“Que j’aime le son du coq le soir au fond... Alfred Barthez très séduisante, mais plus de cinquante molécules similaires

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Revue de presse grand public
● M. Escoute*
“Que j’aime le son du coq le soir au fond des buts”.
Alfred Barthez
L’actualité de ces derniers mois, je ne vous l’apprends pas (à
moins que vous ne soyez partis pour une longue villégiature à
Pensacola, Antarctique, avec comme seuls compagnons des
manchots empereurs), a été particulièrement obsessionnelle et
complètement saturée par un phénomène d’envergure mondiale
que je ne vous ferai pas l’injure de rappeler. Celui-ci ayant eu
au moins l’avantage de faire connaître à une planète ignorante
le cri majestueux de ce bel animal, de ce fleuron emblématique
français, je veux bien sûr parler du coq… La poussée de nationalisme fut telle que l’on n’avait plus vu depuis la Libération
autant de monde sur les Champs Elysées…
❒ Et pourtant, dans l’ombre de cette flambée de patriotisme,
des chercheurs parisiens (de l’équipe du Pr Perricaudet, IGR)
donnaient l’opportunité de lire dans les colonnes secondaires de
France-Soir, Le Figaro, L’Est Éclair, La Marseillaise et La
Voix du Nord : “Cancer : mis hors d’état de nuire”, “Les
tumeurs tuées par la faim”, “Cancer : l’espoir est français”,
“Condamner les cellules cancéreuses au dépérissement”, et cela
grâce à l’utilisation d’une protéine bien connue, l’urokinase, mais
qui, une fois “bricolée”, permettrait, par le biais d’un virus porteur, de détruire l’angiogenèse tumorale et d’entraîner ainsi la
mort cellulaire : les résultats semblent époustouflants puisque
l’on parle d’une destruction de 90 % du réseau vasculaire.
Toutefois, reprenons l’histoire au début : ce serait un Américain, le Dr J. Folkman (Boston, Massachusetts), qui serait à
l’origine de la découverte de l’utilisation de deux protéines,
l’angiostatine et l’endostatine, dans le but de supprimer la vascularisation tumorale, ce qui déclencherait la destruction des
lésions cancéreuses, et aussi l’inhibition de leur multiplication.
La nouvelle fit un tabac aux États-Unis, on s’en doute,
d’autant plus que les résultats de ces études ont été publiés
dans la presse huit jours avant que ne se réunisse le conseil
d’administration du laboratoire concerné. Pour ajouter à cet
enthousiasme journalistique, le Dr Klausner (directeur du NCI)
a conclu son communiqué à US Today par : “Je place les essais
cliniques sur ces deux médicaments au premier rang de nos
priorités.” Il n’en fallait pas plus pour que le laboratoire en
question, à savoir Entremed, voie son titre s’envoler en Bourse,
passant en quelques heures de 12,06 dollars à 56,31 dollars. Il
est cependant intéressant de noter que dans l’Hebdo-Vie
Ouvrière et Le Monde, il est rappelé que des chercheurs français, dont J.P. Escande, suivent depuis vingt ans (!) une piste
similaire, en essayant de détruire l’environnement de la cellule
cancéreuse et non plus la cellule elle-même. Sanofi (branche
pharmaceutique des produits pétroliers Elf), qui finançait
jusqu’à présent les recherches, aurait récemment coupé les crédits ! En outre, ces résultats ne sont valables, pour l’instant,
que pour les… souris ! Comme le souligne le Pr Khayat dans
*Clinique Sainte-Catherine, Avignon.
La Lettre du Sénologue - n° 2 - octobre 1998
un communiqué à l’AFP : “La piste de ces deux protéines est
très séduisante, mais plus de cinquante molécules similaires
sont à l’essai sur l’animal, et près d’une vingtaine ont déjà été
abandonnées.” Par ailleurs, sans vouloir paraître condescendant, il faut savoir que d’autres équipes beaucoup moins
bruyantes, dont celle du Pr Schuchter (Université de Pennsylvanie), utilisent des substances similaires dans la surveillance
d’anticorps de cancers du rein ou de lymphomes chez
l’homme. Et les chercheurs français, beaucoup plus circonspects, d’ajouter : “Pour l’instant, ces résultats ne sont pas
exploitables chez l’homme”.
❒ Autre bombe (en dehors de la France, championne du
monde), américaine encore, et présentée à l’ASCO : une nouvelle molécule, l’herceptine. Les titres de dizaines de journaux dans le monde révélaient plus sobrement : “Un nouveau
traitement contre le cancer du sein”, “Un anticorps monoclonal
contre le cancer”, “Genentech’s promising clinical results flag
advances in cancer treatments”. Et le Dr Goldstein (Fox Chase
Center, Philadelphie) de déclarer : “Nous sommes à un
moment très stimulant où nous constatons que l’approche
moléculaire permet effectivement de combattre le cancer du
sein, et il ne fait pas de doute que nous possédons là un nouvel
agent anticancéreux, probablement le premier d’une longue
série.” C’est le Dr Slamon (UCLA), dont le programme de
recherche est soutenu par le groupe cosmétique Revlon (pratique fréquente aux États-Unis), qui a découvert en 1986 une
erreur génétique chez environ 30 % des femmes atteintes d’un
cancer du sein. Ce gène, que l’on connaît, HER-2/neu, est
impliqué dans la surproduction d’une protéine favorisant la
multiplication des cellules cancéreuses. Or un anticorps, baptisé
herceptine, est capable de s’attaquer à cette protéine et de
détruire les cellules tumorales. Fabriqué par la société Genentech, racheté pour un prix “substantiel” non communiqué (!),
comme le soulignent l’International Herald Tribune et le Wall
Street Journal, sa commercialisation hors des États-Unis sera
confiée à Roche Holding. Des études montreraient une régression de plus de 50 % de la tumeur (contre 43 % pour les traitements standards) en le combinant à des traitements chimiothérapiques classiques, et non en utilisation seule, comme le laissent supposer la plupart des quotidiens. Là où cela risque
d’être explosif, c’est que ces résultats combinés donnent des
taux de réponses tumorales bien supérieurs à ceux du paclitaxel, opposant 42 % de réponses positives à 16 % pour le
Taxol seul ! (Flottement boursier en vue pour Bristol-Myers
Squibb ? Et Rhône-Poulenc vient d’obtenir l’accord de la toutepuissante FDA pour la commercialisation du docétaxel…).
Autre avantage de ce produit, et non des moindres quand on
sait l’importance psychologique que cela peut représenter chez
les femmes (voir les études réalisées sur la qualité de vie) :
cette molécule ne présenterait pas d’effets secondaires du type
alopécie ou effondrement des globules sanguins, mais seulement certains troubles cardiaques aisément corrigés, selon le
Dr Slamon.
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❒ Suite de “l’affaire tamoxifène” retrouvée dans Le Figaro,
L’Express, le Tout Lyon, France Antilles, La Voix du Nord :
“Cancer du sein : non à la prévention généralisée”, “Cancer du
sein : une piste incertaine”. Ces articles rapportent l’existence
de quatre essais en cours ou clôturés (américain du NSABP,
italien de Veronesi, anglais de Powles et l’essai IBIS) dont les
conclusions sont contradictoires. Ces journaux insistent sur
l’attitude très réservée du groupe d’experts de la FNCLCC et
évoquent la possibilité de mise en route d’un essai français.
En revanche, dans Voici, Le Havre Presse, Le Républicain
Lorrain, on voit apparaître le nom du raloxifène avec, pour
certains (capables de ne pas faire l’amalgame tamoxifèneraloxifène), la notion d’absence d’effets secondaires à type de
cancer de l’endomètre. Je ne vous surprendrai pas en vous
signalant que, depuis la parution des résultats du raloxifène, le
groupe Ely Lilly clôture en hausse à la Bourse américaine, en
sachant que le raloxifène commercialisé sous le nom d’Evista®
pourrait approcher les 12 milliards de francs de ventes
annuelles d’ici à 2002, selon les sources du Nouvel Observateur.
❒ Puisque ce numéro est consacré aux THS, quelques réactions ont été relevées dans Le Figaro : “Le prudent traitement
de la ménopause”, où il est noté que ce traitement ne semble
pas augmenter le risque de récidive de cancer, mais que l’on
attend les résultats d’autres études dont ceux de Vassilopoulou
(Houston). En revanche, dans la Nouvelle République des
Pyrénées, l’accent est mis sur l’augmentation de 35 % des cancers chez les femmes traitées plus de onze ans et l’article souligne les réserves de l’OMS. Un très bel article, très complet,
intitulé : “Ostéoporose : le défi européen”, remarqué dans
Libération Champagne du 29 juin, explique les causes, les facteurs de risque, le dépistage, l’impact européen, les associations d’aide, le régime idéal et les règles d’hygiène de vie. Plus
racoleur et percutant : “THS, le Viagra des femmes ?”, où l’on
insiste sur une association estrogènes-androgènes, vantant surtout les mérites des hormones mâles susceptibles de “réveiller”
la vie sexuelle des femmes, ce qui permet à un journaliste persifleur de poser cette question narquoise : “Et que dire d’un
couple utilisant le mélange détonant Viagra pour monsieur et
androgènes pour madame ?”. Il est curieux de constater que cet
article a été imprimé dans Le Var, Corse-Matin, La Provence
et Nice-Matin… Il ne sera pas nécessaire de faire des allusions
sauvages au machisme méditerranéen car, dans ces mêmes
journaux, on retrouve une exhortation au dépistage des cancers
féminins sous le titre : “Examens : ne rechignez pas !”.
❒ Dans un registre plutôt terroriste, une dizaine de quotidiens
titrent, à la fin du congrès Eurocancer : “Cancer : des chiffres
accablants”, “Le nombre de cancers n’a cessé d’augmenter,
contrairement à ce qu’affirment certains cancérologues”, heureusement contrebalancés par “Le troisième millénaire se portera bien” et deux entrefilets rapportant une baisse du nombre
de cancers aux États-Unis et de la mortalité par cancer aux
Pays-Bas et en Grande-Bretagne.
❒ De quoi faire revenir le sourire à la Seita, malmenée par les
lobbies anti-tabac, d’éminents spécialistes américains, canadiens et français auraient découverts que : “Fumer protège cer50
taines femmes du cancer du sein”, aboutissant à des titres
comme : “L’effet faste du tabac”, “Le tabac bénéfique ?”. Il est
quand même précisé que cela ne concerne que les femmes porteuses d’une anomalie génétique BRCA 1 ou BRCA 2, et qu’un
paquet de cigarettes par jour réduirait le risque de moitié.
Tombe-t-on de Charybde en Scylla ? Il est précisé, bien sûr,
que cela ne doit pas être considéré comme un encouragement à
fumer ni une absolution quelconque. Il n’est peut-être pas forcément nécessaire d’accroître la proportion statistique actuelle
de 56 % d’augmentation des cancers du poumon chez la
femme !
❒ Un serpent de mer, qui va certainement enthousiasmer nos
chirurgiens débordés : “Cancer du sein : calculer la date de
votre opération”, où il est expliqué qu’il y a davantage de
bénéfices en termes de survie lorsque la chirurgie est réalisée
en deuxième partie de cycle. Nous aimerions beaucoup être
présents lorsque le Dr Villet, auteur d’un article incendiaire
intitulé : “Pour en finir avec la date des règles”, se retrouvera
en consultation face à une patiente en train de calculer la date
optimale de son intervention !
Pour finir, quelques scoops surprenants
Lu dans Sud-Ouest Dimanche, où il est rapporté que dans les
six mois suivant la mastectomie subie par Nancy Reagan en
octobre 1987, les médecins américains ont constaté une baisse
de 25 %… du choix d’un traitement conservateur chez les
patientes atteintes d’un cancer du sein… De l’influence des
célébrités ?
■ Un animateur de radio hollandais, choqué par le décès par
cancer du sein de l’épouse de l’ex-Beatles Paul MacCartney, a
proposé, pour sensibiliser ses auditrices à cette maladie, qu’on
lui envoie un soutien-gorge ; il en a reçu un tel nombre que
ceux-ci furent suspendus en guirlande à l’entrée du port de
Rotterdam ; on imagine la tête des capitaines de navire, mais
c’est peut-être un bel exemple de solidarité féminine. Pas
moins de vingt journaux français ont rapporté l’événement.
■ Insolite et colporté par près de 42 quotidiens, dont le très
sérieux journal Le Monde, l’histoire d’un Américain, Paul
Shimkonis, qui a été assommé par les seins d’une strip-teaseuse
ultra-siliconée et exubérante au cours de l’enterrement de sa
vie de garçon. L’infortuné futur marié souffre depuis de douleurs cervicales intolérables et n’a pas hésité à demander
15 000 dollars de dommages et intérêts ! La justice américaine
a débouté le plaignant, mais cela a permis à des journalistes,
très en veine, de présenter quelques figures de style, du type :
“Attentat à la rondeur”, “Des seins sonneurs”, “Un spectacle
assommant”, “Débouté, un verdict assommant”.
■ Cependant, pour terminer, la palme revient incontestablement à cet article qui fut à la pointe de l’actualité, retrouvé
dans Le Canard Enchaîné, où sont rapportés les propos du
Pr Barte (Hôpital Marmottan) : “Il faut savoir que le football
est un sport à haute symbolique sexuelle. Chez l’homme, le
besoin du ballon rond, c’est un besoin voyeuriste. Lorsqu’il
regarde un ballon rond, votre époux voit vos seins.” Ce à quoi
le journaliste perfide, et certainement goguenard, a rétorqué :
“Et lorsqu’il regarde un but ?”
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La Lettre du Sénologue - n° 2 - octobre 1998
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