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La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue - vol. XI - n° 3 - mai-juin 2008
Traitement des fistules anales
par colle biologique
Jean-Charles Grimaud*
* Service de gastroentérologie, hôpital Nord, Marseille.
Traitement des fistules anales
par colle biologique
n° 41
L
a prise en charge thérapeutique des fistules anales
doit bien sûr permettre de guérir la suppuration
en évitant au mieux les récidives, mais également
préserver la fonction sphinctérienne. En l’absence de
facteurs de risque d’incontinence anale tels que les trau-
matismes obstétricaux, la situation antérieure de la fistule
chez la femme, l’âge avancé, les antécédents de chirurgie
anale et la maladie de Crohn, la fistulotomie est habituel-
lement indiquée pour le traitement des fistules basses
intersphinctériennes ou transphinctériennes inférieures,
qui sont de loin les plus fréquentes. C’est pourquoi, depuis
quelques années, des techniques dites “d’épargne sphinc-
térienne” se sont développées, dont l’objectif est de limiter
les troubles de la continence anale. Parmi ces procédés,
l’utilisation de colles biologiques tient une place impor-
tante. Elle s’adresse plus particulièrement aux fistules
hautes ou complexes et aux patients exposés aux séquelles
d’incontinence anale postfistulotomie présentant un ou
plusieurs des facteurs de risque exposés plus haut.
Depuis maintenant plus de 20 ans, les colles biologi-
ques sont utilisées en chirurgie, essentiellement à visée
hémostatique. Les premiers composés mis sur le marché
étaient à base de fibrine autologue. Plus récemment, des
colles hétérologues ont été commercialisées. Associant de
meilleures propriétés mécaniques et un pouvoir adhésif
probablement supérieur, elles sont efficaces plus long-
temps. Leur procédé de production est également moins
onéreux, non limité et plus simple que celui des produits
autologues. Leur principe d’action est de reproduire les
phénomènes de la dernière phase de la cascade de la
coagulation et de favoriser la cicatrisation en créant un
réseau de fibrine identique à celle du patient, douée de
propriétés adhésives et hémostatiques et d’une capacité
à la colonisation par les fibroblastes. L’adjonction d’apro-
tinine permet de retarder l’induction de la fibrinolyse par
les enzymes plasmatiques et tissulaires jusqu’à 3 semaines,
optimisant ainsi les chances de succès.
Avant tout traitement d’une fistule ano-périnéale par
injection de colle biologique, il convient de réaliser un
bilan lésionnel précis. En effet, la méconnaissance d’un
trajet fistuleux complexe peut compromettre les chances
de bons résultats, mais, surtout, la mise en évidence d’un
éventuel abcès contre-indique, du moins de manière
temporaire, l’emploi de ce type de technique. Ainsi, l’exis-
tence d’une cavité abcédée doit impérativement conduire
à son drainage préalable, parfois de manière prolongée.
Ce bilan s’effectue au mieux par l’imagerie par résonance
magnétique (IRM) pelvienne ou l’échographie endoanale.
L’IRM, réalisée au mieux avec une sonde endorectale,
permet une bonne visualisation des orifices internes, des
trajets fistuleux et des collections et renseigne sur l’ana-
tomie du pelvis. L’échographie endoanale, moins onéreuse
et souvent plus accessible, renseigne également sur les
trajets fistuleux et l’existence de cavités abcédées. Ses
limites sont l’existence d’une sténose anale et les fistules
hautes, hors du champ de la sonde d’échographie.
La colle biologique utilisée, Beriplast
®
(laboratoires
Nycomed), résulte de la combinaison de fibrinogène, de
facteur XIII, de plasminogène et de thrombine d’origine
humaine ainsi que d’aprotinine bovine. Afin d’optimiser
les chances de succès, la concentration d’aprotinine est
multipliée par 4 (soit 4 000 U/ml pour un dosage initial
de 1000 U/ml) par rapport aux recommandations éditées
par le fabricant, et ce grâce à un concentré d’aprotinine
(Trasylol
®
, laboratoires Bayer). Afin de vérifier l’absence
d’une hypersensiblité à ce composant, un prick test aura
été effectué avant toute utilisation.
La procédure, réalisée par un chirurgien ou un procto-
logue, se déroule au bloc opératoire dans des conditions
d’asepsie strictes. Un lavement (Normacol
®
, laboratoires
Norgine Pharma) aura eu lieu dans l’heure précédente.
Le patient est installé en position gynécologique. Après
avivage du trajet fistuleux à l’aide d’une curette en mousse,
on procède à l’injection de colle par les orifices secon-
daires, guidé éventuellement par un contrôle échogra-
phique continu avec une sonde linéaire de 7,5 MHz. En
cas de fistule ano- ou recto-génitale, l’abstinence sexuelle
est recommandée pendant 2 semaines.
Les résultats du traitement des fistules anales par injection
de colle biologique sont très diversement appréciés. Seules
trois séries publiées ont porté sur plus de 60 malades (1-3).
Les taux de succès rapportés dans la littérature sont très
variables, allant de 24 à 85% de guérison. Cette grande
disparité peut être la résultante de différents facteurs,
comme l’utilisation de colle autologue, qui a, depuis,
été abandonnée au profit des composés hétérologues,
mais surtout le type de fistule traité. Ainsi, l’existence de
fistules complexes semble associée à un taux de guérison
plus faible. La longueur du trajet fistuleux, la maladie de
Crohn et l’infection par le VIH sont, pour certains, des