23
La Lettre du Psychiatre - Suppl. Les Actualités au vol. I - n° 1 - mars 2005
Minneapolis
Comment les attentes
par rapport au contexte
influencent-elles
la mémoire prospective
se fondant sur le temps ?
La mémoire prospective consiste à se
rappeler de faire une tâche donnée dans
le futur. On peut, par exemple, avoir
prévu de rencontrer un ami pour dîner
à 12 h 30 ou d’assister à une réunion le
lendemain à 16 heures. D’autres inten-
tions relatives au temps peuvent être
accomplies au cours d’une fenêtre de
temps plus large, comme “cet après-
midi ou demain”. Enfin, il existe encore
d’autres sortes d’intentions basées sur
le temps comme lorsque l’on attend de
réaliser quelque chose après un certain
laps de temps, par exemple de rappeler
la personne qui nous a téléphoné ou de
retirer un plat du four. Très peu d’études
ont cherché à savoir comment la liaison
d’une intention à un contexte futur
peut affecter la performance. Un
exemple quotidien pourrait être d’avoir
à téléphoner entre 17 h 30 et 18 heures.
Au moment où une personne forme
cette intention, elle n’a pas besoin de
lier cette intention au fait d’être dans
un contexte spécifique. Cependant, si
l’on sait que l’on sera à la maison, alors
le fait d’arriver chez soi en sortant du
travail peut être associé avec l’inten-
tion. Cette association peut avoir
l’avantage que le contexte constitue un
indice pour aider à se rappeler de l’in-
tention, ce qui permet d’augmenter les
chances de réaliser la tâche prévue.
En revanche, si la personne est retenue
à son travail plus longtemps que prévu
et qu’elle n’arrive pas à la maison avant
18 h 15, quand la fenêtre de temps de
la tâche prévue est close, alors l’asso-
ciation pourrait avoir des conséquences
préjudiciables. L’équipe du Dr Cook, de
l’université de Louisiane, a mené plu-
sieurs expériences destinées a vérifier
ces hypothèses. Ils ont pu constater
que la réalisation d’une intention liée
au temps peut être améliorée par
rapport à une situation sans contexte
particulier si l’intention est liée à un
contexte futur, et que l’on se trouve
dans ce contexte au moment approprié.
Toutefois, si le contexte futur prédit est
inexact, et que la fenêtre de temps
d’exécution de l’action prévue arrive
plus tôt que prévu, la performance est
beaucoup plus mauvaise. Un rappel
explicite de l’intention suffit toutefois à
amoindrir cette diminution de l’effica-
cité. Cependant, le fait de remplir avec
succès, mais d’une manière différente, une
intention basée sur l’événement n’était
pas suffisant pour compenser l’associa-
tion contextuelle incorrecte. Le fait
de réaliser certaines associations peut
donc modifier le contrôle normal de la
perception du passage du temps, et
affecter la probabilité de réaliser cer-
taines intentions (4).
Impact du sexe et de la sensibilité
émotionnelle sur la remémoration
d’informations factuelles
et émotionnelles
On sait que, en ce qui concerne la
remémoration de souvenirs autobiogra-
phiques, les femmes rapportent plus de
souvenirs chargés émotionnellement
que les hommes. Deux hypothèse expli-
catives, qui ne s’excluent pas forcé-
ment, peuvent être avancées : les
femmes seraient sujettes à une plus
grande inflation de l’émotion en ce qui
concerne les souvenirs personnels. Par
ailleurs, il pourrait y avoir chez les
femmes un processus réflexif plus
important des informations de nature
émotionnelle au moment de l’encodage
et/ou de la récupération. La question
que se sont posée les Drs Bloise et
Johnson était de savoir si ce sont les
différences individuelles de la sensibilité
émotionnelle ou le sexe qui influent sur
les souvenirs émotionnels. Ils ont donc
contrôlé le contenu émotionnel d’infor-
mations qu’ils ont données à apprendre
à un groupe d’étudiants des deux sexes.
Les participants devaient lire un texte
contenant des informations émotion-
nelles et des informations neutres
ou factuelles. Les participants avaient
pour instruction soit de préparer
un commentaire concernant
les personnages en évo-
quant leurs relations et
leurs performances interper-
sonnelles, soit de fournir
des plans concrets. Enfin,
dans certains cas, aucune
instruction particulière n’était
donnée. Par la suite, les
sujets étaient soumis à un
test de mémoire. Les femmes
rappelaient plus de souvenirs
émotionnels que les hommes, cepen-
dant qu’il n’y avait pas de différence
entre les sexes pour les souvenirs
neutres. Même quand la quantité d’in-
formations émotionnelles est contrôlée
expérimentalement, les femmes rappel-
lent donc plus d’informations émotion-
nelles que les hommes. Les résultats
révèlent également que les différences
individuelles dans la sensibilité émo-
tionnelle interviennent davantage dans le
rappel émotionnel que le sexe. La mémoire
des souvenirs émotionnels n’est donc pas
une fonction du sexe en soi. Les diffé-
rences à l’encodage, corrélées au sexe,
contribuent à la différence observée dans
la mémoire émotionnelle. Les auteurs
suggèrent que les différences observées
entre sexes pour la remémoration de
souvenirs émotionnels pourraient contri-
buer à des différences sexuelles en ce
qui concerne le coping (manière de faire
face aux aléas de l’existence) ou la sen-
sibilité à certains troubles mentaux
comme la dépression (5).