La Lettre du Cardiologue - n° 311 - avril 1999
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es Journées ont, comme chaque année, rassemblé plu-
sieurs milliers de participants. Il serait illusoire de
tenter un résumé exhaustif en quelques pages des
350 communications réalisées par des experts de plus de 20 pays.
Nous nous limiterons donc aux résumés des flashs d’actualités
portant sur l’insuffisance cardiaque, le sildénafil et la validation
des procédures interventionnelles.
INSUFFISANCE CARDIAQUE
Cette séance était présidée par P. Poole-Wilson (Londres) et
J. Delaye (Lyon).
Le traitement de l’insuffisance cardiaque est-il différent selon son
étiologie ischémique ou idiopathique ?
(M. Galinier, Toulouse)
Le bénéfice des inhibiteurs de l’enzyme de conversion et des bêta-
bloquants est largement démontré en termes de réduction de la
mortalité, que la cardiomyopathie soit d’origine ischémique ou
idiopathique. Le bénéfice est cependant moins important chez les
coronariens en raison d’un plus mauvais pronostic en cas de car-
diopathie ischémique. Une méta-analyse récente est en faveur
d’une efficacité comparable de l’amiodarone dans l’insuffisance
cardiaque idiopathique et en post-infarctus. Pour certains, les anti-
coagulants seraient plus efficaces dans les cardiomyopathies non
ischémiques, alors que l’intérêt des antiagrégants plaquettaires
chez les coronariens n’est plus à démontrer. Dans l’étude DIG,
les digitaliques augmentent la mortalité chez les coronariens, alors
qu’ils la diminuent chez les patients en insuffisance cardiaque
avec myocardiopathie non ischémique. Dans l’étude PRAISE,
l’amlodipine est moins efficace lorsque la cardiomyopathie est
d’origine ischémique.
Les patients en insuffisance cardiaque doivent donc bénéficier
des inhibiteurs de l’enzyme de conversion, quelle que soit l’étio-
logie de la cardiopathie. Les bêtabloquants doivent être choisis
avant la digoxine chez le coronarien, les digitaliques devant être
prescrits en deuxième intention comme traitement symptoma-
tique en association avec les diurétiques. Une hypertension arté-
rielle nécessite d’optimiser le traitement par IEC et diurétiques.
La coronarographie est souvent justifiée chez le patient insuffi-
sant cardiaque afin de ne pas méconnaître une possibilité de revas-
cularisation myocardique.
Aspirine, IEC et insuffisance cardiaque
(P. De Groote, Lille)
Plusieurs études ont rapporté une interaction négative entre l’as-
pirine et les inhibiteurs de l’enzyme de conversion, avec une inhi-
bition par l’aspirine de l’effet bénéfique des IEC sur les résis-
tances périphériques. Cette interaction serait liée à l’action de
l’aspirine sur les prostaglandines. Cet effet délétère n’est cepen-
dant pas retrouvé dans les études rétrospectives étudiant la mor-
talité dans l’insuffisance cardiaque, tout particulièrement lorsque
celle-ci est d’origine ischémique. L’indication de l’aspirine chez
les patients avec athérosclérose coronaire ou périphérique n’est
donc pas remise en question. Les antivitamines K pourraient
constituer une alternative intéressante chez les patients avec car-
diomyopathie non ischémique, si les études prospectives en cours
(étude WASH) confirmaient l’effet délétère de cette association
aspirine-IEC.
Explorations métaboliques et génétiques des cardiomyopa-
thies de l’enfant
(D. Bonnet, Paris)
Le diagnostic étiologique d’une myocardiopathie chez l’enfant
nécessite des enquêtes métaboliques recherchant des anomalies
de l’oxydation des acides gras, des déficits de la chaîne respira-
toire mitochondriale et des maladies de surcharge glycogéniques
ou muco-polysaccharidiques. L’enquête familiale sera systéma-
tique, à la recherche de morts subites. Les examens de dépistage
reposent sur le dosage des lactates, pyruvate, glycémie. Des
dosages enzymatiques spécifiques seront réalisés en cas d’ano-
malie. La négativité des ces tests de dépistage doit conduire à une
biopsie endomyocardique.
Intérêt de la scintigraphie aux anticorps anti-myosine dans le
diagnostic de myocardite
(D. Le Guludec, Paris)
Le diagnostic clinique de myocardite est souvent difficile en rai-
son de formes segmentaires simulant un infarctus du myocarde.
La scintigraphie myocardique aux anticorps anti-myosine mar-
qués à l’indium (Myoscint®), couplée à une étude de la perfusion
myocardique par scintigraphie au thallium, permet le plus sou-
vent de redresser le diagnostic. Une fixation segmentaire des anti-
corps anti-myosine est associée à une scintigraphie de perfusion
au thallium normale en cas de myocardite segmentaire, alors
qu’elle est associée a une hypofixation dans le même territoire à
la scintigraphie au thallium en cas d’infarctus.
Blocage combiné du système rénine-angiotensine
(M. Azizi,
Paris)
L’association d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion à un anta-
goniste de l’angiotensine II a un effet synergique témoignant d’un
blocage plus efficace du système rénine-angiotensine. Ces résul-
tats ont été observés aussi bien chez l’animal hypertendu que chez
les sujets normotendus. L’application aux patients hypertendus
ou insuffisants cardiaques pourrait cependant être limitée en rai-
son du risque d’addition des effets secondaires et du risque
d’hypo-perfusion rénale.
IXes Journées européennes
de la Société Française de Cardiologie
C
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Opération de Batista dans la cardiomyopathie dilatée
(G. Dreyfus,
Suresnes)
L’intervention de Batista consiste à corriger l’insuffisance mitrale
par une annuloplastie et à réduire le volume ventriculaire gauche
chez des patients présentant une cardiomyopathie dilatée à coro-
narographie normale. Les patients sont sélectionnés sur une amé-
lioration sous dobutamine du volume d’éjection systolique à
l’échographie. L’auteur nous a présenté une amélioration fonc-
tionnelle et du débit cardiaque chez 5 patients parmi 7 ayant subi
cette intervention, cette amélioration se maintenant à deux ans.
L’intervention de Batista pourrait donc constituer une alternative
à la transplantation cardiaque, limitée par la pénurie des greffons
et les problèmes immunologiques. L’intervention de Batista vient
cependant d’être interdite par la FDA.
SILDÉNAFIL (VIAGRA®), LE CARDIAQUE ET LE CARDIOLOGUE
(N. Danchin, Nancy)
Le Viagra®est un antagoniste des phosphodiestérases initialement
proposé comme antiangineux. Il est actuellement commercialisé
pour favoriser l’érection chez l’homme, par le biais d’un effet
vasodilatateur lié au NO. Malgré plusieurs cas rapportés d’in-
farctus et de décès, une méta-analyse regroupant plus de
4000 patients n’a pas retrouvé d’incidence accrue d’effets secon-
daires sous Viagra®par rapport au placebo, même en cas de trai-
tement hypotenseur associé. L’association du Viagra®aux don-
neurs de NO (dérivés nitrés, molsidomine) est, en revanche,
formellement contre-indiquée, en raison d’un risque d’hypoten-
sion artérielle important.
Le Viagra®peut être prescrit sans examen complémentaire car-
diologique chez les patients asymptomatiques, sans facteur de
risque, avec activité physique régulière. Une épreuve d’effort doit
être réalisée uniquement chez des patients à risque élevé de mala-
die coronaire (association de plusieurs facteurs de risque d’athé-
rosclérose). Chez le coronarien connu, un infarctus de moins de
deux mois et un angor instable contre-indiquent la prescription
de Viagra®. Une épreuve d’effort annuelle sera réalisée chez le
coronarien stable à la recherche d’une ischémie silencieuse. La
prise de dérivés nitrés doit être proscrite chez un coronarien pre-
nant du Viagra®,en raison d’une hypotension syncopale. Il faut
donc conseiller au patient sous Viagra®de contacter un service
d’urgence en cas de douleur angineuse ne cédant pas spontané-
ment en quelques minutes.
VALIDATION DES PROCÉDURES INTERVENTIONNELLES
CORONAIRES
(séance présidée par P. Serruys, Rotterdam, et
M.E. Bertrand, Lille)
Angioplastie ou traitement médical
(A. Vahanian, Paris)
Les études randomisées comparant angioplastie et traitement
médical chez les patients coronariens à faible risque d’événe-
ments cardiovasculaires ne retrouvent que peu de différences lors
du suivi (études ACME, RITA 2, MASS, AVERT). Le risque de
décès, d’infarctus et de nouvelles revascularisations est plus élevé
dans le groupe angioplastie lors des six premiers mois. Ce risque
est par contre identique dans les deux groupes à trois ans, en rai-
son d’un taux de revascularisation secondaire plus important chez
les patients initialement traités médicalement. Les patients du
groupe angioplastie se caractérisent lors du suivi par un traite-
ment médical moins important et une meilleure performance ergo-
métrique.
Les études randomisées comparant stratégie invasive et traite-
ment conservateur chez les patients en angor instable ne retrou-
vent également que peu de différences lors du suivi (études
TIMI 3, VANQWIS, OASIS). Ces études ont cependant comme
limites de porter sur de petits effectifs, chez des patients sélec-
tionnés, un cross-over important vers la stratégie invasive, l’ab-
sence d’évaluation économique prospective, et un environnement
pharmacologique et interventionnel dépassé (absence d’endo-
prothèse, de statines et d’inhibiteurs des récepteurs glycopro-
téiques IIb/IIIa). Le choix doit donc être guidé par l’évaluation
du bénéfice. Chez les patients à faible risque, l’angioplastie n’agit
pas sur le pronostic mais permet une meilleure amélioration fonc-
tionnelle. Le choix thérapeutique repose donc sur la stratification
du risque et sur le résultat d’études comparant les nouvelles thé-
rapeutiques médicamenteuses et interventionnelles et compor-
tant une analyse économique.
Angioplastie ou pontage
(D. Carrié, Toulouse)
La comparaison des registres d’angioplastie et de chirurgie en
termes de survie à long terme retrouve une équivalence des trai-
tements chez les patients mono- ou bitronculaires, et une supé-
riorité de la chirurgie sur l’angioplastie chez les patients bitron-
culaires avec interventriculaire proximale ou tritronculaires.
Une méta-analyse des études prospectives comparant ces deux
techniques retrouve le même taux de décès et d’infarctus à long
terme (RITA 1 à sept ans, EAST à huit ans), au prix d’un taux
plus élevé de revascularisation secondaire dans le groupe angio-
plastie.
Les critères de choix entre angioplastie et chirurgie reposent donc
sur les facteurs liés à la procédure, les facteurs anatomiques (tronc
commun, occlusion chronique orientant vers un pontage en l’ab-
sence de contre-indication chirurgicale), les facteurs cliniques
(risque chirurgical lié à la comorbidité, antécédent de pontage,
insuffisance rénale chronique majorant le risque opératoire, dia-
bète majorant le risque de l’angioplastie). Ce choix tient égale-
ment compte de l’âge du patient, incitant à différer le pontage si
le patient est très jeune, ou à réaliser une angioplastie chez le
patient très âgé avec haut risque chirurgical.
Stent ou pontage
(P. Serruys, Rotterdam)
Deux études prospectives randomisées sont en cours, comparant
l’angioplastie avec stent et le pontage coronaire (études SOS et
ARTS). L’étude ARTS (Arterial Revascularization Therapy
Study) est une étude réalisée dans des centres pratiquant plus de
750 angioplasties ou pontages par an. Cette étude randomisée
compare une revascularisation la plus complète possible par pon-
tages, de préférence artériels, ou une revascularisation par angio-
plastie avec stent (Crown ou Cross-Flex) chez des patients plu-
ritronculaires. Le critère de jugement principal est la survenue
d’événements cardiovasculaires à un an. Les critères secondaires
sont les taux d’événements à trente jours, trois ans et cinq ans,
ainsi que la qualité de vie. Les résultats attendus à un an chez les
patients stentés sont un taux d’infarctus et de décès entre 6 et 7 %
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et un taux de revascularisation secondaire entre 18 et 20 %.
Actuellement, seuls les résultats immédiats et à un mois sont dis-
ponibles (tableau).
Les taux de succès primaire sont donc très élevés et comparables
avec les deux techniques, avec seulement 0,5 % de pontage en
urgence dans le groupe stenté, soit dix fois moins que dans les
études BARI, CAPRI ou RITA, qui n’utilisaient pas le stent. Le
degré de revascularisation est identique dans les deux groupes,
au prix d’une élévation enzymatique plus importante dans le
groupe chirurgical. Le taux d’occlusion aiguë de stent est de 1,1 %
par stent (2,8 % par patient). À un mois, les patients asympto-
matiques sont plus nombreux dans le groupe chirurgical, mais le
taux d’événements cardiovasculaires est identique dans les deux
groupes. Le taux attendu à un an de nouvelle revascularisation se
situerait entre 18 et 20 % dans le groupe angioplastie, ce qui sera
très vraisemblablement supérieur au taux de nouvelle revascula-
risation dans le groupe chirurgical.
Angioplastie ou thrombolyse
(N. Danchin, Nancy)
La nécessité d’une réouverture la plus rapide possible de l’artère
responsable à la phase aiguë de l’infarctus est parfaitement éta-
blie. L’angioplastie est une méthode de premier plan, mais les pro-
blèmes logistiques amènent à s’interroger sur les possibilités
réelles de cette technique. Le bénéfice de l’angioplastie sur la fibri-
nolyse constaté lors de la phase hospitalière dans les études ran-
domisées s’estompe à six mois. La comparaison de ces deux tech-
niques dans les registres ne retrouve pas de différence en termes
de mortalité hospitalière, à un an (étude USIK) ou à trois ans
(registre MITI). Dans ce registre portant sur 3 936 patients, le coût
est supérieur chez les patients traités initialement par angioplas-
tie. La discordance entre un taux plus élevé de grade TIMI 3 à la
phase aiguë dans le groupe angioplastie et l’absence de bénéfice
clinique à long terme s’explique par le taux élevé de réocclusion
et de resténose après ballon. L’utilisation large du stent à la phase
aiguë de l’infarctus permet d’améliorer les résultats immédiats et
à moyen terme. L’abciximab améliore également les résultats de
l’angioplastie primaire, ainsi que de la fibrinolyse. Dans l’étude
TIMI 14 , le taux de TIMI 3 sous t-PA 50 mg plus abciximab est
de 73 % à 60 mn et de 77 % a 90 mn (versus 43 % et 63 % sous
t-PA à des doses inférieures ou égales à 100 mg).
L’angioplastie est donc efficace à la phase aiguë de l’infarctus, si
elle est réalisée par une équipe expérimentée de cardiologie inter-
ventionnelle et si la ponction fémorale peut être effectuée moins
d’une heure après le début de la prise en charge. Une thrombo-
lyse intraveineuse préhospitalière semble préférable dans les
autres cas, en l’absence bien sûr de contre-indication.
Dr M.L. Lachurié, hôpital Paul-Brousse, Villejuif
Les articles publiés dans
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le sont sous la seule responsabilité de leurs auteurs.
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réservés pour tous pays.
© mai1983 - EDIMARK S.A.
Imprimé en France
Differdange S.A. - 95110 Sannois
Dépôt légal 2etrimestre 1999
Pontage Angioplastie
n605 600
Succès initial 97 % 96 %
Cross-over 0,5 %
Lésions traitées 2,7 anastomoses 2,7 lésions
Technique 93 % utilisation AMI* 84 % de stents
10 % de ballons,
6% d’échecs
Durée d’intervention 248 mn 93 mn
CK x 3 38 % 20 %
CK x 3 à 5 7 % 4 %
CK x 5 12 % 6 % p < 0,01
Résultats à un mois :
Absence d’angor 95 % 86 % p < 0,05
AVC, décès, infarctus 6 % 5 % NS
Nouvelle revascularisation 0,8 % 3,7 % p < 0,001
AVC, décès, infarctus,
revascularisation 6,8 % 8,7 % NS
*AMI : artère mammaire interne.
Tableau. Résultats immédiats et à un mois de l’étude ARTS.
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