Les tumeurs desmoides

publicité
Les tumeurs desmoides
Auteur : Docteur Laurent Mignot1
Date de création : janvier 2002
Editeur scientifique : Professeur Gilles Vassal
1
Service d'oncologie et d'hematologie, Hopital Foch, 40 rue Worth, 92150 Suresnes, France.
[email protected]
Résumé
Mots-clés
Nom de la maladie et de ses synonymes
Nom des maladies exclues
Critères diagnostiques/définition
Incidence
Description clinique
Mode de prise en charge, incluant les traitements
Etiologie
Conseil génétique
Références
Résumé
Les tumeurs desmoides ou fibromatoses agressives, sont des proliférations fibreuses infiltrantes,
récidivantes mais non métastasiantes : elles sont proches des fibrosarcomes de bas grade. Si la plupart
des cas sont sporadiques, 2% sont d'origine génétique, par mutation du gène APC, et entrent dans le
cadre du syndrome de Gardner associé à la polypose adénomateuse familiale (PAF). Elles sont
localisées soit dans les aponévroses des muscles périphériques (45%), soit dans les muscles de la paroi
abdominale (45%) soit plus rarement dans les régions mésentériques ou rétropéritonéales (10%). Ce sont
des tumeurs rares puisqu'elles correspondent à moins de 0,03% de toutes les néoplasies, avec une
incidence de 2 à 4 nouveaux cas pour 100 000 habitants. La chirurgie reste le traitement de référence
mais des rechutes locales surviennent dans un tiers des cas dans les cinq ans qui suivent, selon la
localisation, l'âge et la possibilité d'une résection satisfaisante. La radiothérapie complémentaire réduit ce
risque. En cas de lésions inopérables ou récidivantes de nombreux traitements ont été testés, avec une
efficacité modeste mais certaine : l'hormonothérapie, la chimiothérapie, les anti-inflammatoires et
l'immunothérapie.
Mots-clés
Tumeurs desmoides, fibromatoses agressives, polypose adénomateuse familiale, gène APC,
fibrosarcomes
Nom de la maladie et de ses synonymes
- Tumeur desmoide
- Fibromatose agressive
Nom des maladies exclues
• Fibrosarcome,
• Fibrose réactionnelle,
• Fibrose superficielles,
• Fibrose idiopathique rétropéritonéale.
Critères diagnostiques/définition
Les tumeurs desmoïdes (desmos=bande),
dénommées aussi fibromatoses agressives, font
partie des fibromatoses profondes, elles mêmes
intégrées dans le groupe des tumeurs des tissus
mous. Elles sont décrites depuis 1960 comme
étant des proliférations fibreuses infiltrantes mais
non métastasiantes ayant tendance à récidiver.
Ces tumeurs sont constituées de la lente
prolifération de myofibroblastes différenciés au
sein d'une matrice collagène lâche. Plusieurs
caractéristiques permettent de les différencier
Mignot. L. Les tumeurs desmoides. Orphanet encyclopédie. Janvier 2002.
http://www.orpha.net/data/patho/FR/fr-desmoide.pdf
1
d'une part des fibromatoses bénignes et d'autre
part des sarcomes:
• les myofibroblastes sont localisés au niveau
des muscles, ils prolifèrent le long des
faisceaux musculaires et des aponévroses,
au sein d'une matrice collagène abondante;
ainsi, la tumeur desmoide a un potentiel
invasif local avec une croissance lente et
progressive. Contrairement aux sarcomes,
elle est moins cellulaire, elle ne présente pas
de pseudocapsule, pas de mitoses
anormales ni de réaction inflammatoire .
• ces tumeurs, comme les néoplasies
malignes, dérivent de la prolifération d'un
clone unique de fibroblastes différenciés
d'aspect normal. Ceci a été démontré par
l'étude de l'inactivation du chromosome X.
Selon Enzinger - référence mondiale en
terme de tumeurs des partie molles - il ne
s'agit
donc
pas
d'une
prolifération
réactionnelle, mais d'une néoplasie maligne
de bas grade et leur prise en charge doit
être identique à celle des fibrosarcomes de
bas grade.
Les tumeurs desmoides initialement présentées
comme une tumeur localisée sur la paroi
abdominale de la femme en post-partum, ont été
ultérieurement décrites dans d'autres régions
extra-abdominales, dans les membres, la
ceinture scapulaire et dans des localisations
intra-abdominales. Les études sur des grandes
séries de patients sont rares et le pourcentage
de chacune des localisations variable selon les
recrutements. Dans l'importante série étudiée
par Reitamo et al. (89 cas) la répartition est la
suivante :
• Localisation de la paroi abdominale : 49%
• Localisation extraabdominale : 43%
• Localisation mésentérique : 8%
Incidence
La tumeur desmoide est rare puisqu'elle
correspond à moins de 0,03% de toutes les
néoplasies, avec une incidence de 2 à 4
nouveaux cas pour 100.000 habitants. Il existe
une prédominance féminine avec un sex ratio de
2/1 pour un âge moyen de 20 à 40 ans. La
présentation semble en fait variable en fonction
de l'âge. Reitamo et al. classe les tumeurs
desmoides en 4 groupes :
• tumeurs juvéniles, essentiellement de
localisation extra-abdominale avec une
prédilection pour les filles de 15 ans et
moins (l'âge médian est de 4 à 5 ans);
• tumeurs en phase de fertilité, survenant
presque exclusivement dans la région
abdominale chez des femmes en âge de
procréer;
•
•
tumeurs de la ménopause, situées
majoritairement dans l'abdomen avec une
fréquence égale entre les hommes et les
femmes;
tumeurs de la période âgée, de localisation
abdominale et extra-abdominale et se
répartissant à égalité sur les deux sexes.
Description clinique
Les trois formes cliniques sont de présentations
différentes.
Tumeurs desmoides extra-abdominales
Particularités cliniques
Les fibromatoses extra-abdominales surviennent
préférentiellement entre la puberté et l'âge de 40
ans avec un pic de fréquence entre 25 et 35 ans.
Les enfants sont parfois atteints (5% des
patients d'une des principales séries ont moins
de 10 ans, le plus jeune ayant 9 mois) ; les
femmes sont deux fois plus souvent atteintes
que les hommes.
La tumeur se présente comme une masse
d'apparition
sournoise,
mal
limitée,
de
croissance lente, peu ou pas sensible. Une gêne
à la mobilité ou une compression nerveuse peut
survenir selon la localisation et l'extension de la
tumeur. Les localisations extra-abdominales sont
rarement multicentriques (seulement dans 5%
des cas environ), dans la majorité des cas la
seconde lésion est contiguë à la première. Dans
de rares cas la coexistence de localisations
abdominale et extra abdominale ont été décrites
chez le même patient .
Localisations
Les tumeurs desmoides extra-abdominales
peuvent atteindre de multiples sites; les
localisations les plus fréquentes sont les épaules
puis la paroi thoracique avant la région des
cuisses et la région cervicale. Dans la région des
ceintures et du cou, les muscles deltoides de la
ceinture
scapulaire
et
de
la
fosse
supraclaviculaire sont les plus fréquemment
atteints avec extension possible dans les régions
axillaires.
La
présence
des
structures
vasculaires et nerveuses expliquent la difficulté
d'une exérèse complète. Les fibromatoses des
cuisses
atteignent
préférentiellement
les
quadriceps et la fosse poplitée, les mains et les
pieds sont rarement concernés.
Chez l'enfant, plus d'un tiers des localisations
extra abdominales sont situées dans les régions
cervicales, les parties molles cervicales sont les
plus fréquemment atteintes suivies par la région
de la face, la cavité buccale, le cuir chevelu, les
sinus et la région orbitaire. Les localisations
cervicales sont particulièrement agressives, elles
Mignot. L. Les tumeurs desmoides. Orphanet encyclopédie. Janvier 2002.
http://www.orpha.net/data/patho/FR/fr-desmoide.pdf
2
peuvent entrainer une destruction des os
adjacents et une érosion de la base du crâne ou
de la trachée.
Radiologie
La lésion se présente comme une masse
affectant les parties molles avec rupture des
plans intermusculaires sous jacents. Il existe
fréquemment une encoche ou une érosion
osseuse contiguë avec souvent une réaction
périostée ou une exostose. Le scanner et surtout
l'imagerie par résonance magnétique (IRM) sont
les examens radiologiques de choix. Cette
dernière retrouve des lésions homogènes et
isodenses par rapport au muscle apparaissant
au niveau du signal en T1 et T2, des lésions de
signal hétérogène égal ou inférieur à celui de la
graisse en fonction de l'agressivité de l'atteinte.
Le suivi par IRM permet de se faire une idée de
l'évolutivité des lésions dans le temps.
Aspect macroscopique
La tumeur est le plus souvent confinée au
niveau de l'aponévrose et du fascia musculaire.
Les tumeurs volumineuses peuvent s'étendre le
long des fascias ou infiltrer le tissu sous cutanés.
Elles mesurent entre 5 et 10 cm mais peuvent
atteindre 20 cm et plus. La tumeur est ferme,
granitée à la coupe, d'un blanc luisant,
grossièrement trabéculée ressemblant à du tissu
cicatriciel; d'où la difficulté pour le chirurgien de
distinguer en cas de rechute, la cicatrice
primaire de la récidive.
Aspect microscopique
La lésion est généralement mal limitée avec
infiltration des tissus adjacents notamment
musculaires. La prolifération est sous forme de
cellules allongées, fusiformes, de petites tailles,
d'apparence uniforme, séparées les unes des
autres par un abondant tissu collagène non
inflammatoire. Les cellules possèdent un noyau
de petite taille, sans atypie. Elles fixent la
vimentine et l'actine musculaire, le tissu
musculaire est comprimé voire atrophié à la
périphérie, les calcifications sont rares.
Diagnostic différentiel
La
tumeur
desmoide
extra-abdominale
ressemble de près à un fibrosarcome ou à une
réaction fibreuse.
Le fibrosarcome est plus uniformément cellulaire
avec un agencement plus fasciculaire montrant
une atypie cellulaire et moins de contingent
collagénique. Il y a en fait peu de différence
entre un sarcome bien différentié et une
fibromatose; c'est dire l'importance d'une biopsie
de bon volume. La transformation de
fibromatoses agressives en sarcome est rare et
discutée, quelques observations sont rapportées
dans la littérature avec des délais de
transformation de 10 à 28 ans.
Les proliférations fibroblastiques réactionnelles à
un traumatisme peuvent également être difficile
à distinguer des tumeurs desmoides. Elles sont
de taille plus variable, avec souvent des
phénomènes hémorragiques focaux. Elles sont
généralement situées près des structures
vasculaires.
Des confusions avec des entités comme les
fasciites nodulaires sont également possibles.
Evolution
Bien que ne métastasiant jamais, les
fibromatoses
aggressives
récidivent
fréquemment (35% en moyenne dans les cinq
ans qui suivent la chirurgie). Les rechutes
semblent plus fréquentes chez les femmes de
plus de 30 ans et quand les berges de l'éxérèse
sont envahies. De très rares cas de régressions
spontanées après la ménopause ont été
rapportés.
Tumeurs desmoides de la paroi abdominale
Bien qu'histologiquement identiques aux autres
tumeurs
desmoides
-notamment
extra
abdominales -, elles sont particulières par leurs
localisations, leurs circonstances de survenue et
leur thérapeutique.
•
•
•
•
•
Mignot. L. Les tumeurs desmoides. Orphanet encyclopédie. Janvier 2002.
http://www.orpha.net/data/patho/FR/fr-desmoide.pdf
Elles se développent dans les structures
musculoaponévrotiques
de
la
paroi
abdominale, essentiellement les muscles
grand droit et grand oblique. Elles peuvent
plus rarement se développer à partir de la
paroi pelvienne mimant alors une tumeur de
l'ovaire avec parfois un retentissement
vaginal, vésical, urétéral ou rectal.
Elles surviennent essentiellement chez les
femmes jeunes enceintes, ou plus
fréquemment dans la première année qui
suit la grossesse. La moyenne d'âge des
femmes atteintes se situe entre 20 et 30
ans. Cette localisation est rare chez l'enfant
et l'homme adulte.
Quelques unes surviennent dans le cadre de
polyposes coliques, notamment sur le site
de l'intervention chirurgicale antérieure.
Des facteurs hormonaux sont suspectés
pour expliquer les tumeurs desmoides de la
paroi abdominales qui surviennent juste
après la grossesse.
Elles se présentent comme des masses
palpables de 3 à 10 cm, elles sont
d'évolution lente et progressive sans jamais
traverser la ligne médiane.
3
•
Le traitement est la chirurgie large afin
d'obtenir des marges histologiquement
saines. Comme pour les autres formes, le
risque de rechute locale est important (15 à
30%), mais semble plus faible que celui des
localisations extra-abdominales. La rechute
survient en moyenne, dans les deux ans qui
suivent la première intervention, elle est
parfois favorisée par une nouvelle
grossesse.
Tumeurs desmoides mésentériques
• Elles constituent la tumeur la plus fréquente
du mésentère, la plupart des cas sont
sporadiques mais 10% d'entre elles entrent
dans le cadre du syndrome de Gardner.
Quand celui-ci est absent une intervention
chirurgicale préalable est retrouvée dans
10% des cas.
• Elles surviennent à un âge très variable,
vers 35-40 ans en moyenne. Elles touchent
aussi bien les hommes que les femmes.
• Elles sont le plus souvent localisées dans le
mésentère de l'intestin grêle mais des
atteintes du mésentère iléocolique, du grand
épiploon voire du rétropéritoine ont été
décrites.
• Les patients présentent généralement une
masse abdominale asymptomatique parfois
douloureuse. Le diagnostic est posé sur une
complication comme un saignement digestif,
une perforation, une compression urétérale.
La taille de la tumeur est souvent important 10 cm ou plus- avec une lésion
macroscopique relativement bien limitée,
mais histologiquement infiltrante dans les
tissus voisins, notamment le tube digestif.
• En l'absence d'une histoire de polypose
familiale, ces localisations sont difficiles à
distinguer des autres processus fibrosants
de ces régions tels :
o la fibrose rétropéritonéale idiopathique
où la hyalinisation et le tissu
inflammatoire sont plus denses;
o la mésentérite sclérosante reliée à la
lipodystrophie mésentérique, dans ce
cas la fibrose est prédominante
avecprésence d'un infiltrat inflammatoire
sans extension au niveau du tube
digestif;
o le fibrosarcome inflammatoire du
mésentère et du rétropéritoine qui est
plus cellulaire avec des atypies plus
marquées.
Le traitement consiste en une chirurgie la plus
large possible. Cette dernière est rendue difficile
à cause de l'infiltration des organes de
voisinage.
Comme pour les autres localisations le risque de
rechute est variable d'une série à l'autre. Il est
surtout variable en fonction du contexte, ainsi
dans une série de 130 patients le taux de
rechute est de :
• 23% pour l'ensemble des patients;
• 12% en l'absence de syndrome de Gardner,
aucun patient n'a eu plus d'une rechute et n'est
décédé du fait de sa tumeur desmoide;
• 90% en présence d'un syndrome de Gardner
où les rechutes sont multiples et 4 patients
décèdent de leur tumeur.
Mode de prise en charge, incluant les
traitements
La prise en charge de ces tumeurs de bas grade
est difficile.
Chez l'adulte
Chirurgie
La résection macroscopique est possible dans
2/3 des cas environ. Les possibilités sont
fonction de la localisation de la tumeur et de sa
taille. Il est en fait très difficile pour le chirurgien
d'être sûr d'avoir fait une résection complète car
la tumeur n'est pas encapsulée et l'extension
musculaire est impalpable. Pour éviter au
maximum le risque de rechute, il est conseillé
dans la littérature, de faire soit une résection,
soit une résection large soit une résection
radicale emportant tout le muscle concerné.
En cas de tumeur primaire, le bénéfice d'une
résection chirurgicale large avec obtention de
marges histologiquement saines est prouvé.
Cependant, tout le monde s'accorde pour éviter
une chirurgie mutilante d'emblée, sur une
tumeur certes agressive, mais non véritablement
maligne et d'évolution lente.
Dans la plus importante série monocentrique
publiée (189 patients) le risque de rechute global
est de 30% à 5 ans et 33% à 10 ans. Ce risque
est fonction de:
- la qualité des marges d'exérèse; le risque de
rechute est de 27% si les marges sont
histologiquement saines et de 54% si elles sont
envahies;
- la localisation; le risque de rechute est de 11%
pour les tumeurs du tronc contre 25% pour celle
du cou et 43% pour celles des extrémités;
- l'âge; le risque de rechute semble plus
important chez les sujets jeunes avant 30 ans.
Radiothérapie
En cas de résection chirurgicale de la tumeur
primaire avec des marges indemnes l'intérêt de
la radiothérapie n'est pas admis par tous même
si une étude détaillées des principales séries
(780 patients) retrouve un bénéfice en faveur de
Mignot. L. Les tumeurs desmoides. Orphanet encyclopédie. Janvier 2002.
http://www.orpha.net/data/patho/FR/fr-desmoide.pdf
4
cette thérapie : 6% de rechutes avec
radiothérapie contre 28% sans radiothérapie.
En revanche, en cas de marges envahies ou
après rechute, la radiothérapie externe
adjuvante avec des doses de 50 à 55 grays
permet dans pratiquement toutes les séries
d'améliorer le contrôle local : 25% avec
radiothérapie contre 59% sans radiothérapie.
Plusieurs
techniques
spécialisées
de
radiothérapie ont également été tentées avec de
bons
résultats
notammant
l'hyperthermoradiothérapie et la radiothérapie
par électrons.
La radiothérapie permet également le contrôle
de tumeurs macroscopiques inopérables : 78%
de contrôle local chez les 102 patients colligés
dans la littérature. Chez les sujets jeunes
l'indication de la radiothérapie doit être discutée
en connaissance du risque de tumeurs
secondaire.
Traitements médicaux
En cas de progression ou rechute de nombreux
traitements médicaux ont été proposés,
l'évaluation de leur réel bénéfice reste difficile.
• L'hormonothérapie
Plusieurs facteurs plaident en faveur de
l'implication des hormones sexuelles dans
l'évolution de la maladie, il était donc logique
que des thérapies hormonales suscitent de
l'intérêt. De nombreux produits ont été essayés,
notamment les antioestrogènes de type
tamoxifène ou torémifène, les agonistes de la
Gn Rh (gonadotropin-releasing hormone), les
progestatifs
tel
l'acétate
de
médroxyprogestérone. Ces produits ont été
utilisés seuls ou en association. Le petit nombre
de cas rend difficile une véritable évalution, une
revue de la littérature de 66 patients ayant reçu
ces traitements seuls ou en association, retrouve
une réponse objective chez 34 patients (soit
52%). Dans certains cas -rares mais certains- le
traitement par tamoxifène a pu induire une
régression spectaculaire et de longue durée.
L'échec
d'un
premier
traitement
par
hormonothérapie ne doit pas faire renoncer une
seconde tentative avec une autre substance
(exemple tamoxifène faible dose ou forte dose
puis inhibiteur de luteinizing hormone-releasing
hormone LHRH).
L'hormonothérapie n'a bien sûr aucune
indication démontrée en adjuvant d'un traitement
locorégional.
•
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens
(AINS)
Certains auteurs soutiennent que la production
de prostaglandines peut jouer un rôle dans
l'évolution des tumeurs desmoides. Des
antiinflammatoires
tel
Sulindac
ou
Indométhacine, utilisés seuls ou en association,
ont été testés chez certains patients et ont
permis l'obtention de stabilisations, voire même
de régressions avec une très faible toxicité.
Il a été montré que la synthèse des
prostaglandines passe principalement par la voie
de la cyclooxygénase 2 (COX2). Les inhibiteurs
de COX2 (e.g. Celecoxib) semblent ralentir la
cancérisation des polypes coliques des sujets à
risque. Leur intérêt comme traitement des
tumeurs desmoides mérite d'être évalué .
• La chimiothérapie
La lente évolution de ces tumeurs ne laisse pas
augurer d'une grande chimiosensibilté; celle-ci a
néanmoins été testée dans des situations de
rechutes inopérables avec certains résultats
significatifs.
La littérature fait état de l'utilisation de
chimiothérapies dite "douces" associant de
manière
hebdomadaire
vinblastine
ou
vinorelbine et méthotréxate. Elle a permis chez
l'enfant, avec des traitements de longue durée,
des régressions et des stabilisations dans plus
de la moitié des cas. Elle est limitée par la
neurotoxicité de ces médicaments.
La chimiothérapie type "sarcome" à base
d'anthracycline associée à d'autres produits a
été testée. Les séries étudiées sont limitées
mais plusieurs observations témoignent de son
efficacité dans des situations particulières
d'évolutivité. Il s'agit parfois de franche
régression, d'apparition souvent tardive, ou de
stablisation de longue durée. Elle n'a bien sûr
aucune indication en adjuvant d'un traitement
local.
L'interféron gamma et la colchicine ont été
essayés avec de rares mais certaines réponses.
La logique de ces traitements est d'obtenir une
inhibition du facteur de croissance transformants
β (TGF-β) dont on sait qu'il augmente la
synthèse du collagène.
L'inhibiteur de thyrosine kinase a été utilisé.
Certaines tumeurs comme les sarcomes
digestifs surexpriment le gène KIT qui code pour
le récepteur d'une thyrosine kinase d'un facteur
de croissance, ces tumeurs de très mauvais
pronostic
semblent
spectaculairement
améliorées par l'utilisation d'une molécule
inhibitrice de cette thyrosine kinase tel l'imatinib
mesylate (Glivec®). Les tumeurs desmoides
semblent également surexprimer ce gène d'où
l'intérêt potentiel de ce produit. Un essai
thérapeutique doit prochainement débuter en
Europe.
Le facteur de nécrose tumorale ou tumor
necrosis factor (TNF) est actif dans les
Mignot. L. Les tumeurs desmoides. Orphanet encyclopédie. Janvier 2002.
http://www.orpha.net/data/patho/FR/fr-desmoide.pdf
5
sarcomes des membres, il est utilisé en
perfusion intra-artérielle sélective en association
avec le melphalan. Ce traitement permet parfois
d'éviter une chirurgie d'amputation ; quelques
observations démontrent son intérêt potentiel
dans les tumeurs desmoides des extrémités en
rechute ou inopérables.
Chez l'enfant
Le traitement ne se discute pas de la même
façon chez l'enfant.
En cas de chirurgie, le pronostic esthétique et
fonctionnel est primordial en particulier pour les
localisations extra-abdominales qui sont les plus
fréquentes. Le risque de récidive après exérèse
est plus élevé mais la radiothérapie fait craindre
des risques de séquelles.
Dans une série pédiatrique rétrospective faite au
memorial Sloan-Kettering cancer center à NewYork (63 cas), il a été effectué chez tous les
patients une exérèse partielle ou complète,
associée à une chimiothérapie ou une
radiothérapie. Le taux de récidive à 6 ans est de
75 %. Le seul facteur lié à une diminution de ce
taux est une résection avec des marges saines;
le bénéfice d'une radiothérapie ou d'une
chimiothérapie adjuvante n'est pas clairement
démontré.
Dans des situations où la morbidité liée à la
chirurgie est trop élevée, la chimiothérapie
"douce"
par
l'association
vinblastineméthotrexate hebdomadaire a permis d'obtenir
des réponses complètes ou des stabilisations
chez 8/10 des enfants. Un essai d'association
d'une hormonothérapie par tamoxifene et d'AINS
a été récemment réalisé chez 2 enfants, il a
permis une longue stabilisation de la maladie et
démontre ainsi la faisabilité et la probable
efficacité de ce type de traitement dans cette
situation.
Etiologie
Le contexte souvent particulier de découverte et
de survenue de la tumeur (post partum, postopératoire), l'existence d'un sex ratio et la liaison
à la polypose adénomateuse familiale (PAF) ont
fait rechercher des facteurs favorisant la
survenue d'une tumeur desmoïde.
Prédisposition génétique
L'existence d'une prédisposition génétique est
très bien documentée dans le cas d'une
association à la PAF ; cette maladie
autosomique dominante est caractérisée par
l'existence de centaines de polypes disséminés
le long de la paroi colorectale, apparaissant
entre 20 et 30 ans. Ils dégénèrent en
adénocarcinome dans presque 100% des cas, le
plus souvent avant l'âge de 50 ans. Une
colectomie prophylactique est souvent proposée
vers l'âge de 20 ans.
Cette maladie est liée à une mutation du gène
APC (adenomatous polyposis of the colon),
gène suppresseur de tumeur situé sur le
chromosome 5. La mutation d'un seul allèle
étant suffisante à la survenue des polypes.
Les patients atteints de PAF ont 852 fois plus de
risques de développer une tumeur desmoide
que la population normale. La tumeur est
diagnostiquée chez 10 à 20% de ces patients
avec un sex ratio femme/homme de 2/1 et une
moyenne d'âge de 30 ans. L'association PAF,
tumeur desmoide, ostéome et kystes sébacés
de la face doit alors être recherchée et constitue
le syndrome de Gardner dans sa forme plus ou
moins complète. Une revue générale récente a
répertorié 97 tumeurs desmoides parmi 780
patients atteints d'une PAF (soit 12%).
Leurs caractéristiques sont les suivantes :
• les tumeurs desmoides associées au
syndrome de Gardner et liées à une
mutation génétique ne représentent que 2%
de l'ensemble des tumeurs desmoides ;
• les tumeurs desmoides sont le plus souvent
mésentériques ou rétropéritonéales (72%
des cas), sinon mésentériques et dans la
paroi abdominale (30%) ;
• elles sont volontiers multicentriques;
• elles apparaissent dans les ¾ des cas après
la chirurgie colique dans un délai moyen de
4,5 ans ;
• elles sont volontiers plus agressives puisque
responsables de 10% de décès. Celui-ci
survient dans un délai moyen de 5 ans
après le diagnostic, par extension digestive,
compression urétérale ou vasculaire. En
comparaison, les tumeurs desmoides non
liées à une prédisposition génétique ne sont
qu'exceptionnellement
responsable
du
décès des patients ;
• certaines études suggèrent que la mutation
du gène APC entraîne une augmentation du
taux de bétacaténine intracellulaire. Celle-ci,
en se liant à des facteurs de transcriptions,
favorise la prolifération de la cellule
fibroblastique et la croissance tumorale.
Chez les patients atteints de PAF et ayant la
mutation constitutionnelle du gène APC, il existe
une corrélation génotype-phénotype. La position
des mutations sur le gène conditionne la gravité
de certaines manifestations :
• les lésions rétiniennes telle l'hypertrophie
congénitale de l'épithélium pigmentair, ne
sont retrouvées que si la mutation survient
après l'exon 9 et avant le codon 1444 ;
• les mutations survenant entre les codons
1250 et 1464 sont associées à une forme
Mignot. L. Les tumeurs desmoides. Orphanet encyclopédie. Janvier 2002.
http://www.orpha.net/data/patho/FR/fr-desmoide.pdf
6
profuse où la densité des adénomes est 5
fois supérieure à celle observée dans les
autres
mutations.
L'apparition
des
adénomes est précoce - avant 10 ans - et
l'évolution est rapidement défavorable ;
• les mutations siégeant au delà du codon
1444 sont systématiquement associées au
développement
précoce
de
tumeurs
desmoides
(les
tumeurs
desmoides
sporadiques n'ont pas de mutation du gène
APC) ;
• les mutations les plus proches du codon
initiateur sont au contraire associées à un
phénotype atténué, avec des polypes plus
tardifs
et
sans
symptomatologie
extracolique.
Ces données expliquent l'importance du conseil
génétique chez les familles concernées. Il a par
exemple été décrit des familles dont les
membres développent uniquement des tumeurs
desmoides associées à une polypose colique
inexistante ou très atténuée.
Les traitements antihormonaux - notamment le
tamoxifène- font partie des possibiltés de
traitement des rechutes. Il n'est pas sûr que leur
effet soit médié par le récepteur à l'oestradiol.
Cependant, il s'agit peut-être d'un effet sur la
sécrétion de TGF β ou d'un effet direct sur la
synthèse de collagène.
Facteurs hormonaux
De nombreux éléments sont en faveur de
l'existence de facteurs hormonaux (stimulation
oestrogénique) dans la genèse des tumeurs
desmoides.
• Tumeur plus fréquente chez la femme,
• découverte de tumeurs desmoides chez la
femme en postpartum ou au début d'une
contraception orale,
• régression de certaines tumeurs après la
ménopause,
• développement d'une tumeur desmoide
chez un homme traité par oestrogènes à
forte dose,
• régression de certaines tumeurs par des
manipulations
hormonales
avec
une
utilisation bénéfique, notamment des
antioestrogènes.
Des modèles expérimentaux semblent confirmer
cette impression puisqu'il a été décrit des
développements de tumeurs fibroblastiques
chez l'animal sous oestrogènes avec régression
en utilisant de la progestérone et des inductions
de tumeurs desmoides à partir de cultures
fibroblastiques in vitro, stimulées par des
oestrogènes puis dont la prolifération a été
inhibé sous Tamoxifène.
L'hormonosensibilté des tumeurs comme le
cancer du sein est médiée par l'intermédiaire
des récepteurs hormonaux à l'oestradiol ou à la
progestérone. Ceux-ci ont été recherchés dans
quelques tumeurs desmoides. Le taux de
résultats positifs est variable de 30 à 50%, mais
à des concentrations faibles, inférieures à 50
fentomoles /mg de protéines du cytoplasme.
Conseil génétique
Dans les familles atteintes de polypose colique
familiale, une mutation constitutionnelle est
identifiée dans environ 90% des cas. Le
diagnostic précoce est donc possible par
analyse génétique avant l'expression du
phénotype colique de la polypose (voir ci
dessus). Il existe une corrélation génotypephénotype et la position de la mutation
conditionne le risque de tumeur desmoide qui
présente une certaine gravité dans ces
circonstances. Il est donc possible dans ces
circonstances à risque, d'établir une surveillance
particulière afin de dépister le plus tôt possible
l'apparition d'une tumeur desmoide notamment
abdominale.
Facteurs traumatiques
Les traumatismes, qu'ils soient chirurgicaux ou
accidentels, ont également été évoqués dans la
genèse des tumeurs desmoides. Dans le cas
particulier de tumeurs desmoides survenant en
association à la PAF, le diagnostic se fait le plus
souvent dans les cinq ans suivant la colectomie.
Il a été également décrit des tumeurs
apparaissant sur des cicatrices de plaie, des
sites d'implantation de trocarts de laparoscopie
ou après mise en place de prothèse mammaire
en silicone. La relation de causalité n'a
cependant pas été prouvée et les arguments
physiopathologiques sont rares.
Références
Ballo MT, Zagars GK, Pollack A, Pisters PW,
Pollack RA, 1999, Desmoid tumor: prognostic
factors and outcome after surgery, radiation
therapy, or combined surgery and radiation
therapy, J Clin Oncol.17: 158-67.
Faulkner LB, Hajidu SI, Kher U, et al. 1995,
Pediatric desmoid tumor : retrospective analysis
of 63 cases. J Clin Oncol; 13: 2813-8.
Lackner H, Urban C, Kerbi R, et al. 1997,
Noncytotoxic drug therapy in children with
unresecable desmoid tumors. Cancer; 80: 33440.
Nuyttens J , Rust P , Thomas C , Turissi A,
2000, Surgery versus radiation therapy for
patients with fibromatosis or desmoid tumors : a
comparative review of 22 articles. Cancer; 88:
1517-23
Mignot. L. Les tumeurs desmoides. Orphanet encyclopédie. Janvier 2002.
http://www.orpha.net/data/patho/FR/fr-desmoide.pdf
7
Olschwang S, 2001, Les polyposes intestinales
: aspects génétiques,Gastroenteral.Clin.Biol; 25:
B26-B30
Reitamo J, Scheinin TM, HayrY P. 1986, The
desmoid syndrome. New aspects in the cause,
pathogenesis and treatment of the desmoid
tumor. Am J Surg; 151: 230-7.
Samuels BL, 1999, Management of recurrent
desmoid tumor after surgery and radiation: role
of cytotoxic and non-cytotoxic therapies, Surg
Oncol; 8: 191-6.
Saurin JC, 2001, Prise en charge clinique de la
polypose adénomateuse, Gastroenterol Clin
Biol; 25; 4 Suppl 4:B31-7.
Mignot. L. Les tumeurs desmoides. Orphanet encyclopédie. Janvier 2002.
http://www.orpha.net/data/patho/FR/fr-desmoide.pdf
8
Téléchargement