Urgences Insuffisance surrénale aiguë chez l’adulte en endocrinologie, diabétologie et maladies métaboliques

publicité
diabétologie
Urgences en endocrinologie,
et maladies métaboliques
Insuffisance surrénale aiguë chez l’adulte
Acute adrenal deficiency in adults
A. Thorin-Savoure*, J.M. Kuhn*
Définition
L’insuffisance surrénalienne aiguë,
qu’elle soit révélatrice de l’affection ou qu’elle corresponde à la
décompensation d’une insuffisance
surrénale lente antérieurement diagnostiquée, rassemble les symptômes cliniques et biologiques d’une
carence aiguë en gluco- et/ou minéralocorticoïdes.
Cadre de survenue
Quelle que soit la cause de l’insuffisance surrénale, la décompensation
aiguë est la résultante de la conjonction de deux facteurs simultanés :
✓ l’effondrement de la sécrétion en
stéroïdes surrénaliens ;
✓ un stress de forte intensité.
Celui-ci peut s’inscrire dans des
cadres variés : infection aiguë, intervention chirurgicale, etc.
Diagnostic positif
La forme à expression complète
regroupe :
✓ Une chute tensionnelle responsable d’un collapsus. C’est la traduction de la déshydratation prédominant sur le secteur extracellulaire
avec, dans les formes très sévères,
des signes de déshydratation intracellulaire.
✓ Des douleurs épigastriques intenses
susceptibles d’en imposer pour une
* Service d’endocrinologie, diabète et maladies
métaboliques, CHU de Rouen.
212
urgence chirurgicale (mais à ventre
souple). Diarrhées et vomissements
sont fréquemment associés et aggravent la déshydratation.
✓ Une hyperthermie survenant en
dehors de tout contexte infectieux
n’est pas rare et est rattachée à la
déshydratation.
✓ Des crampes musculaires intenses
confinant parfois à la pseudoparalysie.
✓ Des troubles neuropsychiques
allant de l’adynamie extrême ou au
contraire à l’agitation importante.
Le tableau biologique de la décompensation aiguë d’une insuffisance
surrénale primaire associe :
✓ Une hyponatrémie parfois sévère
qui contraste avec la persistance
d’un certain degré de natriurèse.
✓ Une hyperkaliémie.
✓ Une acidose métabolique.
✓ Une hémoconcentration avec
hyperazotémie.
✓ Une tendance à l’hypoglycémie.
✓ Une lymphocytose et une hyperéosinophilie relatives, qui sont les
traductions classiques du déficit
en glucocorticoïdes. Peut s’y associer une hyperleucocytose à polynucléaires si le facteur causal est
infectieux.
Conduite à tenir
La thérapeutique d’urgence de la
défaillance surrénalienne aiguë
repose sur la compensation des
pertes hydroélectrolytiques, l’apport
en gluco- et minéralocorticoïdes et
le traitement spécifique de l’affection
déclenchante.
❐ Les pertes hydroélectrolytiques et
les troubles métaboliques associés
doivent être corrigés par l’apport
Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (IX), n° 6, novembre/décembre 2005
intraveineux initialement de soluté
glucosé enrichi en électrolytes,
puis de soluté salé. La quantité de
liquide à apporter en 24 heures
doit être adaptée à l’importance de
la déshydratation. Dans une forme
d’intensité moyenne, elle est de
l’ordre de 4 litres pendant les
24 premières heures, la moitié de
cet apport étant assuré dans les trois
premières heures. Dans un souci
d’efficacité et compte tenu de la
possibilité de troubles digestifs, la
voie d’abord ne peut être qu’intraveineuse. L’enrichissement en électrolytes est adapté à la correction
de la déplétion sodée. A contrario,
l’apport intraveineux de potassium
est à proscrire.
❐ L’apport quotidien en hydrocortisone est de 200 mg, de façon optimale administré par voie intraveineuse, en continu à la seringue
autopousseuse. Une dose de charge
initiale de 100 mg peut être réalisée.
La posologie pourra être rapidement réduite de 25 à 50 % les jours
suivants en fonction de l’amélioration clinique et biologique. La
disparition des troubles digestifs
permettra le recours à l’apport oral
d’hydrocortisone à posologie progressivement décroissante, pour
atteindre en quelques jours une
dose de croisière (30 mg/24 h). À la
phase initiale, le recours à l’administration de minéralocorticoïdes
n’est pas indispensable puisque, à
la posologie de 200 mg/j, l’hydrocortisone exerce elle-même une
action de type minéralocorticoïde. À
l’inverse, l’adjonction de 9 -fluorohydrocortisone s’avère indispensable lors de la reprise de la supplémentation en hydrocortisone par
voie orale.
Troisième partie : Hypophyse-Surrénales
L’affection causale doit être dépistée
et traitée par une thérapeutique spécifique.
Prévention
Lorsque l’insuffisance surrénale primaire est connue, le traitement de la
décompensation aiguë doit être préventif. Le patient doit avoir acquis
les notions suivantes :
✓ Adaptation de la posologie de la
substitution hormonale aux nécessités
de la vie courante avec, notamment,
accroissement transitoire de la posologie de l’hydrocortisone en cas de
stress quelconque.
✓ Recours à la forme injectable en
cas de troubles digestifs incompatibles avec une prise orale.
✓ Port d’une carte de traitement
mentionnant la posologie.
✓ Nécessité d’informer tout anesthésiste lorsqu’une intervention
chirurgicale est programmée.
À l’éducation du patient doivent
s’associer des règles thérapeutiques
simples :
✓ Apport alimentaire sodé quotidien
normal (150 à 200 mmol/24 h).
✓ Modulation de la posologie de la
substitution en glucocorticoïdes en
fonction d’éventuelles associations
médicamenteuses.
✓ Proscription de principe des thérapeutiques connues pour entraîner
une déplétion sodée (diurétiques, en
particulier).
✓ Passage à la forme injectable dans
les circonstances où une impossibilité de la prise orale est prévisible.
Références
■ Burke CW. Adrenal insufficiency. Clin Endocrinol
Metab 1985;15:947-76.
■ Joly M, Lefebvre H, Kuhn JM. Insuffisance
surrénale aiguë. Rev Prat 1998;48:724-30.
■ Arlot S. Insuffisance surrénale aiguë de
l’adulte. Étiologie, diagnostic, prévention, gestion
d’une situation d’urgence par la posologie du
traitement. Rev Prat 1999;49:1805-8.
Des antimigraineux
induiraient-ils
une résistance à la leptine ?
L’amitriptyline, un antidépresseur,
et la flunarizine, un antagoniste calcique, sont utilisées en traitement de
fond contre la migraine. La prescription de ces molécules doit être
fréquemment interrompue à cause
d’une prise de poids excessive de
certains patients. Berilgen et al. ont
recherché les mécanismes mis en
jeu dans l’augmentation de la masse
pondérale induite par ces antimigraineux. Pour cela, les chercheurs
ont mesuré les variations de concentrations plasmatiques d’hormones
impliquées dans le contrôle de la
satiété et de la balance énergétique
chez 49 personnes sujettes aux
crises de migraine. Ils ont observé
une corrélation entre la prise de
poids et une augmentation des
concentrations d’insuline, de peptide C et de leptine circulants après
4 et 12 semaines de traitement par
amitriptyline (25 mg/j) ou par flunarizine (10 mg/j). Les auteurs de
l’article publié dans la revue Cephalalgia indiquent que l’amitriptyline
et la flunarizine, qui provoquent
une sécheresse buccale, peuvent
renforcer la consommation de boissons et de nourritures sucrées. Dans
les conditions physiologiques normales, la sécrétion d’insuline induite
par le glucose stimule à son tour la
production de leptine par les adipocytes. Après transport à travers la barrière hémato-encéphalique, la leptine inhibe au niveau central la prise
de nourriture en freinant la transmission NPY-ergique orexigène et
en stimulant l’activité des neurones
produisant de l’-MSH, un peptide
anorexigène. À l’inverse, la régulation de l’appétit des patients traités
par amitriptyline et par flunarizine
échappe au contrôle négatif de la
leptine. Les auteurs suggèrent que les
deux antimigraineux induisent une
résistance à la leptine semblable à
celle observée chez les obèses. À cet
égard, il a été rapporté que, chez le rat,
la flunarizine réduit le transport des
protéines à travers la barrière hématoencéphalique. Par ailleurs, il a été
montré que le transport de la leptine
chez les rongeurs est stimulé par
l’activation des récepteurs adrénergiques -1. L’amitriptyline, qui est
un antagoniste -1, pourrait inhiber
le transport de la protéine à travers
la barrière hémato-encéphalique.
Selon Berilgen et al., l’amitriptyline
et la flunarizine réduiraient le transport de la leptine dans le cerveau,
entravant l’action freinatrice de la
protéine sur l’appétit, ce qui pourrait expliquer la prise de poids. Ce
travail met en cause pour la première fois un traitement médicamenteux dans le développement
d’une résistance à la leptine.
Brèves…
Brèves…
E. Louiset, Inserm U413, IFRMP 23,
université de Rouen.
✔ Berilgen MS et al. Cephalalgia 2005;25:
1048-53.
Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (IX), n° 6, novembre/décembre 2005
213
Téléchargement