HYGIÈNE 21 Sommaire • Infections nosocomiales Le risque zéro n’existe pas, mais... • Sites opératoires © CMEABG-UCBL/Phanie © Alix/Phanie Comment diminuer l’incidence des infections • Anesthésie Rappel sur les risques infectieux Hygiène Si l’on veut définir l’hygiène, on peut dire, pour l’OMS, que c’est “l’ensemble des mesures préventives de préservation de la santé”. Elle est devenue une composante essentielle de notre vie, et même une raison majeure de l’allongement de l’espérance de vie des habitants des pays industrialisés. La notion d’hygiène a été étroitement liée aux croyances populaires et aux coutumes. Elle a évolué en même temps que l’état des connaissances scientifiques et médicales. L’hygiène peut se raconter en deux grandes périodes fondamentales séparées par la révolution biologique qu’a été la découverte des microorganismes et de leur rôle dans les maladies. U n peu d’histoire. Dès l’antiquité, l’hygiène des Grecs et des Romains avait un sens purificateur tout en évoquant aussi la volupté. En Orient, les bains turcs ou les hammams, aujourd’hui encore, mêlent rite de purification religieux, plaisir et hygiène. Au Moyen Âge, contrairement aux idées répandues, on se baigne beaucoup en ville, où l’hygiène corporelle est très présente. Les bains publics ou étuves permettent aux hommes de se retrouver et de se détendre dans un réel lieu de plaisir. De même, partout en Europe, on voit fleurir la mode du bain et les latrines, vestiges de la présence romaine. Mais, petit à petit, les bains publics deviennent des lieux mal fréquentés… Dans la rue, l’hygiène est moins flagrante : c’est l’époque du “tout à la rue” ! Excréments et eaux usées s’y mêlent et nagent dans les rigoles se trouvant au centre des rues… À la Renaissance, l’hygiène marque une pause, en particulier à cause d’une perception différente du corps (il devient tabou) et de l’apparition de maladies très graves telles que la syphilis, qui se propagent sans qu’aucun scientifique puisse réellement expliquer pourquoi. On croit alors que l’eau pénètre dans le corps par les pores de la peau et transmet ainsi la maladie. La peste fait aussi beaucoup de ravages en Occident. Aussi pense-t-on qu’une couche de crasse assure une protection contre les maladies. La toilette corporelle devient donc sèche. On utilise uniquement un linge propre pour frotter les parties visibles du corps ! Paradoxalement, l’eau est utilisée à des fins thérapeutiques : associée à des plantes pour le bain ou en décoction... Le XVIIIe siècle voit réapparaître les latrines collectives dans les maisons, et l’interdiction de jeter ses excréments par la fenêtre (chose qui était devenue pratique courante !). De même, on incite les habitants des villes à jeter leurs ordures dans les tombereaux affectés à cet effet. Parallèlement, la chimie avance : en 1774, le chimiste suédois Carl Wilhem Scheele découvre le chlore. Les scientifiques découvriront plus tard que, mélangé >> DOSSIER Une discipline scientifique à part entière >> Professions Santé Infirmier Infirmière N° 60 • décembre 2004 DOSSIER >> DOSSIER >> Infos ... Des chiffres éloquents : – 90 % des Français ne se lavent pas les mains avant de prendre un repas, les toilettes étant surtout utilisées après les repas. – 25 % des Français ne se lavent les mains qu’à l’eau claire, sans savon. – 34 % des Français ne se sèchent pas les mains après les avoir lavées. – 25 % des individus sont porteurs de la bactérie Escherichia coli sur leurs mains en sortant des toilettes, alors qu’ils n’étaient que 4 % en y entrant. Source : “études menées par des chaînes de restauration rapide”. à l’eau, il blanchit les objets (Claude Berthollet) et, mélangé à une solution de soude, il désinfecte (Antoine Labarraque). L’eau de Javel vient de faire son apparition ! Le XIXe siècle voit le renouveau de l’hygiène. Les travaux d’urbanisme se développent. C’est le début du tout-à-l’égout et, par ailleurs, les eaux usées, riches en azote, sont utilisées pour faire fructifier la terre tout en se purifiant (principe de nitrification). C’est l’apparition des premiers champs d’épandage. Alors que les “water-closets” anglais gagnent toute l’Europe, les premières expositions sur l’hygiène ouvrent leurs portes. Du côté des sciences Depuis l’année 1590, où l’on met au point les premiers microscopes composés, en Italie et en Hollande, c’est en 1674 que le Hollandais Antony Van Leeuwenhoek décrit pour la première fois des bactéries, sans savoir qu’elles en sont, tout en semblant avoir pressenti leur pouvoir infectieux. En 1796, l’Anglais Edward Jenner découvre le principe de la vaccination, en inoculant la vaccine de la vache à des patients, d’où le nom de vaccination. Et, en 1847, le Hongrois Ignac Semmelweis constate qu’une bonne hygiène corporelle du médecin, en particulier le lavage des mains entre deux examens, évite au patient d’être contaminé. Ainsi, les mesures d’hygiène limitent la mortalité par fièvre puerpérale. L’hygiène, synonyme de prévention, est lancée. En 1865, le Français Claude Bernard définit les principes fondamentaux de la recherche scientifique et, en 1867, l’Anglais Joseph Lister invente le concept d’antisepsie, qu’il applique à la chirurgie et à la désinfection des plaies grâce à des produits iodés. En 1873, l’Allemand Robert Koch découvre le bacille responsable de la tuberculose et qui portera son nom (bacille de Koch). Du côté des sciences, les progrès deviennent considérables, notamment grâce aux expériences de Professions Santé Infirmier Infirmière N° 60 • décembre 2004 Louis Pasteur, qui, en 1879, découvre le principe du vaccin au moyen de cultures atténuées. À mesure que l’on découvre de nombreuses bactéries et leur rôle clé dans les infections connues, on comprend qu’il est possible de s’en protéger. Le lavage des mains et la toilette quotidienne à l’eau et au savon sont prônées dans le but essentiel de vaincre les maladies contagieuses (peste, choléra, typhoïde, typhus, fièvre jaune). Toilette et vaccination en seront les fers de lance. Nouveau tournant en 1928, où l’Anglais Alexander Fleming découvre la pénicilline. Ce puissant bactéricide sera utilisé bien plus tard comme antibiotique et, en 1938, René Dubos extrait d’un micro-organisme du sol le premier antibiotique connu. Les conférences internationales de la fin du XIXe aboutissent à la mise en place d’un Office international d’hygiène publique, qui s’installe à Paris en 1907, et qui deviendra l’OMS (Organisation mondiale de la santé) en 1946. Une lutte et une coopération s’engagent contre les maladies infectieuses. Lentement, la notion d’hygiène s’ancre dans les esprits, grâce notamment à son introduction dans les écoles. Mais il faut lutter encore et toujours contre les croyances et les habitudes, l’idée du “propre et du sale”... Si les fléaux d’antan semblent éradiqués, ils resurgissent ça et là, principalement dans les régions © Fournier-Garo/Phanie 22 sous-développées. Place aux fléaux modernes et aux bactéries résistantes. Des progrès restent à faire Certes, les progrès en biologie ont permis de démonter les mécanismes de contaminations, d’infections... Selon les pays, les habitudes varient, mais l’hygiène s’impose doucement. Cependant, il semble encore aujourd’hui que des progrès restent à faire : d’après certaines enquêtes, le lavage des mains au sortir des toilettes ne semble pas toujours aller de soi dans nos pays “évolués”. Et la découverte des antibiotiques a révélé un effet pervers. Si les mesures d’hygiène ont permis de circonscrire de terribles maladies comme la syphilis, la peste, le choléra ou la tuberculose, l’époque moderne voit resurgir d’anciens fléaux (la tuberculose) ou en apparaître de nouveaux (sida, sras...). Une hygiène nouvelle ou renouvelée reste donc à inventer pour le XXIe siècle. Tous les micro-organismes ne sont pas “mauvais” Il serait inexact de considérer que tous les virus, bactéries et champignons sont des micro-organismes agressifs et invasifs pour le corps humain. En fait, le corps humain est normalement colonisé par un grand nombre de germes qui constituent la “flore commensale”. L’hygiène corporelle doit donc être une hygiène équilibrée. Personnes à risque Il convient de redoubler d’attention envers les populations dites “à risque”, pour lesquelles une banale contamination peut tourner au drame. Il s’agit des bébés (le nouveau-né est d’une sensibilité toute particulière aux infections), des femmes enceintes (les précautions élémentaires consistent à avoir une bonne hygiène corporelle et alimentaire), des personnes âgées ou malades (phénomènes d’immunodépression et d’immunosuppression). Deux cibles sont incontournables ; ce sont la peau et les muqueuses, réservoirs divers et variés de microbes en tous genres. La peau La peau est le meilleur rempart du corps contre les agressions extérieures. Elle joue un rôle de barrière vis-à-vis des modifica- tions chimiques, physiques et microbiologiques du milieu. Elle est le siège d’un écosystème microbien riche et varié qui joue un rôle essentiel dans l’équilibre de l’organisme. Les zones sèches de la peau sont peu colonisées par les microbes, contrairement aux zones humides (de 100 à 108 bactéries/cm2). Les mains et les ongles sont les cibles privilégiées de la contamination microbienne, de par leur évidente exposition. Les mains accueillent de fait un nombre considérable de microorganismes potentiellement pathogènes, venus de l’extérieur ou d’autres zones du corps, par contact direct ou croisé, ou encore par contamination aéroportée. Le grand danger réside dans la facilité avec laquelle elles vont les véhiculer et contaminer tout ce qu’elles vont toucher par la suite. Ce sont les infections manuportées. C’est pourquoi le lavage des mains est primordial, et encore plus en milieu hospitalier, pour minimiser le risque d’infection nosocomiale, mais aussi pour éviter toute toxiinfection alimentaire par exemple. Les autres zones de la peau sont plus ou moins sensibles à la contamination et au développement microbien, en fonction de leur localisation et des conditions qui y règnent (endroits humides, tels les espaces interdigitaux des orteils, l’aine et les aisselles, ainsi que les autres régions pileuses, où les microbes trouvent un milieu fortement nutritif, composé de sueur, de sébum et de débris cellulaires). Seuls le passage par les muqueuses ou les lésions accidentelles, fréquentes pendant l’enfance, permettent aux microbes de pénétrer dans l’organisme. Toute lésion cutanée, même minime, entraîne en effet une brèche dans les défenses antimicrobiennes de la peau. La flore transitoire et même la flore commensale peuvent alors se révéler pathogènes. Les tatouages et plus encore les piercings, dont ceux aux oreilles, sont des sites susceptibles d’être Grands brulés colonisés et de s’infecter. Les soignants ne doivent pas oublier que les bijoux présentent à leur surface ou au niveau de la zone de peau qu’ils occultent un milieu potentiel important de culture bactérienne. Les muqueuses Les muqueuses, qui regroupent les membranes, tapissant les cavités de l’organisme, sont en permanence humectées de mucus. Leur composition, leur température, leurs sécrétions et leur pH sont variables en fonction de leur localisation (bouche, nez, yeux, sexe…). Mais toutes représentent un fort point d’ancrage des microbes sur l’organisme. La bouche est particulièrement exposée en matière de contamination des muqueuses. On y trouve plus d’une centaine d’espèces microbiennes différentes. Une bonne hygiène buccale limitera la formation de plaque et les problèmes gingivaux, et, par la même occasion, les problèmes bucco-dentaires. Elle limitera aussi la contamination aéroportée dont on fait profiter l’entourage par le biais de la toux et des éternuements lorsque l’on ne place pas sa main devant sa bouche. Les muqueuses nasales sont une pierre d’angle de la contamination par le mucus. Filtre à air de l’organisme, elles sont d’une efficacité redoutable et récupèrent les hôtes indésirables dans le mucus qui les tapissent. Plus que le risque infectieux local, la transmission des >> DOSSIER Un grand nombre de micro-organismes pathogènes impliqués dans les problèmes d’hygiène corporelle sont actuellement identifiés. Ce sont principalement : des bactéries (entérobactéries, staphylocoques, corynébactéries, propionibactéries...), des champignons (Malassezia furfur, Candida albicans...), des virus (Herpès simplex virus, Papillomavirus...) et des parasites (poux, acariens...). Ces micro-organismes constituent les deux grandes flores qui se retrouvent à la surface du corps : – la flore résidente, composée en majorité de bactéries, se développe dans les plis de la peau, les conduits des follicules pilo-sébacés et sur les muqueuses. Elle est habituellement non pathogène, et même parfois bénéfique ; – la flore transitoire, provenant des personnes et des objets environnants ou du tube digestif, peut se révéler pathogène. Une hygiène corporelle adéquate permet de limiter l’expansion de la flore de transition et de réduire ainsi les risques de contamination, tandis que la flore résidente se reconstitue rapidement. 23 © Burger-HIA Percy/Phanie HYGIÈNE >> Professions Santé Infirmier Infirmière N° 60 • décembre 2004 DOSSIER >> >> DOSSIER L’hygiène des mains Infos ... Intégrer l’hygiène La perception de l’hygiène, de ses applications et des procédés à employer est extrêmement variable d’un individu à l’autre. Il s’avère donc primordial d’instaurer une certaine uniformisation de l’information sur les comportements à tenir pour intégrer les notions d’hygiène corporelle dans un cycle plus vaste d’hygiène de vie générale. Une bonne séquence doit comporter : – retrait des bagues et bijoux ; – mouillage des mains avec de l’eau tiède ; – lavage actif dans tous les recoins et sous les ongles avec un produit détergent du type savon, pendant plus de trente secondes. Il est important de bien faire mousser pour décoller les microbes ; – rinçage des mains ; – essuyage des mains avec un tissu propre. Pour que les ongles aient le plus de chances de rester propres, ils est préférable qu’ils soient courts, mais pas ras. germes, via les mains ou l’éternuement, est donc à redouter, surtout quand on sait que 80 % des virus sont portés par les sécrétions nasales passées sur les mains, et qu’ils se réactivent après environ 6 heures. On trouve pêle-mêle tous les microbes en suspension dans l’air, qu’ils proviennent de projections humaines ou animales. La muqueuse oculaire est, quant à elle, protégée par les substances (lysozyme, immunoglobulines...) contenues dans les larmes, mais représente une porte d’entrée potentielle pour les microbes. On évitera donc d’irriter l’œil, en particulier pour les porteurs de lentilles de contact. Le périnée est une zone sensible, principalement chez la femme, du fait de la conformation anatomique de la muqueuse et de la proximité de la zone anale. rement invoquée et souvent mise en cause dans le contexte d’intoxications alimentaires, lesquelles sont en constante augmentation depuis une vingtaine d’années. Cette augmentation est le fait : – d’une meilleure détection des contaminations par les bactéries, – d’une plus grande quantité du produit concerné, liée à l’industrialisation de la production agro-alimentaire et à la centralisation des systèmes de distribution, – d’une hygiène insuffisamment contrôlée aux différents niveaux de la chaîne alimentaire. Le risque pour le consommateur demeure faible, mais serait encore largement diminué par l’application de règles d’hygiène simples et efficaces. Les aliments à risque Certains aliments sont plus à risque que d’autres. Dans les causes de contamination, on retrouve principalement : les œufs et les produits dérivés (environ un tiers des causes d’intoxication), les volailles (tout particulièrement le poulet), les aliments consommés crus (préparations à base de poissons crus). Une cuisson adéquate des aliments doit accompagner une hygiène rigoureuse afin de ne pas contaminer d’autres aliments qui, eux, ne seront pas soumis à la cuisson. La prévention des intoxications passe par des mesures simples : le poisson doit être soit cuit à 70 °C, soit congelé pendant quelques jours à – 20 °C avant une consommation crue. L’hygiène alimentaire Aujourd’hui, la notion d’hygiène s’est élargie. C’est un comportement sain en toutes circonstances. C’est pourquoi il convient aussi d’avoir une alimentation équilibrée, un rythme de vie régulier, de bonnes phases de sommeil et d’éviter l’abus de tabac, d’alcool et autres drogues. L’hygiène alimentaire est réguliè- Professions Santé Infirmier Infirmière N° 60 • décembre 2004 © Burger/Phanie 24 Pour la viande hachée, la contamination est redistribuée au centre, et seule une cuisson à cœur permet l’élimination des bactéries. Par ailleurs, dans le cas de la viande hachée surgelée, il faut rappeler que la cuisson doit être effectuée sans décongélation préalable, qui augmente le risque de multiplication bactérienne dans l’aliment. Les fruits et les légumes sont rarement la cause d’intoxications. Le risque principal provient de la contamination par un agent pathogène extérieur, soit au moment de la culture, soit lors de leur manipulation. Les micro-organismes pathogènes dans l’aliment On trouve une incroyable variété de micro-organismes sur et dans la nourriture. L’OMS a dénombré plus de 250 types d’infections alimentaires. Deux types de bactéries ont souvent été mentionnés dans les cas les plus récents, à savoir les salmonelles et les listeria. Les salmonelles sont très largement répandues dans la nature et, même si leur présence s’étend à tout le règne animal, elles concernent particulièrement les populations avicoles. Elles sont présentes dans le tube digestif de l’homme et des animaux. Ces bactéries pathogènes spécifiques provoquent des maladies à la suite de l’absorption d’eau ou d’aliments contaminés par des excréments (contamination de type féco-orale). Les salmonelles sont une cause majeure de mortalité infantile dans les pays en voie de développement et consti- tuent un risque permanent dans les pays industrialisés. Le plus souvent, les salmonelles entraînent des toxi-infections alimentaires consécutives à l’absorption d’aliments contaminés (œufs crus ou insuffisamment cuits, mayonnaise, pâtisseries à la crème, pâtés, viandes). L’ingestion de salmonelles ayant proliféré dans un aliment peut entraîner une colonisation de la muqueuse intestinale lorsque l’inoculum dépasse les capacités de défense du tube digestif, correspondant à une dose minimale infectante. Les signes de contamination sont le plus souvent des vomissements et des diarrhées, qui rétrocèdent habituellement en 2 à 5 jours. Par contre, chez le nourrisson, l’immunodéprimé ou le vieillard, l’infection peut prendre un aspect beaucoup plus sévère. Les Listeria monocytogenes des bactéries telluriques, sont très répandues dans l’environnement (sol, végétaux, eaux douces et salées) et particulièrement résistantes au milieu extérieur (plusieurs années à 4 °C). Dans les aliments, les Listeria monocytogenes sont fréquentes dans les produits laitiers, souvent fortement contaminés : lait cru (45 % de contamination), fromages (tant au lait cru qu’au lait pasteurisé). La pasteurisation correctement réalisée détruit les listeria. La contamination après pasteurisation est imputable au défaut d’hygiène lors de l’affinage. On retrouve également les Listeria monocytogenes dans les produits carnés (contamination de 41 % des viandes hachées surgelées, 32 % des produits de charcuterie crue, 60 % des poissons fumés). Ces bactéries se développent à une température inférieure à 4 °C, d’où les problèmes pour la conservation prolongée des produits alimentaires. La survenue d’une infection à la listeria semble dépendre de l’association de différents facteurs : une virulence particulière de certaines souches, une contamination par un inoculum massif, l’état immunitaire de l’hôte. La porte d’entrée est digestive. La listériose est une maladie commune à l’homme et à l’animal et atteint principalement : – les femmes enceintes. Elle est bénigne pour la mère, mais provoque avortements et accouchements prématurés d’enfants infectés souffrant de septicémie précoce ; – les personnes âgées et les immunodéprimés. Le taux de listériose chez ces malades est de 300 fois supérieur à celui de la population normale. Le rôle bénéfique de certaines bactéries Cependant, certaines bactéries ont un rôle tout à fait bénéfique dans le domaine alimentaire. Pasteur, au cours de ses travaux sur la fermentation, montre que les responsables en sont des micro-organismes. Il prouve petit à petit que le lait, le jus de raisin, la farine hydratée ne fermentent que s’ils ont été en contact avec des micro-organismes véhiculés par l’air. En l’absence d’oxygène, pour se nourrir, ceux-ci décomposent ou “dégradent” partiellement les molécules organiques, dont la plus fréquente est le glucose. La fermentation est donc une dégradation partielle, et le produit restant (alcool éthylique, acide lactique…) transforme le goût et la texture de l’aliment. Dès 1908, les microbiologistes reconnaissent les bienfaits des bactéries lactiques. De tous les aliments fermentés, le yaourt est le plus simple. À titre d’exemple le roquefort se fabrique à partir de lait de brebis que l’on porte à une température de 32 °C et que l’on mélange à de la présure, mélange de deux enzymes, dont la pepsine. Celle-ci, présente naturellement dans l’estomac du jeune veau, permet de transformer le lait dont celui-ci se nourrit, afin qu’il puisse le digérer. Pendant cette étape, on ajoute au lait un champignon microscopique, Penicillium roqueforti, qui appartient au groupe des moisissures. Le fromage est ensuite égoutté puis affiné dans des caves. Ces caves consti- tuent un microclimat idéal au développement de ce champignon : température constante de 8 °C et taux d’humidité élevé. Quant aux levures, leurs propriétés reposent sur le phénomène naturel de la fermentation, découvert et utilisé dès l’Antiquité. Mais c’est entre 1857 et 1863 que Louis Pasteur – encore lui – démontre le rôle de la levure en tant que microorganisme responsable de la fermentation. La levure du boulanger est un champignon microscopique, Saccharomyces cerevisiae, que l’on utilise principalement dans la fabrication du pain, alors que la “levure chimique”, le plus souvent à base d’un dérivé de carbonate de sodium, n’a rien à voir avec une fermentation et ne fait pas intervenir de micro-organismes. À tous les niveaux de la chaîne alimentaire, un contrôle des plus rigoureux doit être effectué pour réduire les risques de contamination. La directive européenne 93/ 43, concernant “l’hygiène des denrées alimentaires”, établit la responsabilité des industriels en ce qui concerne le respect des principes généraux d’hygiène et l’obligation de réaliser des autocontrôles au sein de leur entreprise. Responsable sur le plan juridique de la qualité des aliments qu’il met sur le marché, l’industriel doit mettre en place des autocontrôles fondés sur le principe de la méthode HACCP (Hazard Analysis Critical Control Points ou Analyse de danger des points critiques). Cette méthode consiste à déterminer, tout au long de la chaîne de fabrication du produit, les étapes susceptibles de comporter un risque alimentaire (contamination bactérienne, respect de la chaîne du froid...) et à mettre en place une procédure de contrôle de ces étapes (vérifications de la température, du degré d’humidité, du pH, analyses microbiennes...). La faiblesse d’un seul des maillons de la chaîne de transformation peut suffire à rendre défectueux l’ensemble de celle-ci. ALP 25 >> DOSSIER HYGIÈNE Source : Institut Pasteur Ministère de la Santé Professions Santé Infirmier Infirmière N° 60 • décembre 2004