L Le tissu adipeux “moderne” : de l’ombre à la lumière…

Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVII - n° 8 - octobre 2013
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Le tissu adipeux moderne :
de l’ombre à la lumière
”Modern” adipose tissue: from the shadow to the light
L
es jeunes biologistes et médecins qui apprennent
aujourd’hui la physiologie et la pathologie du
tissu adipeux nimaginent sans doute pas à quel
point les connaissances fondamentales ont été boule-
versées dans ce domaine au cours des dernières décen-
nies. Les cliniciens et chercheurs impliqués depuis plus
longtemps dans cette discipline ont en eff et suivi avec
bonheur cette période plus récente très gratifi ante, au
cours de laquelle le tissu adipeux est passé de l’ombre
à la lumière. De fait, ce tissu a fi nalement gagné en
peu de temps ses lettres de noblesse, alors qu’il était
auparavant trop souvent marginalisé. Cette situation
était pourtant injuste, en particulier dans la mesure
où l’adipocyte avait été utilisé dans les années 1960
comme un outil privilégié pour la découverte d’acteurs
universels de la signalisation cellulaire, tels que l’adéno-
sine-monophosphate cyclique (AMPc) et les protéines G.
Force est de reconnaître que cest la découverte de la
leptine en 1994 par le groupe de J. Friedman qui a sus-
cité l’intérêt de la communauté scientifi que et médicale
pour le tissu adipeux, avec l’identifi cation de cette hor-
mone synthétisée et sécrétée par l’adipocyte, et capable
de “parler” au système nerveux central pour réguler
l’homéostasie énergétique. Depuis, de nombreuses
autres fonctions physiologiques de la leptine ont été
documentées, parmi lesquelles il faut souligner son
implication dans le contrôle de la fonction gonadotrope,
ce qui a permis d’établir un lien mécanistique très fort
entre l’état nutritionnel et les fonctions de reproduction.
Parmi les autres étoiles” de l’adipocyte, l’adiponectine,
identifi ée peu après la leptine, est désormais une hor-
mone dont la physiologie et la physiopathologie se
sont précisées, avec la caractérisation de ses propriétés
insulinosensibilisantes, anti-infl ammatoires et antitu-
morales. La connaissance de plus en plus approfondie
d’une myriade de facteurs sécrétés par l’adipocyte, dont
plusieurs exercent manifestement des actions endo-
crines, représente sans doute le domaine de recherche
le plus évolutif et le plus spectaculaire de la physiologie
adipocytaire, bien qu’il n’ait pas encore conduit à des
contributions thérapeutiques majeures.
Pour autant, il ne saurait être question d’oublier les
avancées considérables eff ectuées dans la compré-
hension des mécanismes de développement du tissu
adipeux. La découverte pionnière, en 1994, du facteur
transcriptionnel PPARγ, acteur central de l’adipoge-
nèse, a été associée à l’arrivée d’une nouvelle classe
d’antidiabétiques oraux, les thiazolidinediones. Depuis,
les connaissances dans le domaine se sont largement
affi nées, en particulier à travers l’identifi cation de pro-
téines corégulatrices de ces facteurs transcriptionnels,
dont certaines participent à l’orientation vers un lignage
adipocytaire de type blanc ou brun.
Létude du tissu adipeux brun a été récemment revisi-
tée dans l’espèce humaine, grâce à l’accès facilité aux
examens de TEP-scan, avec mesure de la captation de
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F-fl uorodésoxyglucose. Il faut garder à l’esprit qu’il
s’agit bien d’une redécouverte” au moyen d’un outil
moderne, la présence de tissu adipeux brun ayant été
auparavant bien caractérisée chez l’homme adulte,
même si ce nest qu’en faible quantité en comparaison
à d’autres espèces comme les rongeurs. Une des vertus
des travaux récents sur le tissu adipeux brun humain,
synthétisés ici dans l’article de Daniel Ricquier, est de
visualiser de façon très démonstrative l’activation du
tissu adipeux brun humain lors d’une exposition au
froid, et d’établir des corrélations entre l’activité bio-
logique de ce tissu et le phénotype métabolique des
individus. Pour autant, il nexiste pas d’argument formel
démontrant l’implication du tissu adipeux brun dans
l’homéostasie énergétique d’un individu adulte.
Un autre cadre thématique qui sest aussi largement
développé au cours des dernières années concerne les
interactions possibles du tissu adipeux avec d’autres
tissus ou types cellulaires. Dans ce numéro, 2 types
d’interactions sont ainsi abordés : d’une part, celles entre
la masse adipeuse et le squelette ; d’autre part, celles
entre le tissu adipeux et le tissu cancéreux.
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· identifi cation claire et transparente des espaces publicitaires et des publirédactionnels en marge des articles scientifi ques.
Yohann Wittrant, Laurent Léotoing et Véronique Coxam
évoquent ainsi dans leur article la complexité des inter-
actions qui existent entre les tissus adipeux et osseux.
Cet article permet en particulier d’évoquer l’implica-
tion potentielle d’adipokines, cytokines, hormones
et métabolites dans ce dialogue, et les mécanismes
moléculaires mis en jeu.
Enfin, Philippe Valet et Catherine Muller nous per-
mettent de mieux comprendre, à partir de leurs contri-
butions récentes et originales, les mécanismes des
échanges entre les cellules tumorales et le tissu adipeux
se trouvant à proximité. Ces adipocytes péritumoraux
possèdent manifestement des propriétés biologiques
singulières leur permettant d’augmenter la survie et
l’agressivité des cellules tumorales. Ces nouveaux acquis
soulèvent de multiples enjeux physiopathologiques
et thérapeutiques, en particulier dans le domaine des
transferts de graisse utilisés en chirurgie reconstructrice.
Ces exemples, présentés de façon très synthétique par
des experts du domaine, viennent parfaitement illustrer
la dynamique de recherche très forte sur la biologie du
tissu adipeux. Il faut néanmoins reconnaître que, en
dépit d’avancées cognitives souvent spectaculaires,
les débouchés thérapeutiques restent pour le moment
plutôt minces. Limportance des forces académiques et
industrielles actuellement mobilisées sur le sujet permet
d’espérer raisonnablement des avancées excitantes à
l’aube de ce troisième millénaire.
Pr Bruno Fève
Service d’endocrinologie, hôpital Saint-Antoine,
centre de recherche Saint-Antoine INSERM-Paris-VI,
UMRS 938, université Pierre-et-Marie Curie, Paris.
L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.
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