REVUE DE PRESSE
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Le Courrier des addictions (1), n° 3, juin 1999
sentiment d’échec dans un contexte
de perte de confiance en soi.
Pourquoi ne pas transposer cette
approche cognitivo-comportemen-
tale aux interventions sociales dans
le but de mieux cerner quels sont
les facteurs de résistance au chan-
gement et de favoriser les
démarches actives des patients
allant dans le sens, précisément, du
changement ? Ainsi, les thérapeutes
institutionnels pourrait dépasser la
problématique de l’accompagne-
ment psychosocial de ces patients
pour élaborer avec eux un projet
thérapeutique renforçant leur
propre démarche de recherche
d’une aide et d’un traitement sus-
ceptible de les faire changer ?
BenzodiazŽpines chez lÕalcoo-
lique : pourquoi et comment
Lejoyeux M., Solomon J., Ades J. :
Benzodiazepine treatment for alco-
hol-dependent patients. Alcohol &
Alcoholism, 1998, 33 (6) : 563-75.
Les benzodiazépines sont souvent
prescrites dans le traitement de l’al-
coolisme. Leur activité au cours du
sevrage vise à compenser des phéno-
mènes biologiques, assez bien
connus actuellement et plus ou
moins spécifiques du manque d’al-
cool. La prolongation du traitement,
même à distance du sevrage, reste
souvent de mise. Michel Lejoyeux
nous propose une synthèse remar-
quable de l’utilisation des benzodia-
zépines dans ces indications, tout en
discutant l’intérêt et les limites des
traitements prolongés.
Au cours du sevrage alcoolique des
syndromes de dépendance avérés, le
recours aux traitements benzodiazé-
piniques peut se justifier en considé-
rant leurs actions biologiques.
L’action des prises régulières d’alcool
amène notamment à des modifica-
tions des récepteurs GABA, avec une
réduction du nombre des récepteurs
A, pouvant expliquer les phénomènes
de tolérance à l’alcool. Ces éléments
biologiques peuvent induire des
manifestations anxieuses, des crises
convulsives, des tremblements, et les
benzodiazépines corrigeraient ce
déficit en facilitant la fixation du
GABA sur son récepteur.
Au cours du sevrage, il existe une
hyperactivité noradrénergique qui
induit de la tachycardie, des tremble-
ments et de l’hypertension. En rédui-
sant cette activité, les benzodiazé-
pines ont montré leur activité sur le
locus coeruleus.
Le contexte de l’arrêt brutal d’une
consommation alcoolique durable
entraîne une réponse physiologique
de stress avec des réponses hormo-
nales, et notamment une hypercorti-
solémie ; les benzodiazépines dimi-
nuent l’élévation des corticostéroïdes
stimulés par la réponse hormonale
aux situations de stress.
Des phénomènes de kindling (embra-
sement) ont pu être décrit chez l’al-
coolique, la répétition d’états de
manque et de sevrages amenant une
sensibilité accrue des réseaux neuro-
naux. Celle-ci entraîne souvent une
baisse du seuil épileptique, avec
notamment la possibilité de propaga-
tion plus rapide (embrasement) des
phénomènes d’activité atypiques.
L’utilisation de benzodiazépines rend
alors la survenue des crises épilep-
tiques moins fréquente au moment du
sevrage.
L’indication clinique des benzodiazé-
pines au moment du sevrage pour en
limiter les complications est bien
documentée et reste incontournable.
De nombreuses molécules se sont
montrées efficaces et bien tolérées,
comme le diazépam, le lorazépam,
l’oxazépam, l’alprazolam ou le chlor-
diazépoxide. Mais il existe encore des
controverses en ce qui concerne le
recours systématique aux benzodia-
zépines au moment du sevrage.
Certains auteurs privilégient un abord
pharmacologique minimal dans les
cas de syndromes de manque modé-
rés. D’autres soulignent le risque de
répétition des syndromes de sevrage,
qui progressivement peuvent entraî-
ner des phénomènes de kindling et
semblent augmenter avec le temps le
risque de delirium tremens et de
crises convulsives. Cependant, les cas
les plus sévères, notamment avec
confusion, désorientation, instabilité
motrice ou tremblements apparaissant
précocement au décours du sevrage,
doivent bénéficier d’un traitement
rapide par benzodiazépines. De plus,
les patients ayant déjà suivi des
sevrages compliqués et présenté des
manifestations épileptiques, ont un
risque augmenté d’un facteur quatre
de développer un nouvel état clinique
alarmant au moment du sevrage.
Les discussions sont encore vives en
ce qui concerne le choix préférentiel
d’une benzodiazépine à demi-vie
brève ou longue. Même s’il n’existe
encore aucune étude confirmant un
risque d’abus plus important pour les
composés à demi-vie brève chez l’al-
coolique, les données cliniques amè-
nent à privilégier les molécules à
demi-vie longue, qui induisent un
effet central davantage progressif,
notamment sur l’angoisse. Les études
comparatives d’efficacité, qui restent
rares, mettent l’accent sur le bénéfice
des composés à demi-vie longue.
Il existe trois modalités de traitement
du sevrage qui s’opposent encore. La
première consiste à administrer de
fortes doses de benzodiazépines au
cours du sevrage, puis de réduire les
posologies selon la réponse clinique
des patients. Par exemple, on utilise
10 à 20 mg de diazépam ou l’équiva-
lent toutes les six heures jusqu’à
diminution des symptômes et avant la
réduction des posologies par palier.
Cette technique est souvent utilisée
en routine dans les pratiques hospita-
lières. Une adaptation initiale plus
fréquente a été proposée au cours des
premiers jours en tenant compte des
profils de demi-vie longue des pro-
duits utilisés, et certains préfèrent uti-
liser des “doses de charge” réduites
mais administrées toutes les heures
jusqu’à sédation des symptômes et
avant des prises plus espacées. Cette
technique semble conduire à une
amélioration plus rapide des troubles
et limiter les demandes itératives de
médicaments. Enfin, certains clini-
ciens utilisent une évaluation précise
de l’évolution des symptômes de
manque en évaluant sur une échelle
spécifique l’intensité des signes régu-
lièrement cotés par l’équipe soignan-