V O C A B U L A I R E Gastrite atrophique ● D. Lamarque* a gastrite atrophique se caractérise par la raréfaction de l’épithélium glandulaire, qui est remplacé par un épithélium métaplasique intestinal ou par de la fibrose. La prévalence de la gastrite atrophique diffère beaucoup selon les régions géographiques. La prévalence pour une cohorte âgée de 50 ans varie de 20 à 90 %. Cette variabilité recouvre des différences liées aux populations et aux habitudes alimentaires. Le risque de la gastrite atrophique est le cancer gastrique, comme en témoigne la très forte incidence de l’adénocarcinome dans les pays où la prévalence de l’atrophie est importante (Estonie, Colombie, Finlande) (1, 2). Les études de cohorte de patients ayant une gastrite atrophique révèlent une incidence de cancer de 2 à 4 % sur 10 ans (3). Les facteurs de risque de la carcinogenèse gastrique restent mal connus, mais l’atrophie est constamment préexistante au cancer. L’atrophie doit donc être considérée comme un facteur de risque de dégénérescence sur lequel on pourrait agir. L RÔLE D’HELICOBACTER PYLORI La principale cause d’atrophie de la muqueuse est l’infection par Helicobacter pylori (H. pylori). La bactérie, en colonisant la superficie de la muqueuse antrale, provoque une réaction inflammatoire qui a pour conséquence la destruction de l’épithélium superficiel et glandulaire. Le processus de régénération épithéliale s’effectue à partir des glandes et de l’épithélium intact. Cependant, ce processus de régénération peut faire défaut et les lésions glandulaires peuvent être remplacées par de la fibrose et de la métaplasie intestinale (4) (voir figure). La disparition massive de l’épithélium gastrique glandulaire rend la colonisation par H. pylori impossible et la bactérie disparaît. En revanche, l’atrophie et la métaplasie intestinale persistent, avec un risque d’apparition de la lésion dysplasique. La constitution de l’atrophie gastrique est donc un phénomène lent qui serait réversible après élimination de la bactérie (4). Cette réversibilité a dû être surestimée, car la définition de l’atrophie peut être interprétée de différentes façons. En effet, la raréfaction de l’épi- thélium glandulaire peut être confondue avec une diminution de la densité des glandes dans une muqueuse dont le volume est augmenté par un infiltrat inflammatoire (voir figure) (4). On conçoit que la disparition de l’infiltrat inflammatoire après éradication puisse aboutir à la régression de cette pseudo-raréfaction. En revanche, si le remplacement de l’épithélium glandulaire par de la métaplasie intestinale est retenu comme le principal critère d’atrophie, la régression de celle-ci paraît incertaine et pour le moment n’est pas démontrée. À ce stade, l’éradication d’H. pylori ne peut être recommandée pour faire régresser l’atrophie et/ou la dysplasie. Il serait souhaitable que la future révision de la conférence de consensus sur H. pylori statue sur cette nouvelle indication du traitement éradicateur. RÉPONSE DE L’HÔTE ET ENVIRONNEMENT Les facteurs de risque de développement d’une atrophie dépendent de la réponse de l’hôte à l’infection par H. pylori et de l’environnement. La réponse de l’hôte se distingue en deux catégories. Dans la plupart des cas, l’infection siège de façon très prédominante dans l’antre, et elle est, dans la majorité des cas, asymptomatique. Le risque d’atrophie et de cancer est limité (5, 6). Dans d’autres cas plus rares dans les pays occidentaux, la gastrite s’étend de l’antre au fundus. Cette extension conduit à la survenue d’une atrophie multifocale qui apparaît et prédomine dans la jonction antro-fundique. Dans ce cas, l’adénocarcinome peut apparaître (7, 8, 9). Ces différentes réponses de l’hôte sont probablement en rapport avec des facteurs génétiques, comme en témoigne la forte prévalence de la gastrite atrophique dans des populations précises (Islande, Finlande, Japon). Cependant, la participation de facteurs environnementaux est également probable, comme un excès de consommation de nitrosamines ou un défaut de consommation de vitamine C anti-oxydante (10). Les études épidémiologiques qui permettraient de déterminer la part des facteurs environnementaux et génétiques sont en cours. CONCLUSION * Service d’hépato-gastroentérologie , hôpital Henri-Mondor, Créteil. La définition de l’atrophie gastrique associe raréfaction de l’épithélium glandulaire et remplacement par un épithélium intestinal métaplasique. La principale cause de l’atrophie de la muqueuse 164 La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - n° 3 - vol. II - mai-juin 1999 A B A. Représentation de la muqueuse gastrique glandulaire normale B. Muqueuse glandulaire infiltrée par les cellules inflammatoires. C. Muqueuse glandulaire atrophique contenant de la fibrose et recouverte d’un épithélium métaplasique intestinale. C gastrique est l’infection par H. pylori, en particulier chez les patients qui développent une gastrite inflammatoire touchant l’antre et le fundus. Si elle est possible, la réalité de la régression de la gastrite atrophique, après éradication d’H. pylori, reste à évaluer en fonction de critères anatomopathologiques précis. Cette régression pourrait faire diminuer l’incidence de l’adénocarcinome antro-fundique. ■ 3. Kuipers E. Review article : relationship between Helicobacter pylori, atrophic 1. Villako K., Kekki M., Maaroos H.I. et coll. A 12-year follow-up study of chronic gastritis and Helicobacter pylori in a population-based random sample. Scand J Gastroenterol 1995 ; 30 : 964-7. 2. Correa P., Haenszel W. et coll. Gastric precancerous process in a high risk population : cohort follow-up. Cancer Res 1990 ; 50 : 4737-40. gastritis and gastric cancer. Aliment Pharmacol Ther 1998 ; 12 (suppl. 1) : 25-36. Genta R.M. Review article : gastric atrophy and atrophic gastritis-nebulous concepts in search of a definition. Aliment Pharmacol Ther 1998 ; 12 (suppl. 1) : 17-23. 5. Molloy R.M., Sonnenberg A. Relation between gastric cancer and previous peptic ulcer disease. Gut 1997 ; 40 : 247-52. 6. Hu P.J., Li Y.Y., Zhou M.H. et coll. Helicobacter pylori associated with a high prevalence of duodenal ulcer disease and a low prevalence of gastric cancer in a developing nation. Gut 1995 ; 36 : 198-202. 7. Correa P. A human model of gastric carcinogenesis. Cancer Res 1988 ; 48 : 3554-60. 8. Correa P. Chronic gastritis : a clinico-pathological classification. Am J Gastroenterol 1988 ; 83 : 504-9. 9. Sipponen P., Kekki M., Haapakoski J. et coll. Gastric cancer risk in chronic atrophic gastritis : statistical calculations of cross-sectional data. Int J Cancer 1985 ; 35 : 173-7. 10. 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