267 Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (14) - n° 9 - novembre 2000
analyse commentée
Analyse commentée
Ce travail concerne des
malades asiatiques, tous
porteurs du virus sauvage
AgHBe positif, ayant par-
ticipé à une étude précé-
dente (1) qui rapportait les
résultats à un an du traite-
ment par la lamivudine.
L’objectif de ce travail était
de déterminer si un traite-
ment “long” de deux ans
par la lamivudine était plus
efficace et aussi bien toléré
qu’un traitement “court”
d’un an. Par conséquent,
après la première année de traitement, les
patients ayant reçu la lamivudine étaient
tirés au sort pour continuer à recevoir, pen-
dant une année supplémentaire, soit la
lamivudine à la même dose, soit du pla-
cebo. Sur les 143 patients traités par
100 mg de lamivudine pendant la première
année, 93 ont continué celle-ci et 41 ont
eu le placebo ; sur les 142 patients traités
par 25 mg de lamivudine la première
année, ces chiffres étaient de 101 et 31 res-
pectivement.
L’administration de la lamivudine pendant 2
ans entraînait plus souvent un arrêt prolongé
de la réplication virale (définie par une néga-
tivation de l’HBV-ADN par hybridation et
non par PCR) que son administration pen-
dant une année seulement (52 % versus 5 % ;
p < 0,001). Seulement 31 % des patients trai-
tés par la lamivudine 100 mg présentaient un
échappement au cours de la deuxième année,
contre 83 % des patients sous placebo. Aussi,
une normalisation soutenue des ALAT est
survenue chez 50 % de ceux ayant continué
à recevoir de la lamivudine, contre seulement
8% de ceux ayant reçu le placebo
(p < 0,001). Cette action antivirale prolongée
s’accompagnait d’une augmentation du taux
de séroconversion anti-HBe : 27 % après 2
ans versus 17 % après un an. Cependant, la
proportion de séroconversions anti-HBe aug-
mentait fortement avec le taux préthérapeu-
tique d’ALAT : 7 % si taux normal, 80 % si
taux supérieur à 5N. La prolongation au-delà
d’un an du traitement par la lamivudine béné-
ficiait surtout aux patients ayant un taux pré-
thérapeutique d’ALAT inférieur à 5N, car
chez ceux-là la séroconversion anti-HBe sur-
venait plus tardivement : 9 % après un an de
traitement versus 20 % après 2 ans. Aucun
patient n’a séroconverti pour l’AgHBs.
L’incidence du variant YMDD chez les 154
patients traités par lamivudine était de 14 %
à un an et de 38 % à 2 ans et n’était pas dif-
férente selon la dose de lamivudine. Chez les
mutants YMDD, les taux
médians d’ALAT et d’HBV-
ADN étaient plus faibles
qu’avant début du traite-
ment. Il est remarquable que
23 % des malades, chez qui
la lamivudine était continuée
malgré l’apparition du
variant YMDD, présentaient
au bout de la deuxième
année de traitement une séro-
conversion anti-HBe avec
arrêt de la réplication virale
et normalisation des ALAT.
Enfin, en termes de tolé-
rance, aucun effet secondaire n’était signifi-
cativement plus fréquent dans le groupe lami-
vudine que dans le groupe placebo.
Discussion
Ces résultats suggèrent que la prolongation
du traitement par la lamivudine au-delà d’un
an entraîne un gain d’efficacité, à la fois sur
la réplication virale, le taux des transaminases
et la séroconversion anti-HBe. Cela s’ex-
plique par le fait qu’au cours de la deuxième
année, la grande majorité (83 %) des patients
dont le traitement avait été arrêté au bout d’un
an ont eu une reprise de la réplication virale,
alors que ce n’était le cas que chez moins
d’un tiers des patients dont le traitement a été
continué. La négativité de l’HBV-ADN par
la technique employée ici ne prédit pas la
non-reprise de la réplication virale ; par
conséquent, ce résultat ne saurait constituer,
même après un an de traitement, un critère
d’arrêt. La valeur prédictive de techniques
plus sensibles comme la PCR dans la pré-
* Service d’hépatogastroentérologie,
hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris.
Alors que la lamivudine est remarquablement efficace
et bien tolérée, elle ne semble apporter qu’une
réponse suspensive à la réplication virale B en raison
des fréquentes rechutes après son arrêt. Les essais
pivotaux, qui ont compté un an de traitement, n’ont rap-
porté que rarement un arrêt prolongé de la réplication
virale avec séroconversion anti-HBe. D’où l’intérêt de
l’évaluation d’une durée plus longue de traitement, ce
qui est rapporté dans le présent travail contrôlé, bel
exemple de collaboration entre Chinois et Taiwanais !
Lamivudine dans l’héptite B :
un an ou deux... ou plus ?
Liaw et al. Effects of extended lamivudine therapy in Asian patients with chronic hepatitis B. Gastroenterology 2000 ; 119 : 172-80.
V. Ratziu*
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analyse commentée
diction des rechutes après arrêt doit être
évaluée.
Ce gain d’efficacité a été également docu-
menté pour la séroconversion anti-HBe. Il
n’est cependant visible que chez les
malades sans ou avec une élévation modé-
rée des transaminases (< 5 N) qui progres-
sent de 9 à 20 % au cours de la deuxième
année. Les autres patients (transaminases
> 5N), d’ailleurs peu nombreux dans
l’étude, ont massivement (80 %) sérocon-
verti pendant la première année sans gain
supplémentaire par la suite. Il est probable
que des taux de séroconversion encore plus
élevés pourraient être obtenus avec des
durées plus longues de traitement : ainsi,
le taux moyen de séroconversion anti-Hbe
était de 40 % à 3 ans et de 47 % à 4 ans (2).
Cependant, on ne peut attribuer avec cer-
titude ce gain de séroconversion au traite-
ment par la lamivudine lui-même, car 83 %
les malades du groupe contrôle ont fini par
recevoir la lamivudine au cours de la
deuxième année. Une question importante
est de connaître le devenir des séroconver-
sions anti-HBe après arrêt de la lamivu-
dine, mais cela n’a pu être évalué en rai-
son du faible nombre de patients suivis
sous placebo après séroconversion. Un
autre travail a cependant rapporté que la
séroconversion anti-HBe est durable, car
21 mois après l’arrêt de la lamivudine,
86 % des patients (37 sur 43) sont restés
AgHBe négatif avec, chez 21 %, une séro-
conversion AgHBs (3). Ces résultats inci-
tent à ne pas arrêter le traitement par la
lamivudine chez les malades n’ayant pas
séroconverti au bout d’un an de traitement.
Toutefois, la démonstration de l’intérêt du
traitement au long cours chez les malades
ayant séroconverti après un an de traitement
est inconnue. Les recommandations de la
conférence de consensus Asie-Pacifique
2000 sont d’arrêter le traitement, après
séroconversion anti-HBe, si deux prélève-
ments à un mois d’intervalle montrent la
négativité de l’HBV-ADN par PCR (J Gas-
troenterol Hepatol 2000 ; 15 : 825-41).
Amélioration histologique :
probable mais non démontrée
Les données histologiques ne sont pas
disponibles dans ce travail. Ainsi, le
bénéfice histologique de la prolongation
du traitement par la lamivudine n’est pas
documenté. Celui-ci semble cependant
plausible. Les résultats des études à un an
avaient montré une amélioration, portant à
la fois sur le score d’activité nécrotico-
inflammatoire et sur le score de fibrose.
L’aggravation de la fibrose, notamment,
était plus rare chez les malades traités par
la lamivudine (3 %) que chez ceux sous
placebo (15 %) (1), avec pour consé-
quence, une moindre progression vers la
cirrhose sous lamivudine que sous placebo
(1,8 versus 7,1 %) (4). Bien que l’amélio-
ration la plus importante survenait dans le
groupe de malades ayant eu une séro-
conversion anti-HBe (baisse moyenne du
Knodell de 6 points), une réduction signi-
ficative de l’activité nécrotico-inflamma-
toire survenait également chez les malades
n’ayant pas séroconverti (baisse de
3points), suggérant un bénéfice histolo-
gique même en l’absence de séroconver-
sion (5). À la lumière des résultats actuels,
une question importante est de savoir si une
amélioration histologique supplémentaire
est possible chez les malades chez lesquels
le traitement est continué après l’obtention
d’une séroconversion anti-Hbe.
Variants YMDD :
quelle fréquence ? quelle gravité ?
L’inconvénient majeur du traitement par
la lamivudine est l’apparition de souches
virales mutées, appelés variants YMDD,
qui sont beaucoup moins sensibles à l’ac-
tion de la lamivudine que les souches sau-
vages. Ce travail confirme l’augmentation
de la prévalence des variants YMDD avec
l’allongement de la durée du traitement par
la lamivudine : de 14 % à un an à 40 % à 2
ans, et ce indépendamment de la dose jour-
nalière. Avec des durées encore plus
longues de traitement, la prévalence des
mutants continue d’augmenter à 53 % à
3ans et 67 % à 4 ans (4). Quelle est la gra-
vité de ces mutants ? Des données expéri-
mentales avaient montré in vitro que ces
variants ont une capacité réplicative réduite
(6), ce qui semble être confirmé dans ce tra-
vail. Bien que la réplication virale reprenne
sous lamivudine chez les patients avec
variant YMDD, les taux d’HBV-ADN et
des transaminases sont plus faibles que les
taux respectifs avant traitement. De plus, la
séroconversion anti-HBe peut survenir chez
une minorité de patients (23 %), ce qui
entraîne une normalisation des transami-
nases et une perte de l’HBV-ADN (7). Dans
certains cas, le variant YMDD peut ainsi
disparaître (4 des 62 mutants dans cette
étude). Inversement, des poussées de cyto-
lyse (élévation des transaminases > 10 N)
ont été rapportées chez environ 40 % des
malades ayant développé un variant
YMDD, avec, chez une minorité, une insuf-
fisance hépatique transitoire (7). Chez les
patients immunodéprimés, notamment
transplantés d’organe, des évolutions plus
sévères ont été rapportées (8), alors que
chez les patients co-infectés par le VIH, il
n’a pas été retrouvé d’aggravation clinique
ou histologique malgré l’apparition de
variants YMDD avec réplication virale éle-
vée (9). La pathogénicité de ces variants
YMDD reste donc débattue, et l’on attend
des séries avec un nombre élevé de patients
et une longue durée de suivi. Cependant,
des données récentes indiquent que les
variants YMDD pourraient ne pas être les
seules souches virales résistantes ayant une
pertinence clinique. L’apparition séquen-
tielle de différentes souches virales corres-
pondant à des mutations diverses et résis-
tantes à la lamivudine a été décrite, chacune
suivie d’une poussée de cytolyse perpétuant
l’hépatite chronique malgré la poursuite de
la lamivudine (10).
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Les recommandations actuelles devant
l’apparition d’un échappement à la lami-
vudine sont de ne pas arrêter celle-ci. La
poursuite de la lamivudine empêche la
réapparition du virus sauvage, événement
qui peut s’accompagner d’une décompen-
sation hépatique sévère. Elle permet la
plupart du temps un maintien du bénéfice
sur la réplication virale (HBV-ADN et
ALAT) et même une amélioration histo-
logique (11). L’efficacité de l’interféron
dans cette situation est inconnue. En
revanche, de nouvelles molécules comme
l’adéfovir semblent prometteuses (12).
Références
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Incremental increases in HBeAg seroconver-
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during lamivudine therapy. Hepatology
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8. Peters MG, Singer G, Howard T et al.
Fulminant hepatic failure resulting from
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renal transplant patient. Transplantation
1999 ; 68 : 1912-4.
9. Benhamou Y, Bochet M, Thibault V et al.
Long-term incidence of hepatitis B virus resis-
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1999 ; 30 : 1302-6.
10. Yeh CT, Chien RN, Liaw YF. Clearance of
the original hepatitis B virus YMDD-motif
mutants with emergence of distinct lamivudine-
resistant mutants during prolonged lamivudi-
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11. Tassopoulos NC, Volpes R, Pastore G et
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hepatitis Be antigen-negative/hepatitis B
virus-DNA positive (precore mutant) chronic
hepatitis B. Hepatology 1999 ; 29 : 889-96.
12. Benhamou Y, Bauchet M, Thibault V et
al. Efficacité et tolérance de l’adéfovir.
Gastroentérol Clin Biol 2000 ; 24 : 808A.
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