n°234 20/04/04 10:21 A C Page 13 T U A L I T É Journées d’actualités en ORL* L e Laboratoire Glaxo Wellcome a organisé à Paris le samedi 28 mars 1998 une Journée d’actualités en ORL destinée aux oto-rhino-laryngologistes. Le but de cette journée était de faire une mise au point sur des sujets controversés, tels que la durée optimale de l’antibiothérapie des otites ou les indications des prothèses phonatoires, ou à la pointe du progrès, comme la chirurgie assistée par ordinateur. Le point fort de cette journée était l’accent mis sur la pratique avec des algorithmes décisionnels. SCANNER ET PATHOLOGIE SINUSIENNE NON TUMORALE (J.M. Klossek, Poitiers) Dès son introduction, J.M. Klossek a signalé que l’imagerie ne peut en aucun cas se substituer à l’examen endonasal. Il a aussi beaucoup insisté sur la nécessité de donner le maximum de renseignements anamnestiques ou cliniques au radiologue pour qu’il choisisse les incidences et les fenêtres d’exploration les mieux adaptées (fenêtre osseuse pour l’ethmoïde, fenêtre tissulaire pour les opacités du sinus maxillaire). Il n’y a aucun consensus sur la préparation préalable (mouchage, vasoconstricteurs) des fosses nasales. Le scanner peut avoir un intérêt lorsqu’il y a un doute diagnostique ; il permet par exemple de faire la différence entre une dysplasie fibreuse et la présence de liquide dans le sinus. Le scanner précise si l’infection intéresse une seule cavité sinusienne ou plusieurs et s’il y a ou non une collection à drainer. Il permet en outre de rechercher une éventuelle complication intraorbitaire ou intracrânienne. En ce qui concerne la polypose, le scanner permet de lever un doute diagnostique en cas de polype unilatéral. Il est indispensable après échec du traitement médical pour poser les indications opératoires et guider l’acte chirurgical. En cas de mycose, cet examen montre l’extension des lésions, préalable indispensable à l’établissement d’un plan thérapeutique. La radiographie standard des sinus “tout-venant” a été supplantée par l’endoscopie endonasale. Elle garde un intérêt lorsque l’on a un doute sur une mycose (opacité métallique intrasinusienne) ou sur l’opportunité d’une ponction, mais elle est beaucoup moins intéressante que le scanner pour la pathologie sinusienne chronique. Enfin, tout oto-rhino-laryngologiste s’intéressant à la pathologie rhinosinusienne doit pouvoir interpréter luimême les images du scanner et ne pas se contenter du compterendu du radiologue. L’interprétation finale des images dépend des traitements récents et des données de l’examen clinique. QUAND DEMANDER UNE IRM DEVANT UNE PATHOLOGIE OTOLOGIQUE ? (O. Sterkers et coll., Clichy) L’imagerie par résonance magnétique nucléaire (IRM) a trois indications en pathologie otologique : certaines paralysies faciales, les troubles cochléaires unilatéraux et les vertiges avec aréflexie ou signes centraux. L’IRM fait partie du bilan diagnostique des paralysies faciales progressives (hors cholestéatome), des paralysies faciales brutales récidivantes et de l’hémispasme hémifacial. Une étude multicentrique récente effectuée à Tours et à Toulouse a montré qu’en cas d’acouphènes unilatéraux, de surdité de perception brusque ou progressive unilatérale ou franchement asymétrique, de discordance entre le seuil de discrimination vocal et le seuil audiométrique tonal, le premier examen à demander est l’enregistrement des potentiels évoqués auditifs (PEA) (figure 1). L’IRM n’est demandée que si les PEA sont en faveur d’une lésion rétrocochléaire, ou si les seuils sont plus altérés en audiométrie vocale qu’en audiométrie tonale. L’examen tomodensitométrique est moins intéressant que l’IRM dans cette indication. En cas de vertiges rotatoires avec aréflexie vestibulaire ou d’instabilité avec des signes centraux au bilan vidéonystagmographique, il faut demander une IRM avec séquences T2 et CISS, éventuellement une angioIRM, pour faire le diagnostic d’une sclérose en plaques ou d’un conflit artère-nerf, mettre en évidence une anomalie du golfe de la jugulaire, découvrir un infarctus cérébelleux, un neurinome intralabyrinthique. Le diagnostic d’une malformation d’Arnold-Chiari nécessite des coupes sagittales. Il est donc nécessaire de donner le maximum de renseignements au radiologue pour qu’il puisse mettre en œuvre les techniques les plus appropriées pour faire le diagnostic. Le scanner reste le meilleur examen à demander en cas de pathoTroubles cochléaires unilatéraux (acouphènes, surdité de perception progressive, surdité brusque) PEA plats ou rétrocochléaires sujet très jeune discordance tonale/vocale IRM * Paris, 28 mars 1998. normaux ou endocochléaires stop Figure 1. La Lettre d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - n° 234 - juin 1998 13 n°234 20/04/04 A 10:21 C Page 14 T U A L I T logie de l’oreille moyenne et du rocher. L’IRM est indiquée en complément du scanner pour rechercher une brèche méningoencéphalique en cas de brèche du tegmen, pour rechercher une extension labyrinthique en cas de cholestéatome, pour faire la différence entre une muqueuse inflammatoire ou de la glu et une récidive de cholestéatome devant des opacités mastoïdiennes. PRISE EN CHARGE DIAGNOSTIQUE ACTUELLE DU NODULE THYROIDIEN (M. Zanaret et coll., Marseille) La question est de savoir comment diminuer le nombre de thyroïdectomies à titre diagnostique en laissant passer le moins possible de cancers, en sachant que 90 % des nodules thyroïdiens isolés sont bénins, et que le pronostic d’un cancer de la thyroïde est meilleur s’il fait moins d’un centimètre de diamètre lors de l’exérèse chirurgicale. Le premier examen complémentaire à demander devant un nodule thyroïdien palpable est l’échographie thyroïdienne, pour vérifier si le nodule est unique et préciser sa nature. Les nodules à contenu liquidien sont bénins dans 98 % des cas, les nodules solides hypoéchogènes sont malins dans la moitié des cas, les nodules mixtes sont malins dans 14 à 25 % des cas. Certains dosages hormonaux doivent être demandés systématiquement : TSH, T4 et T3. Ils sont complétés par un dosage des anticorps antithyroïdiens en cas d’hypothyroïdie avec augmentation de la TSH. Le dosage de la thyrocalcitonine est demandé en cas de symptomatologie clinique évocatrice de cancer médullaire de la thyroïde, en cas de chirurgie différée ou si le patient refuse l’intervention chirurgicale. La scintigraphie thyroïdienne n’est pas indispensable en cas d’euthyroïdie, même en préopératoire. Elle est indiquée en cas d’hyperthyroïdie clinique et d’élévation de la TSH. Elle ne permet pas le diagnostic de malignité. La cytoponction à l’aiguille fine, guidée par l’échographie, avec deux à trois ponctions par nodule, permet de faire un diagnostic cytologique et de rechercher des marqueurs tumoraux. Elle diminue de 40 à 90 % le nombre des interventions exploratrices. En pratique, une intervention chirurgicale est proposée d’emblée devant un nodule cliniquement suspect (dur, fixé, ou avec une paralysie laryngée, ou accompagné d’adénopathies cervicales), une cytologie maligne ou une suspicion de cancer médullaire de la thyroïde. LA CHIRURGIE ASSISTÉE PAR ORDINATEUR : APPLICATIONS EN ORL (B. Fraysse et coll., Toulouse) La chirurgie assistée par ordinateur a de multiples applications possibles en ORL. Elle permet d’aider le chirurgien à élaborer une stratégie optimale dans la voie d’abord, le repérage anatomique des structures saines, la résection des lésions, et la surveillance par la fusion d’images pré- et postopératoires. La chirurgie ORL se prête assez bien à la chirurgie assistée par ordinateur car nous disposons de repères anatomiques osseux fixes les uns par rapport aux autres, ce qui facilite le repérage. Des indications sont en train de se développer en pathologie traumatique et malformative cranio-faciale, pour optimiser la (re)construction, dans la chirurgie des sinus et de l’orbite, dans 14 É la pathologie tumorale de la base du crâne, pour la chirurgie fonctionnelle du paquet acoustico-facial, dans la chirurgie des aplasies majeures de l’oreille, et pour les implants du tronc cérébral. Mais attention, elle ne se substitue pas à l’apprentissage irremplaçable de l’anatomie et des techniques opératoires. DURÉE OPTIMALE DE L’ANTIBIOTHÉRAPIE DES OTITES ET DES SINUSITES AIGUES : QUID DES TRAITEMENTS COURTS ? (H. Portier, Dijon) Il n’y a pas de consensus récent sur la durée optimale du traitement des sinusites aiguës. Le risque d’un traitement insuffisant ou inadapté est moindre que celui d’une otite moyenne aiguë chez l’enfant de moins de deux ans. Une publication récente de Van Buchem (Pays-Bas) montre même que, dans le cadre des sinusites maxillaires aiguës non compliquées, le gain d’un traitement antibiotique par rapport à un placebo est très faible dans l’immédiat et négatif à distance ! En ce qui concerne les otites moyennes aiguës, une trentaine d’études cliniques sur les traitements courts (5 jours ou moins) ont été publiées. En France, la dernière conférence de consensus en pathologie infectieuse, qui s’est tenue en 1996, préconisait 8 à 10 jours de traitement avec des molécules variables selon que le patient était ou non à risque d’avoir une otite à pneumocoque de sensibilité diminuée à la pénicilline. Mais il faut savoir que la durée du traitement varie d’un pays à l’autre en fonction de l’épidémiologie bactérienne ou de stratégies thérapeutiques. Aux États-Unis et aux Pays-Bas, par exemple, les médecins ne prescrivent que de l’amoxicilline pendant deux semaines pour les premiers et huit jours pour les autres. En France, les deux germes prédominants dans les otites moyennes aiguës sont Haemophilus influenzae et Streptococcus pneumoniae. Compte tenu de leur sensibilité aux différentes classes d’antibiotiques, trois bêtalactamines peuvent être prescrites de première intention, que l’on ait ou non des raisons de craindre un pneumocoque de sensibilité diminuée à la pénicilline : l’association amoxicilline-acide clavilanique, le céfiroxine axétil et le cefpodoxime proxétil. Il faut tenir compte des critères pharmacodynamiques pour calculer la posologie et le rythme d’administration optimaux. Les bêtalactamines sont temps-dépendantes. L’éradication bactérienne ne peut être complète que si la concentration de l’antibiotique actif reste supérieure à la CMI pendant 60 à 70 % du temps entre deux doses de traitement. En dehors de quelques publications sur la ceftriaxone unidose (solution de réserve en général), les résultats des essais cliniques de traitements courts des otites moyennes aiguës sont discordants et devraient être complétés par d’autres essais, en particulier dans les populations à risque. OTORRHÉE À PSEUDOMONAS AERUGINOSA (C. Dubreuil, Lyon) Pseudomonas aeruginosa est un bacille à Gram négatif, aérobie strict, qui a des exigences nutritives modestes, ce qui explique qu’on puisse le rencontrer dans l’eau. Il est volontiers résistant aux antibiotiques usuels. Il colonise la peau (en particulier le conduit auditif externe) et les muqueuses. Il devient pathogène La Lettre d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - n° 234 - juin 1998 n°234 20/04/04 10:21 Page 15 en cas d’inoculation traumatique, en particulier en cas de diabète. Ce germe est fréquemment retrouvé dans les prélèvements d’oreille pour otorrhée muqueuse chronique (ex-otorrhée tubaire), otite externe du nageur, otorrhée sur aérateur transtympanique, suppuration d’otite chronique cholestéatomateuse, cavité d’évidement, en postopératoire. Chez le diabétique et l’immunodéprimé, l’otite externe à pyocyanique revêt une gravité particulière, qui la fait qualifier d’otite externe maligne, du fait de l’extension de l’infection à l’os sous-jacent. La paralysie faciale peut être inaugurale car l’otalgie est inconstante et l’otorrhée peu abondante. Le traitement doit être médical avec une antibiothérapie antipyocyanique poursuivie pendant des mois, tant qu’existe une otalgie ou une otorrhée. L’otite externe du nageur et l’otorrhée sur aérateur transtympanique réagissent habituellement bien à un traitement local par gouttes d’ofloxacine. Pour prévenir une infection postopératoire à pyocyanique en chirurgie otologique, certaines précautions sont à prendre : ne pas raser les cheveux ni nettoyer le conduit auditif externe la veille de l’intervention. Faire un premier bain de Bétadine® de dix minutes, nettoyer l’oreille, aspirer, rincer au sérum physiologique, changer de gants et d’aspirateur, refaire un bain de Bétadine® de dix minutes. Si, malgré ces précautions, une suppuration postopératoire survenait, il faudrait faire un prélèvement bactériologique et, en attendant l’antibiogramme, mettre le patient (adulte) sous bêtalactamine à activité anti-pyocyanique, associée à une fluoroquinolone. FAUT-IL METTRE DES PROTHÈSES PHONATOIRES ? (C. Beauvillain, Nantes ; P. Gehanno, Paris) Les prothèses phonatoires permettent d’obtenir rapidement une bonne qualité vocale après sacrifice du larynx, mais elles ne peuvent pas être proposées à tous les patients et elles ne sont pas exemptes de contraintes et de complications. La pose d’une prothèse lors de la laryngectomie ou de la pharyngolaryngectomie totale n’est pas envisageable si la tumeur est étendue en sous-glotte, à la langue ou à l’œsophage, et si le patient est insuffisant respiratoire. En cas d’échec de la voix œsophagienne, la pose d’une prothèse phonatoire ne peut être envisagée que s’il n’existe pas de sténose œsophagienne ou du trachéostome et s’il n’existe pas d’insuffisance respiratoire ou de bronchorrhée importante. Que ce soit pour une pose primaire ou différée, il est nécessaire que le patient soit très motivé, qu’il comprenne bien les soins et qu’il ait une bonne coordination motrice pour obturer le trachéostome au doigt lors de la phonation. Ces prothèses ont des contraintes de nettoyage. À long terme, elles peuvent être colonisées par une mycose, s’obstruer, fuir, se déplacer. La durée de vie moyenne des prothèses Provox® est de dix mois pour l’équipe nantaise. Le taux d’abandon est de 33 % à Nantes, 60 % à Villejuif. FAUT-IL ENCORE FAIRE DES PHARYNGOTOMIES DANS LES APNÉES DU SOMMEIL ? (F. Chabolle, Suresnes ; M. Mondain, Montpellier) Le syndrome d’apnée/hypopnée du sommeil a une définition polysomnographique : nombre d’apnées et d’hypopnées supérieur à 10 par heure de sommeil, en sachant que le risque de morbidité n’existe que pour un index horaire d’apnée/hypopnée supérieur à 20. Ces patients ronflent, se plaignent d’asthénie matinale et de somnolence diurne. Divers traitements peuvent être proposés : la CPAP (mode de ventilation en pression positive continue qui peut se faire au domicile avec un masque facial), qui est très astreignante, surtout chez le sujet jeune, ou des interventions chirurgicales, la plus simple étant la pharyngotomie. La pharyngotomie permet une amélioration subjective de la somnolence et une amélioration des ronflements dans plus de 80 % des cas, ainsi qu’une amélioration de la vigilance. Les meilleurs résultats sont obtenus chez les patients qui ont un index horaire d’apnée/hypopnée entre 30 et 40. L’imagerie, l’examen fibroscopique, l’index pondéral ne sont pas des facteurs prédictifs du succès de l’intervention. Sous réserve qu’il n’y ait pas d’aggravation de l’obésité, les résultats se pérennisent dans le temps. Il peut y avoir des complications, insuffisance vélaire ou, à l’inverse, sténose pharyngée. OBSTRUCTION NASALE ET TURBINECTOMIE (P. Dessi, Marseille ; R. Peynègre, Créteil) La turbinectomie peut être proposée en cas d’obstruction nasale invalidante rebelle aux traitements médicaux. Elle ne s’adresse qu’aux obstructions nasales qui ne sont pas dues à la valve nasale ou à la cloison, mais seulement au volume du cornet inférieur, que la rhinite soit vasomotrice, allergique ou autre (figure 2). Au total, moins de 15 % des obstructions dysfonctionnelles sont chirurgicales, et parmi celles-ci, 80 % ont une cause turbinale. La turbinectomie donne de bons résultats dans 80 % des cas. Les complications sont essentiellement à type de croûtes, pendant deux à trois mois, qui doivent être prévenues ou traitées par des soins locaux attentifs et prolongés. Les synéchies sont très rares ; elles sont prévenues par la mise en place jusqu’à cicatrisation d’une petite feuille de silastic si la turbinectomie est associée à une septoplastie, par des lavages de nez précoces et prolongés (évitant la transformation d’un caillot en fibrose) dans les autres cas. Les indications de turbinectomie sont exceptionnelles chez l’enfant. Il faut prévenir les parents de la nécessité d’une ou de deux anesthésies générales supplémentaires pour les soins postopératoires. + vasoconstricteurs – + Phadiatop allergie – + endoscopie trouble morphologique tumeur bénigne ou maligne polypose Killian cause infectieuse cytologie nasale – NARES rhinite vasomotrice scanner rhinite hypertrophique Figure 2. La Lettre d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - n° 234 - juin 1998 M. François, hôpital Robert-Debré, Paris 15