Questions / réponses Obésité et ronflement QUESTION Mr B., 53 ans, consulte pour une obésité importante, ancienne et aggravée depuis 5 ans par une prise de poids de 15 kg consécutive à la perte de son emploi. Le père du patient et une de ses sœurs pèsent chacun plus de 100 kg. Le patient a une activité physique très réduite, il n’a jamais fumé. Il existe une hypertension artérielle, connue depuis 3 ans et traitée par une association diurétique + inhibiteur de l’enzyme de conversion. Le patient s’est endormi dans la salle d’attente. À l’examen, le poids est de 132 kg pour une taille de 1,72 m le tour de taille est mesuré à 106 cm, la pression artérielle, mesurée avec un brassard de taille adaptée, est à 155/105 mmHg. L’interrogatoire du patient et de son conjoint mettent en évidence un ronflement gênant pour l’entourage, un sommeil agité et une irritabilité dans la journée. obèses massifs. Une répartition abdominale du tissu adipeux est également un facteur favorisant. 1. Comment définir le surpoids de ce patient ? Il s’agit d’une obésité massive (indice de masse corporelle = poids/taille > 40 kg/m 2), avec accumulation de graisse abdominale (tour de taille > 100 cm), à caractère familial, compliquée d’une hypertension artérielle et une suspicion de syndrome d’apnée du sommeil. 3. Quelles sont les principales complications du syndrome d’apnée du sommeil ? Le syndrome d’apnée du sommeil entraîne une hypoxémie nocturne, favorise l’hypoventilation alvéolaire diurne (hypoxémie-hypercapnie) et peut être responsable d’hypertension artérielle systémique, d’hypertension artérielle pulmonaire et de troubles du rythme cardiaque avec risque de mort subite. Cela explique que le retentissement du syndrome d’apnée du sommeil soit particulièrement préoccupant chez le patient coronarien. Les autres conséquences peuvent être graves : accidents sur la voie publique (par baisse de la vigilance) et difficultés relationnelles. 2. Devant la suspicion d’un syndrome d’apnée du sommeil chez ce patient obèse, quels sont les signes cliniques à rechercher systématiquement ? Les signes cliniques à rechercher sont en particulier : l’hypersomnolence diurne, le ronflement, les apnées constatées par l’entourage, les troubles psychiques (diminution de l’efficience intellectuelle, les troubles de la mémoire et de l’attention) et les céphalées matinales. Le syndrome d’apnée du sommeil n’est pas spécifique au sujet obèse, mais l’obésité est un facteur de risque important. La prévalence du syndrome d’apnée du sommeil dans la population générale a été estimée à 2 % chez les femmes et 4 % chez les hommes d’âge moyen, indiquant une prédominance masculine. La prévalence du syndrome d’apnée du sommeil chez l’obèse n’est pas connue avec précision, mais pourrait dépasser 40 % chez les patients 4. Quels examens complémentaires sont indiqués ? L’existence de signes cliniques évocateurs d’un syndrome d’apnée du sommeil chez un patient obèse nécessite des investigations complémentaires permettant : 1. l’affirmation de l’existence et la quantification des apnées (et hypopnées) au cours du sommeil (enregistre- 49 Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume II, n° 4, août 1998 Questions / réponses ment polysomnographique au laboratoire du sommeil) ; 2. l’évaluation du retentissement cardiovasculaire ; 3. un examen ORL et maxillo-facial précisant la morphologie des voies aériennes supérieures. Certaines techniques, comme la polygraphie ventilatoire nocturne (enregistrement des bruits trachéaux couplé à celui de la saturation en oxygène), permettent le dépistage et l’identification des cas pour lesquels un traitement urgent est requis. Ces investigations sont complétées par la réalisation d’explorations fonctionnelles respiratoires et par la mesure des gaz du sang artériel. Chez le patient obèse, il existe fréquemment un syndrome restrictif et une hypoxémie. L’hypercapnie est un signe de gravité en cas de syndrome d’apnée du sommeil. plications majeures prises en compte pour l’indication d’une chirurgie de réduction gastrique. La prise de boissons alcoolisées et de sédatifs doit être évitée. La chirurgie du voile du palais paraît peu efficace et a actuellement des indications limitées. La correction d’éventuelles anomalies anatomiques (en particulier chirurgie d’avancement mandibulaire ou prothèse endo-buccale) relève du spécialiste de chirurgie maxillo-faciale. J.M. Oppert, service de médecine interne et nutrition, Hôtel-Dieu, Paris. J.P. Laaban, service de pneumologie et réanimation, Hôtel-Dieu, Paris. 5. Quelles sont les possibilités thérapeutiques ? Le premier traitement est médical : dans les syndromes d’apnée du sommeil sévères, c’est la ventilation en pression positive continue, pendant la nuit, par l’intermédiaire d’un masque nasal relié à un compresseur d’air (nasal continuous positive airway pressure, NCPAP). Ce traitement efficace (prescrit et suivi par le spécialiste pneumologue) est débuté parallèlement aux conseils diététiques. L’effet de la perte de poids est variable et encore défini de façon incomplète. Chez les patients non massivement obèses, une perte de poids modérée peut améliorer notablement les paramètres respiratoires et permettre, dans certains cas, l’arrêt du traitement par pression positive. Chez les patients massivement obèses, l’existence d’un syndrome d’apnée du sommeil fait partie des com- Références ✘ Laaban J.P. La fonction respiratoire dans lÕobŽsitŽ massive. Rev Prat 1993 ; 43 : 1911-7. ✘ Strobel R.J., Rosen R.C. Obesity and weight loss in obstructive sleep apnea : a critival review. Sleep 1996 : 19 : 104-15. ✘ Laaban J.P. Cassuto D., Orvoen-Frija E., Iliou M.C., Mundler O., Leger D., Oppert J.M. Cardiorespiratory complications of sleep apnea syndrome in patients with massive obesity. Eur Resp J 1998 ; 11 : 20-7. ✘ Oppert J.M. Traitement des complications de lÕobŽsitŽ. Cah Nutr DiŽt 1998 ; 33 : 144-8. 50 Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume II, n° 4 , août1998