La description des syndromes cliniques dans le chapitre sui-
vant découle de ces études.
Il est également ressorti de ces études que le fait d’être por-
teuse d’une prédisposition génétique conférait à une femme un
risque de cancer du sein cumulé au cours de la vie de plus de
80 % (= pénétrance quasi complète, sexe- et âge-dépendante)
contre 8 % en population générale, avec un risque tumoral déjà
majeur avant la ménopause (> 50 %). On peut donc parler
alors de la définition d’un groupe à haut risque.
Les résultats de ces études, même en l’absence d’analyse
moléculaire, permettent d’estimer la probabilité qu’une situa-
tion familiale reflète une prédisposition sous-jacente, en pre-
nant en compte les âges au diagnostic et la structure de la
famille (âge des femmes indemnes, répartition des cas). Cette
prédisposition peut être calculée de façon précise par certains
logiciels utilisant les résultats précédents. On peut aussi se
référer à des tables qui ont été publiées par Claus et coll. (3).
L’exemple du tableau I en est extrait (le risque est à comparer
au 8 % standard).
Pour aller plus loin dans l’appréciation du risque et identifier
la personne à haut risque, il faut pouvoir connaître son statut
génétique vis-à-vis des gènes de prédisposition identifiés. Si,
dans l’exemple précédent, une anomalie génétique était identi-
fiée dans la famille (étape obligatoire et limitante à partir des
personnes atteintes), un test génétique pourrait être proposé
chez cette femme (un risque sur deux d’avoir hérité de la pré-
disposition de sa mère). Si elle est porteuse de l’anomalie, son
risque de cancer du sein est majeur (80 %), sinon son risque
est standard (8 %).
On retient actuellement que le pourcentage de la population
ayant une mutation d’un gène majeur de prédisposition serait
de 1/250. Ces estimations varient selon les publications, mais
une femme sur 600 serait porteuse du premier gène identifié,
BRCA1. Si ces estimations sont vraies, le cancer du sein peut
être considéré comme une des maladies génétiques les plus
fréquentes.
La part des cancers épithéliaux de l’ovaire avec une prédispo-
sition génétique est aussi estimée entre 5 % et 10 %. Dans les
agrégations sein-ovaire, le risque de cancer de l’ovaire des
patientes prédisposées est moindre que le risque mammaire,
mais il est de l’ordre de 40 % à 80 ans, ce qui est de toute
façon bien supérieur à celui d’une femme de la population
générale (0,9 %).
DÉFINITION DES PRINCIPAUX SYNDROMES CLINIQUES
DE PRÉDISPOSITION HÉRÉDITAIRE AUX CANCERS
SEIN/OVAIRE
L’indication de consultation d’oncogénétique repose sur des
particularités cliniques permettant de dégager, parmi les cas
familiaux, ceux qui sont vraisemblablement d’origine géné-
tique. Les caractéristiques cliniques pouvant évoquer une pré-
disposition héréditaire aux cancers du sein et/ou de l’ovaire
sont :
– un âge de survenue précoce (< 40 ans pour les cancers du
sein, < 50 ans pour les cancers de l’ovaire),
– une atteinte bilatérale,
– des cancers multiples chez une même malade : sein + ovaire,
– un cas de cancer du sein chez un homme,
– l’existence d’apparentées du premier et du deuxième degré[1]
atteintes de cancer du sein et/ou de l’ovaire (transmission ver-
ticale).
Plus récemment, la possibilité d’utiliser des critères liés à la
tumeur elle-même a été proposée (voir l’article de H. Sobol).
Comme guide, on peut retenir la description suivante des diffé-
rents syndromes :
1. Avec prédominance des cancers du sein et/ou de l’ovaire
– Syndrome “sein site spécifique” ou “syndrome du cancer
du sein seul”.
Dans une même branche parentale :
– trois sujets ou plus sont atteints de cancer du sein, dont au
moins deux sont liés au premier degré de parenté,
– ou deux sujets apparentés au premier degré sont atteints de
cancer du sein, mais l’un au moins a un âge < 40 ans ou un
cancer du sein bilatéral, ou encore un cas est masculin.
– Syndrome “sein-ovaire” : dans une même branche paren-
tale, chez des sujets apparentés au premier degré, il existe à la
fois des cancers du sein et au moins un cancer de l’ovaire.
– Syndrome “ovaire site spécifique” : beaucoup plus rare
que les deux précédents : au moins deux cas de cancers de
l’ovaire chez des apparentés du premier degré.
2. Avec des sphères anatomiques différentes
– Le syndrome de Li et Fraumeni associe dans une même
branche parentale des sarcomes, des cancers du sein, des
hémopathies malignes, des tumeurs cérébrales et des cortico-
surrénalomes (voir l’article de J.M. Limacher). Il existe des
formes avec ou sans mutation du gène p53. Ce syndrome de
transmission autosomale dominante, heureusement rare,
touche des sujets jeunes.
– Le syndrome de Lynch II, ou HNPCC (hereditary non
polyposis colorectal cancer), associe des cancers digestifs
(côlon, estomac), des cancers gynécologiques (endomètre,
ovaire) et des cancers des voies urinaires (4). Le cancer du sein
est parfois retrouvé dans certaines familles, mais ne fait pas
partie du spectre d’expression habituel du syndrome. Dans les
HNPCC, le risque de cancer ovarien est marginal par rapport
au risque colique, mais il reste de l’ordre de 10 %. Six gènes
sont impliqués dont deux fréquemment, hMSH2 et hMLH1.
13
La Lettre du Sénologue - n° 5 - septembre 1999
Âge au diagnostic de cancer du sein Risque cumulé à 80 ans
chez la femme
Chez la mère Chez la tante
75 ans 75 ans 10 %
65 ans 65 ans 15 %
65 ans 35 ans 27 %
35 ans 65 ans 30 %
35 ans 35 ans 41 %
Tableau I. Risque cumulé de cancer du sein chez une femme dont la
mère et la tante maternelle ont été atteintes toutes les deux.
[1] Apparentés du premier degré : parents, enfants, fratrie ; du second
degré : grands-parents, oncles et tantes.