Interview Intérêt de l’IDR à la tuberculine avant la mise α

Interview
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Supplément à La Lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 1 - vol. IX - janvier-février 2006
Interview
Intérêt de l’IDR à la tuberculine avant la mise
en route d’un traitement anti-TNFα
Le point de vue du Dr Y. Yazdanpanah, du service d’infectiologie de
l’hôpital Dron (Tourcoing), sur les nouvelles recommandations de l’Afssaps
Interview par L. Peyrin-Biroulet*
* Service d’hépato-gastroentérologie
du Pr Cortot, CHU de Nancy,
et EPI INSERM 114, CHU de Lille.
L’Afssaps (Agence française
de sécurité sanitaire des pro-
duits de santé) a émis en
juillet 2005 de nouvelles recomman-
dations nationales (disponibles sur le
site Internet : www.afssaps.sante.fr)
concernant le bilan à réaliser avant
de débuter un traitement par anti-
TNFα(infliximab/Remicade®, eta-
nercept/Enbrel®ou adalimumab/
Humira®). Sur les premiers cas de
tuberculose rapportés dans l’obser-
vatoire RATIO (Recherche anti-TNF
et infections opportunistes), envi-
ron 30 % des patients ayant déve-
loppé une tuberculose sous anti-
TNFαavaient une intradermoréac-
tion (IDR) entre 5 et 10 mm. Par
rapport aux précédentes recom-
mandations de l’Afssaps datant de
février 2002, la principale modifica-
tion concerne donc le diamètre de
l’IDR à la tuberculine à partir duquel
il faut instaurer un traitement pro-
phylactique ; celui-ci est passé de
10 à 5 mm. Nous souhaitions
connaître l’avis du Dr Yazdanpanah
sur ces recommandations.
Les travaux du Dr Yazdanpanah sur
les infections opportunistes surve-
nant chez les sujets immunodéfi-
cients ont fait l’objet de nom-
breuses publications scientifiques.
Le Dr Yazdanpanah s’occupe
notamment du dépistage et de la
prise en charge des infections surve-
nant sous anti-TNFαchez les
malades atteints de maladies
inflammatoires chroniques de l’in-
testin et suivis dans le service d’hé-
pato-gastroentérologie du Pr Cortot,
du CHRU de Lille.
Le Dr Yazdanpanah est interrogé
par le Dr L. Peyrin-Biroulet.
Selon vous, sur quels éléments
doit se baser un dépistage efficace
des malades à risque de réactiver
une tuberculose sous anti-TNFα?
Tout traitement immunosuppres-
seur de type anti-TNF ou autre est
précédé d’un bilan préthérapeu-
tique pour dépister les malades à
risque de réactiver une tuberculose.
Ce bilan doit comprendre :
une anamnèse :
– âge,
origine du patient, date et
mode de vie en France,
antécédent de bacillose (per-
sonnel ou familial proche), date et
durée du traitement,
antécédents de vaccin BCG et
IDR antérieures ;
un examen clinique ;
une radiographie du thorax
(séquelles de primo-infection ou de
bacillose éventuelle) ;
une IDR à la tuberculine.
Le dépistage efficace des malades à
risque de réactiver une tuberculose et
l’indication d’un traitement prophylac-
tique antibacillaire doivent tenir compte
de l’ensemble de ces éléments.
C’est d’ailleurs sur ces éléments que
reposent les recommandations de
juillet 2005 de l’Afssaps, qui consi-
dère comme étant à fort risque de
réactivation tuberculeuse :
Les sujets ayant développé une tuber-
culose dans le passé et n'ayant pas béné-
ficié d’un traitement d'au moins 6 mois
comprenant au moins 2 mois de l'asso-
ciation rifampicine + pyrazinamide.
Les sujets ayant été en contact
proche avec un sujet ayant déve-
loppé une tuberculose pulmonaire.
Les sujets ayant des séquelles tuber-
culeuses importantes sans que l'on ait
la certitude d'un traitement stérilisant.
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Supplément à La Lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 1 - vol. IX - janvier-février 2006
Interview
Les sujets originaires d'un pays de
forte endémie tuberculeuse.
Les sujets ayant une IDR à la
tuberculine supérieure à 5 mm à
distance du BCG (> 10 ans).
Concernant l’interprétation du
résultat de l’IDR, faut-il distin-
guer différentes situations cli-
niques (antécédent ou non de
vaccination par le BCG, âge du
patient, etc.) ?
Oui, bien sûr. L’IDR doit être
interprétée non pas isolément mais
en se fondant sur un ensemble
d’éléments : âge, anamnèse épidé-
miologique, examen du carnet de
vaccinations et des IDR antérieures.
À titre d’exemple, une IDR positive
à distance d’une vaccination par le
BCG a une sensibilité et surtout une
spécificité plus élevées pour détec-
ter une tuberculose latente qu’une
IDR positive réalisée peu de temps
après une vaccination par le BCG.
Dans les recommandations de
l’Afssaps sont considérés comme
étant à fort risque de réactivation
tuberculeuse les sujets ayant une
IDR à la tuberculine supérieure à
5 mm à distance du BCG (> 10
ans). Il faut rappeler que, en pra-
tique, une IDR positive chez un
sujet âgé a une sensibilité et une
spécificité plus élevées pour détec-
ter une tuberculose latente que
chez un patient jeune, car : le
patient est en général à distance
d’une vaccination par le BCG ; il
existe une immunodépression liée à
l’âge diminuant souvent le dia-
mètre de l’IDR.
Le traitement prophylactique à
instaurer en cas d’IDR positive
comportant un risque non négli-
geable d’hépatotoxicité, le rap-
port bénéfice/risque plaide-t-il
en faveur de ce traitement chez
les sujets ayant une IDR à la
tuberculine supérieure à 5 mm à
distance du BCG (> 10 ans) ?
L’avantage qu’il y a à proposer un
traitement prophylactique à une
population plus large de patients en
diminuant le diamètre de l’IDR à la
tuberculine à partir duquel le patient
est considéré comme étant à haut
risque de réactivation est de dépister
et donc de traiter plus fréquemment
une tuberculose latente avant initia-
tion d’un traitement par anti-TNFα.
Le risque est d’instaurer à tort une
chimioprophylaxie antituberculeuse,
qui comporte effectivement des
risques, notamment un risque d’hé-
patotoxicité. Dans l’état actuel des
connaissances, les recommanda-
tions françaises ont tranché en
faveur de cette démarche, considé-
rant que les bénéfices sont plus
importants que les risques. Dans des
cas particuliers, et au cas par cas,
cette démarche peut être discutée.
D’une manière générale, il faut toute-
fois utiliser un traitement prophylac-
tique associé à un faible risque d’hé-
patotoxicité. À titre d’exemple, pour
diminuer le risque de toxicité des trai-
tements utilisés, l’Affsaps recom-
mande d’éviter le traitement prophy-
lactique par la rifampicine (Rifadine®)
+ pyrazinamide (Pirilène®) en raison de
sa toxicité hépatique potentielle, sur-
tout chez les patients porteurs d'une
hépatopathie, les patients alcooliques
ou les patients recevant un autre trai-
tement hépatotoxique. Les traite-
ments prophylactiques recommandés
sont l’isoniazide (Rimifon®) seul et l’as-
sociation rifampicine (Rifadine®) + iso-
niazide (Rimifon®).
L’incidence de l’anergie est éle-
vée chez les malades souffrant
de maladie de Crohn. N’est-ce
pas un argument contre la réali-
sation d’une IDR systématique
avant de commencer un traite-
ment anti-TNFα?
L’anergie tuberculinique est
effectivement fréquente chez les
patients immunodéprimés et chez
les patients souffrant de la maladie
de Crohn, en particulier compte
tenu du fait qu’ils reçoivent sou-
vent un traitement immunosup-
presseur avant la mise en place de
l’anti-TNFα. Ce n’est pas un argu-
ment contre la réalisation d’une
IDR systématique avant de débuter
un traitement anti-TNFα, car,
encore une fois, l’IDR n’est pas le
seul élément du bilan préthérapeu-
tique. L’existence de l’anergie
tuberculinique chez les patients
souffrant de la maladie de Crohn,
comme chez l’ensemble des
patients immunodéprimés, est pro-
bablement un des éléments impor-
tants qui ont motivé le choix par
l’Afssaps d’un diamètre de l’IDR
supérieur à 5 mm et non à 10 mm
comme seuil à partir duquel il faut
instaurer un traitement prophylac-
tique. En effet, les recommanda-
tions américaines précisent que,
chez les patients immunodéprimés,
notamment en raison de l’utilisa-
tion d’un traitement immunodé-
presseur, une IDR doit être considé-
Interview
Interview
rée comme positive si elle est supé-
rieure à 5 mm (CDC. Tuberculosis
associated with blocking agents
against tumor necrosis factor-
alpha. California, 2002-2003.
MMWR 2004;53:683-6).
Dans d’autres pays comme le
Royaume-Uni, seuls une radiogra-
phie pulmonaire et un interroga-
toire minutieux sont préconisés
lors du bilan préthérapeutique.
Je pense qu’il est important d’as-
socier l’IDR à l’interrogatoire, l’exa-
men clinique et la radiographie pul-
monaire lors du bilan préthérapeu-
tique, surtout chez les patients
immunodéprimés (c’est-à-dire chez
les patients VIH) ou chez les patients
recevant des traitements immuno-
suppresseurs (c’est-à-dire chez les
patients atteints d’une maladie de
Crohn). En effet, chez ces patients,
on note une fréquence plus élevée
des formes extrapulmonaires par
rapport aux patients immunocompé-
tents, et la radiographie pulmonaire
peut donc être normale. C’est ainsi
que, dans la série des cas de tuber-
culose survenus après traitement par
infliximab rapportée par Keane et al.,
une forme extrapulmonaire était
observée dans 57 % des cas (N Engl
J Med 2001;345:1098-104).
Après une augmentation régu-
lière de l’incidence de la tuber-
culose sous anti-TNFαà la fin
des années 1990, le nombre de
cas de tuberculose sous anti-
TNFαsemble avoir atteint un
plateau ces dernières années.
D’après vous, ce résultat est-il
attribuable à une meilleure
sélection des malades par un
interrogatoire et une radiogra-
phie pulmonaire ou à la réalisa-
tion systématique d’une IDR à la
tuberculine lors du bilan préthé-
rapeutique ?
Ce résultat est lié à une meilleure
sélection des malades fondée sur un
ensemble de critères : l’anamnèse,
l’examen clinique, l’examen radiolo-
gique et l’IDR.
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