
Chirurgie Thoracique et Cardio-Vasculaire 2015 ; 19(4) : 197-202 199
chirurgie cardiaque
Tableau 1. Échelle de coma de Glasgow (Glasgow Coma Scale)
d’après Teasdale et al. [13].
Ouverture
des yeux Réponse verbale Réponse motrice
1 nulle nulle nulle
2 à la douleur incompréhensible extension stéréotypée
(rigidité de décérébration)
3 à la demande inappropriée flexion stéréotypée
(rigidité de décortication)
4 spontanée confuse orientée
5 normale adaptée
6 aux ordres
L’addition de l’évaluation de l’ouverture des yeux, à la meilleure réponse verbale
et à la meilleure réponse motrice, définit un score coté au minimum à 3 (coma
profond ou mort cérébrale) et au maximum à 15 (normal). Un score inférieur à 9
définit un coma.
initial [9]. Cependant la chirurgie précoce peut provoquer un
œdème cérébral de reperfusion, voire une conversion hémor-
ragique des lésions ischémiques initiales exposant le patient au
risque de non-récupération fonctionnelle, voire d’aggravation
du déficit neurologique inaugural [6,10]. La plupart des séries
récentes ne font état d’aucun cas de transformation hémorra-
gique peropératoire, malgré la réparation aortique précoce sous
circula tion extracorporelle avec héparine à 3 mg/kg [4,5,9,20].
L’indication opératoire en urgence reste controversée dans ce
contexte si bien que les patients présentant une DAAA avec
troubles neurologiques (AVC, coma) sont moins souvent opérés
que les autres patients. D’après le registre IRAD, seuls 11% des
patients ne présentant pas d’atteinte cérébrale ne sont pas opé-
rés, contre 33% et 24% respectivement en cas de coma et d’AVC
[1,12]. Chez les patients en coma, Pocar et al. retiennent comme
contre-indications chirurgicales l’instabilité hémodynamique
avec une pression artérielle systolique inférieure à 100 mmHg,
l’absence de réactivité pupillaire, un délai de plus de 12 heures
depuis le début des symptômes et des signes de gravités sur
l’imagerie cérébrale (hémorragie intraparenchymateuse, isché-
mie cérébrale massive bilatérale, œdème cérébral majeur avec
eet de masse) [6]. L’âge avancé du patient (>75 ans) ainsi que
ses comorbidités rentrent également en compte dans cette prise
de décision. La mortalité hospitalière en cas de traitement mé-
dical est de 100% chez les patients présentant des troubles de
vigilance et de 76% en cas d’AVC initial [1]. À l’inverse, la mortalité
opératoire de ces patients est respectivement de 44% et de 27%.
Elefteriades et al. retiennent qu’en cas d’aggravation progressive
des lésions neurologiques dans les 4 heures suivant le début des
douleurs thoraciques, la chirurgie peut être envisagée [14]. Le
principe d’une chirurgie diérée doit en revanche être privilé-
gié chez les patients présentant une DAAA avec AVC inaugural
constitué selon cette même équipe. Il n’existe aucun consensus
sur le délai à respecter. Par analogie, la chirurgie des sténoses
carotidiennes avec AVC inaugural doit être diérée et envisagée
seulement lorsque la récupération du déficit neurologique initial
atteint un plateau et que la barrière hémato-encéphalique est
cicatrisée [21]. L’œdème cérébral est maximal entre 1 et 3 jours
après un accident ischémique cérébral, tandis que la barrière
hémato-encéphalique est altérée pendant au moins les 10 pre-
miers jours [17]. Il est nécessaire durant cette période critique de
pallier toute fluctuation de la pression artérielle moyenne afin
de maintenir une pression de perfusion cérébrale ecace face à
l’augmentation de la pression intracrânienne. Il semble cepen-
dant que le délai entre le diagnostic de DAAA et la chirurgie soit
inversement corrélé avec la mortalité opératoire et avec le po-
tentiel de récupération des lésions neurologiques, conduisant
la plupart des équipes à proposer une chirurgie précoce chez
ces patients.
La stratégie de protection cérébrale durant la chirurgie réparatrice
de l’arche aortique chez les patients présentant une malperfu-
sion cérébrale initiale reste controversée [15]. Afin de prévenir des
manœuvres de décanulation et recanulation lors de la reprise de
la CEC une fois la réparation aortique distale réalisée, la cannula-
tion d’emblée de l’artère axillaire droite semble être la technique
avec le meilleur compromis. Son exposition dans le sillon del-
topectoral peut cependant être dicile chez le sujet obèse et la
nécessité d’interposer une prothèse vasculaire n’est pas conce-
vable en cas d’instabilité hémodynamique du patient requérant
la mise en place rapide de la CEC. Une autre limite à la canu-
lation de l’artère axillaire droite est la présence d’une dissection
du TABC, situation fréquente dans les DAAA se présentant avec
déficit neurologique central par malperfusion. Dans notre expé-
sans délai. En dehors d’une dissection des TSA, cet examen peut
être normal à la phase précoce. L’IRM cérébrale est plus sensible
que le scanner pour détecter une rupture de la barrière hémato-
encéphalique, mais sa faible disponibilité et la durée d’acquisition
limitent son indication en urgence chez des patients souvent ins-
tables sur le plan hémodynamique.
3.2. Prise en charge thérapeutique
Dans le cas rapporté, nous n’avons pas réalisé de chirurgie en
urgence qui aurait consisté en un remplacement de l’aorte as-
cendante et de l’hémi-arche avec réimplantation du TABC sous
arrêt circulatoire avec les dicultés de protection cérébrale ma-
jeure dans ce contexte. Face au risque d’aggravation neurolo-
gique chez cette patiente déficitaire, et devant l’absence d’insta-
bilité hémodynamique après optimisation de la volémie (pas de
tamponnade, pas d’insusance aortique majeure), nous avons
privilégié un traitement médical initial sous couvert d’une sur-
veillance médicale rapprochée en réanimation. Lorsque l’aorte
ascendante est disséquée, le taux de mortalité à 48 heures est
proche de 50% et atteint 90% à un mois en l’absence de traite-
ment chirurgical [14-16]. La mortalité hospitalière est de 100% et
76% en cas de prise en charge médicale d’une DAAA respective-
ment associée à un coma et à un déficit neurologique central [1].
Seuls 12,8% des patients traités médicalement qui présentaient
des lésions cérébrales initiales survivent, contre 66,7% chez les
patients opérés [1]. Le décès survient le plus souvent comme
dans notre cas par rupture aiguë de l’aorte ascendante provo-
quant un tableau de tamponnade. Le risque de rupture sponta-
née en attente d’une chirurgie diérée est rapporté entre 15%
et 25 % selon les études, avec un délai de survenue allant de
5 à 81 jours [17-19]. Outre le pronostic vital à court et moyen
termes, une autre limite relative du traitement médical initial est
la nécessité du contrôle tensionnel avec repos strict au lit ce qui
retarde la réhabilitation et donc la récupération neurologique.
Enfin l’hypotension contrôlée réduit le débit sanguin à travers les
TSA disséqués et donc entretient la malperfusion cérébrale.
Le mécanisme le plus courant de l’AVC dans les DAAA étant l’oc-
clusion du TABC par le faux chenal, de nombreux auteurs consi-
dèrent que la réparation aortique précoce chez ces patients doit
permettre de corriger la malperfusion cérébrale et d’en limiter
les séquelles neurologiques au niveau de l’hémisphère droit.
Nakamura et al. recommandent ainsi d’opérer en urgence les
patients présentant un AVC ischémique droit ou bien limité à
moins d’un tiers de l’hémisphère gauche sur le scanner cérébral