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HYGIÈNE
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Sommaire
• Infections nosocomiales
Le risque zéro n’existe pas, mais...
• Sites opératoires
© CMEABG-UCBL/Phanie
© Alix/Phanie
Comment diminuer l’incidence
des infections
• Anesthésie
Rappel sur les risques infectieux
Hygiène
Si l’on veut définir l’hygiène, on peut dire, pour l’OMS, que
c’est “l’ensemble des mesures préventives de préservation de la santé”. Elle est devenue une composante
essentielle de notre vie, et même une raison majeure de
l’allongement de l’espérance de vie des habitants des
pays industrialisés. La notion d’hygiène a été étroitement liée aux croyances populaires et aux coutumes. Elle
a évolué en même temps que l’état des connaissances
scientifiques et médicales. L’hygiène peut se raconter en
deux grandes périodes fondamentales séparées par la
révolution biologique qu’a été la découverte des microorganismes et de leur rôle dans les maladies.
U
n peu d’histoire. Dès l’antiquité, l’hygiène des Grecs
et des Romains avait un
sens purificateur tout en évoquant
aussi la volupté. En Orient, les bains
turcs ou les hammams, aujourd’hui
encore, mêlent rite de purification
religieux, plaisir et hygiène.
Au Moyen Âge, contrairement aux
idées répandues, on se baigne
beaucoup en ville, où l’hygiène
corporelle est très présente. Les
bains publics ou étuves permettent aux hommes de se retrouver
et de se détendre dans un réel
lieu de plaisir. De même, partout
en Europe, on voit fleurir la mode
du bain et les latrines, vestiges de
la présence romaine. Mais, petit à
petit, les bains publics deviennent
des lieux mal fréquentés… Dans
la rue, l’hygiène est moins flagrante : c’est l’époque du “tout à
la rue” ! Excréments et eaux
usées s’y mêlent et nagent dans
les rigoles se trouvant au centre
des rues…
À la Renaissance, l’hygiène marque une pause, en particulier à
cause d’une perception différente
du corps (il devient tabou) et de
l’apparition de maladies très graves
telles que la syphilis, qui se propagent sans qu’aucun scientifique
puisse réellement expliquer pourquoi. On croit alors que l’eau pénètre dans le corps par les pores
de la peau et transmet ainsi la
maladie. La peste fait aussi beaucoup de ravages en Occident.
Aussi pense-t-on qu’une couche
de crasse assure une protection
contre les maladies. La toilette corporelle devient donc sèche. On
utilise uniquement un linge propre
pour frotter les parties visibles du
corps ! Paradoxalement, l’eau est
utilisée à des fins thérapeutiques :
associée à des plantes pour le
bain ou en décoction...
Le XVIIIe siècle voit réapparaître les
latrines collectives dans les maisons, et l’interdiction de jeter ses
excréments par la fenêtre (chose
qui était devenue pratique
courante !). De même, on incite les
habitants des villes à jeter leurs
ordures dans les tombereaux affectés à cet effet. Parallèlement, la
chimie avance : en 1774, le chimiste suédois Carl Wilhem Scheele
découvre le chlore. Les scientifiques
découvriront plus tard que, mélangé
>> DOSSIER
Une discipline scientifique à part entière
>>
Professions Santé Infirmier Infirmière N° 60 • décembre 2004
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Infos
...
Des chiffres
éloquents :
– 90 % des Français
ne se lavent pas les
mains avant de
prendre un repas,
les toilettes étant
surtout utilisées
après les repas.
– 25 % des Français
ne se lavent les mains
qu’à l’eau claire,
sans savon.
– 34 % des Français
ne se sèchent pas
les mains après
les avoir lavées.
– 25 % des individus
sont porteurs de la
bactérie Escherichia
coli sur leurs mains en
sortant des toilettes,
alors qu’ils n’étaient
que 4 % en y entrant.
Source : “études
menées par des chaînes
de restauration rapide”.
à l’eau, il blanchit les objets (Claude
Berthollet) et, mélangé à une solution de soude, il désinfecte (Antoine
Labarraque). L’eau de Javel vient de
faire son apparition !
Le XIXe siècle voit le renouveau de
l’hygiène. Les travaux d’urbanisme
se développent. C’est le début du
tout-à-l’égout et, par ailleurs, les
eaux usées, riches en azote, sont
utilisées pour faire fructifier la terre
tout en se purifiant (principe de
nitrification). C’est l’apparition des
premiers champs d’épandage.
Alors que les “water-closets” anglais
gagnent toute l’Europe, les premières expositions sur l’hygiène
ouvrent leurs portes.
Du côté des sciences
Depuis l’année 1590, où l’on met
au point les premiers microscopes composés, en Italie et en
Hollande, c’est en 1674 que le
Hollandais Antony Van Leeuwenhoek décrit pour la première fois
des bactéries, sans savoir qu’elles
en sont, tout en semblant avoir
pressenti leur pouvoir infectieux.
En 1796, l’Anglais Edward Jenner
découvre le principe de la vaccination, en inoculant la vaccine de la
vache à des patients, d’où le nom
de vaccination. Et, en 1847, le
Hongrois Ignac Semmelweis
constate qu’une bonne hygiène
corporelle du médecin, en particulier le lavage des mains entre deux
examens, évite au patient d’être
contaminé. Ainsi, les mesures
d’hygiène limitent la mortalité par
fièvre puerpérale. L’hygiène, synonyme de prévention, est lancée.
En 1865, le Français Claude
Bernard définit les principes fondamentaux de la recherche scientifique et, en 1867, l’Anglais Joseph
Lister invente le concept d’antisepsie, qu’il applique à la chirurgie et à la désinfection des plaies
grâce à des produits iodés.
En 1873, l’Allemand Robert Koch
découvre le bacille responsable
de la tuberculose et qui portera
son nom (bacille de Koch).
Du côté des sciences, les progrès
deviennent considérables, notamment grâce aux expériences de
Professions Santé Infirmier Infirmière N° 60 • décembre 2004
Louis Pasteur, qui, en 1879, découvre le principe du vaccin au
moyen de cultures atténuées. À
mesure que l’on découvre de
nombreuses bactéries et leur rôle
clé dans les infections connues,
on comprend qu’il est possible de
s’en protéger.
Le lavage des mains et la toilette
quotidienne à l’eau et au savon
sont prônées dans le but essentiel de vaincre les maladies contagieuses (peste, choléra, typhoïde,
typhus, fièvre jaune). Toilette et
vaccination en seront les fers de
lance. Nouveau tournant en
1928, où l’Anglais Alexander
Fleming découvre la pénicilline.
Ce puissant bactéricide sera utilisé bien plus tard comme antibiotique et, en 1938, René Dubos
extrait d’un micro-organisme du
sol le premier antibiotique connu.
Les conférences internationales
de la fin du XIXe aboutissent à la
mise en place d’un Office international d’hygiène publique, qui
s’installe à Paris en 1907, et qui
deviendra l’OMS (Organisation
mondiale de la santé) en 1946.
Une lutte et une coopération
s’engagent contre les maladies
infectieuses. Lentement, la notion
d’hygiène s’ancre dans les esprits,
grâce notamment à son introduction dans les écoles. Mais il faut
lutter encore et toujours contre
les croyances et les habitudes,
l’idée du “propre et du sale”...
Si les fléaux d’antan semblent
éradiqués, ils resurgissent ça et là,
principalement dans les régions
© Fournier-Garo/Phanie
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sous-développées. Place aux
fléaux modernes et aux bactéries
résistantes.
Des progrès restent à faire
Certes, les progrès en biologie
ont permis de démonter les mécanismes de contaminations, d’infections... Selon les pays, les habitudes varient, mais l’hygiène
s’impose doucement. Cependant,
il semble encore aujourd’hui que
des progrès restent à faire : d’après
certaines enquêtes, le lavage des
mains au sortir des toilettes ne
semble pas toujours aller de soi
dans nos pays “évolués”. Et la
découverte des antibiotiques a
révélé un effet pervers. Si les
mesures d’hygiène ont permis de
circonscrire de terribles maladies
comme la syphilis, la peste, le
choléra ou la tuberculose, l’époque moderne voit resurgir d’anciens fléaux (la tuberculose) ou
en apparaître de nouveaux (sida,
sras...). Une hygiène nouvelle ou
renouvelée reste donc à inventer
pour le XXIe siècle.
Tous les micro-organismes
ne sont pas “mauvais”
Il serait inexact de considérer que
tous les virus, bactéries et champignons sont des micro-organismes
agressifs et invasifs pour le corps
humain. En fait, le corps humain
est normalement colonisé par un
grand nombre de germes qui
constituent la “flore commensale”.
L’hygiène corporelle doit donc être
une hygiène équilibrée.
Personnes à risque
Il convient de redoubler d’attention envers les populations dites
“à risque”, pour lesquelles une
banale contamination peut tourner au drame. Il s’agit des bébés
(le nouveau-né est d’une sensibilité toute particulière aux infections), des femmes enceintes (les
précautions élémentaires consistent à avoir une bonne hygiène
corporelle et alimentaire), des
personnes âgées ou malades
(phénomènes d’immunodépression et d’immunosuppression).
Deux cibles sont incontournables ;
ce sont la peau et les muqueuses,
réservoirs divers et variés de microbes en tous genres.
La peau
La peau est le meilleur rempart
du corps contre les agressions
extérieures. Elle joue un rôle de
barrière vis-à-vis des modifica-
tions chimiques, physiques et
microbiologiques du milieu. Elle
est le siège d’un écosystème
microbien riche et varié qui joue
un rôle essentiel dans l’équilibre
de l’organisme. Les zones sèches
de la peau sont peu colonisées
par les microbes, contrairement
aux zones humides (de 100 à
108 bactéries/cm2). Les mains et
les ongles sont les cibles privilégiées de la contamination microbienne, de par leur évidente
exposition.
Les mains accueillent de fait un
nombre considérable de microorganismes potentiellement pathogènes, venus de l’extérieur ou
d’autres zones du corps, par
contact direct ou croisé, ou encore
par contamination aéroportée. Le
grand danger réside dans la facilité
avec laquelle elles vont les véhiculer et contaminer tout ce qu’elles
vont toucher par la suite. Ce sont
les infections manuportées. C’est
pourquoi le lavage des mains est
primordial, et encore plus en milieu hospitalier, pour minimiser le
risque d’infection nosocomiale,
mais aussi pour éviter toute toxiinfection alimentaire par exemple.
Les autres zones de la peau sont
plus ou moins sensibles à la contamination et au développement microbien, en fonction de leur localisation et des conditions qui y
règnent (endroits humides, tels les
espaces interdigitaux des orteils,
l’aine et les aisselles, ainsi que les
autres régions pileuses, où les microbes trouvent un milieu fortement nutritif, composé de sueur,
de sébum et de débris cellulaires).
Seuls le passage par les muqueuses ou les lésions accidentelles,
fréquentes pendant l’enfance,
permettent aux microbes de pénétrer dans l’organisme. Toute
lésion cutanée, même minime,
entraîne en effet une brèche dans
les défenses antimicrobiennes de
la peau. La flore transitoire et
même la flore commensale peuvent alors se révéler pathogènes.
Les tatouages et plus encore les
piercings, dont ceux aux oreilles,
sont des sites susceptibles d’être
Grands brulés
colonisés et de s’infecter. Les soignants ne doivent pas oublier que
les bijoux présentent à leur surface ou au niveau de la zone de
peau qu’ils occultent un milieu
potentiel important de culture
bactérienne.
Les muqueuses
Les muqueuses, qui regroupent
les membranes, tapissant les cavités de l’organisme, sont en permanence humectées de mucus.
Leur composition, leur température, leurs sécrétions et leur pH
sont variables en fonction de leur
localisation (bouche, nez, yeux,
sexe…). Mais toutes représentent
un fort point d’ancrage des
microbes sur l’organisme.
La bouche est particulièrement
exposée en matière de contamination des muqueuses. On y
trouve plus d’une centaine d’espèces microbiennes différentes.
Une bonne hygiène buccale limitera la formation de plaque et les
problèmes gingivaux, et, par la
même occasion, les problèmes
bucco-dentaires. Elle limitera
aussi la contamination aéroportée dont on fait profiter l’entourage par le biais de la toux et
des éternuements lorsque l’on
ne place pas sa main devant sa
bouche.
Les muqueuses nasales sont une
pierre d’angle de la contamination
par le mucus. Filtre à air de l’organisme, elles sont d’une efficacité
redoutable et récupèrent les hôtes
indésirables dans le mucus qui les
tapissent. Plus que le risque infectieux local, la transmission des
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Un grand nombre de micro-organismes pathogènes impliqués
dans les problèmes d’hygiène
corporelle sont actuellement identifiés. Ce sont principalement : des
bactéries (entérobactéries, staphylocoques, corynébactéries, propionibactéries...), des champignons (Malassezia furfur, Candida
albicans...), des virus (Herpès simplex virus, Papillomavirus...) et des
parasites (poux, acariens...).
Ces micro-organismes constituent
les deux grandes flores qui se
retrouvent à la surface du corps :
– la flore résidente, composée en
majorité de bactéries, se développe dans les plis de la peau, les
conduits des follicules pilo-sébacés
et sur les muqueuses. Elle est
habituellement non pathogène,
et même parfois bénéfique ;
– la flore transitoire, provenant
des personnes et des objets environnants ou du tube digestif, peut
se révéler pathogène.
Une hygiène corporelle adéquate
permet de limiter l’expansion de
la flore de transition et de réduire
ainsi les risques de contamination, tandis que la flore résidente
se reconstitue rapidement.
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© Burger-HIA Percy/Phanie
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L’hygiène des mains
Infos
...
Intégrer l’hygiène
La perception
de l’hygiène,
de ses applications
et des procédés
à employer
est extrêmement
variable d’un
individu à l’autre.
Il s’avère donc
primordial
d’instaurer
une certaine
uniformisation
de l’information sur
les comportements
à tenir pour intégrer
les notions
d’hygiène corporelle
dans un cycle
plus vaste
d’hygiène
de vie générale.
Une bonne séquence doit comporter :
– retrait des bagues et bijoux ;
– mouillage des mains avec de
l’eau tiède ;
– lavage actif dans tous les
recoins et sous les ongles avec
un produit détergent du type
savon, pendant plus de trente
secondes. Il est important de
bien faire mousser pour décoller
les microbes ;
– rinçage des mains ;
– essuyage des mains avec un
tissu propre.
Pour que les ongles aient le plus
de chances de rester propres,
ils est préférable qu’ils soient
courts, mais pas ras.
germes, via les mains ou l’éternuement, est donc à redouter, surtout
quand on sait que 80 % des virus
sont portés par les sécrétions
nasales passées sur les mains, et
qu’ils se réactivent après environ
6 heures. On trouve pêle-mêle
tous les microbes en suspension
dans l’air, qu’ils proviennent de
projections humaines ou animales.
La muqueuse oculaire est, quant
à elle, protégée par les substances (lysozyme, immunoglobulines...) contenues dans les larmes, mais représente une porte
d’entrée potentielle pour les microbes. On évitera donc d’irriter
l’œil, en particulier pour les porteurs de lentilles de contact.
Le périnée est une zone sensible,
principalement chez la femme,
du fait de la conformation anatomique de la muqueuse et de la
proximité de la zone anale.
rement invoquée et souvent mise
en cause dans le contexte d’intoxications alimentaires, lesquelles
sont en constante augmentation
depuis une vingtaine d’années.
Cette augmentation est le fait :
– d’une meilleure détection des
contaminations par les bactéries,
– d’une plus grande quantité
du produit concerné, liée à l’industrialisation de la production
agro-alimentaire et à la centralisation des systèmes de distribution,
– d’une hygiène insuffisamment
contrôlée aux différents niveaux
de la chaîne alimentaire.
Le risque pour le consommateur
demeure faible, mais serait encore
largement diminué par l’application de règles d’hygiène simples
et efficaces.
Les aliments à risque
Certains aliments sont plus à risque
que d’autres. Dans les causes de
contamination, on retrouve principalement : les œufs et les produits
dérivés (environ un tiers des
causes d’intoxication), les volailles
(tout particulièrement le poulet),
les aliments consommés crus (préparations à base de poissons crus).
Une cuisson adéquate des aliments
doit accompagner une hygiène
rigoureuse afin de ne pas contaminer d’autres aliments qui, eux, ne
seront pas soumis à la cuisson.
La prévention des intoxications
passe par des mesures simples :
le poisson doit être soit cuit à
70 °C, soit congelé pendant
quelques jours à – 20 °C avant
une consommation crue.
L’hygiène alimentaire
Aujourd’hui, la notion d’hygiène
s’est élargie. C’est un comportement sain en toutes circonstances. C’est pourquoi il convient
aussi d’avoir une alimentation
équilibrée, un rythme de vie régulier, de bonnes phases de sommeil et d’éviter l’abus de tabac,
d’alcool et autres drogues.
L’hygiène alimentaire est réguliè-
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Pour la viande hachée, la contamination est redistribuée au centre, et
seule une cuisson à cœur permet
l’élimination des bactéries. Par
ailleurs, dans le cas de la viande
hachée surgelée, il faut rappeler
que la cuisson doit être effectuée
sans décongélation préalable, qui
augmente le risque de multiplication bactérienne dans l’aliment.
Les fruits et les légumes sont rarement la cause d’intoxications. Le
risque principal provient de la contamination par un agent pathogène
extérieur, soit au moment de la culture, soit lors de leur manipulation.
Les micro-organismes
pathogènes dans l’aliment
On trouve une incroyable variété
de micro-organismes sur et dans la
nourriture. L’OMS a dénombré plus
de 250 types d’infections alimentaires. Deux types de bactéries ont
souvent été mentionnés dans les
cas les plus récents, à savoir les
salmonelles et les listeria.
Les salmonelles sont très largement répandues dans la nature et,
même si leur présence s’étend à
tout le règne animal, elles concernent particulièrement les populations avicoles. Elles sont présentes
dans le tube digestif de l’homme et
des animaux. Ces bactéries pathogènes spécifiques provoquent des
maladies à la suite de l’absorption
d’eau ou d’aliments contaminés
par des excréments (contamination de type féco-orale). Les salmonelles sont une cause majeure de
mortalité infantile dans les pays en
voie de développement et consti-
tuent un risque permanent dans
les pays industrialisés.
Le plus souvent, les salmonelles
entraînent des toxi-infections alimentaires consécutives à l’absorption d’aliments contaminés (œufs
crus ou insuffisamment cuits,
mayonnaise, pâtisseries à la crème,
pâtés, viandes). L’ingestion de salmonelles ayant proliféré dans un aliment peut entraîner une colonisation de la muqueuse intestinale
lorsque l’inoculum dépasse les
capacités de défense du tube digestif, correspondant à une dose minimale infectante. Les signes de
contamination sont le plus souvent
des vomissements et des diarrhées,
qui rétrocèdent habituellement en 2
à 5 jours. Par contre, chez le nourrisson, l’immunodéprimé ou le
vieillard, l’infection peut prendre un
aspect beaucoup plus sévère.
Les Listeria monocytogenes des
bactéries telluriques, sont très
répandues dans l’environnement
(sol, végétaux, eaux douces et
salées) et particulièrement résistantes au milieu extérieur (plusieurs
années à 4 °C). Dans les aliments,
les Listeria monocytogenes sont fréquentes dans les produits laitiers,
souvent fortement contaminés : lait
cru (45 % de contamination), fromages (tant au lait cru qu’au lait
pasteurisé). La pasteurisation correctement réalisée détruit les listeria. La contamination après pasteurisation est imputable au défaut
d’hygiène lors de l’affinage. On
retrouve également les Listeria
monocytogenes dans les produits
carnés (contamination de 41 % des
viandes hachées surgelées, 32 %
des produits de charcuterie crue,
60 % des poissons fumés). Ces
bactéries se développent à une
température inférieure à 4 °C, d’où
les problèmes pour la conservation
prolongée des produits alimentaires. La survenue d’une infection à
la listeria semble dépendre de l’association de différents facteurs :
une virulence particulière de certaines souches, une contamination
par un inoculum massif, l’état
immunitaire de l’hôte. La porte
d’entrée est digestive.
La listériose est une maladie commune à l’homme et à l’animal et
atteint principalement :
– les femmes enceintes. Elle est
bénigne pour la mère, mais provoque avortements et accouchements prématurés d’enfants infectés souffrant de septicémie
précoce ;
– les personnes âgées et les
immunodéprimés. Le taux de listériose chez ces malades est de
300 fois supérieur à celui de la
population normale.
Le rôle bénéfique de certaines
bactéries
Cependant, certaines bactéries
ont un rôle tout à fait bénéfique
dans le domaine alimentaire.
Pasteur, au cours de ses travaux
sur la fermentation, montre que
les responsables en sont des
micro-organismes. Il prouve petit
à petit que le lait, le jus de raisin,
la farine hydratée ne fermentent
que s’ils ont été en contact avec
des micro-organismes véhiculés
par l’air. En l’absence d’oxygène,
pour se nourrir, ceux-ci décomposent ou “dégradent” partiellement
les molécules organiques, dont la
plus fréquente est le glucose. La
fermentation est donc une dégradation partielle, et le produit restant (alcool éthylique, acide lactique…) transforme le goût et la
texture de l’aliment.
Dès 1908, les microbiologistes
reconnaissent les bienfaits des bactéries lactiques. De tous les aliments
fermentés, le yaourt est le plus
simple. À titre d’exemple le roquefort se fabrique à partir de lait de
brebis que l’on porte à une température de 32 °C et que l’on mélange
à de la présure, mélange de deux
enzymes, dont la pepsine. Celle-ci,
présente naturellement dans l’estomac du jeune veau, permet de
transformer le lait dont celui-ci se
nourrit, afin qu’il puisse le digérer.
Pendant cette étape, on ajoute au
lait un champignon microscopique,
Penicillium roqueforti, qui appartient
au groupe des moisissures. Le fromage est ensuite égoutté puis affiné
dans des caves. Ces caves consti-
tuent un microclimat idéal au développement de ce champignon :
température constante de 8 °C et
taux d’humidité élevé.
Quant aux levures, leurs propriétés
reposent sur le phénomène naturel
de la fermentation, découvert et
utilisé dès l’Antiquité. Mais c’est
entre 1857 et 1863 que Louis
Pasteur – encore lui – démontre le
rôle de la levure en tant que microorganisme responsable de la fermentation. La levure du boulanger
est un champignon microscopique,
Saccharomyces cerevisiae, que l’on
utilise principalement dans la fabrication du pain, alors que la “levure
chimique”, le plus souvent à base
d’un dérivé de carbonate de
sodium, n’a rien à voir avec une
fermentation et ne fait pas intervenir de micro-organismes.
À tous les niveaux de la chaîne alimentaire, un contrôle des plus rigoureux doit être effectué pour réduire
les risques de contamination. La
directive européenne 93/ 43,
concernant “l’hygiène des denrées
alimentaires”, établit la responsabilité
des industriels en ce qui concerne le
respect des principes généraux d’hygiène et l’obligation de réaliser des
autocontrôles au sein de leur entreprise. Responsable sur le plan juridique de la qualité des aliments qu’il
met sur le marché, l’industriel doit
mettre en place des autocontrôles
fondés sur le principe de la méthode
HACCP (Hazard Analysis Critical
Control Points ou Analyse de danger
des points critiques). Cette méthode
consiste à déterminer, tout au long
de la chaîne de fabrication du produit, les étapes susceptibles de comporter un risque alimentaire (contamination bactérienne, respect de la
chaîne du froid...) et à mettre en
place une procédure de contrôle de
ces étapes (vérifications de la température, du degré d’humidité, du
pH, analyses microbiennes...). La faiblesse d’un seul des maillons de la
chaîne de transformation peut suffire
à rendre défectueux l’ensemble de
celle-ci.
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Source : Institut Pasteur
Ministère de la Santé
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