102 | La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXVI - n° 3 - mai-juin 2011
Résumé
La leucoencéphalopathie multifocale progressive (LEMP) est une infection opportuniste rare due au virus JC, qui
connaît un regain d’intérêt avec l’utilisation de certaines biothérapies, par exemple l’efalizumab, le rituximab
et le natalizumab. L’efalizumab a été rapidement retiré du marché après les 4 premiers cas. La mortalité liée à
la LEMP est beaucoup plus élevée avec le rituximab qu’avec le natalizumab, probablement du fait de la patho-
logie sous-jacente. Plus de 100 cas de LEMP sont survenus sous natalizumab dans l’indication de la sclérose
en plaques. Des plans de gestion du risque sont imposés avec l’utilisation de ces produits, notamment sur
les plans clinique et radiologique. La présence d’anticorps antivirus JC, une durée de traitement supérieure à
2 ans et l’utilisation préalable d’immunosuppresseurs sont des facteurs de risque reconnus d’une LEMP sous
natalizumab. Des techniques ultrasensibles d’amplification génique permettent un diagnostic plus rapide,
augmentant le taux de survie. Une restauration immunitaire est le seul traitement efficace.
Mots-clés
Leuco-
encéphalopathie
multifocale
progressive
Rapport bénéfice-
risque
Efalizumab
Rituximab
Natalizumab
Summary
Progressive multifocal leuko-
encephalopathy (PML) is a rare
opportunistic infection due to
reactivation of JC virus into the
central nervous system. The
interest for PML is increased
with the use of different
biotherapies, like efalizumab,
rituximab or natalizumab.
Efalizumab has rapidly been
removed from the market after
the first 4 cases. The mortality
rate is higher with rituximab
compared with natalizumab
probably due to underlying
diseases. More than 100 cases
have been described with the
use of natalizumab in multiple
sclerosis patients in post
marketing. Risk management
plans are mandatory for these
drugs in specific conditions
including clinical and MRI data.
Presence of antibodies against
JC virus, more than two years
of treatment duration and
previous use of immunosup-
pressant drugs are risk factors
for natalizumab-induced PML.
Ultrasensitive quantitative PCR
techniques are now available,
allowing a rapid diagnosis,
increasing the survival rate
and clinical outcomes.
Keywords
Progressive multifocal
leukoencephalopathy
Benefit risk ratio
Efalizumab
Rituximab
Natalizumab
pénétration cellulaire pourrait se faire via le récep-
teur sérotoninergique 5-HT2A retrouvé à la surface
de différentes cellules notamment gliales, lympho-
cytes B ou cellules épithéliales du rein (7).
Signes cliniques
Ces signes sont très variés (8) et peu spécifiques.
Pour cette raison, l’apparition de signes neurolo-
giques dans un contexte à risque de LEMP doit faire
évoquer ce diagnostic. Les troubles cognitifs et des
modifications de la personnalité sont fréquents.
Sur le plan cognitif, des troubles du langage, des
difficultés mnésiques ou un syndrome frontal sont
observés. Des troubles du champ visuel, notam-
ment sous la forme d’une hémianopsie latérale
homonyme, ne sont pas rares, des crises convul-
sives sont plus rares. Sur le plan moteur, ce sera
l’apparition d’une hémiparésie, d’un syndrome
cérébelleux ou d’une dysarthrie qui révélera la
maladie. Un syndrome médullaire isolé est excep-
tionnel (9).
Comment poser le diagnostic ?
À la moindre suspicion, une imagerie par réso-
nance magnétique (IRM) encéphalique doit être
réalisée en urgence. Les séquences T2 FLAIR
sont les plus sensibles pour détecter les lésions.
Celles-ci sont souvent volumineuses, unilobaires
ou beaucoup plus diffuses, sans effet de masse
et généralement non ou peu rehaussées par le
gadolinium. Elles occupent la substance blanche,
parfois dessinant les fibres en U, envahissant
la capsule interne et le corps calleux, et, dans
certains cas, infiltrant les structures profondes
comme le thalamus ou le noyau lenticulaire. Leurs
contours sont parfois mal limités. Si les images
sont caractéristiques ou si le contexte clinique
oriente malgré tout vers une infection opportu-
niste du SNC, une ponction lombaire (PL) doit être
réalisée en y incluant une PCR (Polymerase Chain
Reaction) quantitative ultrasensible. Au besoin,
l’IRM et la PL doivent être répétées. La positivité
permet de poser le diagnostic.
Traitement
La restauration immunitaire est le seul traitement
efficace. La mortalité est élevée et varie de 20 à
100 % selon les contextes cliniques. De nombreux
traitements sont proposés, dont le cidofovir (10), la
cytarabine (11), ou encore l’interleukine 2 ou plus
récemment la méfloquine et la mirtazapine. Si des
résultats positifs ont été rapportés, il ne s’agit bien
souvent que de cas cliniques isolés et aucune conclu-
sion ne peut être faite quant à leur réel intérêt.
La LEMP secondaire
aux biothérapies
Un regain d’intérêt est apparu avec l’apparition des
cas de LEMP secondaire à l’utilisation des biothé-
rapies, et notamment d’anticorps monoclonaux.
Ces cas rendent plus complexe l’utilisation de ces
produits et plus difficile l’appréciation de leur rapport
bénéfice-risque. Les cas les plus représentatifs l’ont
été avec l’efalizumab, le rituximab et le natalizumab.
Efalizumab
L’efalizumab a été retiré du marché en mai 2009
sur décision du promoteur après notification de la
Food and Drug Administration (FDA) et demande
de suspension par l’European Medicinal Evaluation
Agency (EMEA) [12]. Cet anticorps monoclonal
était dirigé contre le CD11a, la sous-unité α de LFA1
(figure 1). En l’absence de l’efalizumab, LFA1 se lie
à ICAM1, étape importante pour la pénétration
tissulaire des lymphocytes activés. Les résultats des
études avaient conduit à une autorisation de mise
sur le marché (AMM) aux États-Unis en 2003 et en
Europe en 2004 pour certaines formes de psoriasis.
Au moment du retrait, 4 cas de LEMP − 3 certains
et 1 probable −, ont été observés. Sur les 3 cas bien
documentés, 2 patients sont décédés. Ces patients
avaient été traités durant plus de 3 ans en mono-
thérapie et aucun n’avait reçu en même temps d’im-
munosuppresseurs. Au-delà de 3 ans de traitement,
le risque de LEMP pouvait être établi à 1 cas sur
400 patients traités.