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IXes Journées européennes
de la Société Française de Cardiologie
C
es Journées ont, comme chaque année, rassemblé plusieurs milliers de participants. Il serait illusoire de
tenter un résumé exhaustif en quelques pages des
350 communications réalisées par des experts de plus de 20 pays.
Nous nous limiterons donc aux résumés des flashs d’actualités
portant sur l’insuffisance cardiaque, le sildénafil et la validation
des procédures interventionnelles.
INSUFFISANCE CARDIAQUE
Cette séance était présidée par P. Poole-Wilson (Londres) et
J. Delaye (Lyon).
Le traitement de l’insuffisance cardiaque est-il différent selon son
étiologie ischémique ou idiopathique ? (M. Galinier, Toulouse)
Le bénéfice des inhibiteurs de l’enzyme de conversion et des bêtabloquants est largement démontré en termes de réduction de la
mortalité, que la cardiomyopathie soit d’origine ischémique ou
idiopathique. Le bénéfice est cependant moins important chez les
coronariens en raison d’un plus mauvais pronostic en cas de cardiopathie ischémique. Une méta-analyse récente est en faveur
d’une efficacité comparable de l’amiodarone dans l’insuffisance
cardiaque idiopathique et en post-infarctus. Pour certains, les anticoagulants seraient plus efficaces dans les cardiomyopathies non
ischémiques, alors que l’intérêt des antiagrégants plaquettaires
chez les coronariens n’est plus à démontrer. Dans l’étude DIG,
les digitaliques augmentent la mortalité chez les coronariens, alors
qu’ils la diminuent chez les patients en insuffisance cardiaque
avec myocardiopathie non ischémique. Dans l’étude PRAISE,
l’amlodipine est moins efficace lorsque la cardiomyopathie est
d’origine ischémique.
Les patients en insuffisance cardiaque doivent donc bénéficier
des inhibiteurs de l’enzyme de conversion, quelle que soit l’étiologie de la cardiopathie. Les bêtabloquants doivent être choisis
avant la digoxine chez le coronarien, les digitaliques devant être
prescrits en deuxième intention comme traitement symptomatique en association avec les diurétiques. Une hypertension artérielle nécessite d’optimiser le traitement par IEC et diurétiques.
La coronarographie est souvent justifiée chez le patient insuffisant cardiaque afin de ne pas méconnaître une possibilité de revascularisation myocardique.
Aspirine, IEC et insuffisance cardiaque (P. De Groote, Lille)
Plusieurs études ont rapporté une interaction négative entre l’aspirine et les inhibiteurs de l’enzyme de conversion, avec une inhibition par l’aspirine de l’effet bénéfique des IEC sur les résistances périphériques. Cette interaction serait liée à l’action de
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l’aspirine sur les prostaglandines. Cet effet délétère n’est cependant pas retrouvé dans les études rétrospectives étudiant la mortalité dans l’insuffisance cardiaque, tout particulièrement lorsque
celle-ci est d’origine ischémique. L’indication de l’aspirine chez
les patients avec athérosclérose coronaire ou périphérique n’est
donc pas remise en question. Les antivitamines K pourraient
constituer une alternative intéressante chez les patients avec cardiomyopathie non ischémique, si les études prospectives en cours
(étude WASH) confirmaient l’effet délétère de cette association
aspirine-IEC.
Explorations métaboliques et génétiques des cardiomyopathies de l’enfant (D. Bonnet, Paris)
Le diagnostic étiologique d’une myocardiopathie chez l’enfant
nécessite des enquêtes métaboliques recherchant des anomalies
de l’oxydation des acides gras, des déficits de la chaîne respiratoire mitochondriale et des maladies de surcharge glycogéniques
ou muco-polysaccharidiques. L’enquête familiale sera systématique, à la recherche de morts subites. Les examens de dépistage
reposent sur le dosage des lactates, pyruvate, glycémie. Des
dosages enzymatiques spécifiques seront réalisés en cas d’anomalie. La négativité des ces tests de dépistage doit conduire à une
biopsie endomyocardique.
Intérêt de la scintigraphie aux anticorps anti-myosine dans le
diagnostic de myocardite (D. Le Guludec, Paris)
Le diagnostic clinique de myocardite est souvent difficile en raison de formes segmentaires simulant un infarctus du myocarde.
La scintigraphie myocardique aux anticorps anti-myosine marqués à l’indium (Myoscint®), couplée à une étude de la perfusion
myocardique par scintigraphie au thallium, permet le plus souvent de redresser le diagnostic. Une fixation segmentaire des anticorps anti-myosine est associée à une scintigraphie de perfusion
au thallium normale en cas de myocardite segmentaire, alors
qu’elle est associée a une hypofixation dans le même territoire à
la scintigraphie au thallium en cas d’infarctus.
Blocage combiné du système rénine-angiotensine (M. Azizi,
Paris)
L’association d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion à un antagoniste de l’angiotensine II a un effet synergique témoignant d’un
blocage plus efficace du système rénine-angiotensine. Ces résultats ont été observés aussi bien chez l’animal hypertendu que chez
les sujets normotendus. L’application aux patients hypertendus
ou insuffisants cardiaques pourrait cependant être limitée en raison du risque d’addition des effets secondaires et du risque
d’hypo-perfusion rénale.
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La Lettre du Cardiologue - n° 311 - avril 1999
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Opération de Batista dans la cardiomyopathie dilatée (G. Dreyfus,
Suresnes)
L’intervention de Batista consiste à corriger l’insuffisance mitrale
par une annuloplastie et à réduire le volume ventriculaire gauche
chez des patients présentant une cardiomyopathie dilatée à coronarographie normale. Les patients sont sélectionnés sur une amélioration sous dobutamine du volume d’éjection systolique à
l’échographie. L’auteur nous a présenté une amélioration fonctionnelle et du débit cardiaque chez 5 patients parmi 7 ayant subi
cette intervention, cette amélioration se maintenant à deux ans.
L’intervention de Batista pourrait donc constituer une alternative
à la transplantation cardiaque, limitée par la pénurie des greffons
et les problèmes immunologiques. L’intervention de Batista vient
cependant d’être interdite par la FDA.
SILDÉNAFIL (VIAGRA®), LE CARDIAQUE ET LE CARDIOLOGUE
(N. Danchin, Nancy)
Le Viagra® est un antagoniste des phosphodiestérases initialement
proposé comme antiangineux. Il est actuellement commercialisé
pour favoriser l’érection chez l’homme, par le biais d’un effet
vasodilatateur lié au NO. Malgré plusieurs cas rapportés d’infarctus et de décès, une méta-analyse regroupant plus de
4 000 patients n’a pas retrouvé d’incidence accrue d’effets secondaires sous Viagra® par rapport au placebo, même en cas de traitement hypotenseur associé. L’association du Viagra® aux donneurs de NO (dérivés nitrés, molsidomine) est, en revanche,
formellement contre-indiquée, en raison d’un risque d’hypotension artérielle important.
Le Viagra® peut être prescrit sans examen complémentaire cardiologique chez les patients asymptomatiques, sans facteur de
risque, avec activité physique régulière. Une épreuve d’effort doit
être réalisée uniquement chez des patients à risque élevé de maladie coronaire (association de plusieurs facteurs de risque d’athérosclérose). Chez le coronarien connu, un infarctus de moins de
deux mois et un angor instable contre-indiquent la prescription
de Viagra®. Une épreuve d’effort annuelle sera réalisée chez le
coronarien stable à la recherche d’une ischémie silencieuse. La
prise de dérivés nitrés doit être proscrite chez un coronarien prenant du Viagra®, en raison d’une hypotension syncopale. Il faut
donc conseiller au patient sous Viagra® de contacter un service
d’urgence en cas de douleur angineuse ne cédant pas spontanément en quelques minutes.
VALIDATION DES PROCÉDURES INTERVENTIONNELLES
CORONAIRES (séance présidée par P. Serruys, Rotterdam, et
M.E. Bertrand, Lille)
Angioplastie ou traitement médical (A. Vahanian, Paris)
Les études randomisées comparant angioplastie et traitement
médical chez les patients coronariens à faible risque d’événements cardiovasculaires ne retrouvent que peu de différences lors
du suivi (études ACME, RITA 2, MASS, AVERT). Le risque de
décès, d’infarctus et de nouvelles revascularisations est plus élevé
dans le groupe angioplastie lors des six premiers mois. Ce risque
est par contre identique dans les deux groupes à trois ans, en raison d’un taux de revascularisation secondaire plus important chez
La Lettre du Cardiologue - n° 311 - avril 1999
les patients initialement traités médicalement. Les patients du
groupe angioplastie se caractérisent lors du suivi par un traitement médical moins important et une meilleure performance ergométrique.
Les études randomisées comparant stratégie invasive et traitement conservateur chez les patients en angor instable ne retrouvent également que peu de différences lors du suivi (études
TIMI 3, VANQWIS, OASIS). Ces études ont cependant comme
limites de porter sur de petits effectifs, chez des patients sélectionnés, un cross-over important vers la stratégie invasive, l’absence d’évaluation économique prospective, et un environnement
pharmacologique et interventionnel dépassé (absence d’endoprothèse, de statines et d’inhibiteurs des récepteurs glycoprotéiques IIb/IIIa). Le choix doit donc être guidé par l’évaluation
du bénéfice. Chez les patients à faible risque, l’angioplastie n’agit
pas sur le pronostic mais permet une meilleure amélioration fonctionnelle. Le choix thérapeutique repose donc sur la stratification
du risque et sur le résultat d’études comparant les nouvelles thérapeutiques médicamenteuses et interventionnelles et comportant une analyse économique.
Angioplastie ou pontage (D. Carrié, Toulouse)
La comparaison des registres d’angioplastie et de chirurgie en
termes de survie à long terme retrouve une équivalence des traitements chez les patients mono- ou bitronculaires, et une supériorité de la chirurgie sur l’angioplastie chez les patients bitronculaires avec interventriculaire proximale ou tritronculaires.
Une méta-analyse des études prospectives comparant ces deux
techniques retrouve le même taux de décès et d’infarctus à long
terme (RITA 1 à sept ans, EAST à huit ans), au prix d’un taux
plus élevé de revascularisation secondaire dans le groupe angioplastie.
Les critères de choix entre angioplastie et chirurgie reposent donc
sur les facteurs liés à la procédure, les facteurs anatomiques (tronc
commun, occlusion chronique orientant vers un pontage en l’absence de contre-indication chirurgicale), les facteurs cliniques
(risque chirurgical lié à la comorbidité, antécédent de pontage,
insuffisance rénale chronique majorant le risque opératoire, diabète majorant le risque de l’angioplastie). Ce choix tient également compte de l’âge du patient, incitant à différer le pontage si
le patient est très jeune, ou à réaliser une angioplastie chez le
patient très âgé avec haut risque chirurgical.
Stent ou pontage (P. Serruys, Rotterdam)
Deux études prospectives randomisées sont en cours, comparant
l’angioplastie avec stent et le pontage coronaire (études SOS et
ARTS). L’étude ARTS (Arterial Revascularization Therapy
Study) est une étude réalisée dans des centres pratiquant plus de
750 angioplasties ou pontages par an. Cette étude randomisée
compare une revascularisation la plus complète possible par pontages, de préférence artériels, ou une revascularisation par angioplastie avec stent (Crown ou Cross-Flex) chez des patients pluritronculaires. Le critère de jugement principal est la survenue
d’événements cardiovasculaires à un an. Les critères secondaires
sont les taux d’événements à trente jours, trois ans et cinq ans,
ainsi que la qualité de vie. Les résultats attendus à un an chez les
patients stentés sont un taux d’infarctus et de décès entre 6 et 7 %
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et un taux de revascularisation secondaire entre 18 et 20 %.
Actuellement, seuls les résultats immédiats et à un mois sont disponibles (tableau).
groupes. Le taux attendu à un an de nouvelle revascularisation se
situerait entre 18 et 20 % dans le groupe angioplastie, ce qui sera
très vraisemblablement supérieur au taux de nouvelle revascularisation dans le groupe chirurgical.
Tableau. Résultats immédiats et à un mois de l’étude ARTS.
Pontage
n
Succès initial
Cross-over
Lésions traitées
Technique
605
97 %
2,7 anastomoses
93 % utilisation AMI*
Durée d’intervention
CK x 3
CK x 3 à 5
CK x 5
Résultats à un mois :
Absence d’angor
AVC, décès, infarctus
Nouvelle revascularisation
AVC, décès, infarctus,
revascularisation
248 mn
38 %
7%
12 %
Angioplastie
600
96 %
0,5 %
2,7 lésions
84 % de stents
10 % de ballons,
6 % d’échecs
93 mn
20 %
4%
6%
p < 0,01
95 %
6%
0,8 %
86 %
5%
3,7 %
p < 0,05
NS
p < 0,001
6,8 %
8,7 %
NS
* AMI : artère mammaire interne.
Les taux de succès primaire sont donc très élevés et comparables
avec les deux techniques, avec seulement 0,5 % de pontage en
urgence dans le groupe stenté, soit dix fois moins que dans les
études BARI, CAPRI ou RITA, qui n’utilisaient pas le stent. Le
degré de revascularisation est identique dans les deux groupes,
au prix d’une élévation enzymatique plus importante dans le
groupe chirurgical. Le taux d’occlusion aiguë de stent est de 1,1 %
par stent (2,8 % par patient). À un mois, les patients asymptomatiques sont plus nombreux dans le groupe chirurgical, mais le
taux d’événements cardiovasculaires est identique dans les deux
Angioplastie ou thrombolyse (N. Danchin, Nancy)
La nécessité d’une réouverture la plus rapide possible de l’artère
responsable à la phase aiguë de l’infarctus est parfaitement établie. L’angioplastie est une méthode de premier plan, mais les problèmes logistiques amènent à s’interroger sur les possibilités
réelles de cette technique. Le bénéfice de l’angioplastie sur la fibrinolyse constaté lors de la phase hospitalière dans les études randomisées s’estompe à six mois. La comparaison de ces deux techniques dans les registres ne retrouve pas de différence en termes
de mortalité hospitalière, à un an (étude USIK) ou à trois ans
(registre MITI). Dans ce registre portant sur 3 936 patients, le coût
est supérieur chez les patients traités initialement par angioplastie. La discordance entre un taux plus élevé de grade TIMI 3 à la
phase aiguë dans le groupe angioplastie et l’absence de bénéfice
clinique à long terme s’explique par le taux élevé de réocclusion
et de resténose après ballon. L’utilisation large du stent à la phase
aiguë de l’infarctus permet d’améliorer les résultats immédiats et
à moyen terme. L’abciximab améliore également les résultats de
l’angioplastie primaire, ainsi que de la fibrinolyse. Dans l’étude
TIMI 14 , le taux de TIMI 3 sous t-PA 50 mg plus abciximab est
de 73 % à 60 mn et de 77 % a 90 mn (versus 43 % et 63 % sous
t-PA à des doses inférieures ou égales à 100 mg).
L’angioplastie est donc efficace à la phase aiguë de l’infarctus, si
elle est réalisée par une équipe expérimentée de cardiologie interventionnelle et si la ponction fémorale peut être effectuée moins
d’une heure après le début de la prise en charge. Une thrombolyse intraveineuse préhospitalière semble préférable dans les
autres cas, en l’absence bien sûr de contre-indication.
Dr M.L. Lachurié, hôpital Paul-Brousse, Villejuif
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© mai1983 - EDIMARK S.A.
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Dépôt légal 2e trimestre 1999
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La Lettre du Cardiologue - n° 311 - avril 1999
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