MISE AU POINT
La Lettre du Neurologue - n° 3 - vol. IV - juin 2000
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suggérée. L’obésité, très fréquente chez les diabétiques de type 2
(non insulinodépendant), peut aussi s’associer à un dysfonc-
tionnement autonome cardiovasculaire et peut rendre compte,
dans une certaine mesure, des altérations des épreuves auto-
nomes cardiaques chez les diabétiques (6).
EXPRESSION CLINIQUE
DE LA DYSAUTONOMIE DIABÉTIQUE
L’expression clinique peut être patente, avec des symptômes
parfois invalidants. Elle est beaucoup plus souvent latente,
mise en évidence par des examens de complexité et de sensibi-
lité variables. Dans les formes patentes, le diagnostic est délicat
en raison du caractère non spécifique des symptômes et de
l’atteinte souvent dissociée des différents organes. Enfin,
la dysautonomie n’est pas spécifique du diabète, et d’autres
étiologies, comme l’éthylisme chronique et l’insuffisance rénale,
peuvent être en cause.
La neuropathie autonome cardiovasculaire
La NAC, au stade infraclinique, est une complication très
fréquente, retrouvée chez 20 à 70 % des diabétiques selon les
séries. Elle survient précocement, touchant près de 10 % des
patients atteints d’un diabète de type 1 récent et environ 6 % des
patients atteints d’un diabète de type 2 récemment diagnostiqué.
•Valeur pronostique
La NAC, au stade infraclinique, s’associe à une augmentation
de la mortalité, en particulier d’origine cardiovasculaire, révé-
lée par plusieurs séries prospectives (7). Ainsi, le taux de mor-
talité est multiplié par un facteur 5. Un allongement du seg-
ment QT et la survenue d’arythmies ventriculaires pourraient
être le mécanisme de certaines morts subites.
Les corrélations significatives entre NAC, rétinopathie et sévérité
de la néphropathie diabétique (2,7) sont bien cohérentes avec la
notion que la NAC pourrait être un marqueur précoce de
microangiopathie diabétique.
•Les manifestations patentes
L’hypotension orthostatique en est la plus classique, parfois
invalidante. Elle est définie par la baisse de la pression artérielle
systolique d’au moins 30 mmHg et/ou de la pression diastolique
d’au moins 20 mmHg après une minute d’orthostatisme. L’hy-
potension orthostatique, strictement d’origine autonomique, est
en relation avec une atteinte sympathique, ainsi qu’en témoigne
une baisse des taux plasmatiques de noradrénaline. Au contraire,
la variété hyperadrénergique de l’hypotension orthostatique est
associée à une hypovolémie ou à une anémie, et non à une
NAC. Enfin, l’hypotension orthostatique ne peut être rattachée
à la dysautonomie qu’après avoir écarté des facteurs iatro-
gènes, comme des diurétiques, des vasodilatateurs, des dérivés
nitrés, des antidépresseurs tricycliques ou des phénothiazines,
ou encore, dans quelques cas, le rôle propre de l’insuline (qui
intervient par une vasodilatation périphérique et par une
augmentation de la perméabilité capillaire responsable d’une
hypovolémie).
Quelques études autopsiques ont fortement suggéré que
l’infarctus du myocarde silencieux pouvait être relié, dans
quelques cas, à des lésions des fibres nerveuses autonomes
issues du myocarde. Toutefois, le lien entre NAC et caractère
silencieux de la cardiopathie ischémique avant infarctus n’est
pas établi de façon formelle.
La tachycardie permanente est une autre manifestation clas-
sique de la NAC, encore que son authenticité soit discutable
à la lumière des enregistrements Holter ECG sur 24 heures.
Des œdèmes des membres inférieurs peuvent également résulter
de la dysautonomie, du fait de la levée du tonus sympathique
vasoconstricteur périphérique.
Lorsqu’une de ces manifestations patentes est présente, il existe
en règle des signes cliniques de neuropathie périphérique.
•La NAC au stade infraclinique
a - Épreuves standardisées
Différentes méthodes ont été proposées pour mettre en évidence
la NAC au stade infraclinique. Les plus fréquemment utilisées,
en raison de leur faisabilité et de leur reproductibilité (8),sont
les épreuves proposées par Ewing et al. (9). Ces auteurs ont
développé une batterie de cinq épreuves standardisées, réali-
sables au lit du malade ou en ambulatoire, dans les conditions
d’un repos d’au moins trente minutes et à distance d’un effort
physique récent.
Trois de ces épreuves explorent les variations de la fréquence
cardiaque, essentiellement sous contrôle parasympathique.
À l’aide d’un cardiographe simple ou, mieux, en recourant à
des systèmes informatisés, il est possible de mesurer précisé-
ment les espaces RR et d’examiner les variations de
fréquence cardiaque au cours d’épreuves de respiration
profonde, d’orthostatisme actif et de Valsalva (10).
L’épreuve de respiration profonde doit être effectuée en
demandant au patient de s’adapter préalablement à ce type de
respiration. Le sujet doit réaliser en décubitus six cycles respi-
ratoires profonds en une minute. La fréquence cardiaque (FC)
maximale est atteinte en inspiration (I) et la FC minimale
en expiration (E). Le résultat est exprimé par le rapport I/E.
L’épreuve d’orthostatisme actif induit d’abord une accélération
de la FC dans les premières secondes suivant le passage à la
position debout, pour atteindre un maximum vers la 15eseconde,
qui laisse place secondairement à un ralentissement, maximal
vers la 30eseconde. Le résultat est exprimé par le rapport de la
FC maximale à la FC minimale.
L’épreuve de Valsalva,réalisée en position assise, consiste à
expirer dans un embout buccal relié à un manomètre à mercure
et à maintenir une pression de 40 mmHg pendant 15 secondes.
Au cours de la phase active se produit une accélération
cardiaque. Lorsque le Valsalva est relâché, la FC ralentit.
Le rapport de Valsalva est égal au rapport FC maximale/FC
minimale. Il est préférable de répéter le test trois fois et d’éta-
blir la moyenne des trois résultats. Il faut rappeler que cette
épreuve ne doit pas être réalisée chez les patients ayant une
rétinopathie diabétique sévère, car il existe un risque potentiel
d’induire une hémorragie rétinienne.