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Algies faciales de déafférentation et céphalées d’origine
stomatologique, ORL et opthalmologique
D. Valade*
DOULEURS DE DÉAFFÉRENTATION : L’EXEMPLE
DU ZONA
Le zo n a , induit par la réactivation brutale du virus varicelle-zona
au niveau des ganglions rachidiens sensitifs où il était resté
quiescent depuis la pri m o - i n fection virale (varicelle), entraîne
une symptomatologie douloureuse qui peut évoluer en deux
phases. La première phase contemporaine de l’éruption dure de
quelques jours à quelques semaines et peut être suivie par une
deuxième phase de douleurs séquellaires qui peuvent pers i s t e r
pendant des mois, voire des années (1).
Phase aiguë
À partir du ganglion rachidien, le virus migre ve rs la peau par la
voie des nerfs péri p h é riques conférant ainsi au zona une topographie métamérique unilat é rale mais aussi par la moelle et les
méninges où il peut être re s p o n s able de méningo myélite postzostéri e n n e. Si les phénomènes de dépression immu n i t a i recellulaire (cancer, ch i m i o t h é rapie, traitement immunodépresseur,
sida) ont tendance à augmenter la survenue du zona, il en est de
même du vieillissement pour les immunocompétents.
ment du V, s ’ a c c o m p agnant de douleurs postzostériennes (DPZ)
ch roniques au niveau des métamères atteints et éventuellement
adjacents (2).
Outre les soins locaux pour éviter les surinfections, on prescrira
des antalgiques de niveau 1 ou 2 et des A I N S. Il ne fa u d ra pas
exclure les morphiniques en cas de douleur très forte.
Les DPZ sont d’autant plus fréquentes que le patient est plus âgé,
que la douleur initiale a été plus sévère et qu’il y a une lésion
neuro l ogique ; l’incidence des DPZ est indépendante de la sévérité du rash initial et leur traitement est diffi c i l e. Le traitement
préventif repose sur l’acicl ovir qui, dans les études contrôlées
contre placebo, permet de réduire de 50 à 60 % de la fréquence
de ces DPZ s’il est prescrit dans les 72 heures de l’éruption à la
dose de 4 g/jour et pendant 7 j o u rs. De même, le valaciclovir
( p romolécule de l’acicl ovir) pre s c rit chez les sujets immu n ocompétents de plus de 50 ans à la dose de 3 g/jour pendant 7 j o u rs
dans les trois jours qui suivent l’éru p t i o n , réduit encore un peu
la fréquence de DPZ persistant au-delà du sixième mois (3).
Phase de douleurs postzostériennes chroniques
La pro l i f é ration du virus dans les ganglions sensitifs et sa migration dans les fi b res sensitives sont re s p o n s ables de la douleur
souvent avant l’éruption cutanée. Cette douleur à type de brûlures,
lancements, déch a rges électriques est due à l’hy p e ra c t ivité des
n e u rones et fi b res infectés. Il existe en outre d’intenses réactions
inflammat o i res qui sensibilisent et activent les nocicepteurs cutanés entraînant une hy p e resthésie cutanée. À la phase aiguë, les
deux tiers des patients se plaignent de douleurs faibles à modérées
et un tiers des douleurs sont très fo rtes. Il faut savoir que près de
5 % des zonas sont indolores, notamment chez les sujets jeunes
et très jeunes. Dans les suites de l’éruption, s’il n’y a pas de lésion
n e rveuse persistante, la douleur zo s t é rienne régresse en quelques
semaines. Mais à la fin du premier mois, dans 20 % des cas environ, 47 % entre 50 et 70 ans, et 73 % au-delà de 70 ans, persiste
un déficit sensitif partiel ou complet avec douleur neurologique
permanente ou intermittente au niveau des métamères touchés :
soit ce déficit régressera en quelques mois avec régénérescence
neuronale, soit se produira une dégénérescence des fibres sensitives du nerf péri p h é ri q u e, vo i re de la racine postérieure, notam-
* Centre d’urgences des céphalées, hôpital Lariboisière, Paris.
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La typologie douloureuse a des cara c t é ristiques sémiologi q u e s
qui doivent toujours être notées afin d’env i s ager une strat é gi e
thérapeutique adaptée :
– brûlures superficielles continues dans un terri t o i re cutané, en
particulier distal ;
– décharges électriques spontanées souvent axiales ou segmentaires ;
– sensations douloureuses paresthésiques ou électriques à l’affleurement cutané (allodynie) ;
– élancements hyperalgiques brefs, spontanés dans un territoire
le plus souvent segmentaire ;
– douleur pro fonde continue à type d’étau ou d’engo u rdissement
douloureux en particulier au niveau hémicorporel ou segmentaire,
notamment de l’hémiface ;
– dysesthésies en particulier segmentaires et distales : sensation
d ’ a rra chement ou de dilacération seg m e n t a i re survenant souvent
par période ;
– sensation permanente ou périodique de piqûres multiples
d’aiguilles ou d’orties.
Le traitement des névra l gies postzo s t é riennes va reposer surt o u t
sur deux classes de médicaments :
– les antiépileptiques (4) (carbamazépine, clonazépam, gab ap e n t i n e, l a m o t ri gine), pour les douleurs fulgurantes à type de
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d é ch a rge électrique ou de lancement. Ils doivent être introduits
très progressivement pour éviter les effets indésirables.
– les antidépre s s e u rs tri cy cliques (5) (imipramine, cl o m i p ra m i n e,
amitryptiline), pour les douleurs plus permanentes à type de brûl u re. Ils seront aussi introduits avec précaution pour at t e i n d re
selon l’âge du sujet, 20 à 75 mg/jour ;
– parmi les autres traitements adjuvants, l’application de pommade
à la capsaïcine à 0,03 % (6) a montré lors d’études contrôlées
menées pendant 4 à 6 semaines une action à 3 mois sur l’allodynie et les brûlures permanentes. En cas d’éch e c, d’intolérance
ou de contre - i n d i c ations à ces différents traitements, il pourra
être proposé de la stimu l ation électrique transcutanée (7) ou de
la cryothérapie.
Ces douleurs durent fréquemment de nombreuses années et leur
caractère souvent intense et permanent finit par induire un syndrome dépressif et une altération sensible de la qualité de vie du
patient. Le traitement dev ra être le plus précoce possible et les
seules études validées portent sur les antiviraux à doses importantes
en préventif et sur l’association tri cycliques-antiépileptiques
pour les DPZ.
LES CÉPHALÉES SECONDAIRES D’ORIGINE
STOMATOLOGIQUE, ORL ET OPTHALMOLOGIQUE
Les algies stomatologiques
Nous ne décri rons que les algies symptomatiques des lésions
d e n t a i res non évidentes et celles consécutives à un tro u ble de
l’articulé dentaire.
• Les algies liées à des lésions dentaires non évidentes peuvent
être tro m p e u s e s , soit par le type de la douleur n’évoquant pas
une étiologie dentaire, soit par le cara c t è re fruste de la lésion
c a u s a l e. Il peut s’agir d’une pulpite ch ronique entraînant une
douleur inhabituelle parce qu’irradiée et prédominant au niveau
des régions sinusiennes, auriculaires ou orbitaires. Leurs causes
peuvent être une carie méconnue ou une réaction sous obturation.
Pa r fois, la dent re s p o n s able a été incomplètement dévitalisée.
Les gra nulomes apicaux donnent des manifestations variées, p a rfois d’allure névralgique, rarement intenses. La dent causale est
parfois légèrement douloureuse à la pression et il existe souvent
un point douloureux situé dans le maxillaire à hauteur de l’ex t r émité de la racine. Le diagnostic est fait par le panoramique dentaire. Les douleurs par “accident” de la dent de sagesse sont en
rapport soit avec une péricoronarite, soit avec des déplacements
d e n t a i res. La douleur est alors vive, irradiant surtout ve rs l’ore i l l e.
Les dents incluses peuvent entraîner des douleurs de type dive rs ,
soit localisées au siège de l’inclusion, soit diffuses à type de
névralgie sympat h i c og é n i q u e. Il peut s’y associer des tro u bl e s
réflexes oculaires ou un trismus.
• Les algies faciales consécutives à un tro u ble de l’art i c u l é
d e n t a i resont dues au retentissement sur l’articulation temporo mandibulaire. On peut avoir trois types de troubles.
– Les troubles articulaires
Ils sont subjectifs et objectifs avec une douleur sourde au niveau
de l’articulation, exacerbée par la mastication, un trismus évoluant
par petites crises parfois matinales avec craquements art i c u l a i re s
très importants. À l’examen : on re t ro u ve surtout un craquement
à la palpation de l’art i c u l ation dans la région prétragi e n n e, vo i re
dans le conduit auditif ex t e rn e, et ra rement un go n flement artic u l a i re. La mandibule est le siège de mouvements anorm a u x
avec une lat é ro-déviation, vo i re une ouve rt u re saccadée sur le
plan sagittal et frontal comme si l’ouverture de la bouche se faisait uniquement grâce à l’articulation saine.
– Les algies faciales
À maximum pré- ou rétrocondylien, vo i re fra n chement auri c ulaire, elles irradient ve rs la région temporale ou occipitale ou sur
les côtés du cou mais parfo i s , il peut exister une douleur pharyngée pouvant fa i re penser à une névra l gie du glosso-phary ngien. Les facteurs déclenchants sont très variables mais le froid
et la mastication sont les deux principaux. Ces douleurs évoluent
par crises d’intensité vari abl e, réunies par un fond de tension peu
douloureux. Il n’y a aucun trouble vasomoteur associé.
– Les symptômes auriculaires
Ils sont principalement constitués par une sensation d’oreilles
bouchées, de vertiges ou d’acouphènes légers.
Les algies ORL
Elles sont très nombre u s e s , néanmoins le diagnostic de céphalée
liée à un pro blème ORL est souvent posé à tort. Les deux grandes
causes sont :
– les sinusites ;
– les algies céphaliques autogènes.
• Le tableau clinique des sinusites est en fait très variable
– Dans les cas typiques : la sinusite frontale est cara c t é ri s t i q u e
avec une algie bien localisée au front en général lat é rale avec un
point douloureux à l’émergence du nerf sus-orbitaire. Elle peut
présenter des irradiations périorbitaires, temporales, voire occipitales. Le diagnostic en est facile car il existe une rhinite purulente. Le spécialiste découvrira le pus dans le méat moyen et le
scanner montre ra une opacité fra n che du sinus atteint. La sinusite maxillaire est en général indolore, elle peut cependant se
manifester par des algies latéronasales ou rapportées à la région
s u s - o r b i t a i re. Les mêmes signes d’examens clinique et ra d i ologique que dans la sinusite frontale seront retrouvés.
– Il est des cas difficiles où le malade se plaint de symptômes
rhinologiques, d ’ o b s t ruction nasale, d ’ i m p ression de déglutition
de mu c o s i t é , avec un mouch age mu c o p u rulent plus ou moins
abondant. Les céphalées qui conduisent à consulter sont plus ou
moins permanentes avec impression de lourdeur, de barre frontale, associée à une fatigabilité, une certaine asthénie, parfois le
patient présente des crises douloureuses souvent décl e n chées par
l’exposition à l’air frais du matin. Ces crises douloureuses sont
rétro-oculaires, temporo-malaires ou naso-sus-orbitaire s , et sont
en général dénuées de toute composante va s o m o t rice ou sécrétoire. Dans ces cas-là, le malade devra être interrogé et examiné
avec une extrême minu t i e, l ’ i n t e rrogat o i re précisant son passé
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nasal, la plupart des porteurs de sinusite sont des enrhumés à
répétition de chaque hiver chez lesquels on finit par extra i re le
s o u venir d’une crise de sinusite aiguë typique. On dev rait être
très sévère sur la qualité des cl i chés de scanner et au moindre
doute fa i re une ponction du sinus maxillaire ou une trépanoponction du sinus frontal.
– Les sinusites postérieures : sphénoïdales surtout, mais aussi
ethmoïdales, sont probablement les plus difficiles et sont celles
pour lesquelles le diagnostic est souvent occulté. La douleur peut
en être extrêmement violente et il peut s’y associer des signes
ophtalmologiques unilatéraux à type de ptosis avec un larmoiement et une irradiation de la douleur vers la mâchoire inférieure
et le cou, p o u vant simuler une dissection des vaisseaux cerv icaux. Le diagnostic sera fait par le scanner qui montre ra l’opacité du sinus sphénoïdal, voire dans les cas extrêmes un bombement dans le sinus ethmoïdal.
• Les algies céphaliques autogènes
– L’ap p a rition de céphalées chez un sujet porteur de suppurat i o n
ch ronique de l’oreille ou d’une cavité d’évidement rétro m a stroïdienne doit faire, a priori, suspecter une complication endocrânienne. La recherche d’une hémianopsie et de signes d’atteinte
l aby rinthiques doit être systémat i q u e. Si elle est négat ive, il fa ud ra s’assurer de “l’extinction” du processus de suppuration auriculaire car bien souvent, la céphalée à type d’hémicrânie ou de
douleur rétro-oculaire signe l’existence d’une irri t ation méningée
encéphalique à point de départ auri c u l a i re et l’intervention sur
l ’ o reille supprime tous les troubles. Cependant, dans certains cas,
l ’ a l gie crânio-faciale existe malgré un état auri c u l a i resat i s faisant.
Elle peut alors dépendre de deux mécanismes : une ara ch n o ï d i t e
de l’angle ponto-cérébelleux, éventualité ra re qui se traduit par des
céphalées postéri e u res occipito-cervicales et des signes d’atteinte
p a rc e l l a i re des voies laby rinthiques. Il faut alors envisager une
imagerie de la fosse postérieure.
– Le syndrome subjectif des céphalées postotitiques comport e
trois éléments : des algies à type d’hémicrânie à maximum profond temporal ou temporo - p a ri é t a l , des acouphènes, des vertiges
légers au changement de position sans trouble à l’examen labyri n t h i q u e. Enfin sur le plan psychologi q u e, le patient est plutôt
irritable et asthénique.
Les algies des ophtalmologistes
Les céphalées juxta-oculaires ou péri o r b i t a i res accompagnées de
signes ophtalmologiques à type de diminution de l’acuité visuelle,
larmoiement, ro u geur oculaire ou photophobie font évoquer une
infection oculaire qu’il appartiendra à l’ophtalmologiste de préciser.
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Les vices de réfra c t i o n : myo p i e, hy p e rm é t ro p i e, astigmatisme
imposent au sujet des effo rts inconscients d’accommodation qui
sont une cause très fréquente de céphalées. Ce sont typiquement
des céphalées vespérales, en barre, sous-orbitaires, avec parfois
une impression d’étau bitemporal. La douleur est alors plutôt
sourde et disparaît au repos, mais il existe des fo rmes trompeuses
soit par leur siège occipito-nuqual, soit par leur horaire spécifiquement matinal.
Parfois, il n’existe pas de trouble de réfraction, il peut alors s’agir
d’un tro u ble de vision binoculaire par insuffisance (ex o p h o ri e )
ou par excès (ésophorie) de conve rgence. Il peut s’agir aussi d’un
d é s é q u i l i b re entre l’accommodation et la conve rgence (asthénopie).
Toutes les affections oculaires retentissant sur la tension du globe
sont suscep t i bles de se tra d u i re par des céphalées, que se soit des
kératites, des iridocyclites, des ch o roïdites ou des névrites optiques.
Mais c’est le glaucome qui provoque le plus fréquemment des
céphalées souvent nocturnes ou après une obturation assez prolongée (cinéma). Les visions de halos colorés autour des lumières
sont assez typiques de la crise subaiguë de glaucome. Pa r fo i s , la
céphalée peut être très intense, accompagnée de vomissements,
de malaise général avec un tableau qui se complète par un œil
rouge, tendu, la cornée trouble, l’iris à demi dilaté et immobile.
Le glaucome aigu, qui peut entraîner une chute rapide de l’acuité
visuelle, est une urgence.
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É F É R E N C E S
B I B L I O G R A P H I Q U E S
1.
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12th Congress of the International Headache Society, IHC 2005
9-12 octobre 2005
International Conference Hall, Kyoto, Japon
Renseignements et inscription :
c/o Japan Convention Services, Inc. Daido Seimei Kasumigaseki Bldg.
1-4-2, Kasumigaseki, Chiyodaku, Tokyo 100-0013 Japan
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