GASTRO •11/00 30/08/02 9:57 Page 267 analyse commentée Analyse commentée Lamivudine dans l’héptite B : un an ou deux... ou plus ? Liaw et al. Effects of extended lamivudine therapy in Asian patients with chronic hepatitis B. Gastroenterology 2000 ; 119 : 172-80. V. Ratziu* mutants YMDD, les taux Ce travail concerne des lors que la lamivudine est remarquablement efficace médians d’ALAT et d’HBVmalades asiatiques, tous ADN étaient plus faibles porteurs du virus sauvage et bien tolérée, elle ne semble apporter qu’une qu’avant début du traiteAgHBe positif, ayant parréponse suspensive à la réplication virale B en raison ment. Il est remarquable que ticipé à une étude précédes fréquentes rechutes après son arrêt. Les essais 23 % des malades, chez qui dente (1) qui rapportait les pivotaux, qui ont compté un an de traitement, n’ont rap- la lamivudine était continuée résultats à un an du traiteporté que rarement un arrêt prolongé de la réplication malgré l’apparition du ment par la lamivudine. variant YMDD, présentaient L’objectif de ce travail était virale avec séroconversion anti-HBe. D’où l’intérêt de au bout de la deuxième de déterminer si un traitel’évaluation d’une durée plus longue de traitement, ce année de traitement une séroment “long” de deux ans qui est rapporté dans le présent travail contrôlé, bel conversion anti-HBe avec par la lamivudine était plus exemple de collaboration entre Chinois et Taiwanais ! arrêt de la réplication virale efficace et aussi bien toléré et normalisation des ALAT. qu’un traitement “court” Enfin, en termes de toléd’un an. Par conséquent, contre 83 % des patients sous placebo. Aussi, rance, aucun effet secondaire n’était signifiaprès la première année de traitement, les une normalisation soutenue des ALAT est cativement plus fréquent dans le groupe lamipatients ayant reçu la lamivudine étaient survenue chez 50 % de ceux ayant continué vudine que dans le groupe placebo. tirés au sort pour continuer à recevoir, penà recevoir de la lamivudine, contre seulement dant une année supplémentaire, soit la 8 % de ceux ayant reçu le placebo lamivudine à la même dose, soit du pla(p < 0,001). Cette action antivirale prolongée cebo. Sur les 143 patients traités par s’accompagnait d’une augmentation du taux Ces résultats suggèrent que la prolongation 100 mg de lamivudine pendant la première de séroconversion anti-HBe : 27 % après 2 du traitement par la lamivudine au-delà d’un année, 93 ont continué celle-ci et 41 ont ans versus 17 % après un an. Cependant, la an entraîne un gain d’efficacité, à la fois sur eu le placebo ; sur les 142 patients traités proportion de séroconversions anti-HBe augla réplication virale, le taux des transaminases par 25 mg de lamivudine la première mentait fortement avec le taux préthérapeuet la séroconversion anti-HBe. Cela s’exannée, ces chiffres étaient de 101 et 31 restique d’ALAT : 7 % si taux normal, 80 % si plique par le fait qu’au cours de la deuxième pectivement. taux supérieur à 5N. La prolongation au-delà année, la grande majorité (83 %) des patients L’administration de la lamivudine pendant 2 d’un an du traitement par la lamivudine bénédont le traitement avait été arrêté au bout d’un ans entraînait plus souvent un arrêt prolongé ficiait surtout aux patients ayant un taux préan ont eu une reprise de la réplication virale, de la réplication virale (définie par une négathérapeutique d’ALAT inférieur à 5N, car alors que ce n’était le cas que chez moins tivation de l’HBV-ADN par hybridation et chez ceux-là la séroconversion anti-HBe surd’un tiers des patients dont le traitement a été non par PCR) que son administration penvenait plus tardivement : 9 % après un an de continué. La négativité de l’HBV-ADN par dant une année seulement (52 % versus 5 % ; traitement versus 20 % après 2 ans. Aucun la technique employée ici ne prédit pas la p < 0,001). Seulement 31 % des patients traipatient n’a séroconverti pour l’AgHBs. non-reprise de la réplication virale ; par tés par la lamivudine 100 mg présentaient un L’incidence du variant YMDD chez les 154 conséquent, ce résultat ne saurait constituer, échappement au cours de la deuxième année, patients traités par lamivudine était de 14 % même après un an de traitement, un critère à un an et de 38 % à 2 ans et n’était pas difd’arrêt. La valeur prédictive de techniques * Service d’hépatogastroentérologie, plus sensibles comme la PCR dans la préhôpital Pitié-Salpêtrière, Paris. férente selon la dose de lamivudine. Chez les A Discussion 267 Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (14) - n° 9 - novembre 2000 GASTRO •11/00 30/08/02 9:57 Page 268 analyse commentée Analyse commentée diction des rechutes après arrêt doit être évaluée. Ce gain d’efficacité a été également documenté pour la séroconversion anti-HBe. Il n’est cependant visible que chez les malades sans ou avec une élévation modérée des transaminases (< 5 N) qui progressent de 9 à 20 % au cours de la deuxième année. Les autres patients (transaminases > 5N), d’ailleurs peu nombreux dans l’étude, ont massivement (80 %) séroconverti pendant la première année sans gain supplémentaire par la suite. Il est probable que des taux de séroconversion encore plus élevés pourraient être obtenus avec des durées plus longues de traitement : ainsi, le taux moyen de séroconversion anti-Hbe était de 40 % à 3 ans et de 47 % à 4 ans (2). Cependant, on ne peut attribuer avec certitude ce gain de séroconversion au traitement par la lamivudine lui-même, car 83 % les malades du groupe contrôle ont fini par recevoir la lamivudine au cours de la deuxième année. Une question importante est de connaître le devenir des séroconversions anti-HBe après arrêt de la lamivudine, mais cela n’a pu être évalué en raison du faible nombre de patients suivis sous placebo après séroconversion. Un autre travail a cependant rapporté que la séroconversion anti-HBe est durable, car 21 mois après l’arrêt de la lamivudine, 86 % des patients (37 sur 43) sont restés AgHBe négatif avec, chez 21 %, une séroconversion AgHBs (3). Ces résultats incitent à ne pas arrêter le traitement par la lamivudine chez les malades n’ayant pas séroconverti au bout d’un an de traitement. Toutefois, la démonstration de l’intérêt du traitement au long cours chez les malades ayant séroconverti après un an de traitement est inconnue. Les recommandations de la conférence de consensus Asie-Pacifique 2000 sont d’arrêter le traitement, après séroconversion anti-HBe, si deux prélèvements à un mois d’intervalle montrent la négativité de l’HBV-ADN par PCR (J Gastroenterol Hepatol 2000 ; 15 : 825-41). Amélioration histologique : probable mais non démontrée Les données histologiques ne sont pas disponibles dans ce travail. Ainsi, le bénéfice histologique de la prolongation du traitement par la lamivudine n’est pas documenté. Celui-ci semble cependant plausible. Les résultats des études à un an avaient montré une amélioration, portant à la fois sur le score d’activité nécroticoinflammatoire et sur le score de fibrose. L’aggravation de la fibrose, notamment, était plus rare chez les malades traités par la lamivudine (3 %) que chez ceux sous placebo (15 %) (1), avec pour conséquence, une moindre progression vers la cirrhose sous lamivudine que sous placebo (1,8 versus 7,1 %) (4). Bien que l’amélioration la plus importante survenait dans le groupe de malades ayant eu une séroconversion anti-HBe (baisse moyenne du Knodell de 6 points), une réduction significative de l’activité nécrotico-inflammatoire survenait également chez les malades n’ayant pas séroconverti (baisse de 3 points), suggérant un bénéfice histologique même en l’absence de séroconversion (5). À la lumière des résultats actuels, une question importante est de savoir si une amélioration histologique supplémentaire est possible chez les malades chez lesquels le traitement est continué après l’obtention d’une séroconversion anti-Hbe. Variants YMDD : quelle fréquence ? quelle gravité ? L’inconvénient majeur du traitement par la lamivudine est l’apparition de souches virales mutées, appelés variants YMDD, qui sont beaucoup moins sensibles à l’action de la lamivudine que les souches sauvages. Ce travail confirme l’augmentation de la prévalence des variants YMDD avec l’allongement de la durée du traitement par Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (14) - n° 9 - novembre 2000 268 la lamivudine : de 14 % à un an à 40 % à 2 ans, et ce indépendamment de la dose journalière. Avec des durées encore plus longues de traitement, la prévalence des mutants continue d’augmenter à 53 % à 3 ans et 67 % à 4 ans (4). Quelle est la gravité de ces mutants ? Des données expérimentales avaient montré in vitro que ces variants ont une capacité réplicative réduite (6), ce qui semble être confirmé dans ce travail. Bien que la réplication virale reprenne sous lamivudine chez les patients avec variant YMDD, les taux d’HBV-ADN et des transaminases sont plus faibles que les taux respectifs avant traitement. De plus, la séroconversion anti-HBe peut survenir chez une minorité de patients (23 %), ce qui entraîne une normalisation des transaminases et une perte de l’HBV-ADN (7). Dans certains cas, le variant YMDD peut ainsi disparaître (4 des 62 mutants dans cette étude). Inversement, des poussées de cytolyse (élévation des transaminases > 10 N) ont été rapportées chez environ 40 % des malades ayant développé un variant YMDD, avec, chez une minorité, une insuffisance hépatique transitoire (7). Chez les patients immunodéprimés, notamment transplantés d’organe, des évolutions plus sévères ont été rapportées (8), alors que chez les patients co-infectés par le VIH, il n’a pas été retrouvé d’aggravation clinique ou histologique malgré l’apparition de variants YMDD avec réplication virale élevée (9). La pathogénicité de ces variants YMDD reste donc débattue, et l’on attend des séries avec un nombre élevé de patients et une longue durée de suivi. Cependant, des données récentes indiquent que les variants YMDD pourraient ne pas être les seules souches virales résistantes ayant une pertinence clinique. L’apparition séquentielle de différentes souches virales correspondant à des mutations diverses et résistantes à la lamivudine a été décrite, chacune suivie d’une poussée de cytolyse perpétuant l’hépatite chronique malgré la poursuite de la lamivudine (10). GASTRO •11/00 30/08/02 9:57 Page 269 analyse commentée Analyse commentée Les recommandations actuelles devant l’apparition d’un échappement à la lamivudine sont de ne pas arrêter celle-ci. La poursuite de la lamivudine empêche la réapparition du virus sauvage, événement qui peut s’accompagner d’une décompensation hépatique sévère. Elle permet la plupart du temps un maintien du bénéfice sur la réplication virale (HBV-ADN et ALAT) et même une amélioration histologique (11). L’efficacité de l’interféron dans cette situation est inconnue. En revanche, de nouvelles molécules comme l’adéfovir semblent prometteuses (12). Références 1. Lai CL, Chien RN, Leung NWY et al. A one-year trial of lamivudine for chronic hepatitis B. N Engl J Med 1998 ; 339 : 61-8. 2. Chang TT, Lai CL, Liaw YF et al. Incremental increases in HBeAg seroconver- 8. Peters MG, Singer G, Howard T et al. Fulminant hepatic failure resulting from lamivudine-resistant hepatitis B virus in a renal transplant patient. Transplantation 1999 ; 68 : 1912-4. 9. Benhamou Y, Bochet M, Thibault V et al. Long-term incidence of hepatitis B virus resistance to lamivudine in human immunodeficiency virus-infected patients. Hepatology 1999 ; 30 : 1302-6. 10. Yeh CT, Chien RN, Liaw YF. Clearance of the original hepatitis B virus YMDD-motif mutants with emergence of distinct lamivudineresistant mutants during prolonged lamivudine therapy. Hepatology 2000 ; 31 : 1318-26. 11. Tassopoulos NC, Volpes R, Pastore G et al. Efficacy of lamivudine in patients with hepatitis Be antigen-negative/hepatitis B virus-DNA positive (precore mutant) chronic hepatitis B. Hepatology 1999 ; 29 : 889-96. 12. Benhamou Y, Bauchet M, Thibault V et al. Efficacité et tolérance de l’adéfovir. Gastroentérol Clin Biol 2000 ; 24 : 808A. sion and continued ALT normalization in Asian chronic HBV patients treated with lamivudine for four years. Antiviral Ther 2000 ; 5 : 44. 3. Schiff E, Cianciara J, Karayalein S et al. Durable AgHBe and AgHBs seroconversions after lamivudine for chronic hepatitis B. J Hepatol 2000 : 99. 4. Glaxo Wellcome. Integrated data from phase III clinical trials. EASL Meeting 2000. 5. Dienstag JL, Schiff E, Wright TL et al. Lamivudine as initial treatment for chronic hepatitis B in the United States. N Engl J Med 1999 ; 341 : 1256-63. 6. Melegari M, Scaglioni PP, Wands JR. Hepatitis B virus mutants associated with 3TC and famciclovir administration are replication defective. Hepatology 1998 ; 27 : 628-33. 7. Liaw YF, Chien RN, Yeh CT et al. Acute exacerbation and hepatitis B virus clearance after emergence of YMDD motif mutation during lamivudine therapy. Hepatology 1999 ; 30 : 567-72. ✁ abonnement abonnement Tarif 2000 Merci d’écrire nom et adresse en lettres majuscules ❏ Collectivité ................................................................................. à l’attention de .............................................................................. ❏ Particulier ou étudiant Dr, M., Mme, Mlle ........................................................................... Prénom .......................................................................................... Pratique : ❏ hospitalière ❏ libérale FRANCE / DOM-TOM et CEE ÉTRANGER (autre que CEE) ❐ 580 F collectivités (88,42 €) ❐ 700 F collectivités (127 $) ❐ 460 F particuliers (70,12 €) ❐ 580 F particuliers (105 $) (44,21 €) ❐ 410 F étudiants ❐ 290 F étudiants (75 $) joindre la photocopie de la carte ❏ autre.......................... 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