*DROIT PSII 12 10/03/03 10:35 Page 45 Dialogue sur ordonnance Les commissions de conciliation L a prise en compte des réclamations répond à des préoccupations contraires. Il s’agit d’informer les victimes, mais aussi de protéger l’activité médicale, car soigner suppose de créer un risque, et il faut se méfier d’une médecine qui n’oserait plus prendre le risque. Si l’on écarte la part de la mauvaise foi ou des recours abusifs, ces demandes témoignent d’une insatisfaction, si ce n’est d’une souffrance. C’est donc une démarche humaine et attentive, qui s’inscrit parfaitement dans la logique médicale : se parler, s’entendre et se comprendre. Il a existé ici ou là, dans les établissements publics ou privés, des structures internes visant cet objectif de concertation et d’écoute mutuelles, et l’on peut d’ailleurs penser qu’il s’agit là d’une mission s’imposant naturellement aux établissements. Pourtant, il a fallu un texte, et en l’occurrence une ordonnance signée par le président de la République, pour organiser ce dialogue dans les établissements. C’est une ordonnance du 24 avril 1996 et le décret du 2 novembre 1998 qui ont créé ces “commissions de conciliation” (Code de la santé publique, articles L 710-1-2, R 710-1-1 et suivants). Conciliation ou assistance ? Le texte de l’ordonnance, qui a valeur de loi, n’est assurément pas le plus clair des textes qui ait jamais été écrit : “Dans chaque établissement de santé est instituée une commission de conciliation chargée d’assister et d’orienter toute personne qui s’estime victime d’un préjudice du fait de l’activité de l’établissement, et de lui indiquer les voies de conciliation et de recours dont elles disposent”. Le constat est connu : c’est l’accroissement des recours en responsabilité. Accroissement non contestable, même s’il faut analyser le phénomène de plus près. On assiste ainsi à une multiplication de réclamations non juridiques, témoignant du mécontentement ou de l’incompréhension. • On relève tout d’abord une erreur de droit : on n’est pas victime du préjudice mais atteint d’un préjudice et, le cas échéant, victime d’une faute qui a causé le préjudice. Cette erreur de droit n’est, hélas, pas privée de sens. Elle tend à accréditer l’idée que le seuil d’entrée du recours est le préjudice, alors qu’il doit s’agir de la faute. En faisant porter l’accent sur le préjudice, on entérine l’idée que tout préjudice est nécessairement anormal et justifie un recours, conception bien regrettable. L’art médical ne peut tendre à la certitude du résultat. Il existe toujours un aléa. Le médecin doit mettre en œuvre tous les moyens pour aller vers le meilleur résultat possible, mais il peut, par un acte non fautif, causer un préjudice. Il faut que le médecin puisse exercer son art en assumant ce risque nécessaire. • La seconde faille de rédaction n’est pas mince : les commissions de conciliation n’ont pas pour mission de concilier. Elles ont pour mission d’“assister et d’orienter”, mais elles ne peuvent se transformer en organe de conciliation. La conciliation suppose le renoncement à une procédure par la conclusion d’une transaction. L’accès au droit par le recours au juge est un droit fondamental des personnes, et rien ne doit être fait qui puisse directement ou indirectement remettre en cause ce droit. Ainsi, une commission dite de conciliation ne peut empiéter sur les règles procédurales, qui sont de droit com- mun. Au demeurant, la conclusion d’un accord transactionnel prend une forme financière, dans des conditions qui répondent à des critères d’ordre public et qui intéressent au premier plan l’assureur de l’établissement. Il n’est donc pas question de conciliation mais seulement d’assistance et d’orientation. La réaction du décret est d’ailleurs beaucoup plus juste, définissant la mission comme celle d’assister et d’orienter la personne, et de l’informer “sur les voies de conciliation et les recours gracieux et juridictionnels dont elle dispose”. Ainsi : – si le patient ou sa famille dépose une plainte pénale, celle-ci échappe totalement au champ d’action de la commission de conciliation ; – s’il s’agit d’un recours en indemnisation, qui, en matière publique, suppose le préalable du recours gracieux, ou qui, dans le domaine privé, peut être directement juridictionnel, la commission de conciliation ne peut intervenir. Ce recours doit être géré selon le droit commun, sans aucune interférence avec la commission de conciliation. Le décret prévoit seulement que la commission est informée “de la nature et de l’issue des recours gracieux ou juridictionnels mettant en cause l’établissement de santé”. Tout ce qui résulte d’une démarche procédurale explicite n’est en rien modifié par ●●● *DROIT PSII 12 10/03/03 10:35 Page 46 ●●● l’instauration des commissions de conciliation. Celles-ci n’ont pour seul registre d’action que les réclamations informelles, ne répondant pas aux critères procéduraux. La véritable question est de savoir si, du fait de l’instauration de cette commission, certaines victimes seront tentées de la saisir pour, peut-être, ensuite, renoncer au recours juridictionnel. On peut estimer cette attente assez illusoire, dans la mesure où la réalité établit qu’en définitive ce sont bien les affaires les plus graves qui font l’objet des recours juridictionnels. L’instauration de cette commission pourra avoir un effet limitatif sur certaines plaintes pénales. La plupart des plaintes pénales sont déposées à la suite de préjudices graves, voire de décès. Mais la voie pénale est parfois saisie car le patient, devenu victime, s’est vu opposer un silence hautain ou lointain, de telle sorte qu’il cherche par la plainte pénale un moyen de réhabilitation. On peut penser que la main tendue, qui est celle du médecin conciliateur, limitera certaines de ces plaintes, et ce de manière d’autant plus légitime que ce type de plaintes pénales conduit souvent à des échecs procéduraux. Le médecin conciliateur Les commissions de conciliation comprennent le président de la commission médicale d’établissement ou de l’organisme correspondant dans l’établissement, un “médecin conciliateur” désigné par le directeur d’établissement après avis de la commission médicale d’établissement, un membre de la commission du service de soins infirmiers et les représentants des usagers membres du conseil d’administration. Le directeur d’établissement assiste aux réunions de la commission avec voix consultative, et il peut se faire accompagner par les collaborateurs de son choix. Cette commission intervient en seconde intention. L’organe décisif est le médecin conciliateur. Le texte précise que les demandes et réclamations susceptibles de mettre en cause l’activité médicale, à l’exception de celles qui constituent un recours gracieux ou juridictionnel, sont communiquées au médecin conciliateur. Le médecin conciliateur rencontre le patient. Il peut également rencontrer ses proches “s’il l’estime utile ou à la demande de ces derniers”, ce qui pose la question du secret professionnel. Lorsqu’il souhaite consulter un dossier médical, il demande l’accord écrit du patient, ou de son représentant légal, ou des ayants droit en cas de décès. Il rend compte de son intervention au directeur d’établissement et à la commission de conciliation. Les réclamations sont reçues par la direction de l’établissement et portées par écrit. Une permanence “au moins hebdomadaire” doit être organisée par la commission. Elle peut être confiée à des médecins ou infirmiers non membres de la commission et même n’exerçant plus dans l’établissement. La commission de conciliation n’a pas à recevoir directement le patient ni à organiser une concertation avec lui. Sa mission est de veiller au fonctionnement des permanences et à l’accueil des réclamations. En outre, elle formule ses réclamations et les adresse au directeur d’établissement. Elle élabore un rapport annuel transmis aux diverses autorités de l’établissement ainsi qu’à la direction de l’agence régionale d’hospitalisation. Beaucoup de bruit pour peu de choses, on peut le penser, comme on peut constater, une nouvelle fois, que les bonnes intentions ne suffisent pas à faire le bon droit. G. Devers En bref… Diabète L’Association de langue française pour l’étude du diabète et des maladies métaboliques (Alfediam) attire l’attention sur une communication de l’AFSSAPS (ex-Agence du médicament). Le 30 mars 2000, l’insuline en flacon à 40 U/ml sera retirée du marché et sera remplacée par l’insuline en flacon à 100 U/ml. Cette concentration sera identique à celle des cartouches actuellement utilisées dans les stylos. Cela ne changera pas le mode de prescription. L’insuline sera toujours prescrite en unités (U). Exemple : 10 U le matin, 12 U le soir… En revanche, il faudra utiliser des seringues à insuline graduées à 100 U/ml, afin qu’il y ait concordance entre la concentration de l’insuline du flacon et les graduations de la seringue. Les seringues graduées à 100 U/ml seront mises en vente en même temps que l’insuline en flacon à 100 U. La vigilance s’impose quant aux anciens stocks. Pas de cohabitation entre le matériel à 40 U et le matériel à 100 U. Les anciens stocks devront être retournés chez le pharmacien. Les soignants doivent veiller à ce que les patients aient reçu et assimilé l’information et qu’ils n’aient pas chez eux en même temps des anciennes et des nouvelles seringues. Dialogue sur le médicament Dans le cadre de la reprise des relations entre l’Algérie et la France, un groupe de travail a été créé à l’initiative du Snip (Syndicat national de l’industrie pharmaceutique) afin d’entreprendre un partenariat plus vaste entre les deux pays. L’Algérie importe, selon les années, pour une valeur d’environ 3 milliards de francs de médicaments, dont un fort pourcentage provient de France.