Urgences Insuffisance surrénale aiguë chez l’adulte en endocrinologie, diabétologie et maladies métaboliques

212
Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (IX), n° 6, novembre/décembre 2005
Urgences
en endocrinologie, diabétologie
et maladies métaboliques
en endocrinologie, diabétologie
et maladies métaboliques
Insuffisance surrénale aiguë chez l’adulte
Acute adrenal deficiency in adults
A. Thorin-Savoure*, J.M. Kuhn*
Définition
L’insuffisance surrénalienne aiguë,
qu’elle soit révélatrice de l’affec-
tion ou qu’elle corresponde à la
décompensation d’une insuffisance
surrénale lente antérieurement dia-
gnostiquée, rassemble les symp-
tômes cliniques et biologiques d’une
carence aiguë en gluco- et/ou miné-
ralocorticoïdes.
Cadre de survenue
Quelle que soit la cause de l’insuffi-
sance surrénale, la décompensation
aiguë est la résultante de la conjonc-
tion de deux facteurs simultanés :
l’effondrement de la sécrétion en
stéroïdes surrénaliens ;
un stress de forte intensité.
Celui-ci peut s’inscrire dans des
cadres variés : infection aiguë, inter-
vention chirurgicale, etc.
Diagnostic positif
La forme à expression complète
regroupe :
Une chute tensionnelle respon-
sable d’un collapsus. C’est la tra-
duction de la déshydratation prédo-
minant sur le secteur extracellulaire
avec, dans les formes très sévères,
des signes de déshydratation intra-
cellulaire.
Des douleurs épigastriques intenses
susceptibles d’en imposer pour une
urgence chirurgicale (mais à ventre
souple). Diarrhées et vomissements
sont fréquemment associés et aggra-
vent la déshydratation.
Une hyperthermie survenant en
dehors de tout contexte infectieux
n’est pas rare et est rattachée à la
déshydratation.
Des crampes musculaires intenses
confinant parfois à la pseudoparalysie.
Des troubles neuropsychiques
allant de l’adynamie extrême ou au
contraire à l’agitation importante.
Le tableau biologique de la décom-
pensation aiguë d’une insuffisance
surrénale primaire associe :
Une hyponatrémie parfois sévère
qui contraste avec la persistance
d’un certain degré de natriurèse.
Une hyperkaliémie.
Une acidose métabolique.
Une hémoconcentration avec
hyperazotémie.
Une tendance à l’hypoglycémie.
Une lymphocytose et une hyper-
éosinophilie relatives, qui sont les
traductions classiques du déficit
en glucocorticoïdes. Peut s’y asso-
cier une hyperleucocytose à poly-
nucléaires si le facteur causal est
infectieux.
Conduite à tenir
La thérapeutique d’urgence de la
défaillance surrénalienne aiguë
repose sur la compensation des
pertes hydroélectrolytiques, l’apport
en gluco- et minéralocorticoïdes et
le traitement spécifique de l’affection
déclenchante.
Les pertes hydroélectrolytiques
et
les troubles métaboliques associés
doivent être corrigés par l’apport
intraveineux initialement de soluté
glucosé enrichi en électrolytes,
puis de soluté salé. La quantité de
liquide à apporter en 24 heures
doit être adaptée à l’importance de
la déshydratation. Dans une forme
d’intensité moyenne, elle est de
l’ordre de 4 litres pendant les
24 premières heures, la moitié de
cet apport étant assuré dans les trois
premières heures. Dans un souci
d’efficacité et compte tenu de la
possibilité de troubles digestifs, la
voie d’abord ne peut être qu’intra-
veineuse. L’enrichissement en élec-
trolytes est adapté à la correction
de la déplétion sodée. A contrario,
l’apport intraveineux de potassium
est à proscrire.
L’apport quotidien en hydrocorti-
sone
est de 200 mg, de façon opti-
male administré par voie intra-
veineuse, en continu à la seringue
autopousseuse. Une dose de charge
initiale de 100 mg peut être réalisée.
La posologie pourra être rapide-
ment réduite de 25 à 50 % les jours
suivants en fonction de l’amélio-
ration clinique et biologique. La
disparition des troubles digestifs
permettra le recours à l’apport oral
d’hydrocortisone à posologie pro-
gressivement décroissante, pour
atteindre en quelques jours une
dose de croisière (30 mg/24 h). À la
phase initiale, le recours à l’admi-
nistration de minéralocorticoïdes
n’est pas indispensable puisque, à
la posologie de 200 mg/j, l’hydro-
cortisone exerce elle-même une
action de type minéralocorticoïde. À
l’inverse, l’adjonction de 9 -fluoro-
hydrocortisone s’avère indispen-
sable lors de la reprise de la supplé-
mentation en hydrocortisone par
voie orale.
* Service d’endocrinologie, diabète et maladies
métaboliques, CHU de Rouen.
Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (IX), n° 6, novembre/décembre 2005
L’affection causale doit être dépistée
et traitée par une thérapeutique spé-
cifique.
Prévention
Lorsque l’insuffisance surrénale pri-
maire est connue, le traitement de la
décompensation aiguë doit être pré-
ventif. Le patient doit avoir acquis
les notions suivantes :
Adaptation de la posologie de la
substitution hormonale aux nécessités
de la vie courante avec, notamment,
accroissement transitoire de la poso-
logie de l’hydrocortisone en cas de
stress quelconque.
Recours à la forme injectable en
cas de troubles digestifs incompa-
tibles avec une prise orale.
Port d’une carte de traitement
mentionnant la posologie.
Nécessité d’informer tout anes-
thésiste lorsqu’une intervention
chirurgicale est programmée.
À l’éducation du patient doivent
s’associer des règles thérapeutiques
simples :
Apport alimentaire sodé quotidien
normal (150 à 200 mmol/24 h).
Modulation de la posologie de la
substitution en glucocorticoïdes en
fonction d’éventuelles associations
médicamenteuses.
Proscription de principe des théra-
peutiques connues pour entraîner
une déplétion sodée (diurétiques, en
particulier).
Passage à la forme injectable dans
les circonstances où une impossibi-
lité de la prise orale est prévisible.
Références
Burke CW. Adrenal insufficiency. Clin Endocrinol
Metab 1985;15:947-76.
Joly M, Lefebvre H, Kuhn JM. Insuffisance
surrénale aiguë. Rev Prat 1998;48:724-30.
Arlot S. Insuffisance surrénale aiguë de
l’adulte. Étiologie, diagnostic, prévention, gestion
d’une situation d’urgence par la posologie du
traitement. Rev Prat 1999;49:1805-8.
213
Troisième partie : Hypophyse-Surrénales
Des antimigraineux
induiraient-ils
une résistance à la leptine ?
L’amitriptyline, un antidépresseur,
et la flunarizine, un antagoniste cal-
cique, sont utilisées en traitement de
fond contre la migraine. La pres-
cription de ces molécules doit être
fréquemment interrompue à cause
d’une prise de poids excessive de
certains patients. Berilgen et al. ont
recherché les mécanismes mis en
jeu dans l’augmentation de la masse
pondérale induite par ces antimi-
graineux. Pour cela, les chercheurs
ont mesuré les variations de concen-
trations plasmatiques d’hormones
impliquées dans le contrôle de la
satiété et de la balance énergétique
chez 49 personnes sujettes aux
crises de migraine. Ils ont observé
une corrélation entre la prise de
poids et une augmentation des
concentrations d’insuline, de pep-
tide C et de leptine circulants après
4 et 12 semaines de traitement par
amitriptyline (25 mg/j) ou par flu-
narizine (10 mg/j). Les auteurs de
l’article publié dans la revue Cepha-
lalgia indiquent que l’amitriptyline
et la flunarizine, qui provoquent
une sécheresse buccale, peuvent
renforcer la consommation de bois-
sons et de nourritures sucrées. Dans
les conditions physiologiques nor-
males, la sécrétion d’insuline induite
par le glucose stimule à son tour la
production de leptine par les adipo-
cytes. Après transport à travers la bar-
rière hémato-encéphalique, la lep-
tine inhibe au niveau central la prise
de nourriture en freinant la trans-
mission NPY-ergique orexigène et
en stimulant l’activité des neurones
produisant de l’-MSH, un peptide
anorexigène. À l’inverse, la régula-
tion de l’appétit des patients traités
par amitriptyline et par flunarizine
échappe au contrôle négatif de la
leptine. Les auteurs suggèrent que les
deux antimigraineux induisent une
résistance à la leptine semblable à
celle observée chez les obèses. À cet
égard, il a été rapporté que, chez le rat,
la flunarizine réduit le transport des
protéines à travers la barrière hémato-
encéphalique. Par ailleurs, il a été
montré que le transport de la leptine
chez les rongeurs est stimulé par
l’activation des récepteurs adréner-
giques -1. L’amitriptyline, qui est
un antagoniste -1, pourrait inhiber
le transport de la protéine à travers
la barrière hémato-encéphalique.
Selon Berilgen et al., l’amitriptyline
et la flunarizine réduiraient le trans-
port de la leptine dans le cerveau,
entravant l’action freinatrice de la
protéine sur l’appétit, ce qui pour-
rait expliquer la prise de poids. Ce
travail met en cause pour la pre-
mière fois un traitement médica-
menteux dans le développement
d’une résistance à la leptine.
E. Louiset, Inserm U413, IFRMP 23,
université de Rouen.
Brèves…
Brèves…
Berilgen MS et al. Cephalalgia 2005;25:
1048-53.
1 / 2 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !