I N F O R M A T I O N S 13e Congrès international d’échocardiographie Deuxième partie* TROUBLES DU RYTHME AURICULAIRE ET RISQUE THROMBOEMBOLIQUE (synthèse M. Mokhtari) L’évaluation du risque thromboembolique lié au flutter auriculaire pur reste un sujet d’actualité, par opposition à l’arythmie complète par fibrillation auriculaire (AC/FA), pour laquelle les idées sont plus claires, notamment en ce qui concerne les examens complémentaires à réaliser avant d’entreprendre une réduction et les indications du traitement anticoagulant. On retient d’une revue approfondie de la littérature les études et articles suivants : Arnold (JACC 1992 ; 19 : 851) a comparé deux groupes de patients en AC/FA (n = 332) et en flutter auriculaire (n = 122) pour lesquels le pourcentage de patients anticoagulés était respectivement de 46 % et de 28 %. Six patients dans le groupe “AC/FA non anticoagulé” ont eu un accident embolique patent, aucun dans le groupe en flutter auriculaire. À cette époque, on proposait de ne pas anticoaguler les patients en flutter auriculaire. Par la suite, d’autres études sont venues contredire les résultats d’Arnold. L’étude de Wood (JACC 1997) retrouve un taux d’accidents emboliques de 1,6 % par an chez des patients en flutter auriculaire, et Seidl (Am J Cardiol 1998) un taux de 3,5 % par an. Cependant, ces deux dernières études n’étaient pas randomisées ; en analyse multivariée, le seul facteur prédictif d’accident embolique était la présence d’une HTA. En échocardiographie transœsophagienne, on remarque que le flux de vidange auriculaire gauche est diminué chez les patients en AC/FA, alors que dans le flutter, il est plus véloce, ce qui sousentend une moindre stagnation sanguine intra-auriculaire gauche et donc un risque plus faible de formation de thrombi (figure 9). Figure 9. Flutter auriculaire : flux organisé au sein de l’auricule gauche. * La première partie est parue dans le numéro 319 (p. 6-12). 6 Santiago (JACC 1994 ; 24 : 159), comparant les patients en AC/FA à ceux ayant un flutter auriculaire, retrouve chez les premiers un diamètre de l’oreillette gauche plus important et une vitesse de vidange auriculaire gauche plus lente. Contraste spontané et thrombi auriculaires gauches n’étaient qu’exceptionnellement présents dans le flutter. A. Sgalambro (Circulation 1998 ; suppl. I, abstract 3694) retrouve également un taux plus important de contraste spontané et de thrombi intra-auriculaires gauches chez les patients en AC/FA. En raison de l’altération moins importante de la contraction auriculaire, le risque embolique semble donc moindre dans le flutter auriculaire. Dans le flutter auriculaire permanent, le risque embolique augmente : W. Irani (Circulation 1997 ; 95 : 962) retrouve 36 % de contraste spontané et 11 % de thrombi intra-auriculaires gauches. Dans cette étude, les facteurs prédictifs en analyse univariée étaient l’âge, l’HTA et l’insuffisance cardiaque. En analyse multivariée, seule ressortait la présence d’une dysfonction ventriculaire gauche. La cohérence entre les différents travaux chez les patients en flutter auriculaire n’est donc pas bonne, puisque le taux de contraste spontané varie de 6 à 43 % et le taux de thrombi de 0 à 21 %. Une place à part est à consacrer aux patients en flutter auriculaire ayant un antécédent de cardiopathie congénitale. Chez eux, le taux de thrombi intra-auriculaires droits et gauches est plus élevé (42 %) et l’échographie transœsophagienne est recommandée. L’oreillette gauche ne récupère une contraction normale que deux semaines après la réduction, comme l’a montré Jordaens en étudiant le flux mitral (Am J Cardiol 1993 ; 7 : 63). R.A. Grim a également étudié le flux de vidange de l’oreillette gauche avant et après réduction de flutters par cardioversion. Il a mis en évidence une diminution des vitesses de vidange auriculaire, de 22 cm/s à moins de 20 cm/s, rapportée à un phénomène important : la sidération auriculaire (J Am Coll Cardiol). Ce phénomène est présent si le flutter auriculaire est permanent. Il n’apparaît pas si le trouble du rythme est paroxystique, en rythme sinusal lors de la réduction (P. Sparks, JACC 1998 ; 32 : 464). Conclusion Le flutter auriculaire et l’AC/FA sont deux pathologies différentes par leur pathogénie et par leur risque thromboembolique. Le flutter permanent justifie une anticoagulation au long cours par AVK. La cardioversion d’un flutter doit être encadrée d’une anticoagulation efficace durant deux à trois semaines du fait de la sidération auriculaire qu’elle provoque. L’ETO reste l’examen de référence pour apprécier le risque thromboembolique du flutter auriculaire. La Lettre du Cardiologue - n° 320 - novembre 1999 I ÉVALUATION DE LA STÉNOSE DU TRONC COMMUN CORONAIRE GAUCHE (synthèse M. Mokhtari) Quelle est la place de l’échocardiographie de stress dans le diagnostic des sténoses du tronc commun (D. Bruère, Tours) ? Les sténoses du tronc commun (TC) sont grevées d’une surmortalité par rapport aux autres atteintes ischémiques. La coronarographie est indispensable pour le diagnostic, et le traitement chirurgical certainement bénéfique. Quelques notions épidémiologiques : – pathologie rare, la sténose du TC représente 3 à 8 % des coronarographies ; – gravité : 60 % de mortalité à cinq ans pour le groupe des TC asymptomatiques traités médicalement (étude CASS) ; – l’atteinte isolée du TC est rare : 10 à 15 % ; elle est souvent associée à d’autres sténoses coronaires ; – l’association à une sténose de la coronaire droite, présente dans 12 % des cas, aggrave le pronostic (Kawaguchi, Am Heart J 1994). Marqueurs cliniques de la sténose du tronc commun Aucune donnée clinique ne permet de différencier les patients porteurs d’une sténose du TC de ceux ayant une atteinte des autres troncs coronaires (Weiner, Am J Cardiol 1980). Certains facteurs ont une forte valeur prédictive positive : sexe masculin, angor typique, présence de marqueurs de l’infarctus, diabète et insulinothérapie. Il n’y a aucun risque de découvrir une sténose du TC chez un patient n’ayant pas d’antécédent d’angor, d’infarctus, de diabète ou d’insuffisance cardiaque. Valeur prédictive positive de l’épreuve d’effort Les arguments suivants prédisent la sténose du TC, avec une sensibilité de 50 % et une valeur prédictive positive de 74 % : – sous-décalage de ST > 2 mm descendant ; – sous-décalage précoce ; – persistance du sous-décalage plus de 6 mn en récupération ; – sous-décalage diffus dans cinq dérivations. Quelles sont les bonnes indications de l’échographie de stress ? – Épreuve d’effort (EE) non interprétable ; – EE cliniquement positive et électriquement négative ; – EE électriquement positive mais patient de sexe féminin et/ou hypertendu. Quelle est la place (diagnostique et/ou pronostique) de l’échographie de stress chez les patients ayant une sténose du TC ? Il est actuellement impossible de distinguer la sténose du TC d’une atteinte coronaire tritronculaire par l’échographie de stress ou la scintigraphie myocardique. L’échographie de stress est un examen dangereux chez les patients ayant une sténose du TC ; ainsi, H. Eugène rapporte un cas d’arrêt cardiorespiratoire pendant l’examen (Circulation 1998 ; 90 : 1038). Marqueurs échocardiographiques nécessitant la réalisation d’une coronarographie : – dysfonction VG sévère de repos : fraction d’éjection (FE) < 35 % ; La Lettre du Cardiologue - n° 320 - novembre 1999 N F O R M A T I O N S – dysfonction VG d’effort (FE < 35 %) ; – dysfonction segmentaire > 2 segments pour de faibles doses de dobutamine (< 10 µg/kg/mn) et/ou pour une fréquence cardiaque < 120/mn ; – dysfonction segmentaire sévère étendue quel que soit le palier. En conclusion : chez les patients évalués pour insuffisance coronaire, l’échographie de stress et la scintigraphie myocardique améliorent la valeur diagnostique et pronostique de l’ECG d’effort. Le choix entre les deux techniques dépend de la disponibilité, de la faisabilité et du coût de l’une ou l’autre. ÉCHOCARDIOGRAPHIE EN RÉANIMATION (synthèse M. Mokhtari) CONTROVERSE Monitorage hémodynamique en réanimation : faut-il remplacer le cathéter artériel pulmonaire par les techniques ultrasonores ? [B. Cholley (Paris), J.L. Teboul (Le Kremlin-Bicêtre)] Pour l’abolition du cathéter artériel pulmonaire (B. Cholley) : 1. Quel outil pour confirmer le diagnostic physiopathologique d’un état de choc ? Raisons de ne pas utiliser le cathéter artériel pulmonaire : – technique invasive avec de possibles complications liées à l’insertion, à la maintenance et au retrait du cathéter ; – mesures imprécises du débit cardiaque et de la pression artérielle pulmonaire d’occlusion (PAPO) ; – mauvaise interprétation fréquente des mesures par les opérateurs ; – effets délétères des traitements entrepris (Connors A.F. JAMA 1996/Connors A.F. New Horiz 1997). Pourquoi utiliser l’échographie cardiaque : – examen non invasif, effectué au lit du patient, supérieur, pour le diagnostic, au cathéter ; – l’échographie permet d’effectuer un diagnostic étiologique précis et rapide en étudiant les différentes structures cardiaques : dysfonction ventriculaire gauche, atteinte valvulaire, embolie pulmonaire et atteinte péricardique (le diagnostic de tamponnade est d’ailleurs exclusivement échographique) (N. Fowler, Circulation 1993) ; – elle permet aussi de suspecter une étiologie extracardiaque : cœur de petite taille, hyperkinétique, diamètre de la veine cave inférieure diminué en cas d’hypovolémie. Le cathéter ne doit être utilisé que si l’on ne dispose pas de moyens moins invasifs. 2. Quel outil utiliser pour le monitorage de ce type de patient ? L’échographie cardiaque n’est pas un outil de monitorage. On dispose d’un outil de monitorage non invasif : le doppler transœsophagien. Sur le plan technique : il s’agit d’une petite sonde en silicone mise en place à l’aveugle dans l’œsophage de la même manière qu’une sonde gastrique. On recherche le signal de vélocité de l’aorte descendante en doppler continu ou pulsé pour calculer le volume d’éjection systolique (VES) du ventricule gauche et le débit cardiaque. 7 I N F O R M A T I O N S Certaines approximations sont introduites dans le calcul du VES : – bon alignement avec le flux aortique, – angle flux/faisceau doppler continu, – proportion fixe entre débit supra-aortique et débit dans l’aorte descendante (30 %/70 %), – diamètre normogramme de l’aorte descendante peu différent du diamètre moyen pendant la systole, – tous les globules se déplacent à vitesse maximale. Cette technique est valide comparativement à la thermodilution. Le doppler transœsophagien est suffisant en clinique pour le monitorage du débit cardiaque. En conclusion : le cathéter artériel pulmonaire n’est plus l’outil de première intention pour le diagnostic et le monitorage des patients en état de choc. L’échographie cardiaque par voie transthoracique permet le diagnostic étiologique et l’évaluation de la gravité plus rapidement, avec plus de détails et sans risque. Le monitorage peut être assuré par le doppler transœsophagien, qui est une alternative très prometteuse. L’échocardiographie doit faire partie du plateau technique de tout service de réanimation. Contre l’abolition du cathéter artériel pulmonaire (J.L. Teboul) : 1. Avantages liés à l’utilisation du cathéter artériel pulmonaire – Accès à la PAPO : elle permet d’avoir une orientation diagnostique devant les opacités pulmonaires bilatérales ou une détresse respiratoire aiguë. La PAPO est un guide thérapeutique, comme l’a montré Humphrey dans l’approche du syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) (Chest 1990 ; 97 : 1176-80). Elle permet de guider le remplissage optimal du ventricule gauche, diminuant ainsi les risques d’OAP induits par une surcharge volémique (Packmann, Crit Care Med 1983). – Accès aux paramètres d’oxygénation globaux : calcul de la SVO2, du gradient PCO2 (il dépend de la production de CO2 et du débit cardiaque). – Monitorage : possibilité de contrôle continu du débit cardiaque et de la SVO2. – Universalité de la technique. 2. Inconvénients de la technique – Invasive : risques réduits par l’expérience. – Problèmes de validité et d’interprétation de la PAPO, du débit cardiaque et de la SVO2 : nécessité de lire et d’appliquer les Tableau I. Principales caractéristiques de diagnostic différentiel entre hématome de paroi, dissection aortique et ulcère athéromateux pénétrant. Définition recommandations et les solutions aux problèmes ; organisation de formations spécifiques. – Évaluation médiocre de la fonction systolique du VG : intérêt de l’association à l’écho-doppler. – Surmortalité associée au cathéter artériel pulmonaire, décrite par Connors (JAMA 1996) : étude non randomisée, cas appariés. Une surmortalité était notée dans le groupe “postopératoire”, alors que les patients en choc et en sepsis, se rapprochant le plus des patients qui nous intéressent, avaient un taux de mortalité identique. Cette étude est donc à interpréter avec prudence, en évitant de jeter d’emblée le discrédit sur la technique. 3. L’écho-doppler peut-il suffire pour apprécier le remplissage optimal du VG ? L’échographie estime la surface télédiastolique du ventricule gauche, le doppler permet le calcul de la pression télédiastolique du ventricule gauche, ces deux paramètres étant de mauvais reflets du remplissage du VG. L’estimation de la PAPO par le doppler est une manœuvre longue et compliquée (risque d’erreurs multiples). C’est une estimation semi-quantitative et non valide en cas d’arythmie cardiaque. En conclusion : les indications de la mise en place d’un cathéter artériel pulmonaire ont diminué depuis la diffusion de l’échographie cardiaque. Dans certaines situations cliniques hémodynamiques et respiratoires complexes, le cathéter est probablement intéressant. Le cathéter ne doit pas concurrencer, mais compléter harmonieusement, l’échographie cardiaque, outil diagnostique de première intention. ÉCHOCARDIOGRAPHIE ET PATHOLOGIE DE L’AORTE (synthèse R. Roudaut) L’hématome de paroi aortique est une variante de la dissection aortique qui pose des problèmes diagnostiques et thérapeutiques spécifiques (R. Roudaut, Bordeaux). Il correspond à une hémorragie spontanée de la média sans communication avec la lumière artérielle. Bien que décrit dès le début du siècle par les anatomopathologistes, il a fallu attendre les progrès récents de l’imagerie non invasive (scanner, ETO, IRM) pour en préciser les principales caractéristiques, l’aortographie étant le plus souvent prise en défaut. Classiquement, l’hématome de paroi est spontané ; cependant, il peut être secondaire à un traumatisme externe (trauma thoracique) ou interne (cathétérisme, contrepulsion, chirurgie) ; enfin, un hématome de paroi très limité est fréquemment associé à un ulcère athéromateux pénétrant (tableau I). Hématome Dissection Ulcère Pas de porte d’entrée Hématome Porte d’entrée Voile intimal Faux chenal Petite porte d’entrée Ulcère pariétal large Extension des lésions Longue Longue Courte Thrombus Étendu Possible si faux “chenal thrombosé” Localisé possible Athérosclérose Variable Variable (souvent minime) Toujours sévère .../... 8 La Lettre du Cardiologue - n° 320 - novembre 1999 I N F O R M A T I O N S .../... image en croissant hyperdense sur les clichés initiaux sans injection de produits de contraste. L’IRM signe la nature hématique de l’épaississement pariétal dès la 48e heure sous forme d’un hypersignal en T1 (présence de méthémoglobine). Le pronostic de l’hématome de paroi est moins sombre que celui de la dissection. Il peut se stabiliser, régresser, ou évoluer vers une complication précoce à type de dissection aortique, de fissuration externe ou plus tardive à type d’anévrisme. Il s’agit donc d’une urgence médico-chirurgicale qui, de façon schématique, doit être prise en charge de la même façon que la dissection aortique : chirurgie lorsque l’aorte ascendante est concernée, traitement médical antihypertenseur dans les autres cas, en l’absence de complication. Cependant, la notion de chirurgie systématique dans l’hématome de type A reste controversée. Selon J.K. Song (Am J Cardiol 1999 ; 83 : 937-41), un traitement médical peut être proposé chez des patients sélectionnés : absence d’anévrisme de l’aorte ascendante, absence d’ulcération intimale, absence d’épanchement péricardique et d’hémomédiastin. Figure 10. Hématome de paroi de l’aorte horizontale en ETO. Le terrain est classiquement celui du sujet athéromateux de 6570 ans ; la clinique est identique à celle de la dissection aortique. En ce qui concerne les techniques non invasives, l’ETO est très évocateur lorsqu’il montre un épaississement en croissant de plus de 7 mm de la paroi (figure 10) ; le scanner spiralé montre une A B O N N E R. Roudaut, Bordeaux M. Mokhtari, Paris Z - V O U S ✁ ! À découper ou à photocopier Tarif 1999 Merci d’écrire nom et adresse en lettres majuscules ❏ Collectivité ................................................................................. à l’attention de .............................................................................. ❏ Particulier ou étudiant Dr, M., Mme, Mlle ........................................................................... Prénom .......................................................................................... 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