DYSPHAGIES HAUTES
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La Lettre d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - n° 231 - mars 1998
doit s’attacher à rechercher des irrégularités, une rigidité, un
défect ou un aspect lobulé, localisé à la paroi œsophagienne.
La tomodensitométrie montre la lésion, détermine ses dimen-
sions, précise l’extension loco régionale et par là même son
éventuelle extirpabilité chirurgicale. L’endoscopie est indis-
pensable au diagnostic, elle visualise la tumeur et permet la
biopsie. Devant toute symptomatologie digestive haute, la
demande d’une endoscopie doit être un réflexe systématique.
Dans le même temps sera réalisée une écho-endoscopie ou
échographie trans-œsophagienne qui apporte des renseigne-
ments précieux quant à l’épaisseur de la tumeur, son infiltra-
tion, la présence d’adénopathies médiastinales ou une éven-
tuelle extension pleurale.
À ces examens seront systématiquement associés un examen
ORL, une fibroscopie trachéo-bronchique et une radiographie
thoracique à la recherche d’une localisation synchrone ou de
métastases. Si une indication chirurgicale est posée, un transit
du grêle et un cologramme seront pratiqués.
Attitude thérapeutique
Schématiquement, on peut distinguer trois situations princi-
pales.
Le patient est opérable. Il s’agit des cas où l’état général et le
bilan d’extension permettent d’envisager une chirurgie carci-
nologiquement satisfaisante, comprenant des risques opéra-
toires faibles. L’exérèse de l’œsophage sous-jacent à la tumeur
est systématique. Le caractère multifocal des lésions doit aussi
faire pratiquer, chaque fois que possible, l’exérèse maximale
de l’œsophage sus-jacent. La reconstruction du tube digestif
est systématique dans le même temps opératoire. Cette chirur-
gie présente cependant une lourde morbidité : désunions anas-
tomotiques, fistules, complications pleuro-pulmonaires, para-
lysie récurrentielle, sténose anastomotique, qui sont à l’origine
de dysphagies. Même en cas de succès, la reconstruction du
segment réséqué par une structure apéristaltique est en elle-
même source de troubles de la déglutition.
Le malade n’est pas opérable. La contre-indication est liée
au mauvais état général du patient ou à l’extension du cancer.
Les cancers limités seront traités par radiothérapie à dose
tumoricide : endo-curiethérapie sur la tumeur associée à une
radiothérapie locorégionale par voie externe si l’état général
du patient le permet.
Dans les cancers étendus, il est important de préserver le plus
longtemps possible l’alimentation orale. Les différentes moda-
lités thérapeutiques font alors appel à la radiothérapie dans les
formes douloureuses, associée ou non au laser pour lever rapi-
dement la dysphagie, ainsi qu’à la mise en place d’une endo-
prothèse.
Les indications de ces différentes méthodes sont liées aux pos-
sibilités locales, aux désirs et à l’état du malade.
En cas de récidive locorégionale ou métastatique, le traitement
n’est bien souvent que palliatif, destiné à améliorer le confort
du malade.
En pratique, le diagnostic de cancer de l’œsophage invasif ne
présente qu’un intérêt limité compte tenu de l’inefficacité des
moyens thérapeutiques actuels à ce stade. L’amélioration du
pronostic implique que le diagnostic soit posé à un stade pré-
coce. Seule la connaissance des facteurs de risque et la sur-
veillance des populations exposées permettra d’améliorer ce
pronostic.
LES DYSPHAGIES LIÉES AU TRAITEMENT DES TUMEURS
DES VADS
Les dysphagies postchirurgicales
(4, 5)
La chirurgie des tumeurs de l’oropharynx ou du pharyngo-
larynx est responsable de troubles de la déglutition par les
modifications anatomiques qu’elle induit au niveau des diffé-
rentes structures qui contribuent à : la préparation du bol ali-
mentaire (temps buccal), la propulsion pharyngée (base de
langue, constricteurs pharyngés, innervation motrice), la sensi-
bilité de la margelle laryngée (nerfs laryngés supérieurs), la
protection des voies aériennes (épiglotte, aryténoïdes, cordes
vocales), l’ouverture du sphincter supérieur de l’œsophage
(ascension laryngée grâce aux muscles sus- et sous-hyoïdiens)
et au passage des aliments (sinus piriformes). En postopéra-
toire, la présence d’une sonde naso-gastrique (par la perturba-
tion de la sensibilité et la modification du péristaltisme pha-
ryngé qu’elle entraîne) ou d’une trachéotomie (par la gêne à
l’ascension laryngée et l’appel d’air qu’elle engendre à chaque
déglutition), est aussi source de troubles de la déglutition.
La symptomatologie se résume principalement à la survenue
de fausses routes, d’épisodes de reflux nasal, d’impossibilité
de déglutir. L’abolition transitoire du réflexe tussigène étant
fréquent, les fausses routes peuvent être infracliniques. Les
pneumopathies d’inhalation sont alors révélatrices.
Le type d’intervention oriente la démarche diagnostique. S’il
s’agit d’une laryngectomie ou d’une pharyngo-laryngectomie
totale, les troubles sont présents si une résection linguale a été
nécessaire (baisse de la propulsion linguale) et si la recons-
truction du pharyngolarynx entraîne une sténose de l’hypopha-
rynx ou de la bouche œsophagienne.
Les troubles seront minimes dans les laryngectomies partielles
verticales avec le plus souvent une reprise alimentaire précoce
et rapide.
La chirurgie partielle laryngée horizontale supraglottique
conserve la propulsion pharyngée, la mobilité et la sensibilité
laryngées. Les troubles de la déglutition seront transitoires,
sauf en cas de résection étendue à la base de langue, au pha-
rynx, ou au carrefour des replis (sacrifice du nerf laryngé supé-
rieur entraînant des troubles sensitifs de la margelle).
Les laryngectomies et pharyngo-laryngectomies supracricoï-
diennes entraînent de fréquents troubles de la déglutition, avec
risque de fausses routes, par l’étendue de l’exérèse qu’elles
réalisent (cartilage thyroïde, épiglotte, aryténoïdes, cordes
vocales, sinus piriforme, etc.).
Après une chirurgie laryngée partielle, la reprise de l’alimen-
tation sera décidée en fonction du type de chirurgie partielle
réalisée, en fonction de la fermeture de la trachéotomie (tra-
chéotomie transitoire), et de la disparition en laryngoscopie
d’un œdème ou de zones granulomateuses ou cruentées. Cette
reprise est précoce si la résection a été limitée. Une rééduca-
tion de la déglutition sera précocement instituée. Elle permet-