Dossier
Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume II, n°4, août 1998
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La différenciation
de l’appareil génital
Si, dès la fécondation, le sexe génétique de
l’œuf est déterminé, l’appareil génital de
l’embryon passe par un stade indifférencié
doué d’une bipotentialité, grâce à la coexis-
tence d’un double système de canaux : les
canaux de Wolff qui seront à l’origine de
l’épididyme, des canaux déférents et des
vésicules séminales chez l’homme, et les
canaux de Müller qui se différencieront en
utérus, trompes de Fallope et partie supé-
rieure du vagin chez la femme. Comme
l’avait envisagé Alfred Jost dès 1947, on
sait bien maintenant que cette différencia-
tion sexuelle est provoquée par l’action de
deux hormones (figure 1) produites par le
testicule immature, la testostérone et l’hor-
mone anti-müllérienne (AMH). Elles sont
produites après la différenciation de la
gonade fœtale en testicule, qui est observée
à partir de la fin de la 7esemaine de gesta-
tion sous l’action du facteur déterminant
testiculaire SRY, dont le gène est porté par
le chromosome sexuel Y. C’est la testosté-
rone, produite par les cellules de Leydig,
qui maintient les canaux de Wolff ; c’est
elle aussi qui, métabolisée en dihydro-tes-
tostérone par la 5α-réductase, est respon-
sable de la masculinisation du sinus urogé-
nital et des organes génitaux externes.
C’est l’AMH, produite par les cellules de
Sertoli dès les premiers stades de différen-
ciation du testicule, qui est responsable de
la régression des canaux de Müller.
L’AMH continue à être produite par le tes-
ticule fœtal après la naissance, mais sa pro-
duction diminue progressivement pour dis-
paraître au moment de la puberté. On peut
la détecter dans le sérum. Un test ELISA de
l’AMH sérique a été récemment commer-
cialisé par la société Immunotech
(Marseille) sous licence INSERM ; il per-
met de la suivre chez le garçon jusqu’à la
puberté. L’AMH sérique s’est ainsi révélée
être un excellent marqueur de la présence
d’un testicule dans les cas de cryptorchidie
ou d’ambiguïté sexuelle, son dosage est
jusqu’à la puberté plus facile que celui de la
testostérone qui, chez le garçon impubère,
ne peut être dosée qu’après une stimulation
par la gonadotrophine chorionique.
La production d’AMH n’est pourtant pas
l’apanage du sexe mâle. Une production
d’AMH a également été mise en évidence
dans l’ovaire adulte ; l’AMH y est produite
par les cellules de la granulosa du follicule,
et son rôle éventuel n’est pas connu. Chez
l’animal, un effet de l’AMH a, d’autre part,
été mis en évidence sur l’ovaire fœtal, qui
normalement n’est pas exposé à l’hormone.
Des ovaires fœtaux placés en culture en
présence d’AMH présentent une masculini-
sation morphologique, avec une “inversion
endocrine”, puisqu’ils produisent de la tes-
Les récepteurs de l’hormone
anti-müllérienne
J.-Y. Picard*
✎
L’hormone anti-müllérienne
(AMH) est produite par les cellules
de Sertoli du testicule immature.
Elle est responsable de la régres-
sion des canaux de Müller,
ébauches des trompes de Fallope,
de l’utérus et de la partie supé-
rieure du vagin.
✎
L’AMH est une glycoprotéine
dimère qui appartient à la famille
du TGF-ß.
✎
L’AMH peut être directement
dosée dans le sérum chez le garçon
jusqu’à la puberté.
✎
Son récepteur primaire, aussi
appelé récepteur de type II, est une
sérine-thréonine kinase à un seul
domaine transmembranaire. La
transduction du signal pourrait
passer par un récepteur de type I et
la famille des protéines SMAD.
✎
Le syndrome de persistance des
canaux de Müller (PMDS) est un cas
particulier de pseudo-hermaphro-
disme masculin qui se présente
avec la persistance d’un utérus
et/ou de trompes chez des garçons
normalement masculinisés.
✎
Le signe d’appel du PMDS est
une hernie inguinale ou une cryp-
torchidie.
✎
Le PMDS est généralement dû à
une anomalie du gène de l’AMH ou
du gène de son récepteur primaire.
Le récepteur de type I, encore
inconnu, pourrait être impliqué
chez les patients PMDS n’ayant pas
de mutation de ces deux gènes.
* INSERM U493, École normale supérieure, 92120 Montrouge.