La Lettre du Cardiologue - n° 378 - octobre 2004
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I S E A U P O I N T
recherche d’une cause favorisant la survenue d’apnées est impor-
tante. Un excès pondéral s’observe dans 70 à 75 % des cas, mais
il n’est pas rare de diagnostiquer des cas de SAS chez des patients
jeunes et minces. Une cause anatomique d’obstruction ORL est
alors en général présente.
Dans les formes majeures de SAS, on peut observer des
troubles de la vigilance, des troubles du caractère et de la
mémoire, une perte de la libido, un état dépressif, une poly-
globulie, voir, dans des cas exceptionnels, une insuff i s a n c e
ventriculaire droite.
EFFETS CARDIOVASCULAIRES DU SAS
Les pathologies favorisées par le syndrome d’apnées obstruc-
tives du sommeil sont l’hypertension artérielle, la maladie coro-
naire, les troubles du rythme supraventriculaires et les accidents
vasculaires cérébraux. Il faut bien distinguer ces apnées obs-
tructives des apnées centrales, qui sont la conséquence de l’in-
suffisance cardiaque (50 à 80 % selon la sévérité des tableaux),
par baisse de la sensibilité des récepteurs au CO
2
. Chez les
patients ayant une cardiopathie sévère, il est fréquent d’avoir un
mélange d’apnées obstructives et d’apnées centrales, les causes
et les conséquences se mélangeant, par exemple chez un patient
hypertendu coronarien devenu insuffisant cardiaque. Dans cet
article, nous nous limiterons volontairement aux conséquences
des apnées obstructives.
SAS ET HYPERTENSION ARTÉRIELLE
L’hypertension artérielle est une affection très répandue dans la
population, mais un facteur causal n’est retrouvé que dans 5 à
15 % des cas. Plusieurs études ont montré une prévalence de 30
à 50 % du SAS chez les patients hypertendus.
La responsabilité du SAS dans le développement de l’HTA a
longtemps été controversée en raison des facteurs confondants,
dont le principal est l’obésité.
La cohorte du Wisconsin a montré que, pour un index d’apnées-
hypopnées de 15, le risque relatif d’avoir une hypertension arté-
rielle à l’entrée dans l’étude était de 1,75, et qu’il passait à 3,07
en cas de SAS sévère.
L’an 2000 a apporté des preuves très solides sur un lien de cau-
salité entre SAS et HTA(4-6). Les données de la cohorte du Wis-
consin (4) ont montré que, 4 ans après l’entrée dans l’étude, le
risque de développer une HTAétait multiplié par 2,03 pour les
index compris entre 5 et 15, et qu’il passait à 2,89 pour les index
supérieurs à 15, après ajustement pour l’âge, le sexe, l’index de
masse corporelle, la consommation de tabac et celle d’alcool. On
a donc observé une association dose-réponse : plus le SAS est
sévère, plus le risque de développer une HTA est grand.
Les résultats publiés par Lavie (5) ont apporté un argument sup-
plémentaire en montrant chez 2 6 7 7 patients qu’il existait une
relation linéaire entre IAH et HTA. On peut retenir comme chiff r e
simple que toute augmentation d’un événement par heure de som-
meil augmente de 1 % le risque relatif d’HTA. Ce risque devient
supérieur à 2 chez les patients ayant un SAS sévère.
L’étude transversale publiée par Nieto ( 6 ) , à partir de la S l e e p
Heart Health Study,a porté sur 6 132 sujets issus de six cohortes
américaines de suivi cardiovasculaire ( A t h e ro s c l e r osis Health
Study, Framingham, Heart Study, Strong Heart Study, New York
Hypertension Cohorts, Tucson Epidemiologic Study) et explorés
par polysomnographie complète à domicile. Elle a montré une
association indépendante entre hypertension artérielle et SAS.
Dans cette étude, la prévalence de l’HTAaugmentait avec l’IAH
de façon linéaire, comme dans les deux précédents travaux.
L’an 2000 a ainsi apporté la preuve du risque de développer une
hypertension artérielle en cas de syndrome d’apnées du sommeil.
Sur le plan physiopathologique, c’est l’action du système ner-
veux sympathique répétée qui joue le rôle prépondérant en pro-
voquant une réactivité anormale des résistances artériolaires sys-
témiques, et une stimulation du système rénine-angiotensine. À
long terme, certains effets peuvent devenir irréversibles par des
mécanismes de fibrose artériolaire, expliquant ainsi l’absence de
réversibilité de certaines hypertensions artérielles évoluées mal-
gré le traitement du SAS.
Sur le plan thérapeutique, le traitement du SAS supprime les pics
de pression postapnéiques (3). Des études récentes bien contrô-
lées montrent une réduction significative des chiffres tensionnels
diurnes sous traitement efficace par PPC, alors que le placebo
constitué par une PPC à pression infrathérapeutique diminue de
moitié l’index d’apnées, sans modifier les chiffres tensionnels ( 7 ) .
Dans la pratique quotidienne, il est important d’évoquer un SAS
en cas d’hypertension artérielle résistant au traitement, et d’hy-
pertrophie ventriculaire gauche sans HTAdiurne. On peut espé-
rer que la correction précoce des apnées (CPAP) constitue un
véritable traitement préventif de certaines HTA. Récemment, une
étude a montré l’efficacité de la CPA P sur la prévention de la pré-
éclampsie en cas d’HTA gravidique (8).
SAS ET MALADIE CORONAIRE
Le grand nombre de facteurs de risque coronaire “classiques”
(hypercholestérolémie, HTA, tabagisme, hérédité, diabète, etc.)
rend difficile la mise en évidence d’un nouveau facteur de risque
indépendant. Cette difficulté est accentuée par les relations com-
plexes qui existent entre le SAS et les autres facteurs de risque
cardiovasculaire. Le surpoids est un facteur de risque commun.
Le SAS est une cause d’HTA. Il est responsable de troubles du
métabolisme glucidique et lipidique. Le tabagisme est un facteur
favorisant du SAS par l’intermédiaire d’une inflammation des
voies aériennes supérieures, mais l’arrêt du tabagisme entraîne
fréquemment une prise de poids, qui peut elle-même entraîner
une aggravation du SAS.
La prévalence du SAS chez les patients coronariens est pourtant
remarquablement constante dans la grande majorité des études,
comprise entre 30 et 37 % (9).
Dans la cohorte du Wisconsin (1), le risque relatif d’avoir une
maladie coronaire s’accroît avec l’IAH, passant de 1,2 pour les
index de 2 à 15 à 3 pour les index supérieurs à 30.
Sur le plan biologique et métabolique, le SAS favorise de nom-
breux facteurs de risque cardiovasculaire, en général par l’inter-
médiaire de la stimulation du système nerveux sympathique :