardiaques: PA invasive Insuffisance respiratoire Rhabdomyolyse, hyperkaliémie Surveillance post-opératoire en USI Kinésithérapie respiratoire Rocuronium et Mie de Duchenne 12 patients DMD / 12 patients contrôles Esmeron® 0,6 mg/kg Allongement du délai d’action Allongement de la durée d’action Wick and al. Anesthesiology 2005; 102: 915-9 Mivacurium et Mie de Duchenne 12 patients DMD / 12 patients contrôles Mivacron® 0,2 mg/kg Délai d’action identique Allongement de la durée d’action (+ 50%) Schmidt and al. Br J Anaesth 2005; 95:769-72 Maladie de Steinert Dystrophie myotonique de l’adulte Mode de transmission autosomique dominant Incidence: 1/8000 naissances Atteintes multisystémiques progressives débutant entre 20 et 40 ans Trouble de la myorelaxation: crise myotonique Clinique Insuffisance respiratoire Atteintes cardiaques Pneumopathies récidivantes Insuffisance cardiaque Troubles du rythme / conduction Diabète, dysthyroïdie, hypogonadisme Retard mental Crise myotonique Favorisée par: Stimulus chirurgical Clofibrate, propanolol, néostigmine, K+ Hypothermie, frissons, NVPO Mal contrôlée par les curares non dépolarisants Risque d’insuffisance respiratoire secondaire, troubles de la conduction cardiaque, inconfort chirurgical .. Évaluation préopératoire RP, GDS, EFR ECG, échographie cardiaque, holter Équilibre endocrinien Conduite de l’anesthésie ALR souhaitable Anesthésie totale IV (BIS) Succinylcholine et halogénés CI Curares non dépolarisants possibles si monitorage Prostigmine « non » conseillée Prévention hypothermie / NVPO Surveillance post-opératoire en USI Myopathie à central core Myopathie de sévérité variable Mutation du récepteur à la ryanodine Risque élevé d’hyperthermie maligne Monitorage de la T° et du CO2 expiré Dosage des CPK Pathologies neuromusculaires acquises en réanimation Définition Pathologies du système nerveux périphérique apparaissant en dehors de tout antécédent neurologique au cours d’un séjour en réanimation Pathologies fréquentes: augmentation de la durée de séjour, durée de VM, morbidité / mortalité Classification Atteinte du neurone périphérique Polyneuropathies de réanimation Atteinte de la transmission neuromusculaire transmission : curarisation prolongée dérégulation du récepteur nicotinique à l’Ach (RnAch) Atteinte musculaire Myopathies de réanimation Physiopathologie Hypothèse inflammatoire Hypothèse circulatoire Défaillance circulatoire et hypoperfusion des vasa nervorum Hypothèse métabolique Hyperglycémie Hypoxie Hypoalbuminémie Clinique Aspécifique Difficulté de l’examen (coopération, sédation…) Signes neurologiques Impotence fonctionnelle, proximale, 4 membres, pas d’atteinte des paires craniennes Diminution des ROT Amyotrophie ± troubles sensitifs Signes respiratoires Difficulté du sevrage Diagnostic de certitude Électrophysiologie Vitesses de conduction nerveuse EMG dégénérescence axonale pure, diminution des PA moteur et sensitif, pas de bloc de conduction ni diminution des vitesses Dosage des CPK Histologie Biopsie musculaire / neuromusculaire Facteurs de risque supposés Durée de la ventilation mécanique Atteintes multi-systémiques Femmes Dénutrition Aminosides, corticoïdes, curares Dérégulation haute du RnAch Dénervation par lésion du motoneurone Centrale: intra-cérébrale, médullaire Périphérique: neuropathie, section nerveuse Lésions musculaires étendues Immobilisation prolongée Curarisation prolongée avec curares non dépolarisants Traitement anti-comitial Martyn and al. Anesthesiology 1992: 76; 822-43 Dérégulation haute du RnAch Apparition de récepteurs nicotiniques immatures sur l’ensemble de la surface musculaire Perméabilité potassique excessive Durée d’ouverture du canal ionique longue Dérégulation haute du RnAch JA Martyn and al. Anesthesiology 2006; 104: 158-69 Conséquences Hyperkaliémie grave et brutale à la succinylcholine (dérégulation haute, rhabdomyolyse), donc CI Antécédent d’hyperthermie maligne Myopathie, myotonie Brûlures étendues, tétanos, immobilisation Paraplégie, tétraplégie, dénervation > 24-48h Allergie, déficit en pseudocholinestérases, EMA Résistance à l’action des curares non dépolarisants Conclusion Pathologies rares à fréquentes selon entités anatomo-cliniques Complications graves et potentiellement mortelles: évaluation fonction cardiaque et respiratoire préopératoire nécessaire Connaissance des contre-indications