Les commissions de conciliation
Laprise en compte des
réclamations répond à des
préoccupations contraires. Il
s’agit d’informer les victimes,
mais aussi de protéger l’activité
médicale, car soigner suppose de
créer un risque, et il faut se
méfier d’une médecine qui
n’oserait plus prendre le risque.
Si l’on écarte la part de la mau-
vaise foi ou des recours abusifs,
ces demandes témoignent d’une
insatisfaction, si ce n’est d’une
souffrance. C’est donc une
démarche humaine et attentive,
qui s’inscrit parfaitement dans la
logique médicale : se parler,
s’entendre et se comprendre.
Il a existé ici ou là, dans les éta-
blissements publics ou privés,
des structures internes visant
cet objectif de concertation et
d’écoute mutuelles, et l’on peut
d’ailleurs penser qu’il s’agit là
d’une mission s’imposant natu-
rellement aux établissements.
Pourtant, il a fallu un texte, et en
l’occurrence une ordonnance
signée par le président de la
République, pour organiser ce
dialogue dans les établissements.
C’est une ordonnance du 24 avril
1996 et le décret du 2 novembre
1998 qui ont créé ces “commis-
sions de conciliation” (Code de la
santé publique, articles L 710-1-2,
R710-1-1 et suivants).
Conciliation ou assistance ?
Le texte de l’ordonnance, qui a
valeur de loi, n’est assurément
pas le plus clair des textes qui
ait jamais été écrit : “Dans cha-
que établissement de santé est
instituée une commission de
conciliation chargée d’assister et
d’orienter toute personne qui
s’estime victime d’un préjudice
du fait de l’activité de l’établisse-
ment, et de lui indiquer les voies
de conciliation et de recours
dont elles disposent”.
On relève tout d’abord une er-
reur de droit : on n’est pas victi-
me du préjudice mais atteint
d’un préjudice et, le cas échéant,
victime d’une faute qui a causé le
préjudice. Cette erreur de droit
n’est, hélas, pas privée de sens.
Elle tend à accréditer l’idée que
le seuil d’entrée du recours est le
préjudice, alors qu’il doit s’agir
de la faute. En faisant porter l’ac-
cent sur le préjudice, on entéri-
ne l’idée que tout préjudice est
nécessairement anormal et justi-
fie un recours, conception bien
regrettable. L’art médical ne peut
tendre à la certitude du résultat.
Il existe toujours un aléa. Le mé-
decin doit mettre en œuvre tous
les moyens pour aller vers le
meilleur résultat possible, mais il
peut, par un acte non fautif, cau-
ser un préjudice. Il faut que le mé-
decin puisse exercer son art en as-
sumant ce risque nécessaire.
La seconde faille de rédaction
n’est pas mince : les commissions
de conciliation n’ont pas pour
mission de concilier. Elles ont
pour mission d’“assister et
d’orienter”, mais elles ne peuvent
se transformer en organe de
conciliation. La conciliation sup-
pose le renoncement à une procé-
dure par la conclusion d’une tran-
saction. L’accès au droit par le
recours au juge est un droit fon-
damental des personnes, et rien
ne doit être fait qui puisse directe-
ment ou indirectement remettre
en cause ce droit. Ainsi, une com-
mission dite de conciliation ne
peut empiéter sur les règles pro-
cédurales, qui sont de droit com-
mun. Au demeurant, la conclu-
sion d’un accord transactionnel
prend une forme financière, dans
des conditions qui répondent à
des critères d’ordre public et qui
intéressent au premier plan l’as-
sureur de l’établissement. Il n’est
donc pas question de conciliation
mais seulement d’assistance et
d’orientation.
La réaction du décret est d’ail-
leurs beaucoup plus juste, défi-
nissant la mission comme celle
d’assister et d’orienter la person-
ne, et de l’informer “sur les voies
de conciliation et les recours
gracieux et juridictionnels dont
elle dispose”.
Ainsi :
– si le patient ou sa famille dé-
pose une plainte pénale, celle-ci
échappe totalement au champ
d’action de la commission de
conciliation ;
– s’il s’agit d’un recours en in-
demnisation, qui, en matière
publique, suppose le préalable
du recours gracieux, ou qui,
dans le domaine privé, peut être
directement juridictionnel, la
commission de conciliation ne
peut intervenir. Ce recours doit
être géré selon le droit commun,
sans aucune interférence avec la
commission de conciliation. Le
décret prévoit seulement que la
commission est informée “de la
nature et de l’issue des recours
gracieux ou juridictionnels met-
tant en cause l’établissement de
santé”.
Tout ce qui résulte d’une dé-
marche procédurale explicite
n’est en rien modifié par
Le constat est connu : c’est l’accroissement des recours
en responsabilité. Accroissement non contestable,
même s’il faut analyser le phénomène de plus près.
On assiste ainsi à une multiplication de réclamations
non juridiques, témoignant du mécontentement ou
de l’incompréhension.
Dialogue sur ordonnance
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l’instauration des commis-
sions de conciliation. Celles-ci
n’ont pour seul registre d’ac-
tion que les réclamations infor-
melles, ne répondant pas aux
critères procéduraux. La véri-
table question est de savoir si,
du fait de l’instauration de cette
commission, certaines victimes
seront tentées de la saisir pour,
peut-être, ensuite, renoncer au
recours juridictionnel. On peut
estimer cette attente assez illu-
soire, dans la mesure où la réa-
lité établit qu’en définitive ce
sont bien les affaires les plus
graves qui font l’objet des re-
cours juridictionnels. L’instaura-
tion de cette commission pourra
avoir un effet limitatif sur cer-
taines plaintes pénales. La plu-
part des plaintes pénales sont
déposées à la suite de préjudices
graves, voire de décès. Mais la
voie pénale est parfois saisie car
le patient, devenu victime, s’est
vu opposer un silence hautain
ou lointain, de telle sorte qu’il
cherche par la plainte pénale un
moyen de réhabilitation. On
peut penser que la main tendue,
qui est celle du médecin conci-
liateur, limitera certaines de ces
plaintes, et ce de manière d’au-
tant plus légitime que ce type de
plaintes pénales conduit sou-
vent à des échecs procéduraux.
Le médecin conciliateur
Les commissions de conciliation
comprennent le président de la
commission médicale d’établis-
sement ou de l’organisme cor-
respondant dans l’établissement,
un “médecin conciliateur” dési-
gné par le directeur d’établis-
sement après avis de la
commission médicale d’établis-
sement, un membre de la com-
mission du service de soins infir-
miers et les représentants des
usagers membres du conseil
d’administration. Le directeur
d’établissement assiste aux ré-
unions de la commission avec
voix consultative, et il peut se
faire accompagner par les colla-
borateurs de son choix.
Cette commission intervient en
seconde intention. L’organe déci-
sif est le médecin conciliateur. Le
texte précise que les demandes
et réclamations susceptibles de
mettre en cause l’activité médi-
cale, à l’exception de celles qui
constituent un recours gracieux
ou juridictionnel, sont communi-
quées au médecin conciliateur. Le
médecin conciliateur rencontre le
patient. Il peut également ren-
contrer ses proches “s’il l’estime
utile ou à la demande de ces der-
niers”, ce qui pose la question du
secret professionnel. Lorsqu’il
souhaite consulter un dossier mé-
dical, il demande l’accord écrit du
patient, ou de son représentant
légal, ou des ayants droit en cas
de décès. Il rend compte de son
intervention au directeur d’éta-
blissement et à la commission
de conciliation. Les réclamations
sont reçues par la direction de
l’établissement et portées par
écrit. Une permanence “au moins
hebdomadaire” doit être organi-
sée par la commission. Elle peut
être confiée à des médecins ou in-
firmiers non membres de la com-
mission et même n’exerçant plus
dans l’établissement.
La commission de conciliation
n’a pas à recevoir directement
le patient ni à organiser une
concertation avec lui. Sa mission
est de veiller au fonctionnement
des permanences et à l’accueil
des réclamations. En outre, elle
formule ses réclamations et les
adresse au directeur d’établisse-
ment. Elle élabore un rapport
annuel transmis aux diverses au-
torités de l’établissement ainsi
qu’à la direction de l’agence ré-
gionale d’hospitalisation.
Beaucoup de bruit pour peu de
choses, on peut le penser, com-
me on peut constater, une nou-
velle fois, que les bonnes inten-
tions ne suffisent pas à faire le
bon droit.
G. Devers
En bref
Diabète
L’Association de langue française
pour l’étude du diabète et des
maladies métaboliques (Alfediam)
attire l’attention sur une commu-
nication de l’AFSSAPS (ex-Agence
du médicament). Le 30 mars
2000, l’insuline en flacon à
40 U/ml sera retirée du marché et
sera remplacée par l’insuline en
flacon à 100 U/ml. Cette concen-
tration sera identique à celle des
cartouches actuellement utilisées
dans les stylos. Cela ne changera
pas le mode de prescription.
L’insuline sera toujours prescrite
en unités (U). Exemple : 10 U le
matin, 12 U le soir… En revanche,
il faudra utiliser des seringues à
insuline graduées à 100 U/ml, afin
qu’il y ait concordance entre la
concentration de l’insuline du fla-
con et les graduations de la
seringue. Les seringues graduées à
100 U/ml seront mises en vente en
même temps que l’insuline en fla-
con à 100 U. La vigilance s’impose
quant aux anciens stocks. Pas de
cohabitation entre le matériel à
40 U et le matériel à 100 U. Les
anciens stocks devront être retour-
nés chez le pharmacien. Les soi-
gnants doivent veiller à ce que les
patients aient reçu et assimilé l’in-
formation et qu’ils n’aient pas chez
eux en même temps des anciennes
et des nouvelles seringues.
Dialogue
sur le médicament
Dans le cadre de la reprise des
relations entre l’Algérie et la France,
un groupe de travail a été créé à
l’initiative du Snip (Syndicat
national de l’industrie pharmaceu-
tique) afin d’entreprendre un par-
tenariat plus vaste entre les deux
pays. L’Algérie importe, selon les
années, pour une valeur d’environ
3 milliards de francs de médica-
ments, dont un fort pourcentage
provient de France.
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