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neurologie
Aspects cliniques
résulte de la compression ou de l’étire-
ment des fibres du sympathique péricaro-
tidien. Ce signe peut persister longtemps
après la dissection. Des acouphènes pulsa-
tiles sont rapportés par 15 % des patients,
et peuvent parfois être audibles par le cli-
nicien. Ils sont latéralisés du côté de la
dissection et traduisent la sténose caroti-
dienne. Ils précèdent souvent l’ischémie
cérébrale de plusieurs heures ou jours et
disparaissent lorsque le vaisseau est
occlus. La fréquence de l’atteinte des nerfs
crâniens est estimée à 10 %. Bien que tous
les nerfs crâniens puissent être concernés,
les plus fréquemment impliqués sont les
XII (paralysie d’une hémilangue avec
déviation du côté paralysé à la protraction
linguale), IX et X (à l’origine d’une dysar-
thrie, d’une dysphonie et de troubles de la
déglutition) et XI (paralysie des muscles
spinal et sterno-cléïdo-mastoïdien).
Les signes locaux peuvent rester isolés
(25 %) ou être suivis ou associés d’emblée
à des signes ischémiques (75 % des cas).
Ischémie cérébrale ou rétinienne
Des signes d’ischémie cérébrale ou ocu-
laire sont rapportés dans 75 à 80 % des
cas, les accidents transitoires représentant
20 à 30 % des cas, les accidents constitués
40 à 60 %. Ils surviennent le plus souvent
dans le territoire de l’artère sylvienne et
peuvent parfois entraîner de lourdes
séquelles. L’ischémie est parfois liée à la
réduction du débit sanguin dans le terri-
toire d’aval (mécanisme hémodynamique,
avec des symptômes apparaissant ou se
majorant en orthostatisme), secondaire à
une sténose très serrée ou à une occlusion.
La présence des symptômes et leur inten-
sité dépendent alors des systèmes de sup-
pléance artérielle. Cependant, le plus sou-
vent, l’ischémie est secondaire à un
thrombus formé au niveau de la paroi dissé-
quée avec embolisation secondaire (méca-
nisme embolique), comme en témoigne la
topographie des lésions ischémiques sur le
scanner cérébral (4), les données anato-
miques, angiographiques et ultrasonores
(détection de signaux emboliques sur le
doppler transcrânien) (5). Des épisodes de
cécités monoculaires transitoires sont fré-
quents (environ 30 % des cas), mais un défi-
cit visuel permanent par occlusion de l’artè-
re ophtalmique ou de ses branches, ou par
neuropathie optique ischémique est rare (3).
En pratique, devant un sujet jeune indemne
de facteurs de risque vasculaire, présentant
un déficit moteur hémicorporel transitoire
ou constitué, associé ou non à un trouble du
langage, à un déficit du champ visuel (de
type hémianopsique), à des troubles sensi-
tifs, il est important de rechercher la notion
d’un traumatisme ou d’une activité éner-
gique récente, la présence de céphalées ou
de douleurs cervicales et un signe de
Claude-Bernard-Horner. Face à un tel
tableau, le diagnostic de dissection de l’artè-
re carotide interne est hautement probable. Il
peut être rapidement confirmé par des exa-
mens non invasifs et un traitement mis en
œuvre sans délai.
Dissections de l’artère carotide interne
intracrânienne
Ces dissections sont beaucoup plus rares et
à l’origine d’infarctus étendus (hémiplégie
massive, troubles de la vigilance) souvent
précédés de céphalées. Elles concernent
habituellement la carotide supraclinoïdien-
ne et peuvent s’étendre aux branches syl-
vienne ou cérébrale antérieure. Le diagnos-
tic en est difficile du vivant du malade et le
pronostic défavorable.
Dissections de l’artère vertébrale
extracrânienne
La sémiologie de ces dissections associent
des douleurs à type de céphalées occipitales
ou de cervicalgies (80 % des cas) et des
signes ischémiques dans le territoire verté-
bro-basilaire, transitoire ou constitué. Leur
expression en est variable, en fonction de la
topographie de l’infarctus : syndrome de
Wallenberg, syndrome cérébelleux, paralysie
oculomotrice, hémianopsie latérale homony-
me ou cécité corticale… Comme dans les
dissections carotides, les douleurs peuvent
être isolées ou précéder les complications
ischémiques. Elles peuvent constituer alors
un piège diagnostique, faisant évoquer en
premier lieu un torticolis ou une névralgie, et
il a été décrit à plusieurs reprises une aggra-
vation dramatique de la dissection après
manipulation cervicale pour ces douleurs.
Dissections de l’artère vertébrale intra-
crânienne et de l’artère basilaire
Elles sont beaucoup plus rares et de pro-
nostics plus sévères que les précédentes.
Elles se révèlent dans la moitié des cas par
une hémorragie méningée (par rupture du
vaisseau dont la structure est plus fine).
Dans les autres cas, elles entraînent un
infarctus du tronc cérébral, du cervelet ou
du lobe occipital, habituellement associé à
des céphalées intenses.
Dissections asymptomatiques
Il n’est pas rare de découvrir dans l’explo-
ration d’une dissection d’une artère caro-
tide ou vertébrale symptomatique, ou sur
un contrôle à distance, un hématome
pariétal récent sur un autre, voire les trois
autres axes cervicaux, sans traduction cli-
nique. La fréquence des formes asympto-
matiques serait de 5 à 15 %.
Évolution temporelle des symptômes
Il s’agit d’un point très important, résumé
dans le tableau III. Les manifestations
ischémiques sont inaugurales dans seule-
ment 10 à 15 % des cas, la présentation
initiale étant habituellement une douleur
(50 à 70 % des cas), un accident isché-
mique transitoire (10 à 20 %), un signe de
Claude-Bernard-Horner douloureux ou
Tableau III. Évolution temporelle des symptômes de dissection.
Douleurs et/ou
signes locaux
Traumatisme
mineur
Signes
ischémiques
quelques minutes
à quelques jours quelques minutes
à 30 jours (en moyenne 5-8 jours)