12000 femmes ont été incluses dans les essais de prévention,
et 10575 cas ont été analysés, regroupant tous les cancers
apparus avant le 1er octobre 1998. Les résultats en sont donnés
dans le tableau I. Celui-ci montre un bénéfice voisin de celui
observé dans l’essai du NSABP avec une réduction de 55 %
des tumeurs du sein, et de 64 % des cancers invasifs. La réduc-
tion porte essentiellement sur les cancers contenant des récep-
teurs hormonaux mais, contrairement à ce qui était redouté, il
n’y a pas d’augmentation des cancers a priori hormonorésis-
tants. En outre, dans ces études, le bénéfice augmente avec la
durée du traitement selon que celui-ci a duré moins de 6 mois,
6 à 18 mois, ou plus de 18 mois.
Un certain nombre de questions restent encore en suspens : y
aura-t-il une baisse de l’incidence ? Sera-t-elle accompagnée
d’une baisse de la mortalité ? S’agit-il donc réellement d’une
prévention des tumeurs malignes du sein ou, au contraire, de la
guérison des petites tumeurs ? Quelle est la population qui en
tire bénéfice ? Pour essayer de répondre à ces questions, une
méta-analyse devrait être publiée par le groupe d’Oxford en
l’an 2000. Il convient d’achever les essais européens et de
poursuivre l’évaluation des bénéfices obtenus dans les essais
utilisant le raloxifène. L’essai STAR (tamoxifène versus
raloxifène chez les femmes ménopausées) est ouvert aux
États-Unis.
En fait, il semble bien que si les résultats publiés avec le
tamoxifène sont importants, ils constituent surtout un premier
pas vers l’utilisation ultérieure des nouveaux SERM (Selective
Estrogen Receptor Modulators) qui ne présenteront pas les
inconvénients du tamoxifène. Fisher a plaidé très fortement
pour que les mérites de la chimioprévention par ces médica-
ments soient reconnus plus rapidement que ceux de la chimio-
thérapie adjuvante, pour laquelle vingt ans ont été nécessaires.
RADIOTHÉRAPIE POSTOPÉRATOIRE
(M. Carricaburu)
Dès la découverte des rayons X, l’irradiation trouve sa place
dans le traitement des cancers à un stade avancé. Les premiers
essais font les frais de techniques balbutiantes et les résultats
en termes de survie sont décevants. Telle est la conclusion de
J.Cuzick et coll. en 1987. Sept ans plus tard, il montre, dans sa
deuxième méta-analyse, que la radiothérapie a un effet plutôt
favorable sur la survie et que l’effet délétère initialement
observé était lié à une augmentation de la toxicité cardiaque tar-
dive qui, actuellement, diminue incontestablement (1).
Deux essais récents utilisant des techniques nouvelles ont
montré que la radiothérapie améliore le contrôle local et la sur-
vie des patientes atteintes d’un carcinome mammaire avec
envahissement ganglionnaire axillaire et traitées par une chi-
miothérapie adjuvante.
●
●Le premier essai est celui du British Columbia Hospital pré-
senté par J. Ragaz, regroupant 318 patientes traitées par CMF
adjuvant et randomisées en deux groupes avec ou sans radio-
thérapie (2). L’irradiation délivre 37 Gy dans la paroi et 35 Gy
dans les aires ganglionnaires mammaires internes, axillaires et
sus-claviculaires homolatérales. Avec un recul de 15 ans, il
existe une amélioration de la survie sans récidive de 17 % dans
le groupe CMF + RT (p = 0,006), et l’amélioration de la survie
globale (8 %) est presque significative (p = 0,07). La chimio-
thérapie aurait donc clairement pour objectif d’agir sur les
micrométastases tandis que la radiothérapie contrôlerait la
maladie locorégionale, source d’un éventuel ensemencement à
distance. L’importance du bénéfice observé n’est pas homo-
gène dans tous les sous-groupes de patientes étudiés. Ainsi, le
risque de récidive locorégionale et/ou de décès à 15 ans pour
les patientes ayant un envahissement ganglionnaire axillaire de
1 à 3 ganglions est respectivement de 48 % et 36 % sans radio-
thérapie et avec radiothérapie (risque relatif = 0,68 ; p = 0,06).
Dans le groupe de patientes avec plus de 4 ganglions envahis,
le risque de récidive locorégionale et/ou de décès est respecti-
vement de 83 % et 62 % sans radiothérapie et avec radiothé-
rapie (risque relatif = 0,65 ; p < 0,05).
J. Ragaz compare ces résultats à ceux observés dans l’essai de
Stockholm I où le bénéfice de la radiothérapie était surtout
observé pour les patientes avec atteinte ganglionnaire axillaire,
bien qu’il existe un effet bénéfique de la radiothérapie égale-
ment chez les patientes N-, mais non significatif sur la survie.
Dans la population sans atteinte ganglionnaire axillaire, il existe
vraisemblablement des patientes à risque pronostique différent
et certains sous-groupes pourraient sans doute bénéficier aussi,
en termes de survie, de la radiothérapie postopératoire
(emboles vasculaires, expression de C-erbB-2, grade histolo-
gique élevé…). Dans la population N+, c’est l’extension extra-
capsulaire qui est la mieux corrélée à un impact significatif sur
la survie dans le groupe CMF + RT.
●
●C. Kamby a présenté deux essais (dont un publié) (3) du
Danish Breast Cancer Cooperative Group ayant inclus un peu
plus de 3000 patientes en situation pré- et postménopausique,
dites à haut risque : atteinte ganglionnaire axillaire, et/ou T3,
et/ou T4. Le traitement adjuvant est le CMF en préménopause
et le tamoxifène en postménopause. La radiothérapie délivre
50 Gy en 25 fractions et 5 semaines dans la paroi thoracique et
les aires ganglionnaires régionales (sus-claviculaires, axillaires
et mammaires internes). Pour les patientes préménopausées,
les résultats à 10 ans sont probants : la radiothérapie améliore
le contrôle local (88 % versus 59 % ; p < 0,001), la survie sans
récidive (48 % versus 34 % ; p < 0,001) et la survie globale
(54 % versus 45 % ; p < 0,01). Pour les patientes postméno-
pausées recevant du tamoxifène, les résultats en termes de
contrôle local sont semblables à l’ensemble du groupe, mais le
gain en survie est plus modeste (p = 0,03) : 45 % versus 36 %
(durée peut-être insuffisante du tamoxifène).
ACTUALITÉ
14
La Lettre du Cancérologue - volume VIII - n° 1 - février 1999
Placebo RAL Réduction
Tous cancers 3,8 ‰ 1,7 ‰ 55 %
Cancers invasifs 3,1 ‰ 1,1 ‰ 64 %
Cancers ERS (+) 2,3 ‰ 0,6 ‰ 74 %
Cancers ER (-) 0,7 ‰ 0,4 ‰ ns
Tableau I. Chimioprévention par le raloxifène : incidence.