La Lettre du Cardiologue - n° 383 - mars 2005
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CAS CLINIQUE
quer le blocage intermittent d’une ailette en position d’ouverture.
L’ETO confirme ce diagnostic, sans visualisation directe d’un
thrombus.
Le patient est dirigé en chirurgie cardiaque : il décède lors de
l’intervention (difficultés liées à d’importantes adhérences secon-
daires à la première intervention cardiaque, avec plaie du ven-
tricule droit). La vérification anatomique confirme le diagnostic
de blocage d’une ailette par un thrombus.
COMMENTAIRES
La prescription d’un traitement anticoagulant suppose toujours
une évaluation de la balance efficacité/risque (diminution des
événements thromboemboliques/hémorragies).
Dans le cas des prothèses valvulaires mécaniques,la méta-
analyse de S.C. Cannegieter et al. (1) a estimé le risque global d’ac-
cidents emboliques à 8,6 % patient-années en l’absence de traite-
ment anticoagulant ou antiagrégant, à 7,5 % patient-années sous
aspirine et à 1,8 % patient-années sous coumariniques. Les chiffres
étaient respectivement de 1,8 % patient-années, de 1 % patient-
années et de 0,2% patient-années pour les thromboses de valve.
Quant au risque global d’hémorragies, il était de 1,9 % patient-
années sous coumariniques, dont 1,4 % patient-années pour les
hémorragies sévères. La position mitrale de la prothèse, les valves
de première génération (à cages), l’association à une FA et à une
dilatation de l’oreillette gauche, une dysfonction systolique du ven-
tricule gauche accroissent le risque thromboembolique. Il faut aussi
mentionner les facteurs de sous- et surdosage des anticoagulants
(repas riches en vitamines K, interactions médicamenteuses, relais
en prévision de soins dentaires ou d’interventions autres, etc.),
toutes situations non exceptionnelles dans la vie d’un porteur de
valve mécanique et susceptibles de déstabiliser un équilibre fra-
gile vers la thrombose ou l’hémorragie.
En 1997, les recommandations de la Société française de car-
diologie (SFC) (2) préconisaient un INR entre 3 et 4,5 pour toutes
les prothèses mécaniques en position mitrale et pour les prothèses
mécaniques aortiques de première génération ou associées à des
facteurs de risque thromboembolique (antécédent thromboembo-
lique, FA, dilatation cavitaire marquée, dysfonction ventriculaire
gauche sévère) ; un INR compris entre 2 et 3 était proposé pour
les prothèses mécaniques aortiques de dernières générations sans
facteurs de risque associés. Les recommandations plus récentes
de la Septième Conférence ACCP 2004 (3) confirment la pro-
position d’un INR entre 2 et 3 pour les prothèses aortiques Saint
Jude Medical, Carbomedics ou Medtronic Hall en cas de rythme
sinusal et de taille normale de l’oreillette gauche, et préconisent
un INR entre 2,5 et 3,5 pour les prothèses mitrales de dernières
générations. En cas de valves mécaniques plus anciennes (cages),
quelle que soit leur situation anatomique, ou de facteurs de risque
associés (FA, infarctus du myocarde, dilatation de l’oreillette
gauche, basse fraction d’éjection ventriculaire gauche), l’adjonc-
tion de petites posologies d’aspirine (75 à 100 mg/j) est envisa-
gée en sus de l’INR souhaité entre 2,5 et 3,5.
La conduite à tenir en présence d’une hémorragie impor-
tante survenant sous traitement anticoagulant (le plus sou-
vent surdosé) est toujours délicate : les recommandations SFC
Figure 2. ETT coupe apicale 4 cavités. En dépit d’une échogénicité
médiocre, on visualise en doppler couleur une fuite aortique modérée
(a) qui se majore et devient sévère lors de certaines diastoles (b).
CAS N° 2
Monsieur P., 70 ans, a été opéré en 1996 pour un rétrécissement
aortique serré symptomatique, avec mise en place d’une prothèse
valvulaire mécanique à ailettes Tekna 23 associée à un pontage
mammaire interne-interventriculaire antérieure.
Il est réhospitalisé trois ans plus tard pour un angor, avec authen-
tification d’une ischémie latérale étendue scintigraphique : la
coronarographie confirme une sténose serrée de la circonflexe,
qui est traitée par angioplastie au seul ballon. Les suites de la
procédure sont compliquées par un volumineux hématome de la
cuisse gauche favorisé par un surdosage en anticoagulant à l’oc-
casion du relais AVK-calciparine pour l’exploration coronaro-
graphique. Le taux d’hémoglobine passe de 14 à 9 g/dl. Le trai-
tement anticoagulant (calciparine) est alors transitoirement
diminué et le patient est sous-dosé pendant six jours. Survient
une hémiparésie gauche, dont l’origine ischémique est affirmée
par le scanner. L’ETT ne constate pas de prothèse aortique sté-
nosante (gradient moyen 26 mmHg et surface 1,2 cm
2
); par
contre, il existe une fuite aortique, dont le degré, le plus souvent
modéré, s’aggrave brutalement lors de certaines diastoles
(figure 2
a et b). Cette fuite aortique sévère inconstante fait évo-
a
b