Comment préserver l’éthique?
Accueillir la précarité à l’hô-
pital n’est pas chose facile
pour tout le monde. La grande pré-
carité, notamment, engendre des
peurs mutuelles. Le regard et
l’écoute prennent une dimension
particulière, le danger résidant
dans la tentation de traiter la per-
sonne précaire en objet puisqu’elle-
même ne se prend pas en charge
selon les normes établies par la so-
ciété. Le refus de l’échange pour le
soignant est souvent une fuite. Ce
refuge se traduit par une certaine
indifférence ou, a contrario, une
surenchère de prescriptions para-
cliniques entraînant quelquefois
davantage d’angoisse. Pour les pa-
tients atteints de VIH vivant dans
la rue, par exemple, le retranche-
ment des soignants derrière la non-
compliance est fréquent. Or, des
enquêtes montrent que ces patients
pris en charge dans toute leur di-
mension humaine suivent leurs
traitements, avec les mêmes réti-
cences que les autres.
La prise en charge de la santé des
personnes en situation de précarité
ne dépend pas des seuls soignants
mais d’une chaîne de plusieurs
acteurs ayant une responsabilité
collective.
L’éthique dépend d’abord forte-
ment des décisions et responsabi-
lités politiques en santé publique.
Tous les rapports le démontrent :
la pauvreté a une incidence sur
l’espérance de vie. Que dire de la
prévention et de l’éducation ?
Notre seul modèle curatif, avec
l’alibi du droit à l’accès aux soins,
est bien insuffisant. Aujourd’hui,
la réponse est dans le Samu social,
souvent surchargé. Plusieurs ini-
tiatives sont prises dans certains
hôpitaux pour imaginer une struc-
ture d’accueil pour ces popula-
tions. Mais comment reconnaître
ces personnes, dites en situation
de précarité ? Une structure spé-
cialisée est contestée par certains,
car elle marginalise. Le fonction-
nement avec rendez-vous est la
tentation d’un passe-droit. La gra-
tuité totale peut être ressentie
comme dévalorisante, et pour le
soigné et pour le soignant. La dif-
férence sociale et culturelle de ces
deux acteurs impose parfois la pré-
sence d’une tierce personne, mé-
diatrice sociale, proche du patient.
Ce qui soulève le problème du se-
cret médical. Le comportement
des populations en situation de
survie est très différent de la réa-
lité de vie des soignants, bouscu-
lés dans leurs notions de l’éthique.
La politique hospitalière et la pra-
tique hospitalière engendrent une
tension. Cette tension entre les dis-
cours généreux et la création de
dispositifs pour les patients en dif-
ficulté ne date pas d’aujourd’hui.
Le Pr Didier Fassin, anthropologue
et médecin, rappelle que la méde-
cine sociale est le principe fon-
dateur de l’hôpital, antérieure au
Moyen Age, déjà existante au
temps de l’Empire romain. Il rap-
pelle également que le mot lui-
même, “hôpital,” est pris entre une
réelle contradiction, c’est-à-dire
une double origine : hosti = ennemi
et hospes = hôte. Les deux termes
renvoient à l’idée de l’étranger, à
la fois hôte et ennemi selon
les règles anciennes intraitables
sur le devoir d’hospitalité, même
pour celui qui pouvait être un
danger. Aux soignants d’aujour-
d’hui de concilier dans l’éthique
deux situations contradictoires.
A.-L.P.
Le regard des autres est important pour tout le monde.
Que dire de celui que l’on porte aux personnes en
situation précaire ? Compatissant, fuyant, voire hostile,
il aide ou isole.
Précarité et santé
7
Professions Santé Infirmier Infirmière - No25 - avril 2001
Jeunesse et précarité
En publiant ses chiffres, l’INSEE
rappelle une tendance déjà enre-
gistrée les années précédentes,
mais augmentant malgré la crois-
sance. Ainsi, les jeunes et une cer-
taine catégorie de salariés sont
parmi les plus pauvres en France.
En 1970, un ménage retraité sur
quatre était pauvre. En 1997, il n’y
en a plus qu’un sur 25. La pauvreté
concerne donc essentiellement la
population active, c’est-à-dire les
personnes touchées par le chô-
mage, mais aussi toutes celles qui
s’accommodent des nouvelles
formes d’emploi comme les CDD,
l’intérim, le temps partiel non
choisi, les contrats emploi-solida-
rité... Aujourd’hui, 1 629 000 mé-
nages vivent sous le seuil de la pau-
vreté monétaire. 4,2 millions de
personnes vivent avec 3 500 F par
mois quand elles sont seules,
5250 F en couple, auxquels il faut
ajouter 1 050 F par enfant à charge
de moins de 14 ans et 1 750 F au-
delà. Ces personnes représentent
7% de la population française. Il
est à noter que, sans les différentes
aides, ces personnes seraient au
nombre de 8,4 millions.
Créativité et qualité
au CHU de Poitiers
Au CHU de Poitiers, la direction
des soins infirmiers organise tous
les ans “les journées de la créa-
tivité” au cours desquelles sont
présentées les innovations des soi-
gnants : une reconnaissance offi-
cielle des efforts des infirmières et
infirmiers pour personnaliser les
soins et améliorer le confort des
patients hospitalisés.
Innovation à Nancy
Le CHU de Nancy expérimente
depuis 3 ans une méthode qui
permet de suivre les dialysés à
domicile, via un système expert.
Chez lui, le patient a la charge de
collecter les données qu’il adresse
via Internet.
Brèves...
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