La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 4 - vol. VI - juillet-août 2003 169
VIE PROFESSIONNELLE
analyse publiée en 2002 confirme l’effet additif de l’infection à
H. pylori et des AINS dans l’augmentation du risque de lésions
ulcérées gastroduodénales (11). L’ensemble de ces données sug-
gère donc l’intérêt de l’éradication de l’infection à H. pylori chez
les patients devant prendre des AINS.
Les progrès les plus importants réalisés ces dernières années
concernent la relation entre H. pylori et le cancer gastrique. Plu-
sieurs études épidémiologiques prospectives ont confirmé l’aug-
mentation nette du risque relatif de développer un cancer gastrique
en cas d’infection à H. pylori, notamment dans les populations
occidentales. Il est ainsi admis que le risque relatif de cancer gas-
trique lié à l’infection à H. pylori est au moins de 8 en moyenne
dans un pays comme la France. Il serait nettement plus élevé pour
les cancers gastriques du sujet jeune. Une étude suédoise réalisée
avec un test sérologique permettant de mettre en évidence les anti-
corps anti-protéine CagA qui disparaissent plus lentement du
sérum que les autres anticorps anti-H. pylori, ce qui réduit le
nombre de cancers faussement H. pylori négatif, montre que le
risque relatif de cancer gastrique dans la population suédoise est
augmenté d’un facteur 30 en cas de sérologie positive. Fait impor-
tant, cette augmentation du risque relatif concerne non seulement
les adénocarcinomes de type intestinal, mais également ceux de
type diffus lorsqu’ils sont situés au niveau du corps ou de l’antre
gastrique. En revanche, dans cette étude, le risque relatif de déve-
lopper un cancer du cardia en cas d’infection à H. pylori n’est pas
significativement augmenté, même s’il est supérieur à 1 (12). Ce
résultat est concordant avec la méta-analyse du “Helicobacter and
Cancer Collaborative Group” qui montre que l’infection à H. pylori
ne modifie pas le risque de cancer par rapport à une population
témoin non infectée (13). Ces résultats sont en contradiction avec
des études préliminaires qui avaient suggéré une diminution du
risque relatif de cancer du cardia en cas d’infection à H. pylori,et
donc un rôle protecteur de l’infection sur cette pathologie dont
l’incidence augmente. Parallèlement, l’étude longitudinale sur
dixans de Uemura et al. réalisée au Japon montre bien que parmi
les patients vus en endoscopie pour symptômes dyspeptiques, seuls
ceux qui ont une infection à H. pylori, et parmi les patients ayant
une infection à H. pylori seuls ceux qui ont une gastrite touchant
le corps gastrique, sont exposés au risque de cancer, ce qui explique
l’absence de cancer chez les patients ayant un ulcère duodénal.
Cette étude montre enfin que si l’on excepte les patients ayant un
ulcère duodénal, tous les autres, quelle que soit leur pathologie
initiale, sont exposés au risque de cancer de type intestinal ou de
type diffus (14). En outre, plusieurs études ont montré que le risque
de cancer en cas d’infection à H. pylori était fonction de la réponse
inflammatoire individuelle, avec un risque augmenté chez les
patients ayant un parent du premier degré atteint de cancer gas-
trique et chez ceux ayant un génotype de type pro-inflammatoire
de certaines interleukines comme l’interleukine 1βet le TNFα
(15). L’ensemble de ces données est en faveur d’une éradication
préventive de la bactérie chez les patients parents du premier degré
de malades ayant un cancer gastrique, mais fait également
évoquer l’intérêt de l’éradication préventive de l’infection chez
ceux pour qui des biopsies réalisées lors d’une endoscopie auraient
montré une gastrite à H. pylori au niveau du corps de l’estomac.
En conclusion, s’il n’apparaît pas justifié de modifier les recom-
mandations de la conférence de consensus de 1999 pour la dys-
pepsie non ulcéreuse et le reflux gastro-œsophagien, il semble que
l’on doive modifier l’attitude pratique vis-à-vis des patients mis
sous traitement anti-inflammatoire en recommandant l’éradica-
tion de la bactérie. Une éradication dans le cadre de la prévention
du cancer gastrique paraît nécessaire chez les parents du premier
degré de malades ayant un cancer, et également en cas d’infection
avérée du corps gastrique. Pour ce faire, une recherche systéma-
tique de l’infection à H. pylori et d’anomalies histologiques au
niveau du fundus et de l’antre est à recommander chaque fois
qu’une endoscopie a été prescrite pour symptômes dyspeptiques.
Les indications de la recherche et du traitement de H. pylori telles
qu’elles sont recommandées par le Groupe d’Études Français des
Hélicobacters (GEFH) sont résumées dans les tableaux II et III.
oui non
Ulcère duodénal + –
Ulcère gastrique + –
Reflux gastro-œsophagien – +
Prévention des lésions des AINS +
Dyspepsie non ulcéreuse + –
Prévention du cancer gastrique + –
Tableau II. Recommandations du GEFH en 2003 pour la
recherche et le traitement de Helicobacter pylori.
❏En priorité chez les sujets à risque élevé :
– Antécédents de gastrectomie partielle ;
– Parents du premier degré de malades ayant un cancer
gastrique ;
– Malades ayant des lésions prénéoplasiques (gastrite
atrophique, métaplasie intestinale…) à la biopsie fundique.
❏Peuvent être proposés chez tout sujet ayant recours
au système de soins.
Tableau III. À qui proposer la recherche et le traitement de Heli-
cobacter pylori pour prévenir le cancer ?