244 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 4 - avril 2011
Oncogénétique
OBJECTIFS D’ENSEIGNEMENT
PROFESSIONNEL CONTINU
Faits nouveaux
Prise en charge individuelle envisageable
en 2008
Les mesures qui permettent de prendre en charge de façon optimale
les risques de cancer sont largement discutées. Dans tous les cas,
la connaissance du risque héréditaire modifi e la prise en charge
médicale des membres d’une famille à risque.
À l’échelle nationale, des recommandations de bonnes pratiques
professionnelles à la demande du ministre de la Santé sur les diffé-
rentes options possibles sont faites. Les décisions (en particulier de
chirurgie prophylactique) sont prises dans le cadre d’une démarche
pluridisciplinaire concertée et partagée.
Chez les femmes asymptomatiques porteuses d’une mutation
BRCA, la mise en place d’une surveillance précoce clinique (dès
20 ans, 2 à 3 fois par an) et mammographique (dès 30 ans, annuelle,
avec au moins deux incidences par sein et une double lecture
comparative des clichés) est recommandée. L’échographie est
ajoutée à la mammographie (recommandée en cas de densité
mammaire classée 3 ou 4, voire 2). L’effi cacité du dépistage par
imagerie du sein est probable et bénéfi cie de la valeur ajoutée
de protocoles fondés sur l’IRM annuelle des seins associée à la
séquence mammographie-échographie. Six études prospectives
publiées depuis 2004 vont dans ce sens (4). Le rendement global
de l’IRM semble être aussi bon, voire meilleur, que celui de la
mammographie ; sa place dans la stratégie de dépistage reste à
préciser. Afi n d’assurer la prise en charge optimale, le recours à des
équipes ou à des centres spécialisés en imagerie du sein (assurant
les trois techniques) et pouvant prendre en charge les prélèvements
à effectuer si besoin paraît essentiel.
La chirurgie prophylactique (mastectomie bilatérale prophy-
lactique complète) peut être envisagée à condition de respecter
une liste de critères défi nis et sous réserve que la qualité de vie
après l’intervention soit compatible avec le niveau de protection
attendue. Une reconstruction mammaire immédiate doit être
systématiquement proposée. Cette chirurgie prévient effi cacement
(à 90 %, au moins) la survenue de cancer du sein chez les porteuses
de MC BRCA1 et BRCA2.
Le risque de cancer de l’ovaire des femmes prédisposées pose le
problème de la prise en charge spécifi que à proposer, compte
tenu de l’effi cacité médiocre des mesures existant en surveillance
clinique et échographique et de la gravité de cette maladie. Le suivi
ovarien annuel par échographie pelvienne endovaginale débute à
l’âge de 35 ans, mais l’impact du dépistage ovarien est discutable.
L’effi cacité de la chirurgie prophylactique (annexectomie bilatérale)
a été confi rmée et quantifi ée. L’annexectomie est recommandée
pour les femmes de plus de 40 ans si le projet parental est complet.
La réduction de la fréquence du cancer du sein en cas d’ovariec-
tomie, de l’ordre de 50 %, augmente encore l’impact de cette
intervention. Cette réduction de risque a été systématiquement
retrouvée dans toutes les études publiées (5).
La question de l’hormonoprévention des cancers du sein liés aux
gènes BRCA1 et BRCA2 mérite d’être posée, car elle constitue, à
l’heure actuelle, la seule alternative préventive à la mastectomie.
La réduction du risque liée à l’ovariectomie mais aussi la grande
spécifi cité tissulaire mammaire et ovarienne des cancers imputables
aux gènes BRCA ainsi que la faible pénétrance du cancer du sein
chez l’homme porteur montrent que, malgré la faible expression
des récepteurs estrogéniques dans les tumeurs BRCA1 avérées,
la cancérogenèse BRCA1 et BRCA2 est sensible aux estrogènes.
L’utilisation du tamoxifène comme celle du raloxifène pour la
prévention des cancers du sein chez les femmes à risque reste
controversée. Quoi qu’il en soit, ces molécules n’ont reçu aucune
autorisation de mise sur le marché en France dans cette situation.
D’autres composés sont également testés en chimioprévention,
tels que les antiaromatases. En France, un protocole de phase III
(essai LIBER) comparant l’effi cacité préventive du létrozole au
placebo chez la femme ovariectomisée ou ménopausée porteuse
d’une MC BRCA1/2 est actuellement en cours.
Nouveaux gènes, facteurs modifi cateurs
génétiques
Les MC BRCA1 et BRCA2 n’expliquent pas la totalité des cas dans
les familles où une prédisposition aux cancers du sein et de l’ovaire
est évoquée. Il doit donc exister d’autres gènes majeurs respon-
sables des cas familiaux mais, en dépit de nombreuses recherches,
ceux-là n’ont pas encore été identifi és, sans doute en raison de
l’hétérogénéité des familles étudiées, chaque gène ne pouvant
tenir lieu d’explication que pour une très faible proportion de
familles. Aucun nouveau gène BRCAx n’a été retenu. De nouvelles
analyses de ségrégation sont plutôt en faveur d’un modèle récessif
ou polygénique, ce qui rend l’identifi cation des gènes responsables
plus diffi cile.
La détection d’effets modifi cateurs génétiques des MC BRCA1
et BRCA2 sur les risques de cancer fait l’objet de nombreuses
études. Peu de résultats sont actuellement signifi ants. L’existence
d’un variant du gène RAD51 (135GC) sous forme homozygote
paraît corrélée à une augmentation du risque de cancer du sein
par rapport à sa présence sous forme hétérozygote en cas de MC
BRCA2.
Références bibliographiques
1. Expertise collective Inserm, Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer.
Risques héréditaires de cancers du sein et de l’ovaire. Quelle prise en charge ? Paris :
Éditions Inserm, 1998 : 635 p.
2. Eisinger F, Bressac B, Castaigne D et al. Identifi cation et prise en charge des prédis-
positions héréditaires aux cancers du sein et de l’ovaire (mise à jour 2004). Bull Cancer
2004;91:219-37.
3. Chen S, Parmigiani G. Meta-analysis of BRCA1 and BRCA2 penetrance. J Clin Oncol
2007;25:1329-33.
4. Dent R, Warner E. Screening for hereditary breast cancer. Semin Oncol 2007:34;392-400.
5. Kauff ND, Barakat RR. Risk-reducing salpingo-oophorectomy in patients with germline
mutations in BRCA1 or BRCA2. J Clin Oncol 2007;25:2921-7.