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Correspondances en pelvi-périnéologie - n° 2, vol. V - avril/mai/juin 2005
apaiseront nos patientes : le délai nécessaire à
une bonne cicatrisation, des positions plus adap-
tées, des palliatifs au défaut de lubrification, la
reconnaissance d’autres zones érogènes que le
sexe, parfois une autorisation. Il n’est pas inutile
de leur préciser que le plaisir ressenti aux
caresses externes est aussi valorisant, valable et
digne d’intérêt que celui obtenu par la pénétra-
tion, car bien des idées préconçues circulent
encore à ce sujet. Les inquiétudes face à l’hys-
térectomie existent toujours, elles aussi, parta-
gées d’ailleurs par les partenaires. “Éprouve-t-
on encore quelque chose après pareille
mutilation ?” “Comment mon mari saura-t-il où
il doit s’arrêter ?” traduisent la terreur du couple
devant ce qu’ils jugent une situation et un rema-
niement incompréhensibles. La géographie ima-
ginaire du couple peine à se représenter ces
amputations invisibles, et cet inconnu explique
parfois la fuite du partenaire que ce malheur
dépasse. Il en a peur, moins d’une réelle conta-
mination que de celle du malheur, comme cela
peut se retrouver dans l’entourage de la malade.
Si cet entourage est heureusement souvent d’un
grand secours, soutien et aide efficaces pour
notre patiente, le domaine sexuel est rarement
abordé par pudeur ou gêne de part et d’autre.
S’il est abordé dans le couple, si les deux peu-
vent en parler ou si le dialogue a toujours existé,
les corps se retrouveront et un homme aimant
sera sans doute le meilleur des antidotes. La
sexualité ou plutôt la séduction fondée sur des
preuves, c’est la femme désirante parce que dési-
rée donc désirable. Les conditions physiques et
leurs difficultés seront alors mieux vécues, mais
il nous faudra parfois expliquer à une patiente
fragile et fragilisée que l’absence d’érection ne
signifie pas toujours l’absence d’amour. Lui aussi
est troublé, touché. Il a peur de mal faire, de faire
mal, et c’est au couple que nous nous adresse-
rons, éventuellement lors d’une consultation
ainsi programmée. À chaque mode de relation sa
situation, et l’effet ne sera pas le même selon
que nous serons en face de longues années de
vie commune ou d’une rencontre récente, selon
les âges ou encore selon le mode ou l’occasion
de découverte du cancer. Quant à la voie d’abord,
elle semble avoir moins d’impact sur la sexualité
que nous ne l’attendions, surtout dans les can-
cers où, dans un premier temps du moins, la
sécurité occupe le devant de la scène pour
patiente et soignants. Il est cependant très utile
de la présenter et d’aborder par ce biais certaines
répercussions possibles sur la sexualité, ou sur
l’idée qu’elle s’en fait.
Bien entendu, le cancer peut aussi servir de pré-
texte et il est plus facile de lui imputer des effets
négatifs sur la sexualité que de confirmer un état
plus ou moins préexistant. Il n’est pas toujours
aisé de voir clair dans certaines demandes de
confirmation d’un statut d’intouchable, d’y
démêler la part du refus et celle de la peur. De
toute manière, sachons bien que nos paroles ne
seront souvent pas entendues mais interprétées
et que là encore les adapter à chacune – précises
et scientifiques pour les unes, simples avec les
mots de tous les jours pour les autres, par
exemple – est capital. De plus, notre patiente
aura affaire, au long de son parcours de com-
battante du cancer, à des interlocuteurs aussi
variés que divers. Avoir un langage commun vis-
à-vis de cette malade à l’affût non seulement de
nos mots mais de nos attitudes est donc un atout
supplémentaire non négligeable de succès. Et si
le sentiment de nos limites nous pousse parfois
à ajouter un acteur à l’équipe, psychiatre, psy-
chologue ou sexologue, nous veillerons à ce que
cela ne soit vécu ni comme un abandon ni comme
un diagnostic, mais comme un élargissement de
la prise en charge. En revanche, ne tombons pas
dans le travers de la psychiatrisation de tout ce
qui touche à la sexualité, ou tout simplement à
la femme !
Ne s’agit-il pas là tout simplement de la vie, la
vie après un cancer, et pas n’importe lequel ? La
qualité de vie ne s’envisage plus aujourd’hui
sans la qualité de la vie sexuelle. Encore et tou-
jours, c’est le temps qui est le maître mot : temps
de l’avant pour une prévention qui n’est pas une
prédiction, temps de paroles et de silences pour
préparer l’après, tout en sachant que plus rien ni
personne ne sera jamais “tout à fait comme
avant”, comme le disent si bien nos patientes
dont le temps devient compté sous cette épée
de Damoclès. Mais à y bien réfléchir, guérir par-
fois, soulager toujours, rendre à notre malade
son statut de femme à part entière, quoi de plus
hippocratique ? ■
© La Lettre du Gynécologue 2004;297:8-9.
dossier
POUR EN SAVOIR PLUS...
❒Cachelou R. Problèmes psycho-
sexuels après cancers gynécologiques.
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dessus:183-207.