Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume IV, n° 2, avril 2000 53
tré qu’il existait une réduction drastique du
développement de la masse grasse en fin de
gestation chez ces fœtus. Les enfants nés
avec un RCIU possèdent effectivement un
pourcentage de masse grasse à la naissance
qui n’excède pas 2 à 3 % de leur poids cor-
porel total (8). À l’inverse, les deux pre-
mières années de vie, et surtout la premiè-
re, sont marquées par une dynamique de
croissance accélérée, tant pondérale que
staturale, ayant pour but de corriger au
moins partiellement le déficit initial (9). Ce
“rattrapage” est effectif chez la majorité
des enfants nés avec un RCIU, puisque
90 % des enfants avec un poids de nais-
sance inférieur à -2 déviations standards
auront, à deux ans, un poids supérieur à
-2 déviations standards. Ces enfants ont
donc une croissance “différée” de leur tissu
adipeux. Ils restent cependant en moyenne
plus petits et plus maigres que les enfants
nés dans des conditions normales (8).
Au cours de la période anténatale, la leptine
est également détectable chez ces enfants, dès
18 semaines d’aménorrhée, dans le sang du
cordon, et ses taux circulants sont compa-
rables à ceux observés chez le fœtus normal,
jusqu’à environ 34 semaines d’aménorrhée.
Par la suite et jusqu’à la fin de la gestation, les
concentrations circulantes de leptine tendent
à être plus basses chez le fœtus possédant un
RCIU, et cet écart devient très significatif à la
naissance (7,96 ± 8,3 et 4,48 ± 6,7 ng/ml) (6,
7) (figure 1a). Cette différence est étroite-
ment liée aux variations de l’IMC, ce qui ren-
force l’hypothèse du rôle déterminant de la
masse grasse dans les concentrations circu-
lantes de leptine dès la période anténatale (6).
Ces nouveau-nés présentent, comme les nou-
veau-nés dont la croissance est normale, des
taux de leptine élevés à la naissance, taux qui
diminuent également dans les premiers jours
de vie, indépendamment des variations pon-
dérales (7). Cela suggère que les mécanismes
à l’origine de cette variation sont opération-
nels malgré l’anomalie de développement du
tissu adipeux, de même que la capacité à pro-
duire de la leptine en quantité adaptée à l’ex-
pansion de la masse grasse.
En revanche, l’évolution des taux de leptine
sérique chez l’enfant né avec un RCIU se
distingue totalement de celle de l’enfant
normal au cours des premières années de
vie. En effet, malgré une corpulence dimi-
nuée, l’enfant né avec un RCIU a des
concentrations circulantes de leptine supé-
rieures à celles de l’enfant normal (7) (figu-
re 1b). Cette différence est particulièrement
nette à l’âge d’un an et persiste, de façon
plus modérée, à deux ans. De plus, l’effet
attendu des déterminants habituels, tels que
l’IMC ou le sexe, observés à la naissance ou
chez l’enfant normal, disparaît au cours de
cette période chez ces enfants (7). Une élé-
vation inattendue des taux de leptine a déjà
été observée au cours de phases de renutri-
tion comme chez les adolescentes ano-
rexiques (2) ; toutefois, dans ce contexte,
celle-ci semble constituer un frein à la renu-
trition, du fait de l’action anorexigène de la
leptine (2). Cela ne semble pas être le cas
chez ces enfants. Deux hypothèses explica-
tives peuvent être proposées : il pourrait
s’agir soit d’un mécanisme adaptatif de
résistance à la leptine, favorisant ainsi un
bilan énergétique positif et donc le rattrapa-
ge staturo-pondéral, soit d’un dysfonction-
nement du tissu adipeux généré par un déve-
loppement anormal, qui aurait pour consé-
quence une dérégulation des mécanismes
contrôlant la croissance du tissu adipeux.
Cette dernière hypothèse est, par ailleurs,
étayée par l’observation d’un risque accru
d’obésité chez des adultes nés dans un
contexte de malnutrition intra-utérine (10).
Diabète lipoatrophique
congénital
Le diabète lipoatrophique constitue une
autre anomalie de développement du tissu
adipeux caractérisée par une atrophie totale
ou subtotale du tissu adipeux sous-cutané,
associée à une insulinorésistance marquée
évoluant vers un diabète. Les mécanismes
physiopathologiques à l’origine de cette
anomalie de développement demeurent
inconnus. Certains auteurs ont pu démon-
trer l’existence de tissu adipeux chez ces
sujets dans des zones où il posséderait des
fonctions mécaniques, telles que les
orbites, la bouche, la langue, les paumes et
les plantes, le cuir chevelu, le périnée, les
régions périarticulaires et la région épidu-
rale (11). Ils avaient émis l’hypothèse que
le diabète lipoatrophique constituerait une
anomalie de développement du tissu adi-
peux métaboliquement actif, alors que le
tissu adipeux mécanique serait respecté
(11). Toutefois, cette hypothèse répond mal
à ce que l’on connaît du développement
embryonnaire et fœtal de ce tissu. Les
concentrations de leptine sont considéra-
blement diminuées chez les enfants
possédant un diabète lipoatrophique, en
comparaison aux valeurs observées chez
l’enfant normal (1,19 ± 0,32 vs 4 à
8ng/ml), et ces données rejoignent les
observations faites chez l’adulte atteint du
même syndrome (12, 13). Elles sont totale-
ment indépendantes des indices de corpu-
lence qui, chez ces sujets, reflètent préfé-
rentiellement la masse grasse. Néanmoins,
ces enfants dépourvus de tissu adipeux
sous-cutané ont des concentrations de lep-
tine détectables, et ces concentrations sont
étroitement corrélées aux insulinémies cir-
culantes comme chez le sujet sain (12). Ces
données suggèrent donc que ces enfants
possèdent une quantité, même minime, de
tissu adipeux susceptible de conserver un
certain degré d’activité métabolique. Il
pourrait s’agir d’une production assurée
par ce tissu adipeux considérée préalable-
ment comme “mécanique”, ce qui infirme-
rait l’hypothèse précédente. Il pourrait éga-
lement s’agir d’une production assurée par
des amas d’adipocytes indétectables par les
moyens actuels et ayant acquis une activité
métabolique en dépit d’une anomalie sé-
vère de développement.
Conclusion
La leptine circulante apparaît très tôt au
cours de la gestation et semble étroite-
ment liée au développement du tissu adi-
peux. De nombreux arguments suggèrent