Journées d`Information Santé et Sécurité

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Santé et secours à la personne
Journées d’Information
Santé et Sécurité
des Sapeurs-Pompiers (JISSSP) à Aix-en-Provence
Approche biomécanique du rachis cervical
La biomécanique du rachis cervical est combinée à celle du complexe
thoraco-scapulo-brachial avec des interactions étroites entre les
mouvements du bras, de l’épaule, de la tête et du tronc. Le rachis cervical
est le lieu de pathologies de nature aigüe et chronique dont il est difficile
d’évaluer précisément la fréquence.
En ce qui concerne la pathologie professionnelle, la douleur musculaire
(cervicalgie) est le symptôme le plus fréquent. En milieu professionnel,
les principaux facteurs de risque de cervicalgies chroniques sont
d’ordre biomécanique et psychosocial. De nombreuses cervicalgies
correspondent à des douleurs des muscles trapèzes, encore appelées
myalgies du trapèze. Elles sont liées au travail statique maintenu dans le
temps et ont fait l’objet d’études physiologiques et biologiques pour en
comprendre les mécanismes de déclenchement.
L’ensemble des connaissances permet d’avancer dans le champ de la
prévention, de façon à réduire l’exposition aux facteurs de risque et à
permettre des temps de récupération fonctionnelle suffisants.
1. Anatomie fonctionnelle
Le rachis est constitué de 33 vertèbres, 23 disques intervertébraux, 72
articulations intervertébrales et 3 colonnes osseuses. L’ensemble est
renforcé par un haubanage capsulo-ligamentaire complexe, longitudinal
continu et discontinu et par un haubanage musculaire et aponévrotique
composé de muscles superficiels longs et larges et de muscles profonds
courts. Le rachis est adapté à la station debout, le corps étant en
mouvement ou immobile et il est soumis à des contraintes multiples tout
au long de l’existence.
Composante du rachis, la région cervicale a de multiples fonctions : elle
est dévolue au port de tête et à sa stabilisation, elle pilote les organes des
sens (vue, ouïe, odorat) et intervient dans l’expression. Elle est également le
lieu de passage d’organes essentiels : moelle épinière, racines nerveuses,
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trachée, œsophage, vascularisation céphalique… C’est un segment à la
fois souple, très mobile, très sollicité, très exposé et donc vulnérable.
La biomécanique du rachis cervical est combinée à celle du complexe
thoraco-scapulo-brachial avec des interactions étroites entre les
mouvements du bras, de l’épaule, de la tête et du tronc.
On compte quatre plans musculaires de la surface vers la profondeur :
Les muscles trapèzes qui permettent l’extension et la rotation cervicale et
contribuent aussi à l’abduction et à la rétropulsion de l’épaule, les splenius
qui participent à l’extension et à la rotation du cou, les semi-spinalis qui
sont de puissants extenseurs et les muscles du plan profond qui participent
au positionnement de la tête et du regard ainsi qu’à la mobilité de
l’omoplate (ou scapula).
2. Principaux facteurs de risque
Le rachis cervical est source de pathologies de nature aigüe et chronique
dont il est difficile d’évaluer précisément la fréquence. En ce qui concerne
les pathologies professionnelles, la douleur musculaire (ou cervicalgie) est
le symptôme le plus fréquent.
En milieu professionnel, les principaux facteurs de risque de cervicalgies
chroniques sont d’ordre biomécanique et psychosocial. Le travail
statique prolongé, la flexion du cou supérieure à 20° pendant plus de 70%
du temps de travail, le travail en force avec la main (qui nécessite une
forte stabilisation de l’épaule) et le travail bras au dessus du niveau des
épaules ont été identifiés à la suite d’études épidémiologiques comme les
principaux facteurs biomécaniques.
Parmi les facteurs psychosociaux, la combinaison d’une forte exigence
psychologique et d’un faible contrôle sur le travail (selon le modèle de
Karasek) ont un effet, via le stress chronique, sur le risque de troubles
musculosquelettiques de la région cervico-scapulaire plus marqué que
pour d’autres localisations de TMS. Enfin, la perception négative de
l’environnement physique de travail est également associée au risque
de cervicalgies chroniques. Sur le plan individuel, des antécédents de
douleurs cervicales, du bas du dos ou des membres supérieurs ainsi que
les antécédents de céphalées sont associés à un risque plus élevé de
cervicalgies chroniques.
En situation de travail, des conditions statiques et dynamiques coexistent,
particulièrement pour la région du cou. Par exemple, la stabilité
du regard requise pour effectuer un travail de précision suppose le
contrôle postural fin de la tête tandis que les membres supérieurs sont
en mouvement pour réaliser la tâche. Or, toute activité professionnelle
nécessitant des mouvements répétés du membre supérieur entraîne
une charge musculosquelettique comportant une composante statique
importante au niveau du cou et de l’épaule. Ce type d’activité s’avère
donc particulièrement sollicitant pour les muscles de la région cervicoscapulaire.
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3. Mécanismes physiopathologiques
De nombreuses douleurs de la région cervicale sont attribuées à des
douleurs des muscles trapèzes, encore appelées myalgies du trapèze.
Elles sont liées au travail statique maintenu dans le temps et ont fait
l’objet d’études physiologiques et biologiques pour en comprendre les
mécanismes de déclenchement. Parmi les avancées en matière de
recherche, l’hypothèse des fibres de Cendrillon a été développée par
Hägg (1991). Elle part du constat selon lequel pour générer une activité
motrice, les unités motrices sont recrutées selon un ordre établi, celles
ayant un faible seuil d’excitation (fibres de type I) étant recrutées en
premier et le restant jusqu’au relâchement total du muscle.
Par ailleurs, les biopsies musculaires des patients atteints de myalgies
du trapèze montrent un pourcentage élevé de fibres de type I et
l’endommagement sélectif de certaines fibres qui ont l’apparence de fibres
rouges loqueteuses (red ragged fibers) ou de fibres « mitées » (moth eaten
fibers), donnant au tissu musculaire l’aspect d’un lainage mité composé
de trous (moth eaten fibers) entouré de tissu sain (cellules musculaires
parfaitement saines). Ces dommages cellulaires s’expliqueraient par le fait
que, dans le travail statique prolongé, certaines unités motrices travaillent
pour l’ensemble des unités motrices composant le tissu musculaire, restent
activées tout au long du travail depuis son origine jusqu’au relâchement
musculaire complet, à l’instar de Cendrillon, levée la première et couchée
la dernière, qui travaille et s’épuise pour toute la maisonnée.
Par un phénomène se développant sur des mois, voire des années, les
cellules musculaires se nécrosent du fait d’une altération du métabolisme
oxydatif et de dommages de la membrane cellulaire consécutifs à une
trop longue activation et à un temps de récupération fonctionnelle
trop faible. D’autres travaux de recherche sont venus compléter les
connaissances sur les mécanismes physiopathologiques des myalgies du
trapèze. Ainsi, des études électromyographiques montrent notamment
que l’absence de récupération musculaire a un effet particulièrement
délétère sur la santé.
Des études sur la vascularisation ont montré l’existence de compressions
vasculaires locales liées au maintien de certaines postures et sur le
plan microscopique, des défauts de perfusion localisés, du fait d’une
répartition hétérogène et compartimentée de la pression intra-musculaire
dans le travail statique. De même, des troubles de la vasoconstriction
et de la vasodilatation ont été constatés chez les sujets myalgiques.
Enfin, des mécanismes neurophysiologiques interviennent aussi dans
le développement des myalgies du trapèze. Ils sont engendrés par des
phénomènes de sensibilisation périphérique et centrale favorisant la
survenue de douleurs musculaires. Au plan biochimique, de nombreuses
perturbations du métabolisme cellulaire sont constatées.
Elles concernent par exemple l’accroissement de l’absorption
mitochondriale d’ions calcium, délétère pour le fonctionnement aérobie
et la stimulation d’enzymes (protéases et lipases) qui dégradent la
membrane cellulaire.
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4. Conclusion
En conclusion, l’approche biomécanique et physiopathologique du
rachis cervical est sous-tendue par une bonne connaissance de son
anatomie fonctionnelle. Elle nécessite la prise en compte des nombreuses
fonctions de cette région essentielle qui doit s’adapter en permanence à
des contraintes statiques et dynamiques.
Les principaux facteurs de risque ont été identifiés. Les mécanismes
impliqués dans la survenue, l’entretien et l’aggravation des cervicalgies
en milieu professionnel sont nombreux et difficiles à explorer. Les études
réalisées sur les muscles superficiels (trapèzes) font appel à des disciplines
très diverses mais néanmoins complémentaires, à l’image de l’interactivité
et de la complémentarité des mécanismes en cause.
L’ensemble des connaissances permet d’avancer dans le champ de
la prévention, de façon à réduire l’exposition aux facteurs de risque et
à permettre des temps de récupération fonctionnelle suffisants pour
permettre la réparation complète des micro-lésions tissulaires susceptibles
de se développer au cours de l’activité professionnelle.
Agnès Aublet-Cuvelier
Département Homme au Travail,
Laboratoire de biomécanique et d’ergonomie (54)
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