Fiche technique L n° 41 Traitement des fistules anales

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Fiche technique
n° 41
Traitement des fistules anales
par colle biologique
Jean-Charles Grimaud*
* Service de gastroentérologie, hôpital Nord, Marseille.
Traitement des fistules anales
par colle biologique
Fiche à détacher et à archiver
L
a prise en charge thérapeutique des fistules anales
doit bien sûr permettre de guérir la suppuration
en évitant au mieux les récidives, mais également
préserver la fonction sphinctérienne. En l’absence de
facteurs de risque d’incontinence anale tels que les traumatismes obstétricaux, la situation antérieure de la fistule
chez la femme, l’âge avancé, les antécédents de chirurgie
anale et la maladie de Crohn, la fistulotomie est habituellement indiquée pour le traitement des fistules basses
intersphinctériennes ou transphinctériennes inférieures,
qui sont de loin les plus fréquentes. C’est pourquoi, depuis
quelques années, des techniques dites “d’épargne sphinctérienne” se sont développées, dont l’objectif est de limiter
les troubles de la continence anale. Parmi ces procédés,
l’utilisation de colles biologiques tient une place importante. Elle s’adresse plus particulièrement aux fistules
hautes ou complexes et aux patients exposés aux séquelles
d’incontinence anale postfistulotomie présentant un ou
plusieurs des facteurs de risque exposés plus haut.
Depuis maintenant plus de 20 ans, les colles biologiques sont utilisées en chirurgie, essentiellement à visée
hémostatique. Les premiers composés mis sur le marché
étaient à base de fibrine autologue. Plus récemment, des
colles hétérologues ont été commercialisées. Associant de
meilleures propriétés mécaniques et un pouvoir adhésif
probablement supérieur, elles sont efficaces plus longtemps. Leur procédé de production est également moins
onéreux, non limité et plus simple que celui des produits
autologues. Leur principe d’action est de reproduire les
phénomènes de la dernière phase de la cascade de la
coagulation et de favoriser la cicatrisation en créant un
réseau de fibrine identique à celle du patient, douée de
propriétés adhésives et hémostatiques et d’une capacité
à la colonisation par les fibroblastes. L’adjonction d’aprotinine permet de retarder l’induction de la fibrinolyse par
les enzymes plasmatiques et tissulaires jusqu’à 3 semaines,
optimisant ainsi les chances de succès.
Avant tout traitement d’une fistule ano-périnéale par
injection de colle biologique, il convient de réaliser un
bilan lésionnel précis. En effet, la méconnaissance d’un
trajet fistuleux complexe peut compromettre les chances
de bons résultats, mais, surtout, la mise en évidence d’un
éventuel abcès contre-indique, du moins de manière
temporaire, l’emploi de ce type de technique. Ainsi, l’existence d’une cavité abcédée doit impérativement conduire
La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue - vol. XI - n° 3 - mai-juin 2008
à son drainage préalable, parfois de manière prolongée.
Ce bilan s’effectue au mieux par l’imagerie par résonance
magnétique (IRM) pelvienne ou l’échographie endoanale.
L’IRM, réalisée au mieux avec une sonde endorectale,
permet une bonne visualisation des orifices internes, des
trajets fistuleux et des collections et renseigne sur l’anatomie du pelvis. L’échographie endoanale, moins onéreuse
et souvent plus accessible, renseigne également sur les
trajets fistuleux et l’existence de cavités abcédées. Ses
limites sont l’existence d’une sténose anale et les fistules
hautes, hors du champ de la sonde d’échographie.
La colle biologique utilisée, Beriplast® (laboratoires
Nycomed), résulte de la combinaison de fibrinogène, de
facteur XIII, de plasminogène et de thrombine d’origine
humaine ainsi que d’aprotinine bovine. Afin d’optimiser
les chances de succès, la concentration d’aprotinine est
multipliée par 4 (soit 4 000 U/ml pour un dosage initial
de 1 000 U/ml) par rapport aux recommandations éditées
par le fabricant, et ce grâce à un concentré d’aprotinine
(Trasylol®, laboratoires Bayer). Afin de vérifier l’absence
d’une hypersensiblité à ce composant, un prick test aura
été effectué avant toute utilisation.
La procédure, réalisée par un chirurgien ou un proctologue, se déroule au bloc opératoire dans des conditions
d’asepsie strictes. Un lavement (Normacol®, laboratoires
Norgine Pharma) aura eu lieu dans l’heure précédente.
Le patient est installé en position gynécologique. Après
avivage du trajet fistuleux à l’aide d’une curette en mousse,
on procède à l’injection de colle par les orifices secondaires, guidé éventuellement par un contrôle échographique continu avec une sonde linéaire de 7,5 MHz. En
cas de fistule ano- ou recto-génitale, l’abstinence sexuelle
est recommandée pendant 2 semaines.
Fiche technique
Sous la responsabilité de leurs auteurs
Les résultats du traitement des fistules anales par injection
de colle biologique sont très diversement appréciés. Seules
trois séries publiées ont porté sur plus de 60 malades (1-3).
Les taux de succès rapportés dans la littérature sont très
variables, allant de 24 à 85 % de guérison. Cette grande
disparité peut être la résultante de différents facteurs,
comme l’utilisation de colle autologue, qui a, depuis,
été abandonnée au profit des composés hétérologues,
mais surtout le type de fistule traité. Ainsi, l’existence de
fistules complexes semble associée à un taux de guérison
plus faible. La longueur du trajet fistuleux, la maladie de
Crohn et l’infection par le VIH sont, pour certains, des
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par colle biologique
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Sous la responsabilité de leurs auteurs
Il apparaît donc que le traitement des fistules ano-périnéales par injection de colle biologique est une méthode
simple et reproductible, quasiment dénuée d’effets.
Cette technique peut être retenue comme traitement de
première intention pour les fistules hautes ou complexes
et s’adressera, dans tous les cas, aux patients présentant
des facteurs de risque d’incontinence anale après fistulotomie. De plus, elle n’hypothèque pas les chances de
succès ultérieures d’autres méthodes plus agressives. N
Les effets secondaires rapportés dans la littérature sont
rares et ne sont jamais graves. Ils résultent le plus souvent
de la méconnaissance d’un abcès. Les cas d’intolérance
à la colle sont exceptionnels ; ils ont été rapportés lors
de l’utilisation de cyanoacrylate. À ce jour, aucun cas
d’incontinence anale n’a été rapporté.
3. Zmora O, Neufeld D, Ziv Y et al. Prospective, multicenter evaluation
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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facteurs pronostiques de mauvaise réponse au traitement.
Des techniques ayant pour but d’améliorer les résultats,
comme l’injection locale d’antibiotique ou la fermeture de
l’orifice primaire par un point ou un lambeau de recouvrement, n’ont pas fait la preuve de leur efficacité.
Récemment, un travail portant exclusivement sur le traitement par encollage de fistules ano-périnéales compliquant
une maladie de Crohn a été présenté (4). Il s’agit d’une
étude randomisée multicentrique au cours de laquelle
77 patients ont pu être inclus. Il apparaît que ce type
de prise en charge thérapeutique permet d’obtenir une
rémission clinique complète chez 38 % des patients traités,
tous types de fistules confondus, contre 16 % chez les
patients non traités. Il est remarquable de noter que, si l’on
ne prend en compte que les fistules simples, la guérison
intervient chez 50% des patients traités, contre 22%. Cette
approche de la pathologie fistuleuse ano-périnéale est
particulièrement intéressante chez ces patients porteurs
d’une maladie de Crohn, dont la fonction sphinctérienne
est bien souvent compromise.
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