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Douleur de jambe…
● J. Jehl, M. Runge, G. Streit, G. Lehuede, E. Toussirot, D. Wendling*
L’
origine d’une symptomatologie douloureuse d’un membre
est parfois à rechercher sur de petites structures articulaires
peu médiatisées. Cela est illustré par l’observation suivante.
OBSERVATION
Le patient était un homme âgé de 64 ans aux antécédents de tassements vertébraux traumatiques anciens, et surtout de “terrain
vasculaire” caractérisé par de multiples facteurs de risque : hypertension artérielle, hypercholestérolémie, insuffisance coronarienne, dissection carotidienne gauche en 2001 et angioplastie
carotidienne droite en 2003.
Il a été hospitalisé pour une douleur de la jambe gauche, irradiant
du bord externe du genou gauche jusqu’à la région malléolaire,
d’installation progressive et évoluant depuis 8 mois. La douleur
était majorée par la mise en charge et la marche, sans caractère
impulsif. Il existait également des douleurs nocturnes. Les antalgiques de palier 2 n’ont qu’une efficacité partielle sur cette symptomatologie, vécue comme invalidante.
À l’examen clinique, la palpation a mis en évidence une douleur
sur la tête du péroné, majorée lors de la sollicitation de l’articulation tibio-fibulaire supérieure. En revanche, les articulations de
la hanche, du genou et de la cheville étaient sans anomalie. L’examen neurologique objectivait une discrète hypoesthésie de la face
externe de la jambe gauche, sans déficit moteur. Les réflexes ostéotendineux étaient présents et symétriques.
Les examens biologiques standard étaient normaux.
Avant son admission dans le service, le patient avait subi de nombreux examens, tous annoncés comme non informatifs : radio* Service de rhumatologie, CHU de Besançon.
Figure 1. Angio IRM : plage d’hypervascularisation en regard de l’articulation tibio-fibulaire
supérieure gauche.
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graphie standard du genou, du rachis et du bassin, IRM de jambe
gauche, IRM du rachis (sans conflit disco-radiculaire), angioIRM des membres inférieurs (sans sténose artérielle). Seul l’électromyogramme montrait une discrète atteinte neurogène isolée du
jambier antérieur.
En fait, la confrontation des manifestations cliniques à l’imagerie
a fait suspecter à l’angio-IRM une discrète plage d’hypervascularisation en regard de l’articulation tibio-fibulaire supérieure gauche
(figure 1). Des clichés standard de cette articulation ont mis en évidence un petit spicule osseux sur la tête du péroné (figure 2). Un
scanner en coupe fine a confirmé l’existence d’un remaniement dégénératif de l’articulation tibio-fibulaire supérieure (ATFS) (figure 3).
En reprenant l’interrogatoire, le patient a signalé plusieurs entorses
de la cheville gauche il y a de nombreuses années, et surtout un
traumatisme sérieux du genou gauche à l’âge de 20 ans, lors d’un
accident de voiture.
Le traitement a fait appel à l’injection d’un corticoïde local sous
contrôle d’imagerie de l’ATFS ; 24 heures après, le patient a ressenti une amélioration supérieure à 50 % de la symptomatologie.
Une contention élastique associée a été mise en place.
DISCUSSION
Chez ce patient, la symptomatologie douloureuse jambière était
reproduite à la mobilisation de l’ATFS, avec, à l’examen, un discret tiroir. L’antécédent traumatique, même ancien, et l’imagerie
ont confirmé l’existence de lésions dégénératives caractérisant
une arthrose de l’ATFS.
L’ATFS est une articulation synoviale. Peu mobile, elle est essentiellement mise en jeu au cours des mouvements de flexion de la
cheville (1, 2). On dépiste ainsi une lésion de l’ATFS en recher-
Figure 2. Radiographie du genou gauche centrée
sur l’articulation tibio-fibulaire.
Figure 3. Scanner de l’articulation tibio-fibulaire
supérieure : aspects arthrosiques.
La Lettre du Rhumatologue - n° 312 - mai 2005
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chant une douleur à la pression de la tête fibulaire lors de la flexion
active de la cheville.
L’ATFS peut être intéressée par les différents processus pathologiques articulaires.
● La pathologie traumatique comporte surtout les luxations antérieures, et plus rarement des luxations postérieures ou supérieures.
Elles peuvent entraîner une instabilité secondaire.
● L’instabilité post-traumatique de l’ATFS est unilatérale et se
caractérise par des douleurs à la face externe du genou, majorées
à l’effort. Il existe aussi des instabilités idiopathiques, volontiers
bilatérales et survenant chez des adolescents dans un contexte
d’hyperlaxité. L’instabilité se diagnostique cliniquement par la
présence d’un tiroir tibio-fibulaire recherché genou fléchi à 90°.
Au cours de l’évolution peuvent apparaître des remaniements de
type dégénératif, surtout chez les sujets dont l’articulation est orientée dans un plan oblique (70 % des cas) (2, 3).
● La région de l’ATFS peut être le siège de kystes synoviaux,
responsables d’une tuméfaction locale. Ces kystes sont en communication directe avec l’ATFS dans 20 à 50 % des cas (4). Ils
peuvent aussi être développés à partir des tissus mous, et on connaît
même des kystes développés dans le nerf fibulaire (5). Ces kystes
doivent être différenciés des tumeurs malignes de la région, particulièrement celles développées aux dépens du nerf fibulaire (neurosarcomes, schwannomes…) (6). Après excision chirurgicale, il existe
10 % de récidives (7).
● L’ATFS est également concernée par toutes les pathologies
synoviales (inflammatoire, infectieuse ou tumorale). Rappelons
que cette articulation est en communication avec l’articulation
fémoro-tibiale chez 10 % des sujets selon les traités classiques
(1, 2). Des études plus récentes utilisant l’IRM retrouvent une
communication dans 58 % des cas (3).
● Des atteintes dégénératives de l’ATFS sont possibles en cas
de gonarthrose fémoro-tibiale. Une étude portant sur 40 patients
présentant une gonarthrose primitive a retrouvé 5 cas d’atteinte
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arthrosique concomitante de l’ATFS, dont 3 étaient cliniquement
symptomatiques et 2 des diagnostics d’imagerie. Ces lésions tibiofibulaires méconnues peuvent être la source de douleurs persistantes
après la pose d’une prothèse de genou (2).
Les pathologies de l’ATFS comportent toutes, à des fréquences
différentes, un risque d’atteinte du nerf fibulaire.
CONCLUSION
Une douleur de la face externe du genou fait évoquer une pathologie méniscale, un syndrome de la bandelette ilio-tibiale, une
entorse du ligament collatéral, ou encore une tendinite. Mais il
faut aussi savoir penser à l’ATFS et rechercher une douleur à la
mobilisation de cette articulation. Un tiroir antéro-postérieur
évoque une instabilité, et une tuméfaction locale peut correspondre
à un kyste. L’interrogatoire oriente le diagnostic, qui sera précisé
■
par les données de l’imagerie.
Références
1. Mannet MP, Lasbleiz S, Bizot P. Articulations péronéo-tibiales. In : L’actualité
rhumatologique. Paris : Expansion scientifique française 2001:176-91.
2. Oztuna V, Yildiz A, Ozer C et al. Involvement of the proximal tibiofibular joint
in osteoarthritis of the knee. Knee 2003;10:347-9.
3. Bozkurt M, Yilmaz E, Akseki D, Havitcioglu H, Gunal I. The evaluation of the
proximal tibiofibular joint for patients with lateral knee pain. Knee 2004;11:307-12.
4. Hersekli MA, Akpinar S, Demirors H et al. Synovial cysts of proximal tibiofibular joint causing peroneal nerve palsy: report of three cases and review of the
literature. Arch Orthop Trauma Surg 2004;124:711-4.
5. Huaux JP, Malghem J, Maldague B et al. La pathologie de l’articulation péronéotibiale supérieure. Rev Rhum 1986;53:723-6.
6. Panoux C, Lhotellier L, Marek J et al. Synovial cysts of the proximal tibiofibular
joint: three case reports. Joint Bone Spine 2002;69:331-3.
7. Kappor V, Thevuril B, Britton JM. Excision arthroplasty of superior tibiofibular
joint for recurrent proximal tibiofibular cyst. A report of two cases. Joint Bone Spine
2004;71:427-9.
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