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Addictovigilance : une histoire d’héroïne
Samira Djezzar, Sylvain Dally et le réseau des Centres d’évaluation
et d’information sur la pharmacodépendance et d’addictovigilance*
La région d’Île-de-France a connu, en ce début d’année 2009, une vague de troubles
liés à une héroïne de composition et de concentration inhabituelles et circulant depuis
quelques mois déjà. D’où une série de plusieurs dizaines de cas suspects de surdose aux
opiacés associée parfois à des symptômes plus déroutants et évoquant les effets des
benzodiazépines. Des accidents qui viennent nous rappeler qu’il reste encore des efforts
à fournir dans la réduction des risques.
Le problème
des produits de coupe
Cette série a non seulement concerné les services d’accueil des urgences, mais également
déclenché une véritable préoccupation de
santé publique, d’autant qu’un décès avait été
enregistré (1).
La question de produits coupés par une ou
plusieurs substances adultérantes est une réalité qui fait date. Le dispositif Système d’identification national des toxiques et substances
(SINTES) a permis de confirmer cette réalité,
depuis déjà quelques années, en analysant de
façon spécifique mais non exclusive les échantillons d’ecstasy (2). Dans un même cadre, l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), en collaboration avec les DASS, a
permis, dès 2004 de mettre en évidence et de
reconstituer le circuit d’une cocaïne adultérée
par de l’atropine (3). Plus surprenant encore,
de l’herbe de cannabis enrobée de microbilles
de verres a été signalée par les autorités sanitaires en 2007 (4). Classiquement, les produits
de coupe n’ont d’intérêt que pour augmenter le
poids du produit de vente ou pour augmenter
son effet pharmacologique. Ce qui ne paraît pas
être le cas dans notre série.
L’autre question fondamentale est de savoir si
le produit de coupe constitue, pour la santé, un
risque potentiel supplémentaire ou supérieur à
celui de la substance recherchée et achetée. La
réponse peut être illustrée par des cas, en France,
de troubles neurodigestifs graves induits par le
thallium mélangé à la poudre d’héroïne (5) ou,
aux États-Unis, de troubles cholinergiques par
intoxication à la scopolamine (6).
La circulation d’une poudre d’héroïne frelatée a
été interceptée en février 2008 et analysée par
le laboratoire des douanes. Résultat : elle contenait de l’alprazolam.
En septembre 2008 : d’autres foyers de circula-
tion et de consommations problématiques de
l’héroïne ont été signalés au réseau des Centres
d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance et d’addictovigilance (CEIP) témoignant de la diffusion rapide des produits de rue
dans différentes régions du territoire.
*Président du CNU d’addictologie, vice-président du
CUNEA, CHU de Fort-de-France.
4 En Île-de-France : ont été constatés un cas
de surdose fatale du à une injection intraveineuse d’héroïne dosée à 33,8 % et deux autres
cas suspects de surdoses aux opiacés résolutives
sous naloxone. Aucune analyse toxicologique
n’a été pratiquée chez ces deux patients.
4 En région bordelaise : le CEIP de Bordeaux
signale des symptômes inhabituels décrits
comme bizarres chez des sujets à la suite d’une
consommation probable d’une héroïne achetée
en Espagne :
– le premier cas concerne une consommatrice
d’opiacés par voie intraveineuse qui a présenté
une perte de connaissance suivie d’une amnésie, une anxiété et un engourdissement des
membres inférieurs ;
– les deux autres cas ont été victimes d’un malaise à l’origine d’un accident de voiture pour
l’un d’eux. L’analyse de la poudre a révélé de
l’héroïne (50 %) et de l’alprazolam.
4 En région nantaise : le même phénomène est
signalé au CEIP de Nantes avec une description
plus précise des symptômes et des analyses toxicologiques. Cinq cas de symptômes inhabituels
sont observés au décours d’une consommation
d’héroïne par voie nasale ou intraveineuse (fatigue, somnolence, trouble du comportement,
trouble de l’équilibre, désorientation temporospatiale, amnésie, flash-backs…). Deux de ces
patients auraient été victimes de vol, situation
évoquant une soumission chimique (7).
La présence d’alprazolam a été confirmée à
l’analyse toxicologique de l’urine d’un patient de
cette série et d’un échantillon de poudre d’héroïne (à plus de 16 %) qui contenait également
dix autres substances ayant des propriétés
psychoactives.
Le Courrier des addictions (11) –­ n ° 2 – avril-mai-juin 2009
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Bilan récent
Plus grave : en janvier 2009 en Île-de-France, et
plus particulièrement dans le département de
la Seine-Saint-Denis, on a enregistré une cinquantaine de cas de malaises en rapport avec
une surdose aux opiacés. Dans quelques cas, ils
étaient associés à des troubles liés aux produits
de coupe. De quoi bousculer les structures sanitaires en un temps relativement court et justifier la mise en place rapide d’un plan d’alerte
coordonné par différentes structures sanitaires
(DGS, DRASS, InVS, Afssaps) !
Cette série de cas est caractérisée par les éléments suivants : une évolution fatale dans un
cas dont les analyses toxicologiques ont mis en
évidence de la méthadone, morphine, codéine
et alprazolam. Des analyses toxicologiques,
pratiquées chez 25 patients seulement, montrent la présence d’opiacés dans tous les cas, de
méthadone dans 6 cas (incluant le décès) et de
benzodiazépines dans 21 cas. L’alprazolam a été
recherché et retrouvé dans 3 cas dont le mortel.
Par ailleurs, six échantillons de poudre ont pu
être analysés. Les résultats assez prévisibles ont
révélé de l’héroïne et de l’alprazolam dont les
concentrations respectives varient de 5,8 à 29 %
et 0,4 à 4,8 %.
Conclusion
Ces accidents viennent nous rappeler qu’il reste
encore des progrès à faire dans la réduction des
risques. Il est nécessaire que la surveillance de
la composition des échantillons de produits
de rue associée à la diffusion de messages
d’alerte puissent atteindre la population-cible
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que sont les usagers de drogues.
Références bibliographiques
1. Mission interministérielle de lutte contre la drogue
et la toxicomanie (MILDT), Observatoire français des
drogues et des toxicomanie (OFDT), Direction de la
Santé (DGS), Agence française de sécurité sanitaires
des produits de santé (Afssaps), Institut de veille sanitaire (InVS). Communiqués de presse. Cas d’overdose
en Île-de-France. Du 4 août 2008 au 23 janvier 2009.
2. Giraudon I, Bello PY. Monitoring ecstasy content in
France: results from the National Surveillance System
1999-2004, Subst Use Misuse 2007;42(10):1567-78.
3. Costes JM, Bello PY et le réseau TREND/SINTES.
Identification et investigation d’intoxications par des
produits illicites : à propos d’un cluster de cas d’intoxication par un mélange potentiellement létal de
cocaïne et d’atropine. Communication aux 4es Ateliers
des CEIP. Biarritz les 24 et 25 2005.
4. Agence française de sécurité sanitaires des produits de
santé (Afssaps), Direction de la Santé (DGS), Institut de
veille sanitaire (InVS). Communiqué de presse. Risques
sanitaires liés à une consommation d’herbe de cannabis
coupée avec des microbilles de verre. Mars 2007.
5. Questel F, Dugarin J, Dally S. Thallium-contaminated heroin. Ann Intern Med 1996;124(6):616.
6. Centers for Disease Control and Prevention (CDC).
Scopolamine poisoning among heroin users – New
York city, Newark, Philadelphia and Baltimore,
1995 and 1996. MMWR Morb Mortal Wkly Rep
1996;45(22):457-60.
7. IN-DEPENDANCE : bulletin d’information du CEIP
de Nantes. Flash infos du 2 octobre 2008.
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24/06/09 9:33:38
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