VIE PROFESSIONNELLE
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La Lettre du Rhumatologue - n° 267 - décembre 2000
e constat est connu : c'est
l'accroissement des recours
en responsabilité. Accroisse-
ment non contestable, même s'il
faut analyser le phénomène de plus
près : les plaintes pénales, les plus
douloureuses, restent rares ; les
recours en responsabilité indem-
nitaires sont en augmentation
constante, et l'adoption par la juris-
prudence de régimes de présomption
de responsabilité, comme en matière
d'infection nosocomiale, ne freinera
pas le mouvement ; enfin, on assiste à
une multiplication de réclamations
non juridiques, témoignant du mécon-
tentement ou de l'incompréhension.
C'est là un véritable flot qu'il s'agit
d'endiguer, mais aussi de prendre en
compte, car le témoignage de l'incom-
préhension doit être entendu, même s'il
n'a pas de suite judiciaire.
La prise en compte de ces réclamations
répond à des préoccupations contraires. Il
s’agit d’informer les victimes, mais aussi
de protéger l’activité médicale, car soigner
suppose de créer un risque, et il faut se
méfier d’une médecine qui n’oserait plus
prendre ce risque, du fait du risque de
recours. Si l’on écarte la part de la mauvaise
foi ou des recours abusifs, ces demandes
témoignent d’une insatisfaction, si ce n’est
d’une souffrance. C’est donc une démarche
humaine et attentive, qui s’inscrit parfaite-
ment dans la logique médicale : se parler,
s’entendre et se comprendre.
Il a existé ici ou là, dans les établissements
publics ou privés, des structures internes
visant cet objectif de concertation et
d’écoute mutuelle, et l’on peut d’ailleurs
penser qu’il s’agit là d’une mission s’im-
posant naturellement aux établissements.
Pourtant, il a fallu un texte, et en l’occur-
rence une ordonnance signée par le prési-
dent de la République, pour organiser ce
dialogue dans les établissements. C’est une
ordonnance du 24 avril 1996 et le décret
du 2 novembre 1998 qui ont créé ces “com-
missions de conciliation” (Code de la santé
publique, articles L 710-1-2, R 710-1-1 et
suivants).
CONCILIATION OU ASSISTANCE ?
Le texte de l’ordonnance, qui a valeur de
loi, n’est assurément pas le plus clair des
textes qui ait jamais été écrit : “Dans
chaque établissement de santé est instituée
une commission de conciliation chargée
d’assister et d’orienter toute personne qui
s’estime victime d’un préjudice du fait de
l’activité de l’établissement, et de lui indi-
quer les voies de conciliation et de recours
dont elle dispose.”
!On relève tout d’abord une erreur de
droit : on n’est pas victime d’un préjudice,
mais atteint d’un préjudice et, le cas
échéant, victime d’une faute qui a causé le
préjudice. Cette erreur de droit n’est, hélas,
pas privée de sens. Elle tend à accréditer
l’idée que le seuil d’entrée du recours est
le préjudice, alors qu’il doit s’agir de la
faute. En faisant porter l’accent sur le pré-
judice, on entérine l’idée que tout préju-
dice est nécessairement anormal et justifie
un recours, conception bien regrettable.
L’art médical ne peut tendre à la cer-
titude du résultat. Il existe toujours
un aléa. Le médecin doit mettre en
œuvre tous les moyens pour aller vers
le meilleur résultat possible, mais il
peut, par un acte non fautif, causer un
préjudice. Il faut que le médecin
puisse exercer son art en assumant ce
risque nécessaire.
!La seconde faille de la rédaction n’est pas
mince : les commissions de conciliation
n’ont pas pour mission de concilier. Elles
ont pour mission d’"assister et d’orienter",
mais elles ne peuvent se transformer en
organe de conciliation. La conciliation
suppose le renoncement à une procédure
par la conclusion d’une transaction. L’ac-
cès au droit par le recours au juge est un
droit fondamental des personnes, et rien ne
doit être fait qui puisse directement ou
indirectement remettre en cause ce droit.
Ainsi, une commission dite de conciliation
ne peut empiéter sur les règles procédu-
rales, qui sont de droit commun. Au
demeurant, la conclusion d’un accord tran-
sactionnel prend une forme financière,
dans des conditions qui répondent à des
critères d’ordre public et qui intéressent au
premier plan l’assureur de l’établissement.
Il n’est donc pas question de conciliation,
mais seulement d’assister et d’orienter.
La rédaction du décret est d’ailleurs beau-
coup plus juste, définissant la mission
comme celle d’assister et d’orienter la per-
sonne, et de l’informer “sur les voies de
conciliation et les recours gracieux et juri-
dictionnels dont elle dispose”.
Ainsi :
–si le patient ou sa famille dépose une
plainte pénale, celle-ci échappe totalement
au champ d’action de la commission de
conciliation ;
Les commissions
de conciliation :
dialogue
sur ordonnance
L
G. Devers*
*Avocat au bureau de Lyon, chargé d’enseigne-
ment à l’université de Lyon-III.