Faut-il faire évoluer les recommandations de la conférence de consensus ? V I

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Faut-il faire évoluer les recommandations
de la conférence de consensus ?
l J.C. Delchier*
a dernière révision de la conférence de consensus sur
Helicobacter pylori remonte à octobre 1999 (tableauI).
Il était recommandé de ne rechercher l’infection à
H. pylori que chez les patients ayant des lésions ulcérées et/ou un
lymphome gastrique du MALT. En effet, seules ces lésions justifiaient la prescription d’un traitement éradicateur de l’infection.
En l’absence de consensus, il n’était pas recommandé d’éradiquer
l’infection chez les patients ayant une dyspepsie non ulcéreuse.
Il en était de même pour les patients ayant un reflux gastroœsophagien et pour ceux traités par les AINS. La question de la
prévention du cancer gastrique n’était pas évoquée (1).
seuls 10 % des malades ayant une amélioration symptomatique
attribuable au traitement (2). Une stratégie de type test and treat,
c’est-à-dire un dépistage systématique de l’infection à H. pylori
par des méthodes indirectes chez des patients ayant un syndrome
dyspeptique avec traitement des malades positifs sans endoscopie préalable, a été démontrée efficace et non dangereuse quand
elle est appliquée à une population à faible risque de pathologie
maligne (absence de signe d’alarme et âge < 45 ans ) (3). En effet,
cette stratégie permet le traitement de l’infection à la fois pour les
malades ayant un ulcère et pour ceux ayant une dyspepsie non
ulcéreuse.
Tableau I. Révision de la conférence de consensus 1999.
En ce qui concerne le reflux gastro-œsophagien, la situation ne
s’est que partiellement éclaircie. Il est de plus en plus évident
qu’il existe une relation inverse entre l’incidence du reflux gastroœsophagien et celle de l’infection à H. pylori (4). De même, en
cas d’infection, le reflux gastro-œsophagien semble associé à la
présence de bactéries moins pathogènes et épargnant le corps gastrique. Il n’y a donc clairement pas d’indication au traitement
anti-infectieux pour améliorer le reflux gastro-œsophagien (5, 6).
En revanche, l’impact de l’éradication de l’infection à H. pylori
sur l’incidence d’un nouveau reflux gastro-œsophagien ou l’exagération d’un reflux existant n’a pas été confirmé. Une grande
étude anglaise a mis en évidence l’absence d’effet de l’infection
sur la récidive des symptômes de reflux après traitement antisécrétoire (7). Les relations entre le reflux gastro-œsophagien et
le cancer du bas-œsophage ou du cardia et le rôle favorisant que
pourrait jouer l’éradication de l’infection à H. pylori sur la genèse
de ces cancers seront discutés plus loin.
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Indications du traitement anti-Helicobacter pylori
oui
non
Ulcère duodénal
Ulcère gastrique
+
+
–
–
Reflux gastro-œsophagien
–
+
Prévention des lésions des AINS
–
+
Dyspepsie non ulcéreuse*
–
+
Prévention du cancer gastrique**
* ne pas rechercher H. pylori s’il n’y a pas de lésion endoscopique.
** cas de figure non évoqué.
Depuis cette époque, les connaissances se sont approfondies avec
plusieurs études qui ont été publiées, notamment au cours des
années 2001 et 2002.
Nous ne reviendrons pas sur la dyspepsie non ulcéreuse, pour
laquelle il est clair que le bénéfice d’une éradication de l’infection à H. pylori sur les symptômes douloureux est réel mais faible,
* Unité de gastroentérologie, CHU Henri-Mondor, Créteil.
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Le chapitre des relations anti-inflammatoires non stéroïdiens
(AINS)-H. pylori dans la physiopathologie des lésions ulcéreuses
s’est notablement enrichi ces dernières années. Plusieurs études
provenant de Hong-Kong suggèrent l’intérêt de l’éradication
préventive de l’infection avant la prise d’AINS ainsi qu’un effet
bénéfique de l’éradication de l’infection en prévention de la récidive hémorragique, notamment chez les patients traités au long
cours par de faibles doses d’aspirine (8, 9), même si le simple traitement anti-infectieux s’avère moins efficace seul qu’associé à la
poursuite d’un traitement antisécrétoire par IPP (10). Une métaLa lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 4 - vol. VI - juillet-août 2003
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analyse publiée en 2002 confirme l’effet additif de l’infection à
H. pylori et des AINS dans l’augmentation du risque de lésions
ulcérées gastroduodénales (11). L’ensemble de ces données suggère donc l’intérêt de l’éradication de l’infection à H. pylori chez
les patients devant prendre des AINS.
préventive de la bactérie chez les patients parents du premier degré
de malades ayant un cancer gastrique, mais fait également
évoquer l’intérêt de l’éradication préventive de l’infection chez
ceux pour qui des biopsies réalisées lors d’une endoscopie auraient
montré une gastrite à H. pylori au niveau du corps de l’estomac.
Les progrès les plus importants réalisés ces dernières années
concernent la relation entre H. pylori et le cancer gastrique. Plusieurs études épidémiologiques prospectives ont confirmé l’augmentation nette du risque relatif de développer un cancer gastrique
en cas d’infection à H. pylori, notamment dans les populations
occidentales. Il est ainsi admis que le risque relatif de cancer gastrique lié à l’infection à H. pylori est au moins de 8 en moyenne
dans un pays comme la France. Il serait nettement plus élevé pour
les cancers gastriques du sujet jeune. Une étude suédoise réalisée
avec un test sérologique permettant de mettre en évidence les anticorps anti-protéine CagA qui disparaissent plus lentement du
sérum que les autres anticorps anti-H. pylori, ce qui réduit le
nombre de cancers faussement H. pylori négatif, montre que le
risque relatif de cancer gastrique dans la population suédoise est
augmenté d’un facteur 30 en cas de sérologie positive. Fait important, cette augmentation du risque relatif concerne non seulement
les adénocarcinomes de type intestinal, mais également ceux de
type diffus lorsqu’ils sont situés au niveau du corps ou de l’antre
gastrique. En revanche, dans cette étude, le risque relatif de développer un cancer du cardia en cas d’infection à H. pylori n’est pas
significativement augmenté, même s’il est supérieur à 1 (12). Ce
résultat est concordant avec la méta-analyse du “Helicobacter and
Cancer Collaborative Group” qui montre que l’infection à H. pylori
ne modifie pas le risque de cancer par rapport à une population
témoin non infectée (13). Ces résultats sont en contradiction avec
des études préliminaires qui avaient suggéré une diminution du
risque relatif de cancer du cardia en cas d’infection à H. pylori, et
donc un rôle protecteur de l’infection sur cette pathologie dont
l’incidence augmente. Parallèlement, l’étude longitudinale sur
dix ans de Uemura et al. réalisée au Japon montre bien que parmi
les patients vus en endoscopie pour symptômes dyspeptiques, seuls
ceux qui ont une infection à H. pylori, et parmi les patients ayant
une infection à H. pylori seuls ceux qui ont une gastrite touchant
le corps gastrique, sont exposés au risque de cancer, ce qui explique
l’absence de cancer chez les patients ayant un ulcère duodénal.
Cette étude montre enfin que si l’on excepte les patients ayant un
ulcère duodénal, tous les autres, quelle que soit leur pathologie
initiale, sont exposés au risque de cancer de type intestinal ou de
type diffus (14). En outre, plusieurs études ont montré que le risque
de cancer en cas d’infection à H. pylori était fonction de la réponse
inflammatoire individuelle, avec un risque augmenté chez les
patients ayant un parent du premier degré atteint de cancer gastrique et chez ceux ayant un génotype de type pro-inflammatoire
de certaines interleukines comme l’interleukine 1β et le TNFα
(15). L’ensemble de ces données est en faveur d’une éradication
En conclusion, s’il n’apparaît pas justifié de modifier les recommandations de la conférence de consensus de 1999 pour la dyspepsie non ulcéreuse et le reflux gastro-œsophagien, il semble que
l’on doive modifier l’attitude pratique vis-à-vis des patients mis
sous traitement anti-inflammatoire en recommandant l’éradication de la bactérie. Une éradication dans le cadre de la prévention
du cancer gastrique paraît nécessaire chez les parents du premier
degré de malades ayant un cancer, et également en cas d’infection
avérée du corps gastrique. Pour ce faire, une recherche systématique de l’infection à H. pylori et d’anomalies histologiques au
niveau du fundus et de l’antre est à recommander chaque fois
qu’une endoscopie a été prescrite pour symptômes dyspeptiques.
Les indications de la recherche et du traitement de H. pylori telles
qu’elles sont recommandées par le Groupe d’Études Français des
Hélicobacters (GEFH) sont résumées dans les tableaux II et III.
La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 4 - vol. VI - juillet-août 2003
Tableau II. Recommandations du GEFH en 2003 pour la
recherche et le traitement de Helicobacter pylori.
oui
non
Ulcère duodénal
Ulcère gastrique
+
+
–
–
Reflux gastro-œsophagien
–
+
Prévention des lésions des AINS
+
Dyspepsie non ulcéreuse
+
–
Prévention du cancer gastrique
+
–
Tableau III. À qui proposer la recherche et le traitement de Helicobacter pylori pour prévenir le cancer ?
❏ En priorité chez les sujets à risque élevé :
– Antécédents de gastrectomie partielle ;
– Parents du premier degré de malades ayant un cancer
gastrique ;
– Malades ayant des lésions prénéoplasiques (gastrite
atrophique, métaplasie intestinale…) à la biopsie fundique.
❏ Peuvent être proposés chez tout sujet ayant recours
au système de soins.
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6. Warburton-Timms VJ, Charlett A, Valori RM et al. The significance of cagA
Helicobacter pylori in reflux oesophagitis. Gut 2001 ; 49 : 341-6.
La recherche de H. pylori peut être réalisée selon le contexte, soit
par un test direct, soit par un test indirect (sérologie ou test respiratoire à l’urée 13C ). Un test indirect peut être suffisant chez les
sujets apparentés à des malades ayant un cancer gastrique, chez
les malades devant être mis sous AINS et chez les dyspeptiques
de moins de 45 ans sans signe d’alarme. Les biopsies antrales et
fundiques devraient être réalisées lors de toute gastroscopie.
Il paraît donc souhaitable d’envisager une nouvelle révision de
■
la conférence de consensus.
7. Moayyedi P, Bardhan C, Young L et al. Helicobacter pylori eradication does not
exacerbate reflux symptoms in gastroesophageal reflux disease. Gastroenterology
2001 ; 121 : 1120-6.
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in high-risk users of aspirin or nonsteroidal medications : final answer ?
Gastroenterology 2002 ; 122 : 238-40.
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peptic ulcers in patients starting long-term treatment with non-steroidal antiinflammatory drugs : a randomised trial. Lancet 2002 ; 359 : 9-13.
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É F É R E N C E S
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non-steroidal anti-inflammatory drugs in peptic-ulcer disease : a meta-analysis.
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Gastroenterology 2001 ; 121 : 784-91.
13. Helicobacter
and Cancer Collaborative Group. Gastric cancer and
Helicobacter pylori : a combined analysis of 12 case control studies nested within
prospective cohorts. Gut 2001 ; 49 : 347-53.
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the development of gastric cancer. N Engl J Med 2001 ; 345 : 784-8.
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