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ii
Résumé
L’Empire ottoman, au XIXe siècle, s’affaiblit sans cesse et paraît destiné à s'effondrer. Il
est l’objet de convoitises et de rivalités entre les puissances européennes. Sous sa suzeraineté, la
Syrie et, avec elle, la région du Mont-Liban, est une zone clé sur le plan stratégique puisqu'elle
domine l’accès aux voies menant à l’Inde et à l’Asie méridionale et orientale. La France et
l'Angleterre tentent toutes deux de s'y imposer par communautés locales interposées : la première
à travers les Maronites, la seconde à l'aide des Druzes. Au printemps 1860, des troubles éclatent
entre les deux communautés, entraînant le massacre de milliers de chrétiens. Les puissances
européennes, poussées par le gouvernement de Napoléon III, s'entendent pour intervenir au
moyen d'une commission d'enquête et l'envoi de troupes. Cette expédition a pour mission
officielle d’aider l’Empire ottoman à rétablir l’ordre et à protéger les chrétiens.
Le présent mémoire démontre que la France impériale entretenait des visées politiques et
économiques à l'égard de la Syrie et du Liban. L'historiographie n'avait jusqu'à présent pas
analysé en profondeur les véritables mobiles français dans cette expédition. Les ambitions
politiques et économiques ont été beaucoup plus déterminantes dans la décision française de
mettre en branle l'expédition que le devoir « humanitaire » de protection des chrétiens ou la
satisfaction de son opinion publique. Loin de se laisser abattre par la catastrophe que représentent
les massacres qui menace la survie de sa clientèle et donc de son influence en Syrie, Paris, et
particulièrement son ministre des Affaires étrangères E. Thouvenel, a réussi à tourner la situation
à son avantage. Se servant habilement du désir d'ingérence des autres puissances et de son rôle de
protectrice des chrétiens, la France est parvenue à acculer au pied du mur l'Angleterre, qui
s'opposait à l'intervention, et à justifier celle-ci sur des principes éloignés de ses objectifs réels.
Les troubles ont finalement constitué pour elle une occasion d'augmenter l'autonomie de la
Montagne par rapport au pouvoir central et la puissance économique et politique de sa clientèle à
travers la révision du statut administratif de la région. Ce faisant, elle a renforcé son influence
dans l'Est méditerranéen et fait un pas de plus vers une domination française en Syrie.
Mots-clés: France, Liban, Napoléon III, Empire ottoman, Maronites