La Lettre du Cardiologue - n° 296 - juin 1998
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INFORMATIONS
ÉTUDE ATLAS (ZENECA)
Un des temps forts de la 47esession de l’ACC à Atlanta (29 mars -
1er avril 1998) a été la présentation des résultats de l’étude ATLAS
(Assessment of treatment with lisinopril and survival), entreprise
en 1992 dans le but d’évaluer les effets sur la mortalité de l’in-
suffisant cardiaque (IC) d’un IEC prescrit soit à faible dose, soit
à forte dose, avec deux critères de jugement : la tolérance et
l’efficacité.
Pourquoi avoir réalisé l’étude ATLAS ?
Alors que plusieurs grandes études ont prouvé que les IEC repré-
sentent une avancée majeure dans le traitement de l’insuffisance
cardiaque, réduisant à la fois la mortalité et la morbidité, cette
classe thérapeutique reste en pratique largement sous-utilisée,
tant par le nombre de patients qui en bénéficient (aux États-Unis,
les IEC ne sont prescrits que dans 30 à 40 % de leurs indications
potentielles) que par les posologies administrées, nettement plus
faibles que celles dont l’effet a été démontré dans les grands essais
cliniques.
D’après M. Packer, un des coordonnateurs de l’étude ATLAS,
cette attitude “prudente” des praticiens repose sur deux fonde-
ments :
le premier procède d’un raisonnement a contrario : les grandes
études ont démontré que les fortes doses étaient efficaces, mais
non pas qu’elles étaient indispensables ;
le deuxième tient aux effets secondaires du traitement, que l’on
peut espérer réduire par des posologies plus faibles.
Par son design, l’étude ATLAS devait permettre d’apporter la
confirmation scientifique de ce raisonnement.
Les grandes lignes de la méthodologie d’ATLAS
ATLAS s’inscrit dans la lignée des essais majeurs conduits avec
les IEC dans l’insuffisance cardiaque :
une durée de 5 ans, entre octobre 1992 et septembre 1997 ;
– la participation de 291 centres disséminés dans 19 pays ;
le recrutement de 3 164 patients, avec un suivi exemplaire :
aucun perdu de vue dans l’étude ATLAS.
Cette étude randomisée en double aveugle compare les effets du
lisinopril prescrit à forte dose (32,5 à 35 mg/ jour) ou faible dose
(2,5 à 5 mg/jour) chez des patients aux stades II à IV de la NYHA
(stade III : 77 % - stade IV : 7 % ) avec une fraction d’éjection
30 %, en moyenne à 23 %.
ATLAS était soutenue financièrement par Zeneca Pharmaceuti-
cals, mais l’exploitation scientifique et la publication des résul-
tats étaient confiées à un comité indépendant.
Les principaux résultats de l’étude ATLAS
Efficacité. Par rapport au groupe “faible dose”, il est observé
chez les patients soumis à une forte dose une réduction :
de la mortalité globale : – 8 % (p = 0,128, ns)
de la mortalité cardiovasculaire : – 10 % (p = 0,073, ns)
du critère associant mortalité : – 12 % (p = 0,002)
et hospitalisation*
du nombre total d’hospitalisations : – 24,5 %
* critère actuellement considéré comme le plus représentatif de l’efficacité à long terme d’un
traitement de l’IC.
Tolérance. En dépit d’une fréquence légèrement accrue d’ effets
secondaires tels que vertiges, hypotension artérielle ou altération
de la fonction rénale, la dose cible de 32,5 à 35 mg/jour de lisi-
nopril a pu être atteinte chez 90 % des patients randomisés dans
le groupe “forte dose” et les interruptions de traitement ont été
moins fréquentes que dans le groupe soumis à de faibles doses.
Les conclusions du coordinateur (M. Packer) sont d’ordre
médical et économique
Médical. “ATLAS répond à une question fondamentale quant à
la prise en charge de l’insuffisance cardiaque : de fortes doses
d’IEC sont-elles plus efficaces que les faibles doses ? Nous
savons maintenant que les doses élevées de lisinopril ont un
effet significativement plus marqué sur la mortalité et la morbi-
dité, tout en restant bien tolérées.”
Économique. L’insuffisance cardiaque est le premier motif d’hos-
pitalisation des sujets de plus de 65 ans. Aux États-Unis, environ
5 millions de patients présentent une insuffisance cardiaque et
400 000 nouveaux cas sont dépistés chaque année. Le coût social
de l’insuffisance cardiaque est à la mesure de sa fréquence :
20,2 billions de dollars aux États-Unis, dont 14,5 liés à l’hospita-
lisation (1). En 1996, Parmley estimait qu’une utilisation plus large
des IEC dans cette indication pourrait réduire de 25 % les coûts
d’hospitalisation (2). De fait, dans l’étude ATLAS, les patients
sous fortes doses de lisinopril ont nécessité 24 % d’hospitalisa-
tions en moins que ceux randomisés dans le groupe à faible dose,
soit une économie de 2 billions de dollars. D’après M. Packer,
un usage optimal des IEC pourrait prévenir jusqu’à 60 000 décès
et 100 000 hospitalisations chaque année aux États-Unis.
Ph. Pézard, Angers
Les satellites de l’ACC
1. Heart and stroke statistical update 1998, AHA.
2. Parmley W.W. Cost-effective management of heart failure. Clin Cardiol 1996 ; 19 : 240-2.
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INFORMATIONS
ÉTUDE TNT SUR L’INTÉRÊT D’UNE BAISSE TRÈS IMPORTANTE
DU LDL CHOLESTÉROL DANS LA PRÉVENTION SECONDAIRE
DES CORONAROPATHIES (PARKE-DAVIS)
En marge du 47econgrès de l’American College of Cardiology,
les objectifs d’une nouvelle étude, utilisant l’atorvastatine dans
la prévention secondaire des cardiopathies ischémiques, ont été
présentés lors d’une conférence de presse. L’étude “Treating to
New Targets” (TNT) essaiera de déterminer s’il est utile d’obte-
nir, en prévention secondaire, une baisse la plus importante pos-
sible du LDL cholestérol, au-dessous des taux habituellement
requis dans cette population à haut risque (moins de 100 mg/dl).
De grandes études de prévention secondaire ont montré, chez le
coronarien avéré, que la baisse du cholestérol total, et plus par-
ticulièrement de sa fraction LDL, s’accompagnait d’une dimi-
nution de l’incidence des événements coronariens. Les recom-
mandations mises à jour en 1993 en Europe (European Society
of Cardiology and European Atherosclerosis Society) et aux États-
Unis (National Cholesterol Education Program) insistaient sur
l’intérêt d’obtenir un taux de LDL cholestérol de 100 mg/dl ou
moins chez ces patients. Nous savons aussi, à partir des études
épidémiologiques descriptives Framingham et MRFIT (Multiple
Risk Factor Intervention Trial), que le risque d’événement coro-
naire croît en même temps que l’élévation du LDL cholestérol.
En prévention secondaire, l’existence d’une valeur seuil du
LDL cholestérol sous traitement au-delà de laquelle il n’y aurait
plus de bénéfice reste discutée.
L’objectif de l’étude TNT est donc de savoir si, en abaissant le
LDL cholestérol largement au-dessous de 100 mg/dl chez le coro-
narien, on obtient un bénéfice supplémentaire en termes de mor-
talité et d’événements cardiovasculaires. TNT est une étude mul-
ticentrique prospective sur 5 ans qui portera sur 8 600 patients
venant de 250 sites (États-Unis, Canada, Europe, Afrique du Sud,
Australie). Elle utilisera une nouvelle molécule appartenant à la
classe des statines, l’atorvastatine. Pour être sélectionnés dans
l’étude, les patients (âge entre 35 et 75 ans) devront avoir un taux
de LDL cholestérol entre 130 et 250 mg/dl (3,4 à 6,5 mmol/l) et
une triglycéridémie au-dessous de 600 mg/dl (15,6 mmol/l). Tous
les patients sélectionnés ayant obtenu un LDL C < 1,30 g/l après
une période initiale de traitement par atorvastatine 10 mg/j seront
randomisés pour recevoir soit 10 mg/j, soit 80 mg/j d’atorvasta-
tine pendant toute la durée de l’étude prévue. Un groupe aura
ainsi un LDL cholestérol d’approximativement 100 mg/dl
(2,6 mmol/l), tandis que l’autre devra avoir un LDL C autour de
75 mg/dl (1,9 mmol/l). Les deux principaux événements étudiés
sont le décès lié à la coronaropathie et la survenue d’un infarc-
tus du myocarde non mortel. L’étude évaluera également l’inci-
dence des autres événements coronariens (nouvelle revasculari-
sation, angor instable), des événements cérébrovasculaires
mortels ou non, des atteintes vasculaires périphériques et la mor-
talité globale. Elle cherchera aussi à évaluer le bénéfice d’une
diminution importante du LDL cholestérol chez les patients qui
devront subir, en cours d’étude, une revascularisation myocar-
dique ou chez ceux ayant des épisodes d’angor instable. Ce béné-
fice potentiel sera également évalué chez des patients souffrant
de diabète non insulinodépendant.
L’atorvastatine, découverte et développée par Parke-Davis, a
montré son importante efficacité dans des études cliniques où elle
entraîne une réduction du LDL cholestérol de 39 à 60 %, et des
triglycérides de 19 à 37 % pour des doses allant de 10 à 80 mg/l
(3). À doses comparables (en milligrammes), elle donne une
baisse du LDL cholestérol plus importante que les autres statines
auxquelles elle a été comparée (4), avec une bonne tolérance iden-
tique.
L’étude TNT, en comparant deux groupes de patients coronariens
qui auront atteint deux niveaux de cible thérapeutique sur le
LDL C (environ 1 g/l et 0,75 g/l), permettra de déterminer s’il
existe une réduction du risque cardiovasculaire additionnelle en
abaissant le LDL C au-dessous de la cible actuellement recom-
mandée en prévention secondaire.
Dr G. Dambrin, CCA, service de cardiologie du Pr Vacheron,
Hôpital Necker, Paris
ANTAGONISTES ORAUX DES RÉCEPTEURS DE LA GPIIb/IIIa :
SEARLE MÈNE DEUX GRANDS ESSAIS DE FRONT
Les antagonistes oraux des récepteurs de la GPIIb/IIIa pourraient
être une alternative aux antagonistes par voie intraveineuse à la
phase précoce de l’angioplastie, selon une communication pré-
sentée par le Dr Paul Telrstein (Scripps Clinic in Research Foun-
dation, La Jolla, Californie), lors d’un symposium organisé par
la firme Searle. Pour répondre à cette question, la filiale du Groupe
Monsanto réalise actuellement un grand essai clinique, baptisé
EXCITE (Evaluation of Oral Xemilofiban in Controlling Throm-
botic Events) chez 7 200 patients soumis à une procédure de
revascularisation (angioplastie à ballonnet ou implantation d’une
endoprothèse intracoronaire). Il s’agit de démontrer qu’un trai-
tement de 6 mois par xemilofiban (15 mg ou 20 mg), un antago-
niste oral des récepteurs de la GPIIb/IIIa, permet de réduire le
taux d’événements primaires (infarctus du myocarde, décès et
revascularisation en urgence). Actuellement, 80 % des patients
ont été traités. Cet essai, qui est réalisé dans 450 centres (17 pays)
dans le monde, permettra également de comparer les méthodo-
logies utilisées dans les différents laboratoires de cathétérisation.
La firme Searle mène en parallèle l’essai OPUS (Orbofiban in
Patients with Unstable Coronary Syndromes) (TIMI 16 Trial) sur
12 000 patients (800 sites, 28 pays). L’objectif de cette étude est
d’évaluer l’action de l’orbofiban, un antagoniste oral des récep-
teurs de la GPIIb/IIIa), sur les événements cardiovasculaires
secondaires majeurs (angor instable et infarctus du myocarde à
la phase aiguë) chez des patients souffrant de syndromes coro-
naires instables. Les résultats attendus de ces deux grandes études
internationales devraient permettre de préciser la place de ces
deux nouvelles molécules dans la prise en charge précoce et à
long terme des patients soumis à des procédures de revasculari-
sation.
3. Am J Cardiol 1997 ; 80 : 39-44.
4. Am J Cardiol 1998 ; 81 : 582-7.
UNE NOUVELLE INDICATION POUR LA PRAVASTATINE
(BRISTOL-MYERS SQUIBB ET RHÔNE-POULENC RORER)
La pravastatine, hypocholestérolémiant issu de la recherche Bris-
tol-Myers Squibb, vient de recevoir une nouvelle indication dans
la prévention secondaire chez des patients en post-infarctus avec
un taux de cholestérol normal. Cette indication s’appuie sur les
résultats de l’étude CARE publiés en 1996 dans le New England
Journal of Medicine. L’étude CARE, randomisée en double
aveugle versus placebo, avait été réalisée chez 4 159 patients
ayant des antécédents d’infarctus du myocarde avec un taux de
cholestérol moyen de 2,09 g/l et de LDL cholestérol de 1,39 g/l.
Après un suivi de près de 5 ans, l’étude CARE a démontré que
la pravastatine permet de réduire le risque relatif d’infarctus du
myocarde non mortel ou de décès coronaires (critère principal de
l’étude) de 24 % (p = 0,003). En d’autres termes, le traitement de
1 000 patients pendant 5 ans avec la pravastatine a permis d’évi-
ter 26 infarctus du myocarde non mortels et 11 décès coronaires.
Dans l’étude des nouvelles applications thérapeutiques de la pra-
vastatine, l’étude CARE vient de démontrer que cet inhibiteur de
la HMG-CoA réductase réduit également le risque relatif d’acci-
dents vasculaires cérébraux (AVC) de 31 % (p = 0,03). Le trai-
tement de 1 000 patients pendant 5 ans par la pravastatine a per-
mis d’éviter 13 AVC ou accidents ischémiques transitoires (AIT).
Aux États-Unis, la Food and Drug Administration vient récem-
ment d’octroyer une nouvelle indication à la pravastatine dans la
réduction du risque d’AVC ou d’AIT chez des patients normo-
cholestérolémiques ayant des antécédents d’infarctus du myo-
carde et dans la réduction du risque de récidive d’infarctus du
myocarde ou de décès coronaires dans cette population.
CLOPIDOGREL ET ACCIDENTS VASCULAIRES CÉRÉBRAUX
(SANOFI ET BRISTOL-MYERS SQUIBB)
Le clopidogrel est un nouvel antiplaquettaire indiqué aux États-
Unis dans la réduction des événements cardiovasculaires (infarc-
tus du myocarde, accidents vasculaires cérébraux [AVC] et décès
vasculaires) chez des patients souffrant d’athérosclérose docu-
mentée par des antécédents récents d’AVC, d’infarctus du myo-
carde ou de maladies artérielles périphériques. Le clopidogrel a
été évalué dans l’étude CAPRIE (Clopidogrel vs Aspirin in
Patients at Risk of Ischemic Events) qui a inclus 19 185 patients
répartis dans trois groupes selon leurs antécédents cardiovascu-
laires : AVC, infarctus du myocarde et maladie artérielle péri-
phérique. Les patients ont ensuite été randomisés dans deux
groupes, aspirine (325 mg/j) vs clopidogrel (75 mg/j).
Les résultats ont été présentés lors d’un symposium organisé par
Bristol-Myers Squibb et Sanofi. Ils montrent qu’en intention de
traiter, le clopidogrel induit une réduction de 8,7 % du risque rela-
tif d’AVC, d’infarctus du myocarde et de décès d’origine vascu-
laire, statistiquement significative par rapport à l’aspirine. Par
objectif, le risque d’AVC était réduit de 5,2 %, celui d’infarctus
du myocarde significativement réduit de 19,2 % et celui de décès
d’origine vasculaire diminué de 7,6 %. Le profil de tolérance du
clopidogrel est comparable à celui de l’aspirine. En outre, les taux
globaux d’hémorragies digestives (2,7 % vs 2,1 %) étaient signi-
ficativement plus faibles dans le groupe de patients traités par
clopidogrel. Les cas de neutropénie étaient rares : 0,04 % dans le
groupe clopidogrel. Enfin, les arrêts de traitement étaient simi-
laires (environ 11%) dans les deux groupes de traitement.
Le clopidogrel devrait trouver une place parmi les traitements de
la maladie athérothrombotique.
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