N Myocardite syphilitique à 74 ans Cas CLiniQue Mots-clés

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cas clinique
Mots-clés
Myocardite - Syphilis - Personne âgée
Keywords
Myocarditis - Syphilitic - Elderly
Myocardite syphilitique à 74 ans
A 74-year-old patient with syphilitic myocarditis
D. Scarlatti*, D. Doyen*, D. Bertora*, P. Gibelin*
N
ous décrivons le cas d’une patiente âgée de 74 ans
atteinte de syphilis tertiaire et ayant présenté
2 décompensations cardiaques sévères sur syndromes
coronariens aigus.
Les décompensations cardiaques sur insuffisance aortique
sévère syphilitique sont rares. Cet article reprend les principales atteintes cardiaques décrites.
Observation
Mme M. a comme antécédents un diabète de type 2, une
syphilis primaire et secondaire non traitée et une paralysie
faciale droite régressive datant d’il y a 3 ans.
Le 29 novembre 2007, à 22 h, elle présente, en postprandial,
une dyspnée brutale avec orthopnée.
L’examen clinique retrouve une tension artérielle à
120/40 mmHg, une saturation à 70 % en air ambiant, une
apyrexie, une absence de souffle cardiaque, la présence de
râles crépitants pulmonaires remontant jusqu’à mi-champs
et une turgescence jugulaire faisant évoquer un œdème aigu
pulmonaire.
On note alors l’absence de douleur thoracique.
Les examens biologiques réalisés révèlent les résultats
suivants : troponine = 27,8 ; CPK = 1 400/173 ; créatinine = 86 ;
Hb = 7,3 mM ; BNP = 1 300.
L’ECG (figure 1), réalisé en urgence, objective un rythme sinusal
avec un bloc de branche gauche complet.
L’échographie cardiaque objective alors un ventricule gauche
dilaté avec une hypokinésie globale. La fraction d’éjection est
évaluée à 30 %, les pressions de remplissage sont élevées et
une insuffisance aortique sévère de grade III est constatée
(figure 2).
La patiente répondra favorablement au traitement diurétique.
L’élévation de la troponine (Ic) à un tel seuil fait penser à une
nécrose myocardique, et un traitement par anticoagulant,
antiagrégant plaquettaire, inhibiteur de l’enzyme de conversion
et statines est donc prescrit.
* Service de cardiologie, CHU de Nice.
▲ Figure 1. ECG initial.
▼ Figure 2. Vitesse télédiastolique dans l’isthme aortique.
Malheureusement, la patiente refusera les examens complémentaires
proposés, notamment la coronarographie.
Le 2 mars 2008, elle est hospitalisée dans le service des maladies
infectieuses pour syndrome confusionnel.
Le bilan réalisé retrouve une sérologie positive “FTA” (fluorescent
treponemal antibody-absorption) dans le liquide céphalo-rachidien
qui témoigne d’une neurosyphilis active.
Un traitement médical par pénicilline est débuté et améliore de façon
spectaculaire l’état de la patiente.
Restée dans le service des maladies infectieuses, elle présente de
nouveau, 4 jours plus tard, une dyspnée avec douleur angineuse trinitrosensible.
La Lettre du Cardiologue • n° 425 - mai 2009 | 29 cas clinique
L’examen clinique évoque une décompensation cardiaque
gauche.
Sur le plan biologique, on note : troponine = 12,2 ; CPK =
854/95 ; FTA IgG n+ (sang + LCR) TPHA+ (Treponema pallidum
Haemagglutination Assay) ; VDRL+ (Venereal Disease Research
Laboratory).
L’ECG (figure 4) retrouve une tachycardie sinusale avec bloc
de branche gauche.
Étant donné cette nouvelle décompensation, elle accepte enfin
la coronarographie, qui retrouve des coronaires saines.
Le traitement médical comporte des antiagrégants plaquettaires, un inhibiteur de l’enzyme de conversion, des statines
et des diurétiques. Lors d’une consultation ultérieure, un traitement bêtabloquant sera introduit.
Après discussion avec elle et sa famille, la patiente refusera les
autres examens complémentaires (IRM) et le remplacement
valvulaire aortique.
◀ Figure 3. Fraction d’éjection à 30 %.
▼ Figure 4. Deuxième ECG.
Discussion
La syphilis est une infection bactérienne due à T. pallidum ; étant
donné son mode de transmission, essentiellement sexuelle
(95 %), elle est devenue une maladie peu fréquente.
L’incubation dure 3 semaines et elle est suivie de 3 phases,
la troisième pouvant entraîner des atteintes neurologiques
(10 %) [méningite, signe d’Argyll Robertson, tabès, trouble
des fonctions cognitives supérieures], cardiovasculaires (20%),
dermatologiques (gommes cutanées).
Le traitement anti-infectieux repose sur la pénicilline.
Les modifications cardiovasculaires comprennent : dilatation
de l’anneau aortique avec incompétence de la valve, hypertrophie ventriculaire gauche, dilatation de la racine aortique
avec formation d’anévrismes aortiques (2), et sténose des
ostias coronaires (1).
L’aortite syphilitique est la manifestation cardiovasculaire la
plus fréquente. Vingt pour cent de ces patients présentent des
douleurs thoraciques et 25 % une insuffisance cardiaque.
Les sténoses coronaires ostiales ont été retrouvées chez 20 %
des patients présentant une insuffisance aortique. Elles se
manifestent par des douleurs angineuses et rarement par un
infarctus du myocarde (3).
L’anévrisme est le moins fréquent, retrouvé dans 10 à 15 % des
aortites. Il peut se compliquer de compressions (nerf laryngé,
dysphagie, etc.) ou de ruptures, le plus souvent dans l’espace
pleural ou les bronches car la rupture se fait fréquemment au
niveau de l’aorte ascendante. Parfois, elle se fait au niveau de la
crosse et peut alors entraîner une fistule aorto-pulmonaire (4).
Un cas de péricardite syphilitique (5) ainsi qu’un cas de gomme
myocardique associée à une endocardite et une rupture des
cordages tendineux ont été décrits (6).
Les 2 SCA à coronaires saines présentés par notre patiente pouvaient
correspondre à :
• des embolies coronaires ; en effet, les atteintes syphilitiques cardiaques
sont responsables de plaques coronaires au niveau des ostia coronaires, mais la coronarographie a retrouvé des ostia libres sans image
de plaque ulcérée sur le réseau coronaire ;
• des spasmes coronaires, mais l’examen clinique et l’électrocardiogramme percritique ne sont pas en faveur de ce diagnostic ; néanmoins, le test au Methergin® n’ayant pas été pratiqué, l’on ne peut
l’exclure formellement.
• enfin, le syndrome de tako-tsubo a été éliminé devant la clinique
peu évocatrice et l’absence de ballonnisation apicale.
C’est l’hypothèse de la myocardite qui a été retenue.
Conclusion
Il s’agit vraisemblablement d’un cas de myocardite syphilitique à
74 ans. De très rares cas ont été rapportés, aucun n’a été retrouvé
dans la littérature.
■
Références bibliographiques
1. Przybojewski JZ, van Rensburg CJ. Syphilitic coronary
ostial stenosis: case reports. S Afr Med J 1983;64(11):
407-12.
2. Ben Halima A, Ibn Elhadj Z, Essmat W et al. Syphilitic
aortic aneurysm. A case report. J Mal Vasc 2006;31(2):
93-7. | La Lettre du Cardiologue • n° 425 - mai 2009 30
3. Dourmishev LA, Dourmishev AL. Syphilis: uncommon
presentations in adults. Clin Dermatol 2005;23(6):
555-64.
4. Clapp BR, Ratnatunga CP, Nihoyannpoulos P. An unusual aorto-pulmonary communication secondary to syphilitic aortitis. Int J Cardiol 1997;62(2):155-9.
5. Marut Ma, Tavonius Ke. Clinic of syphilitic pericarditis.
Klin Med (Mosk) 1955;33(10):57-63.
6. Zúñiga Pérez-Lemaur M, Conde Yagüe R, González Rodilla I, Gallo Mezo I, Prieto Ponga S. Gummy myocarditis
associated with bacterial endocarditis and rupture of tendinous cords. Rev Clin Esp 1984;174(6):257-9.
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