Syndrome d’apnées obstructives du sommeil et maladies cardiovasculaires M

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Syndrome d’apnées obstructives
du sommeil et maladies cardiovasculaires
Obstructive sleep apnea and cardiovascular diseases
R. Pillière*, A. Foucher**
Points forts
Le SAS entraîne une hyperactivité nocturne du système
nerveux sympathique et une augmentation de la variabilité tensionnelle.
Les grandes études épidémiologiques publiées en 2000
ont démontré que le SAS était un facteur causal d’hypertension artérielle.
De nombreux arguments font du SAS un facteur de
risque autonome de maladie coronaire.
Le SAS doit être évoqué devant toute HTA ou maladie
coronaire résistante ou mal corrigée par le traitement.
Le traitement précoce du SAS permet d’espérer une prévention des complication cardiovasculaires.
Mots-clés : Risque - Hypertension - Maladie coronaire.
Keywords: Risk - Hypertension - Coro n a ryart e ry disease.
a responsabilité des troubles du sommeil, et en particulier du syndrome d’apnées du sommeil (SAS), est
de plus en plus clairement établie dans la genèse des
principales pathologies cardiovasculaires (hypertension artérielle,
maladie coronaire, accidents vasculaires cérébraux) et de certains troubles du rythme. Le phénomène physiopathologique de
base est la stimulation répétée du système nerveux sympathique,
qui induit des perturbations hémodynamiques et neurohormonales dans une période où le système cardiovasculaire devrait
être dans une phase de repos relatif. Cela pose de nombreux problèmes pour le cardiologue : intégration d’un nouveau facteur de
L
* Service de cardiologie, hôpital Ambroise-Paré, Boulogne.
** Service d’explorations fonctionnelles, hôpital Ambroise-Paré, Boulogne.
La Lettre du Cardiologue - n° 378 - octobre 2004
risque dans un paysage déjà très chargé, interaction des troubles
du sommeil avec la plupart des facteurs de risque cardiovasculaire, familiarisation avec le dépistage et la physiopathologie dans
un domaine jusqu’alors négligé tant la relation entre cœur et effort
était forte.
CŒUR ET SOMMEIL NORMAL
Le passage de l’état de veille au sommeil à ondes lentes s’accompagne de changements respiratoires et cardiovasculaires
importants. D’un point de vue respiratoire, on observe une baisse
de la ventilation et une augmentation de la pCO2.
D’un point de vue neurovégétatif, le tonus du système nerveux
parasympathique s’accroît, tandis que l’activité du système sympathique diminue, ce qui se traduit, sur le plan cardiovasculaire,
par une baisse de la fréquence cardiaque, de la pression artérielle,
du débit cardiaque et des résistances systémiques. Le cœur entre
dans une phase de repos relatif, avec baisse des contraintes et
“monotonie” des paramètres cardiovasculaires.
Au cours du passage au sommeil paradoxal, le système sympathique est de nouveau activé, et les paramètres cardiovasculaires
retournent à un régime proche de celui de l’état de veille. Cette
phase de sommeil ne représente en général que 25 % de la durée
de sommeil chez l’homme, et le sommeil représente donc, globalement et physiologiquement, un état de repos relatif pour le
système cardiovasculaire.
Diverses anomalies peuvent troubler cette phase de repos : stimuli externes telles certaines nuisances sonores, stimuli endogènes tels les mouvements périodiques des jambes du sommeil,
le hoquet chronique, etc. ; mais le syndrome d’apnées du
sommeil représente la cause de loin la plus fréquente risquant
d’affecter cette phase de repos cardiovasculaire.
SYNDROME D’APNÉES DU SOMMEIL
Une apnée est définie comme une suppression du flux aérien
naso-buccal d’au moins 10 secondes, une hypopnée comme une
diminution du flux respiratoire de plus de 50 % ; elles sont accompagnées d’un micro-éveil ou d’une baisse de la saturation en oxygène du sang d’au moins 4 % (figure 1).
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Figure 1. Enregistrement polysomnographique de 240 secondes chez un patient hypertendu de 65 ans. De haut en bas : courbes d’EEG, de saturation arté rielle en oxygène, de flux aérien nasal, des efforts thoraciques, des efforts abdominaux, et de pression artérielle par photopléthysmographie digitale.
Une apnée obstructive est définie comme un arrêt des flux aériens
avec persistance des efforts thoraco-abdominaux, qui luttent en
général contre un obstacle mécanique.
Au contraire, dans une apnée centrale, ces efforts sont abolis, en
général par un trouble de la commande centrale, par exemple au
cours de pathologies neurologiques ou dans l’insuffisance cardiaque.
L’index d’apnées-hypopnées (IAH) est défini comme la somme des
apnées et hypopnées, divisée par le nombre d’heures de sommeil.
Dans l’étude épidémiologique de référence de la cohorte du Wisconsin (1), le SAS est défini comme l’association d’une hypersomnolence diurne et de l’existence de plus de cinq événements
respiratoires par heure de sommeil.
Le syndrome de résistance des voies aériennes supérieures est
défini comme la survenue de limitations du débit inspiratoire
avec augmentation des efforts thoraco-abdominaux sans apnées
ni baisse de la SaO2 (2).
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MÉCANISMES DES APNÉES OBSTRUCTIVES
La respiration normale au cours du sommeil est un équilibre fragile, car elle met en jeu une filière oropharyngée molle maintenue ouverte par les muscles dilatateurs du pharynx.
L’inspiration crée une dépression intrathoracique qui tend à collaber les voies aériennes supérieures. L’ouverture est maintenue
grâce à l’activité des muscles dilatateurs du pharynx (génioglosse,
hypoglosse...). Différents facteurs peuvent compromettre cet équilibre au cours du sommeil et aboutir à une résistance à l’écoulement de l’air, voire à une obstruction de la filière oropharyngée :
• facteurs physiologiques : le sommeil entraîne une baisse du
tonus des muscles dilatateurs du pharynx ;
• facteurs anatomiques : épaississement des tissus pharyngés
graisseux (obésité), œdémateux (hypothyroïdie), ou inflammatoire (tabagisme), macroglossie, hypertrophie amygdalienne,
rétrognatie, obstruction nasale ou des choanes ;
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• facteurs fonctionnels : prise d’alcool ou de benzodiazépines,
dette de sommeil chronique, qui est un facteur d’hypotonie des
muscles du pharynx et d’autoaggravation dans le SAS.
PHYSIOPATHOLOGIE DES APNÉES
On peut distinguer des effets aigus immédiats hémodynamiques
et neurovégétatifs et des effets chroniques biologiques et métaboliques.
Au cours de l’apnée, on observe une baisse de la PaO2 et une élévation de la pCO2. Au cours d’une apnée obstructive, les efforts
ventilatoires inefficaces provoquent une diminution de la pression
intrathoracique sous l’effet de la contraction diaphragmatique à
glotte fermée. Cela augmente la différence entre les pressions intraet extracardiaques et provoque également une augmentation du
retour veineux, entraînant une distension du ventricule droit, ce
qui se traduit par un septum paradoxal.
On observe une baisse du débit cardiaque et une baisse de la pression artérielle au cours de la première partie de l’apnée, puis une
remontée progressive (due à la mise en jeu du système nerveux
sympathique [SNS] sous l’effet de l’hypoxie). La reprise inspiratoire est un phénomène violent sur le plan cardiovasculaire, car
elle s’accompagne d’une activation du SNS et d’un pic tensionnel
lié à la brutale augmentation des résistances périphériques d’origine sympathique. Les variations de rythme et de pression surviennent habituellement entre 5 et 7 secondes après la fin de
l’apnée. Ces pics atteignent couramment 40 mmHg, et parfois 60
à 80 mmHg sur une durée de développement de 10 à 15 secondes.
Ces pics sont mal détectés par les moyens classiques (holter tensionnel) et ne peuvent être enregistrés et quantifiés que par enregistrement continu, par exemple, par photopléthysmographie d’impédance digitale (figures 2 et 3). Nous avons proposé d’exprimer
cette variabilité tensionnelle en utilisant un chiffre simple : l’écarttype des variations tensionnelles instantanées (3). Cet écart-type
est augmenté dans le SAS et corrigé par le traitement efficace des
apnées par ventilation en pression positive continue (PPC). Le pic
de pression est concomitant d’un micro-éveil cortical.
Figure 3. Enregistrement de la pression artérielle systolique par photo pléthysmographie digitale chez le même patient, au cours de la même
nuit, après mise en route de la PPC.
Les effets chroniques du SAS sont nombreux : augmentation de
l’activité sympathique diurne, stress oxydatif entraînant des réactions endocrines inflammatoires et immunitaires, déficit de la
vasodilatation NO-dépendante, augmentation de la sécrétion
d’endothéline, hyperagrégabilité plaquettaire, élévation de la
concentration matinale en fibrinogène plasmatique. Sur le plan
métabolique, le SAS perturbe le métabolisme lipidique et glucidique et provoque une insulinorésistance et une leptinorésistance.
Ainsi, au cours du suivi de la cohorte du Wisconsin, le risque de
diabète augmente chez les sujets ayant un IAH supérieur à 15.
Ces facteurs expliquent le rôle athérogène potentiel du SAS.
ÉPIDÉMIOLOGIE DU SAS
La cohorte du Wisconsin, portant sur une population de personnes
de 30 à 60 ans en activité professionnelle et en bonne santé, a
montré que 24 % des hommes et 9 % des femmes ont au moins
cinq événements respiratoires par heure de sommeil, ce taux passant à respectivement 15 % et 5 % pour un seuil de 10. L’association à une hypersomnolence diurne, qui définit le SAS, est
présente chez 2 % des femmes et 4 % des hommes.
CLINIQUE DU SAS
Figure 2. Enregistrement de la pression artérielle systolique par photo pléthysmographie digitale. chez un patient apnéique, montrant une tren taine de pics de pression artérielle systolique allant jusqu’à 80 mmHg
d’amplitude, sur une durée de 18 minutes.
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Les symptômes du SAS sont en premier lieu en rapport avec les
micro-éveils répétitifs, non ressentis par le patient, qui fragmentent le sommeil et sont responsables d’une asthénie matinale,
d’une hypersomnie diurne et d’endormissements inopinés. Il n’y
a cependant pas toujours de concordance entre la sévérité du SAS
et la fatigue, qui est un symptôme parfois difficile à apprécier.
Des sueurs nocturnes en rapport avec les pics d’hypercapnie, une
polyurie due à une hypersécrétion d’hormone antidiurétique sous
l’effet des pics de pression auriculaire et parfois des céphalées
matinales sont des signes cliniques témoignant en général d’un
SAS sévère. Le ronflement intense est un signe fréquent mais
non spécifique. La constatation d’apnées par l’entourage est un
motif fréquent de consultation et un élément du diagnostic. La
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recherche d’une cause favorisant la survenue d’apnées est importante. Un excès pondéral s’observe dans 70 à 75 % des cas, mais
il n’est pas rare de diagnostiquer des cas de SAS chez des patients
jeunes et minces. Une cause anatomique d’obstruction ORL est
alors en général présente.
Dans les formes majeures de SAS, on peut observer des
troubles de la vigilance, des troubles du caractère et de la
mémoire, une perte de la libido, un état dépressif, une polyglobulie, voir, dans des cas exceptionnels, une insuffisance
ventriculaire droite.
EFFETS CARDIOVASCULAIRES DU SAS
Les pathologies favorisées par le syndrome d’apnées obstructives du sommeil sont l’hypertension artérielle, la maladie coronaire, les troubles du rythme supraventriculaires et les accidents
vasculaires cérébraux. Il faut bien distinguer ces apnées obstructives des apnées centrales, qui sont la conséquence de l’insuffisance cardiaque (50 à 80 % selon la sévérité des tableaux),
par baisse de la sensibilité des récepteurs au CO2. Chez les
patients ayant une cardiopathie sévère, il est fréquent d’avoir un
mélange d’apnées obstructives et d’apnées centrales, les causes
et les conséquences se mélangeant, par exemple chez un patient
hypertendu coronarien devenu insuffisant cardiaque. Dans cet
article, nous nous limiterons volontairement aux conséquences
des apnées obstructives.
SAS ET HYPERTENSION ARTÉRIELLE
L’hypertension artérielle est une affection très répandue dans la
population, mais un facteur causal n’est retrouvé que dans 5 à
15 % des cas. Plusieurs études ont montré une prévalence de 30
à 50 % du SAS chez les patients hypertendus.
La responsabilité du SAS dans le développement de l’HTA a
longtemps été controversée en raison des facteurs confondants,
dont le principal est l’obésité.
La cohorte du Wisconsin a montré que, pour un index d’apnéeshypopnées de 15, le risque relatif d’avoir une hypertension artérielle à l’entrée dans l’étude était de 1,75, et qu’il passait à 3,07
en cas de SAS sévère.
L’an 2000 a apporté des preuves très solides sur un lien de causalité entre SAS et HTA (4-6). Les données de la cohorte du Wisconsin (4) ont montré que, 4 ans après l’entrée dans l’étude, le
risque de développer une HTA était multiplié par 2,03 pour les
index compris entre 5 et 15, et qu’il passait à 2,89 pour les index
supérieurs à 15, après ajustement pour l’âge, le sexe, l’index de
masse corporelle, la consommation de tabac et celle d’alcool. On
a donc observé une association dose-réponse : plus le SAS est
sévère, plus le risque de développer une HTA est grand.
Les résultats publiés par Lavie (5) ont apporté un argument supplémentaire en montrant chez 2 677 patients qu’il existait une
relation linéaire entre IAH et HTA. On peut retenir comme chiffre
simple que toute augmentation d’un événement par heure de sommeil augmente de 1 % le risque relatif d’HTA. Ce risque devient
supérieur à 2 chez les patients ayant un SAS sévère.
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L’étude transversale publiée par Nieto (6), à partir de la Sleep
Heart Health Study, a porté sur 6 132 sujets issus de six cohortes
américaines de suivi cardiovasculaire (Atherosclerosis Health
Study, Framingham, Heart Study, Strong Heart Study, New York
Hypertension Cohorts, Tucson Epidemiologic Study) et explorés
par polysomnographie complète à domicile. Elle a montré une
association indépendante entre hypertension artérielle et SAS.
Dans cette étude, la prévalence de l’HTA augmentait avec l’IAH
de façon linéaire, comme dans les deux précédents travaux.
L’an 2000 a ainsi apporté la preuve du risque de développer une
hypertension artérielle en cas de syndrome d’apnées du sommeil.
Sur le plan physiopathologique, c’est l’action du système nerveux sympathique répétée qui joue le rôle prépondérant en provoquant une réactivité anormale des résistances artériolaires systémiques, et une stimulation du système rénine-angiotensine. À
long terme, certains effets peuvent devenir irréversibles par des
mécanismes de fibrose artériolaire, expliquant ainsi l’absence de
réversibilité de certaines hypertensions artérielles évoluées malgré le traitement du SAS.
Sur le plan thérapeutique, le traitement du SAS supprime les pics
de pression postapnéiques (3). Des études récentes bien contrôlées montrent une réduction significative des chiffres tensionnels
diurnes sous traitement efficace par PPC, alors que le placebo
constitué par une PPC à pression infrathérapeutique diminue de
moitié l’index d’apnées, sans modifier les chiffres tensionnels (7).
Dans la pratique quotidienne, il est important d’évoquer un SAS
en cas d’hypertension artérielle résistant au traitement, et d’hypertrophie ventriculaire gauche sans HTA diurne. On peut espérer que la correction précoce des apnées (CPAP) constitue un
véritable traitement préventif de certaines HTA. Récemment, une
étude a montré l’efficacité de la CPAP sur la prévention de la prééclampsie en cas d’HTA gravidique (8).
SAS ET MALADIE CORONAIRE
Le grand nombre de facteurs de risque coronaire “classiques”
(hypercholestérolémie, HTA, tabagisme, hérédité, diabète, etc.)
rend difficile la mise en évidence d’un nouveau facteur de risque
indépendant. Cette difficulté est accentuée par les relations complexes qui existent entre le SAS et les autres facteurs de risque
cardiovasculaire. Le surpoids est un facteur de risque commun.
Le SAS est une cause d’HTA. Il est responsable de troubles du
métabolisme glucidique et lipidique. Le tabagisme est un facteur
favorisant du SAS par l’intermédiaire d’une inflammation des
voies aériennes supérieures, mais l’arrêt du tabagisme entraîne
fréquemment une prise de poids, qui peut elle-même entraîner
une aggravation du SAS.
La prévalence du SAS chez les patients coronariens est pourtant
remarquablement constante dans la grande majorité des études,
comprise entre 30 et 37 % (9).
Dans la cohorte du Wisconsin (1), le risque relatif d’avoir une
maladie coronaire s’accroît avec l’IAH, passant de 1,2 pour les
index de 2 à 15 à 3 pour les index supérieurs à 30.
Sur le plan biologique et métabolique, le SAS favorise de nombreux facteurs de risque cardiovasculaire, en général par l’intermédiaire de la stimulation du système nerveux sympathique :
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troubles du métabolisme glucidique avec insulinorésistance,
troubles du métabolisme lipidique, élévation des taux d’homocystéine, abaissement des taux de monoxyde d’azote, activation
de la prolifération des cellules musculaires lisses.
Les pics tensionnels paroxystiques et répétés à l’origine d’une
“hypervariabilité” de la pression artérielle pourraient jouer un rôle
mécanique favorisant la fissuration de la plaque athéroscléreuse.
Dans l’étude transversale de la Sleep Heart Health Study, le SAS
a été identifié comme un facteur indépendant de maladie coronaire, avec cependant un odds-ratio modeste à 1,27.
L’effet du traitement du SAS sur la maladie coronaire est difficile à déterminer. Deux études “historiques” publiées en 1988
mettaient en évidence une baisse de la mortalité, essentiellement
cardiovasculaire, après traitement du SAS (10, 11). Les études
longitudinales récentes confirment ces données (12-14). L’idéal
serait de réaliser une étude randomisée dans une population de
coronariens traités ou non pour un SAS. Une telle étude serait
critiquable sur le plan éthique, car ne pas traiter une pathologie
du sommeil avec hypersomnie engagerait la responsabilité du
médecin.
Nous avons effectué une étude d’intervention en comparant
54 coronariens ayant un SAS, dont 25 étaient traités, en général
par CPAP, et 29 non traités. Après un suivi moyen de 5 ans, nous
avons constaté une diminution significative du nombre d’événements cardiovasculaires majeurs chez les patients traités pour
leur SAS (figure 4) (15).
En pratique quotidienne, il paraît important d’évoquer un SAS
chez les patients ayant une maladie coronaire particulièrement
évolutive ou mal expliquée par les facteurs de risque cardiovasculaire classiques. Dans notre expérience, la recherche et le traitement d’une obstruction nasale chez des coronariens jeunes
paraissent intéressants.
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SAS ET TROUBLES DU RYTHME
Les troubles favorisés par le SAS sont l’arythmie complète par
fibrillation auriculaire et le flutter, qui sont favorisés par l’association de l’hypoxie et de la stimulation adrénergique.
Récemment, un article paru dans Circulation (16) a montré une
diminution du risque de rechute après cardioversion pour arythmie chez les patients qui bénéficiaient d’un traitement du SAS
par CPAP, 82 % de récidive chez les 27 patients non traités contre
42 % chez les 12 patients traités. Même si le nombre de patients
dans cette étude est faible, cette piste physiopathologique paraît
intéressante à explorer.
TRAITEMENT DU SAS
Le traitement de référence reste en 2004 l’utilisation de la pression positive nocturne décrite par Sullivan en 1981, et qui consiste
à empêcher les voies aériennes supérieures de se collaber en maintenant une pression positive grâce à un masque. De nombreuses
améliorations techniques (masques adaptés, humidification,
miniaturisation des appareils, diminution du bruit, équipes de
maintenance, etc.) ont considérablement amélioré la tolérance de
ce traitement par les patients.
De nombreuses études ont montré que la correction du SAS
entraînait une suppression immédiate de ses effets aigus : pics
d’activation sympathique, pics de pression artérielle et hypoxie.
Plus récemment, plusieurs travaux ont montré une correction des
perturbations chroniques entraînées par le SAS et pouvant interagir avec le système cardiovasculaire (17) :
– réduction de l’activité sympathique diurne au long cours après
traitement par CPAP ;
– diminution des niveaux de CRP, fibrinogène, interleukine 6 ;
– normalisation de l’oxydation des LDL ;
– normalisation de l’activation des neutrophiles et monocytes.
Les effets sur les pathologies cardiovasculaires sont encore
incomplètement démontrés, mais une amélioration de l’hypertension artérielle a été mise en évidence dans plusieurs études.
Dans la maladie coronaire, des études sur de plus grandes populations paraissent indispensables pour l’avenir.
D’un point de vue économique plus général, il faut retenir une
étude canadienne qui a montré une diminution des journées
d’hospitalisation chez des patients traités par CPAP (18).
CONCLUSION
Figure 4. Courbe de Kaplan-Meier de suivi chez des patients coronariens
apnéiques selon qu’ils sont traités ou non (15).
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La responsabilité du SAS est impliquée dans la genèse et l’aggravation de la plupart des pathologies cardiaques. On pourrait intégrer le SAS dans un cadre plus global de stimulation anormale du
système nerveux sympathique au cours du sommeil. Le cardiologue du XXIe siècle a un rôle important à jouer dans le dépistage
et la prise en charge des pathologies du sommeil, en particulier
dans l’hypertension artérielle et la maladie coronaire. Une prise
en compte précoce et multidisciplinaire peut laisser espérer une
meilleure prise en charge de ces pathologies, permettant en outre
une amélioration de la qualité de vie des patients.
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