Soins Libéraux Burn-out L’article 9 de la loi handicap « Une personne durablement empêchée, du fait de limitations fonctionnelles des membres supérieurs en lien avec un handicap physique, d’accomplir elle-même des gestes liés à des soins prescrits par un médecin, peut désigner, pour favoriser son autonomie, un aidant naturel ou de son choix pour les réaliser. La personne handicapée et les personnes désignées reçoivent préalablement, de la part d’un professionnel de santé, une éducation et un apprentissage adaptés leur permettant d’acquérir les connaissances et la capacité nécessaires à la pratique de chacun des gestes pour la personne handicapée concernée. Lorsqu’il s’agit de gestes liés à des soins infirmiers, cette éducation et cet apprentissage sont dispensés par un médecin ou un infirmier. Les conditions du présent article sont définies, le cas échéant par décret. » (Art. 9 de la loi relative à l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées porté à l’article L1111-6-1 du code de l’action sociale et des familles »). Le cahier de Doléance des infirmiers Nous exigeons : • De savoir quelle place l’État entend donner aux acteurs de la santé de proximité que sont les infirmiers libéraux. • L’abrogation de l’article L1111-61 de la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. • L’abrogation de l’article 130 du code de la santé publique autorisant les techniciens de laboratoires à effectuer des prélèvements sanguins au domicile des patients. • Le retrait de la proposition de loi visant à créer un statut libéral d’aide-soignant. • La reconnaissance de la compétence infirmière. • La négociation d’une nouvelle convention. • L’équité de traitement en matière d’avantage sociaux pour l’ensemble des professionnelles infirmières. 39 Les médecins libéraux aussi ! L’état psychique du médecin n’aurait-il plus rien à envier à celui, fort perturbé, de la population générale ? on connaît le burn-out des infirmiers. Le mal est-il contagieux ? Quelques chiffres relatifs à la vie – et la mort – des médecins libéraux* français apportent des éléments de compréhension. L es médecins français ont dû faire face en 2004 à 439 agressions déclarées (1). En 2002, selon le rapport de la CARMF, 1 435 médecins ont été arrêtés plus de 3 mois, soit 30 % de plus qu’en 1999. 39,5 % des médecins en invalidité le sont pour une affection psychiatrique, de loin la première cause de cet arrêt d’activité (2). Le taux de suicides chez les médecins libéraux en 2003 était de 14 % (à titre de comparaison, en 1999 pour la tranche d’âge 35-65 ans, on trouvait un taux de 5,6 % dans la population générale) (3). L’expression d’un “mal-vivre” Les causes invoquées pour justifier pareille dégradation, lorsque les médecins se livrent au jeu de la vérité sur leurs conditions d’exercice, d’une part se révèlent très diversifiées, d’autre part reflètent de manière implacable une altération des comportements individuels et collectifs. On a quelque difficulté à croire les chiffres donnés en 2002 par le Conseil de l’Ordre des médecins : 43 % des confrères disaient avoir eu une altercation physique avec un patient, tandis que l’altercation verbale avait déjà eu lieu pour 87 % d’entre eux. Et si plus de 50 % considéraient que leur mode d’exercice s’était dégradé depuis 5 ans, ils ont pu en cerner au plus près les raisons profondes. Force est de reconnaître que le malade luimême ne paraît pas – totalement – innocent : plus d’un tiers pensent que le patient devient de plus en plus exigeant. Mais ils sont encore plus nombreux, les deux-tiers, à craindre un procès à la suite d’une erreur médicale… Et ce n’est certainement pas la loi du 4 mars 2004 et le devoir accru d’information qui a pu les rassurer. « Le monde de la santé en souffrance » explique Alain Cordier, accumule les motifs du mal-vivre et des difficultés existentielles : “affaiblissement du principe d’autorité du médecin”, “manque de temps chronique du fait de l’accélération des découvertes et des connaissances”, “multiplication des tâches administratives hors du domaine habituel d’activité”, “insuffisance des nouvelles générations de médecins (retraites, effets délétères du numerus clausus trop bas, désorganisa tion des gardes et des remplacements, installation tardive**)”, “répercussion des difficultés professionnelles sur le domaine privé”***… Chacun d’entre ceux qui ne retrouvent plus leur place de soignant équilibré dans le monde de la santé s’exprimera selon ses termes pour dire comment il parvient à ce que l’on a appelé le “burn-out”. Dégradation de la prise en charge des patients « Le burn-out syndrom est l’idée que le soignant est usé jusqu’à la trame, véritablement consumé par son travail. Ce syndrome est une sorte de dépression nerveuse qui trouve sa source dans le stress du travail mais s’alimente dans la réactivation des problèmes personnels » écrivait en 1970 Herbert Freunberger. Ce psychiatre anglais a été le premier à utiliser le terme >> Focus ... « Actuellement de nombreuses personnes ne trouvent pas de personnel disponible pour leur prodiguer des soins d’hygiène et de confort. Il existe également une demande très importante de postes de gardes de nuit à domicile, fonctions qu’un aidesoignant est habilité à accomplir», indiquait le député Léonce Deprez. Les infirmières libérales ont investi le 23 mai dernier les bâtiments de la mairie du Touquet en appelant le député-maire à retirer au plus vite sa proposition. Professions Santé Infirmier Infirmière N° 64 • juin-juillet 2005 40 Soins Libéraux >> de burn-out bien que le concept d’une psychopathologie liée à la situation professionnelle ait déjà été évoqué par Hans Selye – le “père” du stress, dès 1936. Depuis, la terminologie s’est affinée et Maslach et Jackson, en 1986, lui ont donné la définition encore d’actualité : “Syndrome d’épuisement émotionnel, de dépersonnalisation et de réduction de l’accomplissement personnel qui apparaît chez les individus impliqués professionnellement auprès d’autrui”. Et lorsqu’on interroge le corps médical, il s’y retrouve hélas parfaitement. L’enquête ... Infos Ordre infirmier Après les médecins, les masseurskinésithérapeutes et les pédicures podologues ont enfin obtenu la création d’un Ordre professionnel à la suite de bien des péripéties. Cette fois, les infirmières semblent décidées à créer leur Ordre professionnel. Une enquête réalisée par l’Union Régionale des Médecins Libéraux de Bourgogne (qui a été confirmée en Champagne-Ardennes) révèle l’importance qualitative mais aussi quantitative du phénomène : 47 % des médecins interrogés se disent effectivement atteints “d’épuisement émotionnel” et 33 % reconnaissent avoir tendance à ne plus voir leurs patients comme des personnes (dépersonnalisation) (4). Et par delà le problème psychopathologique propre du médecin, se profile la conséquence inéluctable pour le soigné, à savoir une détérioration progressive de la qualité des soins prodigués par le soignant. On peut alors aisément mesurer les répercussions éthiques et socio-économiques du burn-out. Autrement dit, on retrouve dans cette problématique le couple indissociable “médecinmalade” et si les propositions présentées visent en première intention l’amélioration de la situation du médecin, elles retentissent de facto sur la prise en charge des patients. Enfin à l’écoute du burn-out Sensibilisée au problème croissant du burn-out, l’Association d’aide professionnelle aux médecins libéraux (AAPML) se propose, en partenariat avec l’Assurance maladie, de mettre en place dans la région Ile-de-France, à titre pilote, un dispositif innovant d’aide aux médecins libéraux en diffi- Professions Santé Infirmier Infirmière N° 64 • juin-juillet 2005 culté psychologique dans l’exercice de leur profession. Projet ambitieux à la fois lorsqu’on a pris conscience de la fréquence du syndrome dans le corps médical mais aussi sachant les réticences naturelles du médecin à se confier physiquement et psychologiquement à un confrère. Dispositif de soutien Le principe de ce nouveau dispositif de soutien entend allier la simplicité à l’efficacité. Simplicité parce que le dispositif se fonde sur une écoute téléphonique anonyme, confidentielle, par un(e) psychologue clinicien (ne) formé(e) à ce type d’entretien. Efficacité car l’objectif premier, au-delà de l’aide apportée immédiatement au confrère en difficulté, reste une amélioration de la relation médecinpatient donc de la qualité des soins. Sur le plan pratique, cette ligne d’écoute fonctionnera 24 h sur 24 et 7 jours sur 7 (0 826 004 580). L’anonymat n’empêchera pas un suivi puisque l’appelant se verra attribuer un numéro spécifique en cas d’appel ultérieur. Comme l’objectif est une prise en charge psychologique au long cours (et encore moins analytique), il est prévu un maximum de 4 ou 5 appels pour le même demandeur ce qui n’empêchera pas, bien entendu, l’orientation vers un psychologue de voisinage, si elle s’avère souhaitable. Dans une première étape, le dispositif ne s’appliquera qu’à la région Ile-de-France ; il est opérationnel depuis le 1er juin 2005. Une dizaine de psychologues se relaieront pour assurer la permanence de l’écoute. Enfin, les initiateurs de ce projet souhaitent effectuer une évaluation du dispositif à moyen terme pour en mesurer l’efficacité et envisager, en fonction des résultats, l’extension de dispositif à la fois à la France entière et à toutes les professions de santé. En effet, les infirmières dont on connaît l’épuisement depuis longtemps pourraient bénéficier de ces soutiens car l’avenir du monde soignant se trouve dans l’interdisciplina- rité. Or pour la qualité des soins, aucun chaînon ne doit être défaillant. Et, si les hospitaliers bénéficient de structures d’écoute notamment dans les services les plus lourds, les libéraux sont de ce point de vue moins avantagés. On ne peut que leur souhaiter pleine réussite, tant pour les médecins et les soignants handicapés par l’isolement généré par le burn-out, que pour les patients. Gérard Mégret *Il va de soi que le médecin hospitalier n’échappe pas aux troubles psychiques rencontrés dans le milieu médical libéral. Mais d’une part, s’il existe des causes communes on trouve des spécificités liées à la pratique hospitalière. D’autre part l’initiative évoquée ici s’adresse dans un premier temps aux médecins libéraux. N.D.L.A **En 1980, les médecins s’installaient en moyenne à l’âge de 31 ans. Actuellement, ils le font à 37 ans. ***On rappelle que le temps de travail moyen hebdomadaire du médecin est de 57,5 heures par semaine (5). Références (1) Observatoire de l’insécurité. Conseil national de l’Ordre des médecins. Le Généraliste, 8 avril 2005. (2) Informations de la CARMF. N° 51 décembre 2004. (3) Docteur Yves Léopold. « Les médecins se suicideraient-ils plus que d’autres ». Conseil de l’ordre du Vaucluse, Informations ordinales Janvier/février 2003. (4) Le temps de travail des médecins : l’impact des évolutions sociodémographiques. DRESS Études et résultats N° 114 mai 2001. (5) Didier Truchot. Le burn-out des médecins libéraux de Bourgogne. Rapport de recherche URML Bourgogne. Dijon, URLM et Reims. Département de psychologie ; 2001.