150 | La Lettre du Neurologue • Vol. XIV - n° 5 - mai 2010
ÉDITORIAL
iatrogène avec la mitoxantrone, responsable de cas de leucé-
mies. Toutefois, ce traitement était et est encore principa-
lement utilisé dans des formes particulièrement agressives
qui conduisent le plus souvent, sans traitement de ce type, à
des handicaps majeurs. Avec l’utilisation du natalizumab, le
neurologue est, pour la première fois dans la SEP, vraiment
confronté à l’évaluation au cas par cas du rapport bénéfice-
risque, car les possibilités de prescription sont relativement
larges avec un bénéfice pour le patient indéniable, notam-
ment en matière de qualité de vie. Deux difficultés majeures
apparaissent dans l’évaluation de ce rapport bénéfice-risque :
l’absence de consensus pour définir un bon candidat au nata-
lizumab et l’impossibilité de préciser le risque réel de LEMP,
surtout après 2 ans d’utilisation. La réflexion est à la fois
médicale et éthique : une plus grande chance de contrôler
une maladie potentiellement handicapante, mais le risque
d’une complication potentiellement fatale.
À la date du 10 mars 2010, 42 cas de LEMP étaient
recensés sous natalizumab sur une population de plus de
65 000 patients exposés. Une minorité de patients bénéfi-
ciant du traitement depuis plus de 2 ans, il est difficile de
préciser le risque au-delà de cette période et, même s’il est
constaté une augmentation de ce risque avec le temps d’ex-
position, celui-ci ne semble pas pour l’instant dépasser le taux
approximatif de 1 sur 1 000 patients, soit le chiffre estimé à
l’issu des études ayant conduit à l’Autorisation de mise sur
la marché. Presque à lui seul, ce risque a fait imposer un plan
de gestion. Lors de chaque visite, le neurologue oriente son
interrogatoire au moins autant vers la recherche de signes de
LEMP que vers des signes d’évolution de la SEP. La sémiologie
de la LEMP est souvent différente, mais la distinction n’est
pas toujours aisée, notamment en cas de troubles cognitifs
préexistants. Une évolution inhabituelle sera plus rapidement
perçue si le suivi est toujours assuré par le même neurologue,
et globalement par la même équipe paramédicale. Dès la
suspicion diagnostique, il faut surseoir à la prochaine perfu-
sion, comparer en urgence les données IRM et, au moindre
doute, réaliser une ponction lombaire à la recherche du virus
par PCR. Si le doute persiste, il est préférable de surseoir de
nouveau à la perfusion pour refaire, le cas échéant, à la fois
l’IRM et la recherche du virus. Malheureusement, à ce jour,
aucun réel facteur de risque n’a été authentifié. Seul un peu
plus de 1 patient sur 2 a été exposé antérieurement à un trai-
tement IS. Des variants du virus ou les données sérologiques
contre le virus ne sont que des pistes de recherche. Lorsque le
diagnostic est posé, des échanges plasmatiques doivent être
réalisés afin d’éliminer le natalizumab (2). Même si aucune
thérapeutique n’a vraiment fait la preuve de son efficacité,
la méfloquine, qui s’est montrée active contre le virus dans
différents modèles, ou le cidofovir doivent être proposés. Un
antidépresseur comme la mitarzapine, antagoniste de certains
récepteurs sérotoninergiques et adrénergiques, peut y être
associé, supposé efficace chez quelques patients souffrant du
sida (3) ou dans des modèles cellulaires. Néanmoins, les évolu-
tions favorables observées sont surtout le fait de la reconsti-
tution immunitaire liée à l’arrêt et à l’élimination du produit.
Ces cas ont eu au moins 2 conséquences favorables : un
suivi très rigoureux des patients et le développement des
recherches sur ce virus. ◾
Références bibliographiques
1. Carson KR, Evens AM, Richey EA et al. Progressive
multifocal leukoencephalopathy after rituximab
therapy in HIV-negative patients: a report of 57
cases from the Research on Adverse Drug Events and
Reports project. Blood 2009;113:4834-40.
2. Wenning W, Haghikia A, Laubenberger J
et al. Treatment of progressive multifocal
leukoencephalopathy associated with natalizumab.
N Engl J Med 2009;361:1075-80.
3. Cettomai D, McArthur JC. Mirtazapine use in
human immunodeficiency virus-infected patients
with progressive multifocal leukoencephalopathy.
Arch Neurol 2009;66:255-8.